HAPPY MONDAYS - PILLS N' THRILLS AND BELLYACHES (1990)

 

Factory & Hacienda ...

Allez, un petit coup de gymnastique neuronale. Toute fin des années 80. Manchester et Madchester, la Factory et l’Hacienda, ça y est vous y êtes ? Pour ceux qui opinent (d’huître) pour faire les malins et pour ceux qui ont un peu zappé – oublié – ignoré tout ce bazar, petit rappel des faits.

Tout commence à la débandade punk (1978) à Manchester. Un animateur de télé locale, Tony Wilson, achète un petit club, Factory, et avec un pote monte un label musical du même nom. Premier album sorti : « Unknown pleasures » de Joy Division. Groupe et album cultes, et d’autant plus que le chanteur du groupe Ian Curtis se suicide avant la parution du deuxième album, un peu moins culte mais intrinsèquement meilleur. Joy Division a permis au label de survivre, de créer grâce à une équipe réduite une imagerie forte (le graphiste Peter Saville) et un son reconnaissable entre mille (le producteur azimuté Martin Hannett).

Happy Mondays, famille nombreuse, famille heureuse ?

La gloire et le fric viendront avec les survivants de Joy Division rebaptisés New Order (leur maxi « Blue Monday » fut le maxi le plus vendu de tous les temps en Angleterre). C’est avec le pognon que lui rapporte New Order que Tony Wilson va investir dans un nouveau club, l’Hacienda (des membres de New Order sont aussi actionnaires). Lancé au début des années 80, l’Hacienda va devenir à partir du milieu des années 80 le repaire de toute la jeunesse branchée de Manchester. Tous ceux qui écoutent de la musique, voire envisagent d’en faire, tous ceux qui viennent danser et gober de l’ecstasy avec en fond sonore les débuts de la house et de la techno, se retrouvent à l’Hacienda, qui acquiert en quelques années une notoriété et une fréquentation internationales.

Parmi cette troupe en party non stop, les frangins Ryder (rien à voir avec le Mitch de Detroit), Paul le bassiste et Shaun, chanteur et compositeur. En plus de se défoncer copieusement, ils envisagent de monter un groupe, baptisé Happy Mondays. Un guitariste, un batteur et un claviers complètent l’affaire, et bien évidemment Tony Wilson les signe sur Factory. La formation va s’agrandir avec l’arrivée d’une choriste-chanteuse, Rowetta, et d’un cas social à peu près désespéré, un type surnommé Bez, plus ou moins percussionniste, mais surtout danseur étrange grâce aux pilules de toutes les couleurs qu’il gobe comme des smarties (les autres ne sont pas en reste).

Les Happy Mondays viennent du rock, sauf que l’environnement de l’Hacienda les a mis au contact de la dance music (qu’elle soit blanche ou noire), et de toute la vague electro naissante. Le matériau de base des Mondays, c’est les Stones mixés à du Chic accéléré. Une paire de disque les installeront dans le paysage mancunien et anglais, et « Pills … » les fera connaître un peu partout ailleurs.

Bez & Shaun Ryder

Tout le monde vous dira que New Order est la référence absolue du Manchester sound, et que le meilleur disque de rock sous substances de l’époque, c’est le « Screamadelica » de Primal Scream. Permettez votre honneur, que je vienne balayer d’un revers de main ces théories de musicologue professionnel. J’ai jamais été fan de New Order et de leur dance à assez grosses ficelles (dans le genre, je trouve les Pet Shop Boys beaucoup plus intéressants et amusants), et au « Screamadelica » de Primal Scream, j’ai toujours préféré les psychédéliques barrés de Spacemen 3. Et pour la référence de Madchester, j’ai tendance à regarder du côté des Stones Roses (les plus « rock » du lot) et des Happy Mondays (le mix le plus réussi de tous les sons « tendance » de l’époque).

Ce qui nous amène à « Pills … », le meilleur de la première époque (ils se sont séparés et reformés encore plus de fois que les Stray Cats ou Guns N’Roses). « Pills … » est leur masterpiece. Parce qu’il est homogène (y’a un son, une idée musicale directrice) et parce qu’il y a leurs hits. Et ce malgré une pochette comment dire … très bariolée (si, si y’a le nom du groupe et du disque écrits dessus, au milieu d’un kaléidoscope très psychédélique, daltoniens s’abstenir …).

