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PETER GREENAWAY - LE CUISINIER, LE VOLEUR, SA FEMME ET SON AMANT (1989)

 

La grande malbouffe ?

Bon, par où commencer ? Tiens, par la conclusion … J’aime pas ce film. Pour plein de raisons. Peut-être pas bonnes, mais je m’en fous, j’envisage pas de devenir pigiste à Télérama ou aux Cahiers du Cinéma …

« Le cuisinier … », je le mets dans le même sac que « Salo ou les 120 journées de Sodome » de Pasolini ou « La grande bouffe » de Ferreri, un film pour voyeurs malsains à tendance SM. De la première scène (une humiliation à base de tartinage de face avec de la merde de chien lavée en suite à la pisse) à la dernière (une mise en scène théâtrale et opératique de cannibalisme), cœurs sensibles s’abstenir. Pourtant, c’est pas le genre d’images qui va m’empêcher de dormir la nuit, les grosses ficelles scato ou révulsives, j’assimile, et je comprends parfaitement que ça se justifie dans un film. A condition que ça serve à quelque chose, et d’abord au film …

Greenaway & Bohringer

Mais là, sorry, ça sert à quoi ? Parce qu’entre les deux « sommets » du début et de la fin, ce qu’il y a entre est loin d’être soft (violence physique, verbale, scènes d’humiliation, de tabassage, de meurtre, du full naked, une petite pipe par ci par là, et j’en passe …). D’ailleurs les Ricains, éternellement traumatisés par le code Hayes, envisageaient le fameux Rated X pour le film, reléguant ainsi sa diffusion aux salles dédiées au porno. Finalement, « Le cuisinier … » s’en sortira avec une interdiction au moins de 16 ou 17 ans partout dans le monde (si tant est qu’il ait eu une distribution mondiale, je suppose que Greenaway et son équipe sont pas allés assurer la promo à Ryad, Manille, Islamabad ou Pékin).

Greenaway, il est responsable du scénario et de la mise en scène. C’est un British vrai de vrai, né dans un quartier populaire de Londres (le même que celui de Ian Dury, celui qui chantait en 77 « Sex & drugs & rock’n’roll », d’ailleurs les deux se connaissent, sont potes, et Ian Dury a un petit second rôle dans le film), et qui est venu au cinéma après plusieurs années passées dans une école d’art où il a appris la peinture dans l’intention d’en faire son métier. Ce qui ne se révèle pas totalement inutile quand ensuite on fait du cinéma, on sait jouer avec les couleurs. Et là, c’est un des points positifs du film (il y en a quand même quelques-uns), cette utilisation de la gamme des couleurs. « Le cuisinier… » a été entièrement tourné en studio. Chaque endroit dans lequel évoluent les personnages a sa couleur, poussée aux limites de la saturation : le bleu pour la rue extérieure, le vert pour la cuisine, le rouge pour la salle de restau, le blanc pour les toilettes, le jaune orangé pour les espaces moins utilisés (l’hôpital, la bibliothèque). L’essentiel des costumes est de la même couleur que le décor, et quand les personnages changent de lieu, la couleur de leurs habits change aussi (raccords compliqués à faire, y’avait pas le numérique à l’époque). Tous ces costumes sont signés d’un type qui commence à avoir une grosse réputation, Jean-Paul Gaultier. Pour l’anecdote, Madonna en rachètera un porté dans le film par Helen Mirren. Qui devait pas être trop usé, parce que la belle Helen passe plus de temps à poil que vêtue … Et tant qu’on est dans le rayon couleurs et peintures, dans la salle de restau trône un immense tableau, et comme j’y connais rien en taches de gouaches, je croyais que c’était un pastiche de « La ronde de nuit » de Rembrandt, en fait c’est une vraie œuvre originale d’un type dont j’ai la flemme de chercher le nom sous forte inspiration Rembrandt. Et les convives principaux sont habillés comme les miliciens du tableau.

