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THE FLYING BURRITO BROTHERS - THE GILDED PALACE OF SIN (1968)

 

Stratosphérique ...

Bon, faut essayer de pas être trop bordélique. Et commencer par le commencement. Au commencement fut donc Roger McGuinn. Leader, guitariste, chanteur et fondateur (mais pas vraiment compositeur, ça aura son importance, voir plus bas) des Byrds. C’était au mitan des années 60 aux Etats-Unis. Lesquels Etats-Unis qui avaient inventé le rock’n’roll une décennie plus tôt étaient en proie à la British Invasion. Les envahisseurs se nommaient Beatles, Rolling Stones, Who, Kinks, Animals, Pretty Things, Them, Yardbirds, pour les plus cotés. Et en face, ils avaient quoi à proposer les Ricains ? Des morts (Eddie Cochran, Buddy Holly), des qui faisaient des films (Elvis), des qui disaient la messe (Petit Richard), des qu’étaient pas au mieux (Chuck Berry, Jerry Lee Lewis, Johnny Cash, …), mais des groupes, que dalle. Enfin que dalle de connu. Il y avait dans plein de garages des minots qui copiaient les Anglais, certains arrivaient à sortir des disques, étaient parfois connus dans leur Etat, mais jamais au niveau national. Voir toutes les compiles Nuggets, Peebles, Back to the grave, … qui ont réhabilité tous ces Seeds, Sonics, Remains, 13th Floor Elevators, Count Five, … dont certains valaient bien mieux que l’anonymat qui les entourait.

Sneeky Pete, Parsons, Etheridge, Hillman : FBB

Connus nationalement, il n’y en avait que deux : les Beach Boys qui à cette époque faisaient du Chuck Berry en version Club Med, et les Byrds donc. Qui faisaient du Dylan électrique avant que l’intéressé y pense. Les Byrds, c’est une sorte de Who’s Who du rock américain. La plupart de ceux qui y sont passés ont été plus connus et appréciés que McGuinn, qui a pas supporté ça, et a congédié à tour de bras ces soi-disant accompagnateurs de son immense talent (le type avait le melon) qui lui faisaient de l’ombre. Exit les Gene Clark, David Crosby, Chris Hillman, Gram Parsons. Problème, la plupart des éjectés étaient de grands compositeurs qui définissaient les Byrds, et à ce jeu de chaises musicales le groupe partait dans toutes les directions. Virage majeur en 1968, quand Chris Hillman prend le leadership dans l’écriture, et rameute son pote Gram Parsons.

Gram Parsons est issu d’une riche famille et vivote dans l’oublié International Submarine Band. Dans les Byrds, lui et Hillman vont initier le virage qu’on appellera country-rock de la musique pour jeunes, qui se concrétisera avec l’hyper essentiel « Sweetheart of the rodeo ». Parsons participe à l’écriture, chante, fait les chœurs. Mais le couillon a oublié que son International Submarine Band était sous contrat avec un label qui menace de procès. La vénérable Columbia, maison de disque des Byrds, « suggère » que toutes les parties jouées ou chantées par Parsons soient effacées et refaites par quelqu’un d’autre (on trouve ces versions censurées sur les rééditions Cd du disque). Evidemment Parsons se casse des Byrds, suivi quelques semaines plus tard par Hillman.

Les deux s’acoquinent avec quelques compères et donnent naissance aux Flying Burrito Brothers. Officiellement composé de Parsons (chant, guitare, claviers), Hillman (Chant, guitare, mandoline), Chris Etheridge (basse, piano) et Sneeky Pete (steel guitare), les FBB s’adjoignent pour « The gilded palace of sin » leur premier disque studio, quatre batteurs différents. Contrairement aux Byrds, les FBB sont une page blanche, n’ont pas d’historique. Ils peuvent donc faire ce qu’ils ont envie de faire.

Parsons & Hillman

« The gilded palace of sin » est un disque qui se regarde avant de s’écouter. Pochette marquante. On y voit outre deux nanas (devant la cabane au fond du jardin ? comme dirait Cabrel, le Dylan d’Astaffort) les quatre FBB dans un décor rustique et champêtre. C’est pas le décor qui compte. Les quatre sont habillés Nudies. Pour ceux qui s’habillent Shein, un mot sur Nudies. Nudie Cohn est une couturière Ukrainienne exilée à Los Angeles. Sa particularité, elle fait des vêtements personnalisés (généralement des costumes veste + pantalon) avec des motifs brodés. Des fringues plutôt voyantes, qui ont séduit les countrymen dans un premier temps (premier célèbre « mannequin » de la marque, Porter Wagoner, compagnon de chant de Dolly Parton), les rednecks riches (John Wayne, Elvis Presley), avant la commande de Gram Parsons. Même si les trois autres font pas dans la sobriété, la tenue de Parsons deviendra légendaire (elle est même conservée comme une relique dans je ne sais plus quel musée ou espace culturel). Sur fond blanc sont brodés pavots, pousses de marijuana, cachets multicolores et sur le dos une grande croix rouge. Péchés opiacés et recherche de rédemption, tout le personnage du Grievous Angel est dans ces fringues.

Euh mec, t’étais pas là pour causer du disque, tu commences à nous gonfler avec tes fripes … Bon, bon, suffit de demander …

« The gilded palace of sin », on y revient au péché. Et le disque commence par « Christine’s tune », et jette les bases d’un country-rock pépère qui sera la marque de fabrique des FBB (et de tous ceux qui suivront leurs traces, on y reviendra si j’y pense). Question, qui est Christine ? Aucun du groupe n’a jamais donné son nom, et les supputations sont allées bon train sur ce « devil in disguise ». Deux noms reviennent avec insistance, Christine Frka (la Miss Christine des GTO’s, celle qui pose sur la pochette du « Hot rats » de Zappa), et Christine Hinton, alors petite amie de David Crosby. Qui rappelons-le a fait ses débuts dans les Byrds. Et qui viendra passer un petit coucou vocal aux FBB en faisant les chœurs (non crédités à l’époque de la sortie du disque, la leçon Parsons a été retenue) sur « Do right woman ».


Super transition Lester, ça va te permettre d’expliquer en quoi le country-rock des Frères Burrito est différent de celui des Oyseaux. Facile, c’est dans les reprises qu’il faut chercher les approches différentes. Les Byrds de « Sweetheart … » reprenaient Dylan (leur marque de fabrique) ou du Louvin Brothers (leur extraordinaire version de « Christian life »). Du folk et de la country, de la musique plus blanche tu peux pas. Les deux reprises de « Gilded palace … » (toutes les deux cosignées par l’immense Dan Penn) sont « Do right woman » et « Dark end of the street », deux hits respectivement par Aretha Franklin et James Carr. Deux voix soul. Faut vraiment que je développe ? Ces deux reprises sont les deux sommets du disque (parmi beaucoup d’autres, voir plus bas). « Do right woman » évite l’écueil de la tentative d’imitation de l’explosivité vocale de l’Aretha, ça devient un superbe tempo très ralenti. Traitement à peu près identique pour « Dark end … » qui mue en ballade belle à pleurer.