« Kinky afro » ouvre le disque. Belle intro, voix légèrement maniérée, groove dansant sur une structure rock. Et de fortes similitudes avec la bombe pré-disco de Lady Marmalade « Voulez-vous coucher avec moi ce soir ? ». Les Mondays ont toujours nié s’être inspirés de ce titre (ils en citent un bien obscur de je sais plus qui), à chacun de se faire son idée. En tout cas gros succès et pas seulement de discothèque. L’autre incontournable de la rondelle c’est « Step on », d’essence nettement rock, titre bien construit, dansant (enfin pour ceux qui en ont envie) et qui pourrait figurer tout en haut dans un best-of d’INXS.


La famille nombreuse des Happy Mondays (sept sur scène), bien aidée par les producteurs Paul Oakenfold (qui deviendra un des DJ’s qui compteront dans les 90’s, et qui entame quasiment avec ce disque sa carrière médiatique) et Steve Osborne, va mettre en place la formule gagnante. De la mélodie (songwriting très surligné par des lignes de claviers de tout type), groove dansant et gros riffs de guitares pour le côté rock de l’affaire. Cette bande de défoncés ne fait pas dans le n’importe quoi (les disques sous substances ont bien souvent tendance à l’autocomplaisance), tout juste si on peut mettre de côté l’assez faiblard « Bob’s yer uncle » malgré son entêtant gimmick de synthé. Le reste est plutôt malin, envoyant plein de signaux plus ou moins subliminaux aux anciens de tout poil.

Dans « God’s cop », il y a plein de tics vocaux de Mick Jagger, le chanteur des Who (c’est juste pour voir ceux qui ont lu jusque là), « Loose fit » a par moments des airs de « Stayin’ alive » au ralenti, la guitare de « Dennis and Lois » fait penser à celle des Cure dans « In between days », la mélodie au début de « Harmony » rappelle la version de « I heard it through the grapevine » de Marvin Gaye, et l’atmosphère de « Harmony » évoque le 3ème Velvet (avec de la guitare slide en plus). Tout ça reste diffus (sinon les avocats concernés auraient dégainé les procédures), il y a réellement une patte Happy Mondays sur les compositions. C’est funky, dansant, indéniablement rock aussi, en prise directe avec les nouveaux courants musicaux et sonores, et assez étrangement, ça a plus que bien vieilli. A tel point que « Pills … » me semble même plus pertinent et évident aujourd’hui que lors de sa sortie.


BILLY WILDER - CERTAINS L'AIMENT CHAUD (1959)

 

J'aime pas le jazz ...

Et c’est pas ce film qui va me faire changer d’avis. Quoi que … Marilyn chantant « I wanna be loved you » dans cette robe toute en transparences cousue sur le corps, on te dirait que c’est du trash metal, tu serais sur-le-champ fan de trash metal …

Pour les trois ermites qui ont jamais vu ce film et qui se demandent ce que c’est que cette intro, je les renvoie vers le milieu du film quand Tony Curtis devenu héritier de la Shell « rencontre » Sugar Cane Kowalczyk (Marilyn Monroe, chanteuse et joueuse de ukulélé dans un groupe féminin) et lui dit « … some like it hot ». En parlant du jazz, et donc du jazz hot (le traducteur français n’a rien compris, comme d’hab, le jazz chaud, ça existe pas …).

Wilder, Curtis & Monroe

Bon « Some like it hot », beaucoup considèrent que c’est la plus grande comédie jamais tournée. Y’a des jours que je me dis que ces beaucoup ont raison (y’a d’autres jours que je me dis que c’est « Orange mécanique », mais y’en a qui croient que c’est pas une comédie). Trêve de ratiocinations. Vous avez payé pour avoir un avis ferme, incontestable, etc … sur ce film, venons-en aux faits.

An de grâce 1959. Derrière la caméra, Billy Wilder. Polak émigré aux Etats-Unis, qui débute ses succès avec une ribambelle de films noirs dont certains sont d’immenses classiques (« Assurance sur la mort », « Le poison », « Sunset Blvd », « Le gouffre aux chimères », excusez du peu). Même s’il est capable d’écrire tout seul ses scénarios, il s’est associé d’abord à Charles Brackett, puis à partir du milieu des années 50, avec I.A.L. Diamond, ce qui entraînera un changement de style. Les deux hommes collaboreront longtemps, et pour des comédies, genre auquel Wilder venait de s’essayer (« Sabrina » avec Bogart et Hepburn).

Et surtout Wilder venait de tourner le meilleur film avec Marilyn Monroe en tête d’affiche, le drolatique « Sept ans de réflexion ». Parce que la Marilyn, elle crevait toujours l’écran dans tous ses films, certes, par une présence et un magnétisme physiques plutôt hors du commun, mais était une très piètre actrice, et ça se voyait aussi. Depuis quelques années, elle suit des cours à l’Actor’s Studio, ce qui améliore son jeu, lui fait prendre encore plus le melon, et entraîne dans son sillage la pénible Paula Strasberg (actrice ratée, femme du patron de l’Actor’s Studio, confidente et gourou de Monroe, qui la suit sur tous les tournages et intervient à tout propos).