La salle de restaurant

La base du script du film tient en trois lignes : dans un restau huppé, vient tous les soirs faire ripaille une bande de malfrats incultes et vulgaires. La femme du chef de bande quitte régulièrement ces lourdauds pour aller tirer un p’tit coup en cuisine avec un intello bcbg, jusqu’à ce que son mec en soit informé et que tout, si tant est que ce soit encore plus possible, parte en vrille … voilà, trois lignes j’avais dit … Était-ce nécessaire pour cela que chaque scène soit construite uniquement pour être choquante, dérangeante, montrer la bêtise, la cruauté, la veulerie des personnages, that is the question. Greenaway y répond dans une discussion sur son film, et de façon pas toujours convaincante. « Le cuisinier … » serait un film pour dénoncer le thatchérisme, et sa politique ultralibérale dans laquelle le fric est roi, et permet toutes les ignominies à ceux qui en ont. Soit … Le film serait un hommage aux dernières pièces de Shakespeare, paraît-il les plus sombres de son œuvre, montrant plein cadre les abominations qui au théâtre se passent hors scène. Re-soit. « Le cuisinier … » ferait implicitement référence au nazisme et à l’Holocauste (notamment quand la femme et son amant rentrent nus dans un camion frigo rempli de viande avariée lorsque le mari-voleur les recherche, les portes du camion-frigo qui sont refermées par le cuisinier assurant le parallèle avec les chambres à gaz), c’est pour cela que l’on doit montrer la nature humaine dans toute la noirceur absolue qu’elle peut atteindre. Re-re-soit … Tout ça pour finir par une dernière longue scène, figurant une sorte de Jugement dernier dans un décor évidemment rougeoyant, où l’expiation se fait sous les yeux des victimes … Que celui qui a décelé tout ça au premier visionnage me fasse signe, j’ai des équations à multiples inconnues et variables à résoudre …

Les toilettes

Pour faire un film, il faut aussi des acteurs. Selon Greenaway, celui autour duquel tout le casting a été construit, c’est Richard Bohringer. Choisi pour la démesure épique qu’il donnait à ses personnages. Bizarrement, à part un face-à-face tendu avec le chef mafieux, il est tout en retenue, passant le film à arrondir les angles lorsque les situations dégénèrent, et à favoriser les ébats puis la fuite des deux amoureux. Les amoureux, ce sont Helen Mirren, la femme du truand et l’intello placide pour qui elle a eu le coup de foudre. L’amant, inconnu depuis disparu des radars, n’a de toutes façons qu’un rôle secondaire. Helen Mirren, la quarantaine gironde, est comme souvent excellente dans les mauvais films, avant qu’on se décide à reconnaître son talent et lui en faire tourner des bons. Celui qui crève l’écran, c’est le truand. Interprété par Michael Gambon, physique à la Pavarotti, et jeu à la Falstaff, en encore plus lubrique, obscène, violent et truculent que le personnage d’opéra (opéras qui constituent l’essentiel de la bande-son). Autour de Gambon, une petite troupe de séides et de traînées, tous plus bêtes et méchants les uns que les autres. Parmi ces petits seconds rôles, le quasi-débutant et futur grand pote de Tarantino, Tim Roth (qui finira par cachetonner dans les Hulk de chez Marvel, tout comme Gambon le fera dans la série des Harry Potter) …. A noter que pour la véracité de certaines scènes en cuisine, ce sont les vrais employés du prestigieux Hotel Savoy de Londres qui sont aux fourneaux …

La cuisine

En conclusion-bis, je dirai que ce film au titre de fable de La Fontaine et sans réellement de morale (si, si, j’ai vu et à peu près compris la fin, mais je vais pas spoiler) est plutôt indigeste. Comme à peu près tous ceux de Greenaway que j’ai visionnés … Pénible et complaisant un jour, pénible et complaisant toujours ?

Conclusion-ter, une citation de Peter Greenaway : « il y a des choses particulièrement horribles dans ce film que j’ai du mal à regarder moi-même ». Pas mieux …





GUALTIERO JACOPETTI, PAOLO CAVARA & FRANCO PROSPERI - MONDO CANE (1962)

 

Les trois ténors ...

… du sordide, du glauque, du malsain … Ce trio de manieurs de caméra italiens (plus grosse part du taf pour le sieur Jacopetti) a réussi à sortir un pensum d’un peu moins de deux heures consacré à … on en est encore à se le demander quand « The End » s’affiche sur l’écran.

Jacopetti & Prosperi

« Mondo cane » (un monde de chiens pour ceux qui parlent pas la langue de Giorgia Meloni, et le name dropping de la petite fachote n’est pas là par hasard, j’en recauserai de toute cette symbolique à la noix …) sous-titré « Bon ou mal, notre monde tel qu’il est » est un enchaînement d’une trentaine de séquences qui passent du coq à l’âne, conçues sur le mode documentaire … enfin, documentaire, faut le dire vite.

Sur le site IMBD (banque de données exhaustive sur tout ce qui a fini sur grand écran), ils qualifient « Mondo cane » de « shockumentary », comme quoi les anglo-saxons peuvent avoir le sens de la formule et du mot-valise … ici, on appellerait ça documenteur. Parce que, quoi qu’en dise la voix off lors des présentations des « reportages », bon nombre font l’effet d’être reconstitués, voire d’être des fakes complets. Et il faut pas attendre bien longtemps.

Première séquence, un hommage à Rudolf Valentino, dans le petit patelin italien où il naquit, nous offre à l’image une succession de jeunes bellâtres ténébreux et gominés qui fixent ostensiblement la caméra au milieu de la foule, essayant de nous persuader qu’ils ont quelque chose du rital lover du cinéma … Hum, pris sur le vif, vraiment ?