Comme chez les Byrds, la mise en place vocale des FBB est impeccable. Parsons et Hillman chantent soit lead soit en duo à l’unisson, des chœurs (overdubs ?) viennent parfois les soutenir. On passe de la pure ballade country « Sin City » à la country plus roots (My uncle »), toujours dans la même veine au titre éternel pour chialer dans sa bière (« Juanita »). Et puis les Stones d’ « Exile … » (« Sweet Virginia », ce genre de choses) sont anticipés avec « Do you know what it feels » (rappelons que l’hédonisme forcené et les références country de Parsons en avaient fait le compagnon de défonce préféré de Keith Richards qu’il avait accompagné à Nellcote, ceci explique beaucoup de choses sur la musique des Stones à l’époque).

Au rayon merveilles, ne surtout pas oublier les deux « Hot Burrito ». Le « Hot Burrito #1 », c’est chanté par Parsons seul et c’est rien de moins que le « Whiter shade of pale » américain. Frissons garantis. « Hot Burrito #2 », c’est beaucoup plus rock que country, quand Hillman vient parasiter une superbe mélodie par des accords rageurs de guitare fuzz, c’est le titre le plus bruyant du disque, une sorte de fanfare psychédélique déjantée (pléonasme ?).


Reste deux titres sur lesquels j’accroche moins. « Wheels » est juste bon, donc un ou plusieurs tons en-dessous des autres. Le final (et aussi le morceau le plus long, presque cinq minutes) « Hippie boy », titre parlé façon Last Poets sur fond de piano et d’orgue est celui qui rattache les FBB à leur époque (1968) et assez logiquement le plus daté et forcément le moins intemporel.

« The gilded palace of sin » est aussi crucial que « Sweetheart of the rodeo ». S’il ne faut pas sous-estimer l’apport de leurs complices dans les deux groupes, force est de reconnaître que Hillman et Parsons ont accouché d'un genre. Leurs disciples (avoués ou pas) trusteront pendant des années le sommet des charts (américains d’abord, le country-rock voyageant plutôt mal hors des States, quand il s’aseptisera dans la seconde moitié des seventies, le succès sera mondial). Parmi les plus connus qui doivent beaucoup sinon tout à ces deux rondelles, Crosby, Stills, Nash & Young, Poco, America, Eagles, Doobie Brothers, et tous leurs semblables. Le courant que l’on baptisera soft-rock n'en est pas très loin (James Taylor, Boz Scaggs, Christopher Cross, le Fleetwood Mac « américain », …).

Les Flying Burrito Brothers ont traversé les décennies sous divers avatars (Burrito Brothers, Burrito Deluxe, Burrito, …), donnent encore des concerts. Sans évidemment Gram Parsons ni Chris Hillman, partis après le disque suivant (« Burrito Deluxe »), siamois par la qualité de ce « Gilded palace of sin », juste l’effet précurseur en moins …





JIMMIE VAUGHAN - DO YOU GET THE BLUES ? (2001)

 

Big Brother ...

Donc Jimmie Vaughan est le frère aîné de Stevie Ray Vaughan (vous savez le Texan affublé d’un Stetson à sequins qui se prenait pour Jimi Hendrix et qui a mouru dans un accident de coléoptère). Et si le Stevie Ray a donné dans le belouze, c’est peut-être grâce à Jimmie. Qui a commencé à faire parler de lui au tout début des années 80 au sein des Fabulous Thunderbirds, dont il était guitariste et chanteur, tout comme l’homme de base du groupe, Kim Wilson, le seul qui persiste de la formation originale.


Si vous regardez sur Wikimachin, on vous dira que les Fab T-Birds sont un groupe de blues. Soit. J’ai une paire de leurs rondelles, fort recommandables au demeurant, et si le blues est là, c’est surtout à travers sa descendance « modernisée », le rhythm’n’blues, le rock(‘n’roll), les sons mis au goût du jour, un peu l’équivalent dans le rustique genre que ce que les Stray Cats faisaient au rockab ou les Lone Justice à la country … Tout ça pour situer les origines du bonhomme Jimmie Vaughan.

Quand son frangin a fait une Balavoine, Jimmie a raccroché un temps les guitares, quitté les Thunderbirds, et quelques années plus tard, commencé à publier des disques solo. Il est raisonnable de penser qu’il n’a jamais envisagé de se reconvertir dans le djying techno, blues un jour, blues pour toujours.

Déjà rien que le titre de la rondelle (sa troisième solo) annonce la couleur. Et la liste des remerciements, longue comme l’annuaire d’Austin à la page des Smith, commence par John Lee Hooker, et pour ceux qui donnent dans la musique, recense un tas de gloires passées ou encore en activité des douze mesures. « Do you get the blues ? » a pourtant peu à voir avec le Hook et ses disciples. En fait, c’est un disque plutôt plaisant (non pas que Hooker et ses descendants n’aient pas fait de grandes choses), différent des blues roots que tout un tas de laborieux (catalogue sur demande) s’acharnent à copier et faire perdurer.

« Do you get the blues ? » risque de décontenancer les ayatollahs des douze mesures et des guitar heroes grimaçants qui vont avec. Jimmie Vaughan n’a pas une voix exceptionnelle, et surtout c’est un guitariste beaucoup plus rythmique que soliste. Oubliez les descentes de manche supersoniques, la saturation à tous les étages, le Jimmie il s’accompagne à la guitare électrique et laisse la virtuosité à ceux qui n’ont que ça…

C’est pas non plus le roi de l’écriture, n’espérez pas trouver ici le morceau qui va changer votre vie. Jimmie Vaughan, c’est pas le trois étoiles Michelin guindé et ignoré, c’est la brasserie du coin, où le patron est sympa, l’ambiance bonne, le morceau de barbaque goûteux et le pinard pas (trop) cher …

La formation de base qui joue sur ce disque, c’est le Jimmie donc, plus le batteur George Rains et le manieur de Hammond B3 Bill Willis. Auxquels se rajoutent de temps en temps un bassiste (sur deux titres), un sax ou un percussionniste (sur un titre). Et pour rester dans la famille, fiston Tyrone vient gratouiller sur un morceau, et la section rythmique de Double Trouble, feu groupe de Stevie Ray (Shannon et Layton), sur la reprise du « In the middle of the night » de Johnny Guitar Watson.