Marylin Monroe période Debbie Harry

L’équipe de « Some like it hot » devra donc se fader la star et sa mégère. Parce que plus star que Marilyn tu peux pas. Jamais sur les plateaux le matin (elle cuve ses médocs et sa gnôle de la veille), et quand elle daigne arriver, elle est capable d’amener une scène vers des sommets stratosphériques, ou a contrario de bafouiller misérablement son texte (plus de quarante prises pour qu’elle arrive à dire « Où est le bourbon ? », et qu’elle refuse que la phrase soit rajoutée lorsqu’elle est de dos, elle veut dire son texte face caméra et on discute pas …).

En plus d’être souvent bourrée et sous antidépresseurs, beaucoup de sources concordantes estiment qu’elle était enceinte (d’Arthur Miller) lors du tournage (une de ses trois ou quatre fausses-couches suivra). C’est malgré tout la star du film. Et elle se fait attendre. Il faut patienter vingt cinq minutes pour la voir arriver, toute de noir vêtue et ondulant méchamment du croupion sur le quai d’une gare (avec un clin d’œil à la fameuse scène de la bouche de métro de « Sept ans de réflexion », ici c’est un jet de vapeur de locomotive qui la poursuit).

Des clins d’œil, il y en a d’autres. Parce que « Some like it hot » est un film qui mélange les genres. L’action se situe en 1929 et dans le Chicago de la prohibition. Trafic d’alcool frelaté, fusillades, poursuites en bagnoles, tripot clandestin, parrain de la mafia locale, descente de flics, règlement de comptes. Les deux premiers personnages principaux sont le mafieux Colombo les-Guêtres (George Raft, vieux de la vieille des films de gangsters et souvent passé du côté obscur de la Force) et le flic qui essaye de le serrer (Pat O’Brien, un autre vétéran des studios). Mêlés à tout cela, deux musiciens ratés, un saxophoniste (Tony Curtis) et un contrebassiste (Jack Lemmon), qui réussissent à s’esquiver lors d’une descente de flics dans un tripot mais se retrouvent témoins d’un règlement de compte et donc traqués par les mafieux. Leur seule échappatoire sera de se travestir et de rejoindre un orchestre de jazz féminin qui part jouer à Miami (en fait à San Diego, l’hôtel et la plage où seront tournés nombre de scènes est quasiment devenu un lieu de pèlerinage).

Brown & Lemmon : dernier tango à Miami ?

C’est ce travestissement forcé qui est l’apex comique du film. Joe devient Joséphine et Jerry Géraldine. Le premier plan de Joséphine et Géraldine titubant en talons aiguilles laisse augurer d’une grande performance d’acteur. Et à ce jeu, c’est Jack Lemmon (à l’époque le moins connu des deux) qui se taille la part du lion. Avec son maquillage qui le fait ressembler au Joker dans les films de Batman, il livre dans chacune de ses scènes une performance mémorable et à mon sens très au-dessus de ceux qui se sont livrés à cet exercice (le Dustin Hoffman de « Tootsie », Terence Stamp et Guy Pearce dans « Priscilla, folle du désert », et par charité, pas de commentaire sur le De Funes de « La folie des grandeurs » ou le Serrault de « La cage aux folles ») … la drag queen ultime, c’est Lemmon … Détail archi-connu, le film devait être en couleurs. Quelques essais avec Curtis et Lemmon montraient de façon trop évidente le maquillage outrancier dont ils étaient tartinés. Il a été décidé de tourner en noir et blanc pour le rendu esthétique, et pour rendre hommage aux films de gangsters des années 30 (puisque l’action est en 1929) filmés en noir et blanc. Le plus dur fut de convaincre Monroe (et Paula Strasberg) de ce changement, Monroe voulant tourner dans un film en couleurs, c’était stipulé dans son contrat, elle a un temps menacé d’abandonner le projet et d’envoyer ses avocats …

« Some like it hot » multiplie les scènes extraordinaires (la party dans la couchette du train, le tango sur la plage, le « repas » sur le yacht, les chassé-croisé dans l’hôtel, …). On est souvent à la limite du burlesque mais ça ne dérape pas dans le n’importe quoi juste pour amener un gag ou une réplique. Et quand dans le dernier quart du film, on voit à l’entrée de l’hôtel un gros plan sur une paire de guêtres blanches, on sait que Wilder et Diamond n’ont pas perdu le fil de leur histoire, nos deux messieurs-dames vont devoir à nouveau se coltiner la mafia qui les course …

Parce que l’histoire qu’on suit quand tout semble partir en vrille, ça définit assez bien la patte de Wilder. Le bonhomme n’est pas un adepte des grands mouvements de caméra. Il se contente de les placer savamment dans l’espace, les laisse immobiles, et ce sont les acteurs, qui tout naturellement dans le déroulé des scènes, viennent se positionner dans l’axe des objectifs. Les scènes de Wilder doivent beaucoup plus à la chorégraphie des acteurs qu’à une démonstration technique de prise de vue.