Vous avez dit racoleur ?

Deuxième séquence, une chasse au « beau mâle » dans une île de Nouvelle-Guinée, où une troupe d’indigènes jeunes et fort girondes se mettent topless pour poursuivre dans l’eau un sex symbol de leur tribu qui tente de leur échapper sur sa pirogue (bon, évidemment, il y met pas toute sa conviction dans sa fuite …). Totalement ridicule, et vulgaire. Je sais pas ce qu’ils ont après les peuplades de Nouvelle-Guinée, mais ils sont plus souvent qu’à leur à « l’honneur » dans ce machin (en train de massacrer des cochons, de gaver (y’a pas d’autres mots) des femmes pour les refiler comme épouses à une sorte de squelette ambulant qui leur tient lieu de chef, d’être filmés de loin parce qu’ils sont « très dangereux », de construire des pistes d’atterrissage pour avions en bambou auxquels ils vouent un culte …). Tout ça empeste la condescendance colonialiste, et s’il faut faire simple, le racisme.

D’ailleurs, les peuples du Sud-Est asiatique, ils morflent sévère, ils sont montrés comme des brutes inhumaines (ils bouffent des chiens, des serpents, décapitent des buffles lors de cérémonies militaires, vont par millions dans des centres de « dégrisement » où des jeunettes en bikini les aident à dissiper leur gueule de bois …). Comble du malaise, un prétendu mouroir à Singapour où sont stockés (y’a pas d’autres mot) des vieux en fin de vie (parce que – dixit le commentateur – Les Chinois qui peuplent majoritairement Singapour se reproduisent tellement qu’il n'y a plus de place dans les logements pour les vieux). Et si les ancêtres persistent à rester en vie, on organise des prières avec offrandes pour qu’ils cassent leur pipe plus vite …

Autres « victimes » des trois compères, les Ricains, tournés en ridicule avec leurs cimetières pour animaux domestiques, leurs clubs de fitness pour mémés, leur société d’hyperconsommation avec les casses de voitures, … Un « reportage » sur des Allemands (et des Allemandes) très bourrés dans le quartier chaud de Hambourg et un sur les corridas très particulières au Portugal (les types essayent d’immobiliser à mains nues des taureaux lancés à toute blinde dans des rues ou des arènes) sont censés montrer les « tares » des voisins européens (bizarrement les Français y échappent peut-être pas dans les suites de « Mondo cane », parce que tant qu’à faire, il y en a eu une paire, de suites à ce machin). Et les Italiens dans tout ça ? Ils sont beaux gosses comme Valentino, font des processions en se baladant avec des serpents, font des processions en se scarifiant avec des tessons de verre, font entretenir par des enfants un ossuaire médiéval, … En fait, les Ritals du début des 60’s sont beaux, (ultra)cathos, et conservateurs …

Sunday, bloody Sunday ?

Tout ça est gratuit, complaisant (du nibard et du sang en veux-tu en voilà), tournée dans un cinémascope pétaradant de couleurs vives, et idéologiquement répugnant …

Deux séquences (sur trente, ça fait pas lourd) sont moins racoleuses. Une tournée sur l’atoll de Bikini (lieu des essais nucléaires américains) nous montre des champs d’œufs d’oiseaux de mer qui n’ont pas éclos et des tortues de mer qui après avoir pondu ne retrouvent plus la mer et crèvent desséchées dans les terres, tout ça à cause des effets des radiations, bien qu’il ne soit aucunement question d’un plaidoyer anti-nucléaire. Autre séquence juste amusante, un bateau de croisière rempli à la gueule de retraités qui débarque à Honolulu, et sont aussitôt initiés aux danses hawaïennes, un exercice pour lequel ils sont vraiment pas doués. C’est drôle, mais sans rapport avec tout le reste …

A cette époque-là en Italie, le cinéma cherchait un nouveau souffle après le néo-réalisme et en attendant les œuvres majeures (et beaucoup plus provocantes en fait que le piteux « Mondo cane ») des Fellini, Antonioni, Pasolini et autres … Jacopetti, Cavara et Prosperi ne sont certes pas le chaînon manquant entre ces deux grands courants. Tout au plus, leur complaisance et leur sens de la « manipulazione » de l’image préparent le terrain aux Berlusconi et autres Melloni …


MARGUERITE DURAS - INDIA SONG (1975)

 

Valium song ...

« Marguerite Duras, elle a pas écrit que des conneries, elle en a aussi filmées » (Pierre Desproges, très drôle, évidemment, sauf que c’était une tirade sur « Hiroshima mon amour », sublime film de Resnais d’après un scénario de Duras, donc vanne de mauvaise foi …)

Bon, « India song ». Qui d’ailleurs est beaucoup plus de Benoît Jacquot et Bruno Nuytten que d’elle (techniquement, elle fait pas la différence entre une caméra et une 2 CV, elle disait ce qu’elle voulait voir à l’écran, et les acteurs et l’équipe technique devaient se démerder pour arriver au résultat).