Lou Ann Barton & Jimmie Vaughan

« In the middle of the night », c’est la masterpiece du disque. Parce qu’en plus y’a la Lou Ann Barton venue en voisine (la connexion texane) pousser la goualante. Ah, Lou Ann Barton. Il y a quelques décennies un physique impeccable et des cordes vocales en acier. Autre chose que l’encensée rondouillarde tatouée Beth Hart (seule ou avec le pénible Bonamachin). Barton, à presque cinquante ans au moment des faits, reste encore une voix qui semble s’être bonifiée avec le temps. Et elle illumine deux autres titres (« Power of love », reprise de je ne sais qui, merci si quelqu’un a l’info, et le premier qui dit Céline Dion, Frankie Goes to Hollywood ou Huey Lewis se prend une torgnole), et fait des chœurs époustouflants sur « Out of the shadows ». En fait c’est elle qui justifie l’achat de ce disque …

Parce que le reste, c’est sympa sans plus, en tout cas pas exceptionnel. Avec des passages obligés, la partie de slide sur « The deep end », le titre au tempo ralenti ah que ça fait mal parce qu’elle est partie (« Without you »), le clin d’œil funky (« Let me him »), une paire d’instrumentaux prévisibles où le B3 se taille la part du lion (« Dirty girl », « Slow down blues »), une sortie de route vers une sorte de bouzin afro-cubain (« Planet bongo ») …


La production est près de l’os, y’a pas eu des kilomètres de bandes d’overdubs, pas de sorcier des consoles de mixage recrutés, ça a été enregistré beaucoup dans le Texas, un peu dans le Tennessee, c’est paru sur un petit label (Artemis Records), distribué parcimonieusement par Epic qui on le sent, n’a pas fait de ce disque sa priorité commerciale.

« Do you get the blues ? », ça figurera pas sur les listes de disques indispensables, c’est un peu longuet sur la durée (plus de cinquante minutes pour onze titres), c’est sauvé du quelconque par Lou Ann Barton. Face aux grosses machines du genre promues à grands coups de qualificatifs superfétatoires, ça fait figure d’artisanal. Et l’artisanat, ma foi, j’ai rien contre. Disque mineur, sans prétention, mais somme toute plutôt sympathique …


BILLY BRAGG - TALKING WITH THE TAXMAN ABOUT POETRY (1986)

 

Prolétaires de tous pays etc ...

Billy Bragg, c’est un peu le dernier troubadour. Un genre en voie de disparation (disparu ?), un descendant des Jonathan Richman, du Dylan des débuts, de tous ceux qui y ressemblent, et des vénérables ancêtres Pete Seeger et Woody Guthrie. Parenthèse : avec les géniaux Wilco, il mettra en musique des textes de Guthrie inédits (l’indispensable « Mermaid Avenue » et sa suite « Mermaid Avenue 2 » moins cruciale).

Billy Bragg est apparu sur la scène musicale anglaise au début des années 80, et évidemment pas dans l’air du temps. En plus d’être un folkeux engagé, il se double d’un romantique sentimental (il est amoureux d’Ingrid Bergman, oui, celle de Casablanca et un temps Mme Rossellini, amour platonique puisqu’elle est morte alors qu’il commençait sa carrière). Comme si ça ne suffisait pas pour faire de lui un cas social assez atypique, il va faire dans la politique, au sens noble du terme. Avoir la vingtaine dans les années Thatcher, ça a quand même tendance à radicaliser le propos …

Billy Bragg à l'ombre de Lincoln

Avec Paul Weller (ex Jam, à ce moment-là Style Council) et Jimmy Sommerville (ex Bronski Beat et là dans les Communards), Bragg va fonder le Red Wedge, au départ mouvement artistique de soutien au Labour Party, qui, plus Miss Maggie faisant des ravages sociaux, plus il attirera de monde, culminant par des tournées sous étiquette Red Wedge de nombreux artistes ayant rejoint le mouvement avant les législatives de 1987 qui se traduiront par … une victoire écrasante des conservateurs thatchériens (la troisième consécutive, un record).

Quand paraît « Talking with the taxman about poetry », joli titre de disque, discuter poésie avec un contrôleur des impôts, c’est pas la première chose qui vient à l’esprit quand on est face à l’administration, et ça le sera encore moins quand la Thatcher mettra en place à la fin de la décennie l’ignoble poll tax (qui causera en partie sa perte). « Talking … » dans sa pochette originale était sous-titré « le difficile troisième album ». Bragg commençait à être sinon célèbre du moins connu et il fallait convaincre, encore (plus) et toujours (plus). Et pas se louper …

Comme je connais pas ses deux premières rondelles, je peux pas comparer. Dans icelle, y’a un peu de tout. A mon sens construite comme un vinyle, une première partie plutôt dépouillée dans la grande tradition folk, alors que le final est beaucoup moins rêche, dans une configuration « groupe ». Je vais avancer dans le brouillard, ce qui me changera pas trop de la météo, parce que le Cd de Billy Bragg que j’ai, c’est une réédition avec une rondelle bonus, dont je vous dirai quelques mots si j’y pense. Problème, si ces titres bonus sont assez documentés niveau infos sur le livret, le « Talking … » original, que dalle. Juste les titres des morceaux, aucune info sur ceux qui accompagnent Bragg, pas les paroles des chansons, ce qui est très couillon quand on est face à un gars qui a « du texte ». Un grand majeur dressé à l’attention du label Cooking Vinyl, responsable et coupable de cette réédition. Mais que mes contempteurs se rassurent, c’est pas parce que j’ai rien à dire que je vais fermer ma gueule …

J’ai pioché à droite à gauche (surtout à gauche, toujours à gauche) qu’il y avait sur « Talking … » la présence de Johnny Marr des Smiths, Bragg ayant dans ses débuts ouvert pour la bande à Morrissey, ceci explique cela (mais sur quels titres joue Marr ? mystère mais il y a quelques parties « tranchantes » de gratte, je suppose que c’est lui), et de Kirsty McColl (Mme Lillywhite pour l’état-civil et si vous savez pas qui est Steve Lillywhite, révisez vos années quatre vingt) que même en tendant l’oreille, j’ai pas vraiment réussi à entendre dans les chœurs …

Johnny Marr & Billy Bragg

Donc Billy Bragg sur disque, c’est un mix entre crooner pop, protest singer, et déclameur de slogans marxistes hooliganesques. Ça peut paraître indigeste, mais ça ne l’est pas. Juste parfois un peu décousu …

Le titre qui s’inscruste le plus facilement dans la mémoire est le premier « Greetings for the new brunette », joli single pop en forme d’hymne (ou plutôt d’ode à une certaine Shirley) malgré un accompagnement minimaliste. Autre hommage, cette fois-ci pas à une brunette, « Levi’s Stubbs tears », Levi Stubbs étant pour ceux qui avaient pris musiques électroniques en première langue, le chanteur lead des Four Tops (une vieille obsession anglaise depuis les mods des sixties pour la soul américaine). Bien dans l’air du temps eighties, « The warmest room », avec ses couplets vaguement reggae et les refrains braillés, fait penser à Joe Jackson ou Elvis Costello à leurs débuts. J’aime bien aussi « There is power in the union », hymne-slogan juste accompagné par une guitare solo carillonnante (genre les contemporains Alarm et Big Country) qui évoque aussi la défenestration du « Star spangled banner » par Hendrix à Woodstock. Dans le genre slogan, on a aussi le radical « Ideology » voix très en avant et l’ultime « The home front », protest song linéaire et électrique.

