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ALBERT DUPONTEL - ENFERMES DEHORS (2006)

 

Dans la peau d'un flic ...

Dupontel, on compte plus les récompenses obtenues par ses films, c’est devenu un incontournable des Césars, apprécié par le public et la critique. C’est pourtant loin d’être un acteur, un réalisateur et un scénariste mainstream. Dupontel, il a construit patiemment sa carrière, n’obtenant ses grands succès qu’à la cinquantaine. « Découvert » par Patrick Sébastien, ce qui n’est pas forcément une ligne glorieuse sur un CV (ce qui n’empêche pas Dupontel de le remercier au final du générique d’« Enfermés dehors », en compagnie entre autres de Chaplin et des Monty Python), il a beaucoup tourné (dans plein de genres, des films à gros budget, des séries B, …) avant de se lancer dans l’écriture et la réalisation, et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, de se donner le premier rôle dans ses films.

Albert Dupontel

Son tiercé majeur c’est à ce jour « 9 mois ferme », « Au revoir là-haut » et « Adieu les cons » (chronologiquement mais aussi artistiquement). Un peu avant cette trilogie, était sorti ce « Enfermés dehors ». Qui est un film brouillon, confus, où l’on a l’impression que le scénario abracadabrant n’est là que pour assurer les liaisons entre des scènes d’un burlesque délirant. On se dit (c’est sans doute le but poursuivi) que « Enfermés dehors » n’est pas un film, mais un dessin animé joué par de vrais acteurs. Le point de départ, qui revient de temps en temps, c’est la confrontation du monde des SDF avec « l’autre monde », celui des gens plus ou moins « normaux », et du monde de la finance et du gros business. Bon, on n’est pas chez Ken Loach, ou alors chez Ken Loach revisité par Tex Avery.

Les gags sont totalement cartoonesques (les vols planés, les chutes, et d’une façon générale ceux qui les exécutent ou les subissent) sont totalement irréels et constituent le ressort comique majeur du film. D’autant que certains sont des running gags (les personnages des panneaux d’affichage qui s’animent lorsqu’on sniffe de la colle, les pans de murs qui s’effondrent sur le casting, la collision avec le motard, les vols planés qui se finissent toujours dans la boutique de l’épicier du coin, …). Rajoutez un casting de « gueules », Hélène Vincent et Roland Bertin en kidnappeurs d’enfants, une bonne partie des Deschiens en SDF (Yolande Moreau, Bruno Lochet, Philippe Duquesne), quelques apparitions fugaces de Bouli Lanners, Jackie Berroyer, Gustave Kervern, deux Monty Python (Terry Gilliam et Terry Jones).

Les beaux-parents indignes, Vincent & Bertin

Et l’histoire dans tout ça ? Ben y’en a pas, ou plutôt y’en a trois. Roland (Dupontel) est un SDF devenu flic. Il s’entiche d’une plaignante au commissariat Marie (Claude Perron, seul personnage « normal » du film, elle bosse dans un sex shop et se sert de godes pour faire du tapage nocturne …) qui vient signaler que sa fille est séquestrée par ses beaux-parents. Il veut l’aider à retrouver sa gamine mais homonymie oblige, va traquer un puissant homme d’affaires à la place des deux vieux …

Le point de départ est un classique de la comédie, le quiproquo. Roland assiste au suicide d’un type qui se pend en sautant d’un pont dans un fleuve (même si la corde est trop longue, il finit dans la flotte). Roland, SDF qui dormait sur les quais, monte sur le pont, ouvre une valise que le type avait laissé. Cette valise contient des habits de flic. On a beau être un SDF défoncé à la colle, on n’en reste pas moins un honnête homme et Roland va rendre la valise à l’hôtel de police, d’où son look et son odeur le font expulser avant qu’il ait pu en placer une. La vision par un soupirail du mess des pandores et la faim qui le tenaille lui feront endosser les habits du flic, d’abord pour aller bouffer copieusement gratos, et ensuite s’intéresser par hasard à la plainte de Marie, se servant de son bel uniforme (une chemise bleue et un béret classiques de pandore, mais une improbable salopette de conchyliculteur par-dessus …) pour entamer une enquête rocambolesque à sa façon. Avec des alliés (souvent contraints à cause des vertus de l’uniforme bleu) « recrutés » dans le milieu qu’il connaît le mieux, celui des SDF. Et évidemment avec des méthodes assez peu orthodoxes (un squat finit par devenir une sorte de ZAD gérée par des faux flics qui sert des repas aux jeunes mères démunies), et quelques visions assez particulières de faire régner l’ordre dans la société (Yolande Moreau : « il faut les lapider à coups de hache »).