Duras & Seyrig

« India Song », c’est l’histoire d’Anne-Marie Stretter, veuve de l’ambassadeur de France à Calcutta dans les années 30, qui accumule les amants (qui défilent à grande vitesse, enfin, façon de parler, et on en reparlera) et rejette le seul type qui l’aime vraiment (le vice-consul de Lahore). Bon, tous les personnages sont fictifs, à part peut-être la veuve, plus ou moins double de Duras jeune. Car avant de devenir le sosie officiel de Karl Zero, Margot Duras était une jeune femme gironde et, comment dire, libérée (« L’amant », son bouquin et le film d’Annaud qui en a été tiré seraient en partie autobiographiques).

« India song », au vu de son titre et du scénario, on peut se dire qu’on va voir au moins un film exotique. Bon, y’a pas de scènes au Taj Mahal … loin de là. Les intérieurs ont été tournés dans des hôtels parisiens (notamment le Georges V, et des hôtels particuliers, dont un, délabré, de la famille Rothschild). Quant aux rares extérieurs, ils ont été tournés à Neauphle-le-Château, le bled des Yvelines où vivait Duras et où, quelques années plus tard, sera assigné à résidence l’ayatollah Gros Minet (merci Coluche) avant qu’il devienne Guide Suprême de la révolution iranienne. Je doute que la féministe et le fondamentaliste aient souvent pris le thé ensemble …

« India Song » a été tourné en moins de deux semaines. Faut dire que pour plein de raisons (le scénar, Duras à la caméra, …), les financeurs se sont pas bousculés. A l’origine, Duras rêvait dans les rôles principaux de Peter O’Toole et Dominique Sanda. Une fois le budget pris en compte, c’est Delphine Seyrig (« un film en quinze jours, je signe pour une année avec elle, ça me fera six mois de vacances » citation tongue-in-cheek mais véridique) qui prendra le rôle principal. Comme elle dépasse le mètre quatre vingt, il a fallu prendre des grands (de préférence débutants et pas trop chers) pour qu’elle ait pas l’air d’une croqueuse de nains. Les deux plus connus aux rôles masculins seront Mathieu Carrière et Michael Lonsdale.

Lonsdale & Seyrig

« India song » est un film en couleurs muet … avec plein de dialogues. Je m’explique. Les acteurs évoluent sans dire un mot, leurs dialogues sont en voix off … plus quatre « récitants » qui exposent et narrent l’histoire. Parce que « India song » se comporte majoritairement de plans fixes que les acteurs traversent en marchant très lentement, ou en dansant, encore plus lentement. Exceptions, quelques rares panoramiques, évidemment très lents et un superbe travelling vers la fin dans les couloirs du Georges V. Il y a même une (longue) scène genre nature morte (c’est pas une photo, on voit la fumée de bâtons d’encens omniprésents dans le film, et ne me demandez pas ce qu’ils viennent foutre là, ces fumigènes odorants) qui réunit la plupart du casting (Madame et ses flirts ?).

Bon, la défense pourra toujours dire que le film est tiré d’une pièce de théâtre du même nom, elle-même tirée d’un bouquin de Duras, « Le Vice-Consul ») ; la défense pourra toujours s’appuyer sur les critiques dithyrambiques de l’époque, reproduites sur la jaquette du Blu-ray et signées Gérard Lefort, Jean de Baroncelli et Henry Chapier, dont l’avis est certes bien supérieur au mien, mais qui ont passé leur vie à défendre des machins intellos qui t’endorment au bout de deux bobines … La défense pourra à juste titre s’appuyer sur le jeu de miroirs d’un certain nombre de plans, où la caméra est judicieusement placée de biais sur un immense miroir mural devant lequel passent ou dansent les acteurs, et on les voit arriver (ou partir selon l’angle) avant qu’ils soient dans le champ de l’objectif, un procédé largement utilisé chez d’autres (Ophuls dans « Madame de … », Losey dans « The servant », …) mais jamais d’une façon aussi systématique (à mon sens, ce procédé est la seule chose à sauver du film). « India song » (titre tiré d’un morceau de jazz qui revient souvent dans la bande-son) est intriguant et original au début, mais cette lenteur sans paroles et sans aucune action (même si ça finit très mal pour Lonsdale et Seyrig), c’est juste insupportable sur la durée, et l’argument, y’a deux films, un film des voix et un film des corps, sur la durée ça tient pas …