Parfois, ce disque part un peu dans tous les sens, comme la reprise façon blues mutant du « Train train » des oubliés et oubliables Count Bishops, « The marriage » sorte de reggae au tempo mariachi qui renvoie aux brûlots sociaux des Specials. Sur un titre (« Honey I’m a big boy now »), un piano remplace la guitare acoustique ou électrique (ou acoustique électrifiée) pour assurer la mélodie lead, un autre a des relents celtiques (« Wishing the days away »), un autre (« Help save the youth of America ») fait penser aux slogans braillards de l’infect « Cut the crap », mais Bragg s’en sort mieux (c’est plus dépouillé, sur un tempo proche de celui de « Bankrobber ») que le bon vieux Joe Strummer et les bourrins qui l’accompagnaient pour ce dernier tour de piste honteusement étiqueté Clash.

Singin' in the rain Billy Bragg live

« Talking … » n’a rien de transcendant, n’est nullement indispensable, c’est juste un bon disque « militant » avec à la louche une moitié de titres plutôt pas mal, le reste relevant de l’anecdotique.

La rondelle bonus contient outre quelques démos et versions alternatives une paire de titres basés sur un duo guitare acoustique – mandoline (Bragg et un certain Hank Wagford) deux reprises, une de l’inévitable Woody Guthrie (« Deportee ») et une autre assez décalée du « Sin City » des Flying Burrito Brothers. Rien de réellement superflu, mais rien de renversant non plus.

« Talking … » c’est le genre de disques qui traverse mal les années. Nul doute qu’il était beaucoup plus important, voire d’une certaine façon crucial en termes d’engagements militants au moment de sa sortie. Presque quarante ans plus tard, il est évidemment beaucoup moins dans l’air du temps … A ranger à côté de la VHS du Live Aid …



Du même sur ce blog :

PULP - DIFFERENT CLASS (1995)

 

Premier arrivé ...

Pulp, c’est le siècle dernier, l’Angleterre (Sheffield, le bled à – entre autres – un autre Cocker, Joe), catégorie britpop. Enfin, c’est à cette époque-là qu’on les a connus chez eux, avec leur disque précédent d’abord, et ce « Different  class » surtout.

Dites-le avec des fleurs : Jarvis Cocker

Chez nous, les Gaulois réfractaires, la révélation est arrivée lorsque Jarvis Cocker (Pulp à peu près à lui tout seul), lors de la cérémonie des Brit Awards 96, est venu foutre le souk sur scène alors que Michou Jackson (évidemment entouré d’une chorale de gosses, les juges allaient bientôt s’intéresser à son cas) interprétait une de ses rengaines molles de l’époque. Crime de lèse-majesté, le trublion filiforme s’était moqué du King of Pop … et beaucoup dans le petit monde du pop-rock-machin avaient judicieusement (peureusement ?) botté en touche quand on leur demandait leur avis sur l’incident.

Bon, il avait le droit de se lâcher et de tout se permettre, le Jarvis, parce que cette fois-ci, ça y était, il était quelqu’un de connu grâce à son groupe Pulp (au moins en Angleterre, et un peu en Europe). Pulp, tout le monde vous dira que c’est de la britpop. Maintenant que toute cette affaire est terminée, Pulp a bien fait partie de la britpop. Mais en seconde division. Parce que ceux qui jouaient la Champions League, c’étaient Blur et Oasis. Et derrière, Pulp avait fort à faire pour s’extirper d’un peloton d’outsiders qui se nommaient Suede, Verve, Supergrass. Et d’ailleurs Pulp n’y est pas vraiment arrivé à s’extirper du peloton, les trois autres ayant eu à un moment ou un autre plus de succès qu’eux.

Donc Pulp c’est Jarvis Cocker avec un backing band. La première mouture du groupe remonte au début des années 80, et les sites dédiés qui recensent les participants de l’aventure Pulp à un moment ou à un autre comptabilisent des dizaines de musiciens ayant participé au groupe. Lors de la parution de « Different class », ils sont six (basse, batterie, deux guitares, une claviériste et Cocker en multi-instrumentiste et chant lead). Ils posent sur la photo de la pochette maritale et sont faciles à reconnaître, ils sont en gris au milieu des endimanchés).

Pulp 1995

Jarvis Cocker cultive une sorte d’aristocratie réformiste. So british à la Ray Davies, une jeunesse de lumpenprolétaire (il a vécu d’allocs et habitait dans des squats) mais qui a toujours soigné son apparence, et un militantisme (à gauche) très présent dans ses textes.

« Common people » est la pièce de choix de « Different class ». D’une durée plutôt déraisonnable pour un single (près de six minutes), le titre intrigue par son intro mi-parlée mi-chantée. Par contre, quand arrive le refrain suivi par un magnifique crescendo, force est de reconnaître que sa position vers le haut des charts est tout à fait méritée. La chanson parle d’une fille de la haute, qui pour changer, a envie de se faire un common people (un type ordinaire, pour ceux qui avaient pris andorran en première langue). Depuis sa sortie, Cocker ayant avoué qu’il avait une fille bien réelle en tête lorsqu’il a écrit le morceau, on ne compte plus les spéculations sur cette fille de la haute société, certaines connaissances de Cocker ayant « avoué » qu’elles étaient cette personne (manière de faire parler d’elles), tandis que d’autres plus plausibles se taisaient ou niaient …

Mais bon, en ces temps-là où la concurrence était rude et de qualité, il fallait plus qu’un bon titre pour faire vendre une rondelle argentée. Ça tombe bien, Jarvis Cocker avait un autre machin imparable dans sa manche, « Disco 2000 ». Qui évidemment, connaissant le facétieux personnage, n’avait rien de disco ou de futuriste. C’est le titre le plus méchamment rock du disque, avec gros riff de guitare d’entrée, et des airs de ce que les Cars ont fait de mieux, à savoir de la power pop de première bourre.

Les dix titres restants (qui en général prennent le temps de se développer, « Different class » dure pas loin d’une heure) ne sont pas tous de ce niveau, certains sont assez dispensables (« Something changes », un peu trop tartiné d’arrangement de cordes, « F.E.E.L.I.N.G.C.A.L.L.E.D.L.O.V.E. », étrange quiet/loud à tendance symphonique, la classique ballade prévisible « Pencil skirt »).