Pour faire un grand film comique, il faut aussi des « gueules » (voir le cas d’école par ici des « Tontons flingueurs »). Et ça, le casting de Wilder n’en est pas avare. Il y a dans « Some like it hot » des figurants qui même s’ils n’esquissent pas le moindre geste ou ne disent pas un mot, ont le physique de l’emploi. Les mafieux sont extraordinaires, de la bande à Colombo-les-Guêtres à ceux réunis au banquet des parrains, pas besoin de scènes d’exposition, on sait à la première image qui ils sont. De ce côté-là, Wilder voulait reconstituer les castings des années 30, il voulait aligner Raft et pour lui donner la réplique Edward G. Robinson en Parrain. Il y a bien un Edward G. Robinson au générique, mais c’est le fiston (qui imite le gimmick de Raft dans ses films en jouant avec une pièce de monnaie), Robinson père ayant refusé le rôle (parce que Raft était déjà casté, les deux en étant venu aux mains sur un antique tournage). Faute d’avoir l’original Little Caesar, Wilder se contentera de Little Bonaparte …

Mais le plus pittoresque second rôle n’est pas à chercher du côté des truands. Il est endossé par Joe E. Brown dans le rôle du milliardaire qui tombe amoureux de Geraldine – Lemmon. Chacune de ses apparitions est inoubliable et c’est à lui qu’il reviendra de prononcer la dernière réplique du film, le cultissime « Nobody’s perfect » (à noter qu’initialement, elle devait être dite par Curtis dans la scène à la plage, où déguisé en héritier de la Shell, il fait tomber Monroe pour pouvoir la brancher). Et plein d’autres ont vraiment le physique l’emploi (le groom de l’hôtel, l’accompagnateur-chaperon du groupe de filles, l’impresario que vont voir au début Curtis et Lemmon, …).

Quelques anecdotes pour finir, et pour tester le robot censeur.

Elle a bien grandi, Marylin Monroe

Tony Curtis et Marilyn Monroe avaient eu une liaison. Dans la scène du yacht, une Marilyn avec sa fine robe transparente cousue sur le corps et couchée sur Curtis, tente à grands coups de baisers de le guérir de son insensibilité. Dans le film, cela prend un certain temps. Dans les faits, Curtis (c’est lui qui le dit) a très vite réagi un peu en dessous de la ceinture, if you know what I mean … La Monroe s’en est évidemment aperçu, et manière de le chauffer encore plus, lui a roulé quelques vraies pelles au gré des multiples prises …

Une des dernières scènes filmées a été celle de la baignade. Accréditant la grossesse de Monroe, celle-ci a demandé afin de masquer son embonpoint un maillot de bain plusieurs tailles au-dessus. Problème, si ça allait pour le bas, sur le haut ça débordait souvent sur les côtés, à la grande joie des figurants et des badauds à proximité, et au grand dam de Wilder qui multipliait les prises bonnes à jeter.

Monroe, en raison de sa grossesse, n’a pas fait les photos publicitaires et celles pour les affiches du film. C’est la grande blonde de l’orchestre (celle qui joue je crois du trombone) qui avait à peu près la même morphologie qui l’a remplacée. Et comme y’avait pas Photoshop à l’époque, on a rajouté tant bien que mal la tête de Marilyn sur le corps de l’autre fille et y’a des photos où le raccord se voit vraiment …

Nobody’s perfect …


MADNESS - UTTER MADNESS (1986)

 

From ska to pop ...