Seyrig et ses amants dans les couloirs du Georges V

Des gens à l’époque se sont extasiés de la scène la plus fameuse d’« India song », où on a un plan fixe puis un gros plan (au moins cinq minutes en tout) sur une Delphine Seyrig au sein droit dénudé, couchée à même le sol avec une paire de ses gigolos … autres temps, autres mœurs, et autres réactions …

« India song », c’est le genre de film qui doit passer une fois tous les dix ans à pas d’heure sur Arte, et qui a été remastérisé en 2K récemment (heureusement, tant l’image d’origine paraissait floue et granuleuse (pas sûr que ce soit fait exprès). Combo Blu-ray et Dvd (plus bonus) vendu à prix très raisonnable par la petite boîte d’édition Tamasa (j’ai pas d’actions chez eux, d’ailleurs il risque fort d’y en avoir un d’occase en état mint à la vente bientôt) alors que de vieilles versions Dvd ou VHS coûtent une blinde sur le net …


VINCENTE MINNELLI - GIGI (1958)


Tragédie musicale ?

Dans l’industrie du divertissement américaine, le nom de Minnelli est un de ceux qui comptent. Le Vincente Minnelli donc, réalisateur multi-oscarisé, ancêtre de toute une lignée d’Italo-américains versés dans le septième art (les Scorsese, De Palma, Cimino, Coppola, …), mais aussi père de la Liza du même nom, reine des cabarets et revues de Broadway, et mari de l’alcoolo dépressive, l’ex-enfant star Judy Garland.

Vincente Minnelli, c’est une filmographie assez conséquente, placée pour la majorité de ses œuvres les plus connues sous le sceau de la comédie musicale (« Le chant du Missouri », « Tous en scène », et son meilleur, « Un Américain à Paris »). Plus quelques films plutôt noirs, dont les excellents « Les ensorcelés » et « Comme un torrent ».

Vincente Minnelli

« Gigi » est une comédie musicale et son plus gros succès (huit statuettes, dont meilleur film et meilleur réalisateur), et comme d’autres films avant lui (dont une « version française » une dizaine d’années plus tôt), inspirée d’un bouquin de Colette. Le film de Minnelli respecte globalement les grandes lignes du livre, tout en y rajoutant quelques touches personnelles, la plus notable étant l’ajout d’un personnage, vieux bourgeois grivois, et oncle du principal protagoniste masculin.

Colette a situé l’action de « Gigi » à Paris vers 1900, au milieu d’une faune de riches et de « demi-mondaines » (gentille expression d’époque pour désigner des femmes dont l’outil de travail était situé un peu au-dessous du nombril) annonciatrice de la Belle-Epoque. Minnelli a donc fait un film parisien tourné à Paris. Un Paris qu’il connaissait peut-être, mais qu’il rend totalement fantasmatique, vision grotesque de carte postale, de la ville de La Tour Eiffel, la ville des allées du Bois de Boulogne (alors lieu de promenade et d’exposition de la haute bourgeoisie), la ville des soirées chez Maxim’s, la ville des amours romantiques…


Là où ça se complique, c’est que Minnelli a décidé d’en faire une comédie musicale et confié les trois rôles principaux à des Français. Deux plus ou moins expatriés, Louis Jourdan et Leslie Caron (c’est elle qui serait l’instigatrice principale du projet qui a fini en film), plus l’inénarrable Maurice Chevalier. Tous les trois jouent comme des savates, en faisant des brouettes. Même si ce jeu outré est un peu récurrent avec les comédies musicales, là c’est vraiment too much. D’autant plus que la Caron et le Jourdan sont à la ramasse sur leurs parties chantées, heureusement peu nombreuses. Minnelli aussi est en roue libre. Certes il sait tenir une caméra, le cadrage est précis, le montage fluide, les costumes censés être d’époque sophistiqués, malgré un traitement des couleurs bien pétaradant … Ce qui ne masque pas la vacuité simplette de l’histoire (il me semble que le bouquin lu il y a des décennies est moins neuneu). Tout ça fait un peu « Un Américain à Paris » bis.

Minnelli a toujours eu le chic pour surexposer des ringards improbables. Dans « Un Américain … » c’était Georges Guétary dans un second rôle (et la première apparition de Leslie Caron qui allait en faire une vedette grâce au succès du film). Ici, on peut s’interroger sur la pertinence du choix Louis Jourdan, totalement inexpressif et transparent. Plus encore sur celui de Leslie Caron qui à 27 ans joue une gamine (15 ans dans le bouquin, 17 dans le film). Certes elle est toute petite, mais elle se force à minauder et à grimacer au-delà du raisonnable. Le pompon est attribué à Maurice Chevalier. Rarement vu dans un film un rôle principal aussi mauvais, figure cireuse rigide (à force de maquillage), perpétuel sourire benêt toutes dents blanches (refaites) en avant, … si on voulait être méchant (pas mon genre, hein, vous le savez), on dirait que pousser la chansonnette pour les officiers nazis pendant l’Occupation n’en a pas fait un grand acteur …