Pulp a eu du succès surtout chez les anglophones, parce que Cocker est un bon auteur, qui a dépasse les clichés convenus des paroles du rock au sens large, ceci expliquant sans doute que la France ne lui ait accordé qu’une reconnaissance modeste. Niveau compositions, c’est moins transcendant, même s’il sait habilement recycler quelques bonnes recettes, « Underwear » recycle sur les couplets la mélodie du « Forest fire » de Lloyd Cole & The Commotions, « Bar Italia » (rien à voir avec le groupe actuel du même nom) rappelle un peu le « Rock’n’roll suicide » de Bowie, « I spy » est construit comme les titres à succès des Pet Shop Boys (« Always on my mind », ce genre …).

Les Pulp vont aussi chercher des titres plus complexes, l’introductif « Mis shapes » enchaîne bonnes trouvailles mélodiques et brisures de rythme tout comme « Monday morning » un des machins les plus rock, « Sorted for E’s & Wiz », ça a dû inspirer The Verve et c’est un peu le « Good Vibrations » de la britpop par sa complexité.

« Different class » est bien imprégné de son époque, ces nineties qui voyaient les Britons relever la tête après une décennie guère glorieuse. On n’est pas face à un classique intemporel, juste un bon disque d’un gars qui arrive à sa maturité artistique. Etat de grâce qui se poursuivra avec le suivant « This is hardcore », avant que Pulp fasse comme tous ses collègues-concurrents de la britpop, se dilue dans le dispensable …



LES RITA MITSOUKO - PRESENTENT THE NO COMPRENDO (1986)

 

C'était comme ça ...

Les Rita Mitsouko, c’était les années 80. Et les années 80, musicalement (mais pas que), c’était pas terrible. Sauf qu’à toute règle il y a des exceptions. Et les Rita étaient ô combien une exception. Un groupe-duo plutôt unique, des aventuriers sonores sans beaucoup d’équivalents. Dans leurs meilleurs moments au niveau de Prince pour le côté touche-à-tout imprévisible.

Les Rita, c’est en plus de vingt ans d’activité tout juste une grosse poignée de disques studio. Dont une grosse moitié est dispensable. En fait, les seuls à garder sont les trois premiers. Le premier, éponyme, contient une tuerie enjouée (qui parle de mort et de cancer, on y reviendra sur ce paradoxe) l’inoubliable au sens premier du terme « Marcia Baila »). Le troisième, marqué par une collaboration avec leurs héros (un autre duo « bizarre ») les Sparks (« Singing in the shower ») et des étrangetés sonores absolues (« Mandolino City », « Le petit train » sur les convois de déportés des années 40) sera l’album de la consécration, les adoubera définitivement parmi les gens qui comptent.


Mais le disque qui a tout fait exploser pour les Rita, c’est leur second, « The No Comprendo », dont les trois premiers titres sont dans l’ordre « Les histoires d’A », « Andy », « C’est comme ça ». Des morceaux sans aucun lien musical entre eux, très gros hits en leur temps, et qui bizarrement, ont plus que bien vieilli, en tout cas beaucoup mieux que leurs voisins du haut des charts.

Même s’il est fondamental, le pédigrée et les parcours de Fred Chichin et Catherine Ringer ne les prédisposaient pas à une carrière musicale de ce niveau. Lui végétait dans des groupes punks de seconde zone, dealait et passait par la case zonzon. Elle rêvait de théâtre, tournait des films destinés selon la formule à un public averti pour faire bouillir la marmite. Une rencontre lors d’un casting foireux de comédie musicale et l’aventure démarrait. Un nom choisi au hasard (des prénoms de stripteaseuses couplés avec des noms de parfums de Guerlain, on a évité Dita Vétiver ou Bettie Shalimar), une vie et un travail en communs, l’aventure Rita Mitsouko commençait. « Marcia Baila », titre dansant un peu perdu au milieu d’un disque sombre produit par Conny Plank (pape sonore du krautrock), accompagné d’un clip arty laissant apparaître un duo tout en contrastes (Chichin inexpressif et Ringer exubérante) lancent l’affaire auprès du très grand public. Restait quand même une question en suspens : one hit wonders ou pas ?

La réponse viendra avec « The No Comprendo » (officiellement « Les Rita Mitsouko présentent the No Comprendo », « no comprendo » étant de l’espagnol de contrebande mais surtout le nom du « groupe » ayant participé à l’enregistrement). The No Comprendo (le groupe), c’est une liste de gens qui n’interviennent le plus souvent que sur un titre (cuivres, violon(celle)s, …). A la manœuvre sur tous les titres, Chichin et Ringer. Paroles et musiques, tous les instruments (section rythmique et guitares pour lui, vocaux, claviers et instruments midi pour elle). Et un renfort de poids, le sieur Tony Visconti (un « peu » célèbre pour avoir produit une ribambelle de disques de T-Rex et de Bowie), coproducteur du disque avec les Rita et crédité à de nombreux instruments.


Musicalement, on est près de l’os. Zéro démonstration technique, tout est dans la créativité sonore. Tous les tristes poncifs de l’époque sont évités (les synthés datés, les arrangements interchangeables des rengaines pop, …). Place aux gimmicks improbables (l’énorme saturation de la guitare sur « C’est comme ça », la pachydermique basse slappée de « Andy », …), à la géniale trouvaille à deux balles. Et par-dessus tout cette technique hésitante, la voix de la Ringer. Elle « habite » tous les titres, tantôt dans les aigus hystériques, tantôt dans les basses profondes, et marque son territoire comme peu de shouteuses (noires généralement) ont réussi à le faire. Ringer sur « The No Comprendo », ça joue dans la même cour que la Joplin de « Pearl », ce qui est quand même un putain de compliment. Parenthèse. J’ai vu les Rita dans une tournée des nineties avec un backing band de Blacks funky, et Ringer chantant les Rita il y a quelques années, je peux vous assurer, brothers and sisters, que sa voix, elle est pas dopée par des effets de studio, elle a la foudre dans les cordes vocales (bon la dernière fois, à plus de soixante balais, elle n’a tenu qu’un peu moins d’une heure dans les aigus impossibles avant de « gérer » une grosse demi-heure, à coups de quasi instrumentaux, de solos des zicos, de présentation du band, … mais on en avait déjà eu pour notre fric).

