Enter The Void
Au commencement étaient les Spacemen 3, avec ses deux têtes pensantes et chercheuses, Jason Pierce et Peter « Sonic Boom » Kember. Trop d’egos au mètre carré et split du groupe.
Jason Pierce monte son propre projet, Spiritualized,
en fait les Spacemen 3 moins Kember. Autant dire qu’on navigue en terrain déjà
connu. Les tempo ralentis, les guitares bourdonnantes qui tournent en boucle
sur quelques notes, les mélodies languides, l’influence du Velvet, des Jesus
& Mary Chain, du shoegazing, les échafaudages sonores à la Brian Wilson,
les relents de gospel halluciné …
« Lazer guided melodies » est le premier
disque de Spiritualized. Qui sonne comme s’il avait été enregistré d’une
traite, alors qu’il résulte de pratiquement deux ans de séances en studio. Un
disque bizarre, déroutant, limite dérangeant. Conçu comme un trip sous
hallucinogènes, et quand on connaît les antécédents de Pierce et ses rapports
avec toutes sortes de substances chimiques, on sent le vécu …
Un début fait de morceaux courts, faciles d’accès,
quasiment très radiophoniques. La lentissime et sublime ballade d’ouverture,
« You know it’s true », descent en droite ligne du troisième Velvet.
« I want you » n’a rien à voir avec Dylan, mais beaucoup avec Jesus
& Mary Chain et Primal Scream, à un moment, on jurerait que The Edge est
venu faire une pige à la gratte, avant que le titre s’abîme dans un fracas
funhousien. « If I were with her now » , malgré son côté chanson,
joue avec nos nerfs, son mid-tempo avec un seul accord de guitare sursaturée
lui confère une violence latente …
Au bout du troisième titre, les fêlures
apparaissent, les psychotropes commencent à faire effet. « Run » est
… je sais pas trop, un boogie techno peut-être, auquel viennent s’enchaîner une
paire de titres irréels, cotonneux. Et puis, à partir de « Symphony
space », c’est vraiment parti pour le trip mystique et halluciné. La durée
des titres s’allonge sensiblement, les ambiances deviennent planantes,
oniriques, et Jason Pierce se mue en un Jerry Garcia des nineties, pilotant son
vaisseau vers quelque dark star que lui seul semble voir. Au fil des morceaux,
le plus souvent enchaînés, les basses deviennent bourdon, les guitares
moulinent métronomiquement le même accord qui devient mantra, la batterie n’est
plus qu’une pulsation cardiaque, la voix quand elle est là, est toujours
lointaine et brumeuse. Quelque mauvais karma fait parfois rugir les guitares
(la fin de « Angel sigh ») avant qu’une sorte de gospel (une des
marottes de Pierce) autiste, marque la fin du voyage (illumination, ou bien le
dream est-il over ?). Retour sur Terre avec le final de « 200
Bars » qui renoue avec la pop entrevue au début du disque…
Il est certain que ce « Lazer … » ,
qu’on pourrait méchamment réduire à un disque de new age farineuse, a été conçu
pour inciter au rêve, à la planerie, à la méditation. Il doit s’écouter d’une
traite et pas en mode « lecture aléatoire », l’ordre des morceaux,
leur enchaînement est primordial. Pendant que je l’écoutais, j’ai souvent pensé
au film de Gaspar Noé, « Enter The Void », et à sa B.O. On retrouve
dans le Cd de Spiritualized, cette langueur morbide, ces sons comme aquatiques,
cette longue dérive de l’âme du trépassé Oscar au-dessus du Tokyo nocturne
avant qu’elle se rematérialise … Et pourtant j’étais à jeun …
Quand même une réserve, et pas petite, la même
d’ailleurs que pour le film de Noé. C’est extrêmement original, mais aussi
hyper chiant. Spiritualized affinera son propos, toujours selon les mêmes
ingrédients, avant de produire son chef-d’œuvre (« Ladies & Gentlemen,
we are floating in space », … what else ?). Pour Noé, c’était déjà
fait, ça s’appelait « Irréversible » …
Des mêmes sur ce blog :
Ladies And Gentlemen We Are Floating In Space
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Le guitariste John Coxon évolue aussi dans le duo "batterie & basse" (puis jazz contemporain) Spring Heel Jack, cela nous interpelle donc quelque part...
RépondreSupprimerCela sous-entendrait-il que le spécialiste incontestable des 90's ne connaissait pas ce disque de Spiritualized ?
RépondreSupprimerDe nom seulement, j'en ai écouté deux parmi les suivants ("Let it come down" et "Amazing grace"). Pas mal mais pas indispensable for me...
RépondreSupprimerGaspard Noé est un réalisateur tout à fait merdique, et très bête. Irréversible est une bonne bouse. Just sayin'...
RépondreSupprimer"Gaspard Noé est un réalisateur tout à fait merdique, et très bête. Irréversible est une bonne bouse"
RépondreSupprimer+1
Et si j'étais fan de Spiritualized, ça me ferait bien iech de voir citer ce gros baltringue dans un article les concernant.
RépondreSupprimerPromis, un jour j'écoute Spiritualized. Ca fait 10 ans que je me dit que je vais les écouter.
Ben, écoute d'abord et puis on reparlera de ma comparaison ...
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