La première scène résume tout ce qu’il y a de mauvais dans ce film. Alors que des équipages de calèches luxueuses traversent au second plan les allées du Bois de Boulogne, Maurice Chevalier dont le personnage se définit comme un libertin forcené, reluque des fillettes qui jouent au cerceau (dont Leslie Caron, grotesque de puérilité) en entonnant une des chansons à succès du film « Thanks heaven for little girls ». Dont les paroles sont encore pires que ce que laisse présager le titre, ça donne en français des choses à haute allusion pédophile comme « c’est une veine qu’il y ait des fillettes ». A l’heure où pour beaucoup moins que ça, certains ont généré contre eux des hashtags incendiaires associés à des campagnes d’opprobre et de destruction massives pour de très vieilles histoires, il est étonnant que ce film n’ait pas été montré du doigt …

Remarquez, qui peut bien se fader des niaiseries pareilles ?


GEORGE WAGGNER - LE LOUP-GAROU (1941)

Loup y es-tu ?

Film culte, comme n’importe quel film sorti qui est culte pour quelqu’un. En l’occurrence, « le Loup-Garou » (« The Wolf Man » en V.O.) est considéré comme l’ancêtre des films de … loups-garous. Et si le nanar de George Waggner n’est pas le premier film à traiter du sujet, il reste le plus connu des temps préhistoriques du cinéma. Parce qu’il y a (surtout) un casting. De seconds couteaux qui sont pas loin d’être des premiers. Genre Claude Rains (toujours là pour jouer le méchant de service), Ralph Bellamy, Patrick Knowles pour les messieurs, Evelyn Ankers et Maria Ouspenskaya pour les dames. Sans oublier les deux noms qui brillent le plus en haut de l’affiche, Bela Lugosi et Lon Chaney. Précision : Lugosi a en tout et pour tout sept répliques (vu son accent, il vaut mieux) et se retrouve vite dans (where else) un cercueil, quand à Lon Chaney c’est Jr., le fils de son père « l’homme aux mille visages » et une des plus grandes stars du muets.
George Waggner
Le fiston se contentera de décliner son personnage de Larry Talbot / Le Loup-Garou (il a eu de la chance, c’est Boris Karloff qui était pressenti pour le rôle) dans les suites du film, finissant même, après avoir affronté Dracula ( ! ) et Frankenstein ( ? ), par donner la répliquer aux inénarrables Abott et Costello (duo de comiques troupiers) pour un très improbable « Deux nigauds contre Frankenstein » (c’est fou comme on apprend plein de trucs inutiles en matant les bonus des Dvd …). Et le fiston n’arrivera jamais à la cheville de son paternel, qui lui foutait vraiment les jetons dans ses apparitions …
« Le Loup-Garou », scénario de Curt Siodmak (un Allemand fuyant les nazis) et réalisation de George Waggner. Suffit d’aller voir sur Wikichose leurs pédigrées et les films auxquels ils ont contribué, pour voir qu’on est là au cœur de la série Z. D’ailleurs, toujours section bonus (y’a de la place pour les bonus, le film ne dure que 67 minutes), une sorte d’universitaire du film d’horreur (Tom Weaver) nous assène (heureusement sous-titré) avec un débit de mitraillette à faire passer Scorsese pour un bègue, toutes les incohérences scénaristiques (le film est la conjonction de plusieurs scénarios bâclés) et tous les raccords hasardeux ou foirés, même si le gars a l’air assez fan ...
Chaney & Ankers
Faut dire qu’à la vitesse où allaient les choses (deux mois entre le premier coup de manivelle et la version montée présentée à la critique, même si on était dans les années quarante, ça fait rapide …), fallait pas être trop regardant …
L’histoire, exploitée des dizaines de fois (la plus célèbre étant tournée par John Landis au début des 80’s), est archi-connue. C’est celle du type qui avant de tuer un loup-garou se fait mordre et devient à son tour loup-garou. Soit. Ce qui en soi n’est pas plus con que le concept d’Alien…
Et parce que le scénario tient sur la tranche d’un feuillet à cigarettes, on y rajoute les événements qui vont « meubler ». L’histoire familiale compliquée (entre papa Rains et fiston Chaney), l’histoire d’amour (entre Ankers et Chaney, les deux sous contrat avec Universal ont tourné plusieurs films ensemble et se détestaient comme c’est pas permis), la pseudo enquête policière entre chasse à courre pour débusquer le toutou tueur et intrigue métaphysique et psychologique (à laquelle on ne comprend rien, pas plus que les acteurs si on en juge par leur jeu). Et puis les indispensables à ce genre de film, le château familial (en carton, ça se voit plus que beaucoup), les arbres en carton (ça se voit bien aussi) baignés par un brouillard artificiel (le préposé aux fumigènes faisait un peu n’importe quoi). Sans oublier les gens du voyage mystérieux chargés de pouvoirs surnaturels et de lourds secrets (Lugosi et Ouspenskaya, il est son fils, alors que dans la vie il est plus âgé qu’elle, ça se voit aussi …).
Number of the Beast ?
Le plus remarquable pour l’époque, tout le monde se plaît à le souligner, c’est le maquillage nécessaire à transformer Chaney en loup-garou, qui est l’œuvre d’un cador du genre, Jack Pierce, référence culte de tous les spécialistes d’effets spéciaux à base de monstres encore aujourd’hui. Selon les intervenants des sections bonus, Chaney en avait pour des heures à se faire coller des poils de yak sur le museau (entre trois et six plombes) et quasiment autant pour retrouver apparence humaine. Petit détail : Pierce et Chaney se détestaient (apparemment le Chaney avait pas beaucoup de potes dans le métier), c’est pourquoi à mon sens, une fois grimé en loup-garou, il faisait plutôt rire que peur (je sais, c’est facile et méchant, le film a quasiment 80 ans, y’avait pas la motion capture assistée par des multitudes d’ordinateurs) …
Bon, ben voilà, si vous avez un peu plus d’une heure à perdre … ou alors regardez « Dr Jerry et Mister Love » avec Jerry Lewis, c’est pas seulement un pastiche de Jekyll et Hyde, c’est aussi dérivé du « Loup-Garou », et c’est beaucoup plus fun …