Reste quasi quatre décennies plus tard, un paradoxe Rita Mitsouko. Le duo est considéré comme immensément représentatif des années 80 festives et hédonistes alors que ses titres sont souvent d’une noirceur totale. « Marcia Baila » sur le cancer qui avait emporté la chorégraphe Marcia Moretto avec laquelle avait bossé Ringer ouvrait la voie de ces joyeuses rengaines glauques. Et si l’on s’en tient aux textes de « No Comprendo », tout l’album n’est qu’une succession de lamentos parfois lugubres mis en musique. Avec une exception, la pièce rapportée et plus mauvais titre du disque, « Nuit d’ivresse », rythme festif et entraînant, bande-son du navet du même nom avec Lhermitte et Balasko. Titre de commande, foncièrement différent au niveau sonore (exceptionnellement des vrais cuivres, ça s’entend) et par son texte (sponsorisé ?), assez loin dans le délire sur le thème de l’alcoolisme que l’excellent « Commando Pernod » des non moins excellents Bérurier Noir sorti l’année précédente. Ce « Nuit d’ivresse », à part quelques considérations bassement mercantiles de la part de Virgin, distributeur des Rita, voulant surfer sur les quelques entrées du film éponyme, et qui une fois venu le succès des autres titres, s’empressera de sortir une version anglaise de « No Comprendo », avec comme objectif le mirage du marché anglo-saxon (comme avant eux les échecs dans la langue de Thatcher des Johnny, Téléphone ou Trust, sans parler des succès « achetés » de Montand ou Aznavour), ce « Nuit d’ivresse » donc, vient entacher un disque jusque là irréprochable.


L’enfilade des trois hits d’entrée nous montre que l’univers musical des Rita est plutôt polymorphe. « Les histoires d’A » c’est un funk rock lourd à guitares (Chichin, Ringer, Visconti), avec un violon lancinant au fond du mix, sur fond d’énumération de ruptures sentimentales tristes avec la Ringer qui marque vocalement son territoire. « Andy », c’est le tchac-poum disco avec une énorme base slappée, sur le racolage d’un type lambda terne et timide, assimilé au personnage de bande dessinée rosbif Andy Capp. « C’est comme ça », c’est un rock’n’roll basique et bourrin entre Who et Cochran, qui a autant marqué les esprits par son rythme trépidant que par son clip très diffusé mettant en avant l’univers kitsch et surréaliste des Rita et de Jean-Baptiste Mondino.

Les autres titres du disque, dont on ne parle pas souvent (pour être gentil) méritent pourtant le détour. Moins « faciles » peut-être, mais toujours empreints de cette noirceur désabusée due aux textes, en parfait contrepoint avec l’esthétique supposée joyeuse du duo. « Vol de nuit », c’est de la cold wave sombre (comme un prolongement de leur premier disque et une marche dans les pas des Smith les plus sombres, le Robert de Cure et le Mark E. de The Fall). « Un soir un chien », si le titre avait pas déjà été pris (par Blue Öyster Cult) aurait pu s’appeler « Dominance & submission » (voir les paroles), c’est le plus glacial de la rondelle. « Tonite » lui ressemble, malgré une tendance à loucher vers l’emphase pompière (Ringer se fait un peu trop démonstrative à mon goût au chant).


Et même si les textes ne sont pas plus enjoués, quelques décharges rock (Chichin ?) s’intercalent pour éviter toute comparaison avec Joy Division. Petits brûlots rockabilly (« Someone to love »), mid tempos guillerets (« Bad days »), ballade-comptine (« Stupid anyway ») montrant que la voix de Ringer peut aussi être extraordinaire sur des tempos lents.

Même Godard avait été impressionné par le duo (il n’y comprend rien mais est attiré par la musique des djeunes). Après les Stones enregistrant « Sympathy for the devil » dans « One + One », il avait filmé les Rita travaillant sur « No Comprendo », incluant quelques séquences dans l’oubliable « Soigne ta droite ». Pas rancunier, le duo le remercie dans les crédits du disque …

Et pour finir, respect total pour l’attitude des Rita Mitsouko qui ont su ne pas sombrer dans le music business à tout crin, rester en dehors des engagements humanitaires, caritatifs, etc … calculateurs, et éviter toute récupération (l’esquive de Ringer à la tentative de bisou de Micron Ier aurait dû en inspirer certain(e)s) …





LOU REED - NEW YORK (1989)

 

Retour aux sources ...

Conclusion : « New York » est le meilleur album de Lou Reed, et toc …

Bon, je sens qu’il va falloir argumenter, là …

Retour en arrière. Lou Reed, c’est les trois premiers disques du Velvet Underground (où il joue) et les titres du quatrième (il s’est cassé du groupe, n’a pas participé à l’enregistrement). Un premier disque solo éponyme (une des pires ventes de RCA), deux trucs majeurs ensuite (« Transformer » et « Berlin », c’est pas rien), deux disques en public provenant du même concert (« Rock’n’roll animal » et « Live »), un machin expérimental inaudible (« Metal machine music »), une litanie de disques où le bon côtoie l’anecdotique et une belle dégringolade artistique dès le premier tiers des 80’s (« Legendary hearts », « New sensations », « Mistrial » (pas gagnant), quelqu’un pour les défendre ? répondez pas tous en même temps …).


« Transformer » et « Berlin », rigoureusement indispensables sont deux disques sous influences. Le premier, sous celles du trio anglais Bowie – Ronson – Scott qui lui ont apporté une couleur glam plutôt inattendue pour un type au registre sombre et austère. Le second sous l’emprise de Bob Ezrin, producteur envahissant, façonneur d’un son en cinémascope ne rechignant pas sur les orchestrations symphoniques, « Berlin » c’est un opéra-rock glauque, dépressif … et génial. « New York », c’est Lou Reed débarrassé de tout, revenu à ses basiques, ses fondamentaux.

On trouve dans « New York » les boogies monolithiques du premier Velvet, les ballades noires et apaisées du troisième Velvet, le sens de la composition évidente et les vocaux acérés de Reed dans ses meilleurs moments en solo. Le tout servi par une mise en son et une production qui ne doivent plus rien à l’air du temps où à la surenchère orchestrale. « New York », c’est du brut, du basique, du hors du temps et des modes. Deux guitares, une basse, une batterie. Point barre. Et même si j’en sais rien, à l’oreille pas d’overdubs. Dans un son remettant à l’honneur la glorieuse stéréo des seventies, la gratte de Lou Reed est à gauche (c’est lui qui le dit dans les notes de pochette), celle de Mike Rathke à droite. Basse à six cordes (donc très basse) de Bob Wasserman, batterie (et co-production avec le Lou) de Fred Maher. Deux invités, la vieille complice Moe Tucker aux fûts sur deux titres et des backing vocaux (quasiment inaudibles) de Dion (DiMucci) sur un titre. Pas de synthés, de section de cuivres ou de cordes, de choristes ou de chorale gospel, … Du brut, du rêche, de l’austère. Du Lou Reed, quoi …


Déjà, le titre n’est pas anodin. « New York », c’est la ville de Lou Reed. Il y est né et il y a à peu près toujours vécu, n’y a pas déménagé parce que c’était cool ou à la mode (c’est pas Lennon posant en tee-shirt « I love New York », alors qu’il vivait claquemuré avec sa harpie et son fiston dans son bunker du Dakota Building dont il n’aurait pas dû sortir et surtout pas au début Décembre 80 … je sais, c’est vachard et gratuit, mais y’a des fois, peux pas m’en empêcher ...). Donc « New York » par Lou Reed, c’est un disque qui ne peut que sonner vrai. Et quand on connaît un peu le bonhomme, ses fréquentations c’est pas les beaux quartiers ou les yuppies qui se sont remplis les poches dans le trading à Wall Street (même si au détour d’un vers il allume Trump – en 1989 ! - comme quoi y’a longtemps que le type était risible et surtout dangereux pour qui avait envie de s’en rendre compte). Non, le New York de Lou Reed, il est à ras du bitume dans les rues miteuses, et la pochette du disque, si elle n’est pas un hommage aux Ramones ou au Clash (vous avez déjà vu Lou Reed faire dans l’hommage consensuel ?), nous montre un quintuple Lou Reed (merci les premières versions de Photoshop ?), posant dans une ruelle sombre et sale.