Madness, ils avaient réussi le hold-up parfait à la toute fin des seventies. En obtenant le hit majeur d’un très improbable ska revival, le gentiment crétin « One step beyond », que tout le monde, de sept à soixante dix-sept ans a, de gré ou de force, évidemment entendu. Le ska anglais a fait à peu près aussi long feu que le mouvement punk (un peu plus d’un an) et exit tous ces groupes de la vague appelée aussi two-tone (imagerie en noir et blanc, groupes multiraciaux), qu’ils soient bons (Specials), ou pas (Selecter, English Beat, et des plus couillons …). Tous rayés de la carte, sauf Madness …


Et pourquoi ? Bravo, bonne question, eh bien je vais vous le dire. D’abord Madness, ils étaient arrivés en haut des charts, et la thune récoltée à l’occasion, ça permettait d’affronter les premiers jours moins fastes. Ensuite, ils étaient nombreux (six ou sept, j’ai jamais vraiment su et eux non plus peut-être), dont la plupart étaient capables d’écrire des morceaux (par comparaison, le répertoire des Specials dépendait du seul Jerry Damners, et quand il s’est barré, plus de groupe …). Et puis, Madness étaient Anglais, mais vraiment Anglais, quoi, jusqu’à la caricature (comme les Kinks, Slade ou Ian Dury avant eux, et Oasis plus tard). Et là t’es sûr de vendre du disque, au moins à tes compatriotes …

Des disques, merci pour eux, ils en ont vendu. Et parce qu’il ne faut rien laisser au hasard et battre la ferraille tant qu’elle est chaude, tous les trois disques studio, ils sortaient une compilation. Celle-ci, « Utter Madness » (comprendre « Other Madness » avec l’accent cockney typique du prolo londonien), arrive donc après « The rise and fall » (le meilleur des trois), « Keep moving » et « Mad not mad ». Elle tombe à point, parce que le groupe est en train de se mettre en sommeil (les Madness se sépareront et se reformeront à peu près aussi souvent que Deep Purple). Les tensions, querelles, fâcheries, départs et autres bisbilles, dont les Madness seront coutumiers lors d’une carrière qui dès lors ne s’écrira plus qu’en dents de scie, même si elle se poursuit avec la plupart des membres originaux depuis plus de quatre décennies.


J’ai la flemme de pointer, mais hormis le dernier titre « Seven year scratch » (mix de plus de huit minutes compilant quantité de leurs titres, sorte de collector sans intérêt), il me semble qu’il n’y a dans cette compile rien d’inédit. Musicalement, on est loin, bien loin de « One step beyond » (mais pas visuellement, ils ont gardé cette manie de chenille sodomite, la photo de pochette est dérivée de celle de « One step beyond »)

Madness, au fil des albums, est devenu un groupe pop, comme populaire … ou parfois populacier (voir la navrante « Driving in my car », minable scie pour fans de sept à soixante dix sept ans). Ce qui permet de voir que plusieurs « lignes » s’affrontent dans le groupe (Madness et Clash, même combat ?). Ceux qui aimeraient bien être le groupe fun dont on écoute les morceaux bien bourré avec des potes dans un pub, et ceux qui voudraient être plus « sérieux » et faire passer un message. C’est cette dernière tendance qui l’emportera par la suite, mais c’est une autre histoire …

N'empêche, quand les gars se retrouvent sur une mélodie sur laquelle chacun amène sa contribution, c’est magique (« Our house », leur meilleur single ever ?). On trouve sur cette compile d’autres grandes chansons pop (« Tomorrow’s just another day » avec sa très légère touche de sax ska, « (Waiting for) the ghost train », dernier single avec la séparation, « The sun and the rain », bluette au piano martelé, comme du McCartney des mauvais jours, mais un peu du McCartney quand même, …).


Parfois les Madness font leur Bowie, vampirisant les autres. On ne peut s’empêcher de trouver un air de famille entre « Victoria Garden » et Elvis Costello, entre « Wings of a dove » et une version moins groovy de Kid Creole and the Coconuts, entre « Yesterday’s men » et les ambiances jazzy du Dire Straits de « Brothers in arms », entre « Sweetest girl » et le reggae suave ou mou du genou (choisissez votre camp) de UB40. Parfois aussi pour faire tomber les tensions, on laisse de la place à tout le monde sur un titre, ça sonne bordélique parce qu’ils sont nombreux, et ça s’appelle « I’ll compete ». Seul relent du ska des débuts, même si plus « apaisé » et mélodique, le titre « Uncle Sam » (dans l’esprit leur « I’m so bored with the USA » du Clash). Y’a aussi une ballade triste qui traîne ses guêtres et sa mélancolie vers la fin (« One better day »).

Et puis il y a le titre que seul un groupe vraiment anglais et fier de l’être pouvait écrire. Il s’appelle « Michael Caine » (avec la voix du vrai Michael Caine qui se présente), et c’est bien évidemment un hommage à l’acteur anglais le plus cool de tous les temps, et en plus c’est un des meilleurs morceaux de cette compile … qui ne contient pas que de l’indispensable, vous l’avez compris.

That’s all, folks …



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