PATRICE LECONTE - LES BRONZES (1978)

Club Med ou Camping ?

« Les Bronzés », premier du nom est un film culte. Dont on n’a pas le droit de dire du mal, donc …
Je pourrai donc même pas suggérer que c’est filmé avec les pieds, que le scénario est inexistant, qu’on n’imaginait pas plus belle bande de tocards s’agiter devant une caméra dans une succession de gags tous plus éculés (de ta mère) les uns que les autres … « Les Bronzés » est d’une complaisance, voire d’une autocomplaisance dont un type comme Godard ne s’est jamais approchée, même dans ses pires moments …
Ceci étant, pour le pauvre Leconte (est pas bon), voir son blaze voisiner avec celui de Godard est déjà très nettement le surestimer. Non, Leconte (est pas bon), c’est juste un Max Pecas peinturluré rive gauche … enfin, si tant est qu’on puisse situer Clavier (copain comme cochon avec le nabot Sarko) à la gauche de quoi ce soit…
« Les Bronzés » est déjà très bien comme ça … on peut juste regretter qu’il manque au casting Bigard et Dubosc. Pour « Les Bronzés 4 » peut-être …
Y'a pas de quoi être fiers ...
Plus je regarde ce film (une fois tous les dix-quinze ans à peu près) plus il me gave, avec son interminable litanie de clichés beaufs (non, Jugnot fait pas exprès de ressembler à un personnage de Cabu, il est aussi con dans la vie que dans ses films), voire une condescendance raciste (ces scènes dans le village Ivoirien, comme quoi les relents rances du colonialisme ont la vie dure), l’enfilade des clichés machos dignes des discussions d’un apéro prolongé dans un quelconque bar de la Poste.
J’ai jamais entendu les prétendus gens de gauche (Balasko par exemple) impliqués dans cette chose faire la moue devant ce qu’on voit à l’écran (elle a d’ailleurs été des deux suites de ce machin). On voit par contre tous ces minables se précipiter dans les fauteuils rouges du cacochyme Drucker vendre la dernière daube à laquelle ils ont participé, ou chanter faux une reprise de Serge Lama chez les « Enfoirés », comme quoi l’autogestion bordélique limite anarchisante du Splendid (on est une communauté, on partage tout, ce genre de sornettes claironnées haut et fort à l’époque …) a vite touché ses limites, une fois les premiers brouzoufs arrivés …
« Les Bronzés », c’est tellement con qu’il y a même deux ou trois gags (parce que c’est pas un film, c’est juste une suite de gags) qui me tirent un sourire quand je suis de bonne humeur …
Quand on pense que leurs « concurrents » (l’équipe du Café de la Gare, qui en accueillera par la suite quelques-uns du casting des « Bronzés ») sortaient des films comme « Les Valseuses » lorsqu’ils donnaient dans le cinéma …
Preuve ultime du mauvais goût de la chose (et des gens qui l’ont faite) : Gainsbourg a filé pour la B.O un de ses pires titres jusque-là (il a fait « mieux » dans sa période Gainsbarre), le pitoyable « Sea, sex and sun ». Nettement moins mauvais que le mantra « Darladirladada » qui revient toutes les cinq minutes, mais quand même …
Je ne saurai terminer sans remercier la maison Studio Canal pour la qualité de ses Dvd dotés de zéro bonus et d’une qualité d’image digne d’une VHS nord-coréenne des années 70 … Sans doute pour  que la fête soit complète …



BARRY LEVINSON - GOOD MORNING VIETNAM (1987)


Tchao pantin ?