Je vais pas faire dans la psychanalyse de comptoir pour expliquer pourquoi un tel retour de flamme artistique (certains s’y sont essayés, avançant un mariage qui commence à lui peser, ou la mort d’Andy Warhol, ou que sais-je encore). J’essaye pas d’expliquer, je prends, et putain que ça fait du bien d’entendre Lou Reed à ce niveau inespéré même pour les plus optimistes de ses fans.

On the road again ?

Il y a une évidence qui coule de source dans chaque titre, et on se dit mais pourquoi des trucs aussi cons, aussi simples, personne n’avait jamais pensé à les faire. Premier titre et premier exemple « Romeo had Juliette ». Un groupe à très fort succès (Dire Straits) avait exploré le même thème et à l’écoute des deux chansons au titre (quasi) homonyme, on voit qui est le laborieux et qui est le type doué. Victoire par KO du new-yorkais … Et pourtant, c’est un rock mid tempo pépère en parlé-chanté (tout du long du disque, Reed adoptera ce phrasé cher à Gainsbourg), qui au vu de l’intro, semble joué live en studio. Et ça fonctionne, alors que le pensum du Knopfler te gave au bout de trente secondes …

Le début de « New York » semble mathématique. Une ballade, un boogie-rock. Trois fois deux titres. « Halloween parade », ballade triste, forcément triste sur le SIDA, hormis évidemment les paroles, semble issue des atmosphères musicales apaisées du 3ème Velvet. « Dirty Blvd », c’est « Walk on the wild side » revisited, mais cette fois à ras du bitume. Pas de portraits pittoresques de quelques figures de l’underground, mais juste l’histoire d’un type dans la mouise, et qui risque pas de devenir golden boy. « Endless cycle » est juste une belle ballade, mais pas un des sommets du disque. Le suivant (« There is no time ») est donc rock, et pas qu’un peu. Un des deux ou trois titres les plus rentre-dedans du disque, riffs violents et saturés. « Last great american whale » qui suit est une ballade avec la copine Moe Tucker (debout ?) à la batterie.

Et puis, parce qu’enchaîner un titre lent et un titre plus rapide, ça finirait par gonfler tout le monde et Lou Reed en premier, on bifurque avec « Beginning of a great adventure » vers un tempo jazzy. New York, c’est aussi la ville du jazz et on passe logiquement de Big Apple à Jazz sous les pommiers. Que les fans de Miles Davis et consorts ne se déplacent pas, on n’a pas besoin d’eux, on est plus dans l’hommage que dans la révolution sonore.

 On the road again !

Mine de rien, et sans s’ennuyer une seconde, on a passé la moitié de la rondelle. La seconde partie sera plus énergique que la première et va faire la part belle au boogie-blues-rock-machin, que ce soit envisagé façon pépère (« Sick of you », « Good evening Mr Waldheim » ce dernier sur un ancien nazi -  Lou Reed est juif, et come Indy Jones, il aime pas les croix gammées et ceux qui les portent – devenu fonctionnaire très haut placé à l’ONU et Président en Autriche, gros scandale de l’époque) ou beaucoup plus énergique (les guitares râpeuses de « Busload of faith » et le rockab rageur de « Hold on »). Ça déroule, mais on en prend plein les oreilles et on n’en perd pas une miette, tout çà jusqu’à une dernière ballade parlée (« XMas in February ». Reste deux titres pour boucler l’affaire. « Strawman », tous potards sur onze, grosses guitares saturées, et voix quasi hurlée de Reed. Une démarche musicale similaire avec ce que faisait le vieux hippy pour le coup très énervé Neil Young à la même époque (« Freedom », et le « Ragged glory » à venir en 1990). Et au bout de plus de cinquante minutes se pointe en conclusion le titre le plus expérimental de la rondelle (« Dime store mystery »), ambiance lente, sourde, menaçante et entrelacs de guitares dissonantes, manière de rappeler à tout le monde que s’il faut donner dans le noisy, Lou Reed sait faire, même si c’est pas « Sister Ray » ou « Metal machine music » …

« New York », c’est le genre de disque qui aurait pu paraître n’importe quand bien avant ou bien après 1989. Du classic rock intemporel comme à peu près tout le monde semble en avoir perdu la recette. A ranger à côté du second disque éponyme du Band …

Chef-d’œuvre qui ne doit rien à personne, sinon au talent retrouvé de Lou Reed. Son successeur, avec son ancien complice du Velvet John Cale pour un hommage à Andy Warhol (« Songs for Drella ») confirmera leur bonne forme …



Du même sur ce blog :

Transformer


THE CURE - STARING AT THE SEA THE SINGLES (1986)

 

Le sombre héros de l'amer ...

« Staring at the sea » est la première « vraie » compilation des Cure. Quand elle sort en 86, sont déjà parus un maxi 45T 4 titres (« The singles ») réservé au marché des Antipodes (Australie et Nouvelle-Zélande), qui coûte une blinde aujourd’hui et un mini 33T (« Japanese whispers ») reprenant les 45T et leurs faces B de fin 82 à fin 83 (une année où The Cure - Robert Smith ne faisait paraître que des singles, on y reviendra). Sans oublier la vraie – fausse compile « Boys don’t cry » destinée aux retardataires qui n’auraient pas acheté le premier disque et sur laquelle on retrouve la plupart des titres de « Three Imaginary Boys » ainsi que des machins sortis en 45 T.

1978

« Staring at the sea » (17 titres) est la version Cd de la compilation, « Standing on the beach » la version vinyle (13 titres), les deux titres reprenant les premiers vers de leur désormais mythique premier single « Killing an Arab ». Pour les complétistes et pour en finir avec cette intro encyclopédique, la version de « Standing on the beach » en K7 double durée incluait une dizaine de faces B de 45T (je l’ai, faire offre).

« Staring at the sea » est donc paru en 86. Autant être clair, pas vraiment dans un but philanthropique. Contre toute attente, le groupe venait de cartonner au niveau mondial avec la rondelle « The head on the door » et Fiction (label) et Polydor (distributeur) vu l’histoire du groupe et la personnalité euh … comment dire, instable de son leader, ont jugé opportun de faire passer les fans à la caisse et de remplir les leurs, de caisses … Parenthèse, plus de quarante-cinq après sa formation Cure existe toujours (certes en pointillés) mais remplit vite fait les stades chaque fois qu’il en prend le chemin, et y reste sur scène minimum trois heures …

« Staring at the sea » est une compilation. Classique, basique. Tous les titres (sous leur forme single) par ordre chronologique de parution, zéro inédit, live, remix … Le fan de base avait déjà tout ça, par contre pour le commun des mortels, et au vu du caractère assez chaotique du groupe, c’est une bonne entrée en matière. D’autant plus qu’à l’exception de rares bons titres parus plus tard (« Why can’t I be you », « Lullaby »), on a quasiment un best-of du groupe, aujourd’hui en route pour sa cinquième décennie d’existence.

1982

Même s’il a monté ses premiers groupes quand il était ado, Robert Smith est trop jeune pour être un des gars qui comptent dans le mouvement punk. Les choses sérieuses commencent en 1978, quand à la fin de l’année Cure enregistrent leur premier single, « Killing an Arab », typique du post-punk (ou de la new wave, appelez ça comme vous voudrez). Intro arabisante, batterie syncopée, striures de guitares, chant dans les aigus, musicalement on est beaucoup plus proche de Siouxsie & the Banshees ou Wire que des Pistols et du Clash. « Killing an Arab », dès sa sortie a fait le bonheur de quelques skinheads d’extrême-droite (pléonasme). Evidemment il ne serait pas venu à l’idée de ces incultes que le titre puisse être inspiré par « L’étranger » de Camus que Robert Smith avait lu en V.O., en français donc (Fat Bob apprécie la France et sa culture, le groupe y fera de longues et nombreuses tournées, y enregistrera parfois ses disques, et y en vendra beaucoup …). Le premier 33T (« Three imaginary boys », The Cure est un trio) suivra. Album juvénile, inégal, que le Roberto n’aime pas beaucoup à l’image de la reprise déconstruite du « Foxy Lady » d’Hendrix, qu’il dit détester (peut-être parce qu’exceptionnellement dans l’histoire des Cure, ce n’est pas lui qui la chante, mais le bassiste Michael Dempsey). Par contre on trouve sur « Staring … » un des titres emblématiques du groupe « 10 : 15 Saturday night », sorte de rockabilly mutant au ralenti (genre « Fever » de Presley), avec son solo de guitare (Smith est considéré comme un guitariste original et inventif, très souvent bien classé dans les listes de guitar-heroes, alors qu’il ne s’est jamais pris pour un virtuose de la six-cordes). Un single qui ne figure pas sur l’album paraît ensuite, « Boys don’t cry ». Bide retentissant, qui n’aura du succès que lors de sa réédition en 1986, surfant sur la vague de la Curemania. Pourtant, c’est un des meilleurs sinon le meilleur titre de Smith. Grand titre pop, mélodie imparable, superbe gimmick de batterie calée sur la ligne de basse, … un morceau qui reste quand même atypique du groupe.

1983

La suite immédiate verra Robert Smith partir dans tous les sens, voire en vrille. Pour plusieurs raisons, son groupe n’a pas grand succès, le Roberto qui a toujours aimé téter les bouteilles commence à s’attaquer à des drogues moins légales et plus violentes, et puis il a envie d’aller voir ailleurs. Il va finir par faire des piges chez Siouxsie & The Banshees (il est très pote avec le bassiste Steve Severin et vénère le jeu de leur guitariste John McGeoch) pour la seconde fois (chaque fois que le guitariste se casse c’est lui qui le remplace), et pendant une paire d’années est au moins autant membre des Banshees que de Cure.

Parallèlement à ses piges guitaristiques, Cure va évoluer. La formation va se stabiliser en trio (avec Dempsey à la basse et Tolhurst à la batterie, la formation dite « royale »), le look « Robert Smith » (cheveux crêpés, fond de teint blanc, rouge à lèvres, fringues généralement noires deux tailles au-dessus, baskets délacés) va s’affiner, et un son Cure va se mettre en place (dense, bruyant, oppressant, voix hurlée dans les aigus) et des thématiques (noires, sombres, cold, glaciales, gothiques, appelez ça comme vous voulez) monopoliser les textes. Les trois albums consécutifs (Seventeen seconds » - « Faith » - « Pornography ») seront considérés par beaucoup (mais pas par Robert Smith) comme la trilogie « glaciale » du groupe. Radicalité sonore et des textes, et radicalisation des fans qui commencent à copier le look de Smith. Il y a aura bien des singles extraits de ces disques (un ou deux max pour chacun) qui auront bien du mal à trouver leur public, pour employer la gentille métaphore de rigueur.

Smith, toujours au moins bourré, est quand même tout sauf un dilettante. Il se rend compte qu’il va vers l’impasse psychologique et artistique (selon ses dires, pas forcément à prendre au sérieux, l’enregistrement de « Pornography » était une alternative à son suicide) et va faire bouger les lignes de façon une nouvelle fois radicale, au grand désespoir de ses premiers fans corbacs.

Un single, « Charlotte sometimes », enregistré avant « Pornography » remet en avant la mélodie et les notions de couplets-refrains qui avaient tendance à disparaître au profit d’un magma sonore uniforme. Cure va devenir un duo (Smith, Tolhurst) et s’engager dans des horizons sonores beaucoup plus dégagés, bien souvent à base de mélodies aux synthés.

1986

Tout devient beaucoup plus « léger » tant sur le fond que la forme, les parutions ne se font plus qu’en 45T, et de nouveaux fans aident ces titres à grimper dans les charts. Ces morceaux sans lien conducteur permettent à Smith de se « lâcher », passant de la pop bubble-gum (« Let’s go to bed »), à l’eurodance à machines (« The Walk »), à la facilité guillerette (« The Lovecats »), jusqu’à l’expérimental mélodique (« The Caterpillar » et son piano pompé sur les parties de Garson avec Bowie). Cette période « singles » occupera la fin de 82 et l’année 83.

Et puis, nouveau changement de cap avec succès cette fois mondial à la clef. Ce sera l’album « The head on the door », étonnant patchwork de tout ce qu’à fait Cure jusque là. Deux titres pour les charts noyés dans un retour aux atmosphères très dark. Le sautillant « In between days » et le minimaliste « Close to me » (malheureusement ici dans sa version la plus commerciale, c’est-à-dire avec section de cuivres festifs sur la fin), seront les locomotives du 33T. Dès lors, la Curemania version 2.0 est en marche …

Conclusion : le titre n’est pas trompeur, cependant même si elles n’ont pas été exemptes de revirements sonores, les premières années de Cure ont tout de même été plus homogènes que ce que ce disque laisse entendre …



Des mêmes sur ce blog :