Tant qu’à causer films, autant commencer par un de mauvais, ça ne pourra aller qu’en s’améliorant. Même s’il n’est pas franchement atroce, « Good morning Vietnam », est loin d’être un chef-d’œuvre du 7ème art.
Le sujet était soi-disant sulfureux, basé sur l’histoire réelle (mais très fortement retouchée dans le scénario) d’Adrian Cronauer, DJ de la station de radio de l’armée américaine au Vietnam au milieu des années 60. Précédé avant sa sortie en salles d’une réputation surfaite de 1ère comédie iconoclaste sur le conflit vietnamien, ce n’est qu’une gentille pelloche avec en filigrane une romance à l’eau de rose entre l’animateur radio et une jeune beauté locale.
On est loin de la destruction par le rire de la guerre de Corée signée Altman avec « M.A.S.H. », et comme « Good morning Vietnam » n’est pas un film « de guerre » sur le Vietnam, on évitera les comparaisons forcément très désavantageuses avec quelques classiques signés Cimino, Coppola ou Kubrick …
Faut dire qu’à la réalisation on a un centriste de la caméra, Barry Levinson, yesman des studios hollywoodiens, qui ne réussira même pas à faire un chef-d’œuvre avec Cruise et Hoffman au casting (« Rain man »). Le rôle principal dans « Good morning Vietnam » est tenu par le peu connu à l’époque Robin Williams, venu du comique télévisuel, et qui ensuite sera tête d'affiche dans de mauvais films et au second plan dans de bons films …
L’intrigue est aussi mince que le string d’une bimbo dans une production Marc Dorcel. Adrian Cronauer, DJ et animateur réputé des bases militaires US, est affecté à Saïgon en 1965 pour remonter le moral des troupes américaines dans un conflit qui commence à s’enliser. Il va s’amouracher platoniquement de la sœur d’un « terroriste » vietcong, sur fond de démêlés avec sa hiérarchie militaire, à cause de son sens de l’humour diversement perçu…
Le film est entièrement centré sur la performance de Williams, ses fameux « Good Mooooorning Vietnam » et quelques monologues comiques débités sur le mode supersonique. Ce qui pose d’entrée une des grosses limites du film, les vannes peut-être bien vues en anglais, ne sont pas forcément traduisibles en français, flagrant quand on visionne le film en V.O. sous-titrée … quand à le voir sans sous-titres, why not, mais ça va beaucoup trop vite pour moi. D’ailleurs, c’est dit dans les bonus du DVD, le film a été tourné en Thaïlande avec une équipe cosmopolite, et à la fin des prises, quelquefois totalement improvisées de Williams, seuls les Américains avaient le fou rire, et toutes les autres nationalités se demandaient ce qui se passait … Vanner la laideur de la femme et des filles de Lyndon Johnson, c’est peut-être très marrant, mais encore faut-il savoir qui il est (à la limite, çà, on devrait savoir, c’est celui qui a succédé à Kennedy) et à quoi ressemble sa famille …



Tous les personnages sont stéréotypés outrancièrement comme ceux d’une sitcom (les supérieurs militaires, Denzel Washington en  niais balourd dans un de ses premiers rôles, le patron de bar homo, …). Plus grave et plus politiquement tendancieux est l’image donnée des Vietnamiens, doux crétins toujours prêts à rire des vannes de Williams-Cronauer, et qui alors que leur pays est occupé par une armée étrangère, se bousculent pour prendre des cours d’argot du Queens, ou jouer au base-ball avec des melons locaux… Il y a fort à parier que les vraies préoccupations des autochtones étaient ailleurs…Et ceux qui ne rigolent pas sont, forcément, des terroristes, voir le dialogue vers la fin entre Williams et le jeune militant vietcong, à peu près la seule séquence plausible du film, qui montre bien l’incompréhension totale entre les deux mondes qui s’affrontent…
Levinson nous sert une mise en scène d’une platitude terminale (multipliant les plans fixes sur Robin Williams), gâchant le budget de la production par d’inutiles séquences de bombardements d’un village et la vision d’une base américaine dans la jungle n’ayant aucun rapport avec l’intrigue du film, le tout sous la musique de « Wonderful world » de Louis Armstrong …
Tiens, la musique, justement, puisque Cronauer était DJ … là, c’est du bon, soul et rock du début des années 60. C’est d’ailleurs à peu près tout ce qu’il y a de bon dans ce film …