Yolande Moreau

Forcément tout est bien qui finit bien, au prix d’acrobaties vertigineuses sur le rebord d’un toit de clinique privée (Roland accroché à une antenne télé pendue dans le vide rattrape Hélène Vincent en chute libre avec ses dents, les crochets de fixation de l’antenne n’arrêtent pas de céder, …), et notre héros de plastoc va réussir sa mission impossible (enterrées les cascades de Tom Cruise …).

On est avec « Enfermés dehors » dans le registre de la comédie pure, l’affrontement « social » entre les déshérités qui vivent dans la rue et les gros requins capitalistes est réduit à quelques gags ubuesques (on est loin de la finesse, des magouilles et des arnaques de « Au revoir là-haut »), il y a beaucoup de personnages « inutiles » au scénario, qui sont juste là par copinage …

Reste un univers délirant assez unique dans le cinéma actuel qui doit quand même un peu (beaucoup ?) à Caro et Jeunet (« Delicatessen » notamment) et une imagination sans limite quand il s’agit de trouver des angles de prises de vue totalement azimutés, la bizarrerie visuelle venant s’ajouter au comique de situation …

Bon point aussi, les plaisanteries les plus courtes étant les meilleures, quand avant le générique s’inscrit « Faim » (sic) sur l’écran, on n’est là que depuis une heure vingt.

Conclusion : Dupontel pouvait mieux faire … et il a fait mieux par la suite …





ALAIN BASHUNG - BLEU PETROLE (2008)

 

The Last Waltz ...

On le savait, il était cuit Bashung. Les poumons rongés par le crabe. Une fois ce « Bleu pétrole » paru, il a fait ce qu’il a pu pour assurer. Livide, un chapeau pour masquer les effets de la chimio, ayant du mal à se déplacer, annulant séances photo, promo, concerts, il était un sexagénaire débordé par la maladie. La « profession » (l’establishment comme diraient ceux qui se rassemblent pour être haineux) dans un grand élan d’œcuménisme quelque peu forcé, allait en faire le Victorieux de la Musique millésime 2009. Il était venu pour recevoir ses colifichets. Deux semaines plus tard, ceux qui l’avaient applaudi au Zénith y allaient à qui mieux-mieux de leur épitaphe pendant que les illustres macchabées du Père-Lachaise se serraient un peu pour lui faire une place …

De toutes façons, cette première décennie du nouveau siècle n’était pas la sienne. Il n’avait sorti qu’un seul disque sous son nom, « L’imprudence » (un machin noir et glauque devant lequel certains sourds s’étaient prosternés), une paire avec sa moitié Chloé Mons (silence gêné, personne les a écoutés), avant de mettre ce « Bleu pétrole » en chantier. Pour lequel Bashung fait avec les moyens du bord. Ses deux paroliers historiques, Bergman et Fauque ayant disparu de ses radars, c’est sur le nouveau partner in crime Gaétan Roussel que va reposer la confection du disque.


Le Roussel, je supporte pas sa voix, et son énorme succès avec Louis Attaque, ces boy-scouts des rengaines pour ados attardés, on peut pas dire que ça m’ait transporté. Sur « Bleu pétrole », thanks God, il chante pas le Roussel (mais la voix de Bashung, … bougez pas, on y reviendra), mais il signe une grosse moitié des paroles et des musiques, joue de plein d’instruments, et co-produit la rondelle. Bashung a pas mis tous ses œufs dans le même panier, il a aussi collaboré avec Manset. Monsieur Gérard Manset. Un type responsable pendant une vingtaine d’années (à partir de la fin des 60’s) d’une dizaine de disques sans rien à jeter. Un type qui ne se livre ni aux interviews, ni aux séances photo, refuse tout passage télé et n’a jamais donné le moindre concert. Et pourtant un type qui n’a rien d’un misanthrope asocial, il peut apporter son talent à d’autres qu’il choisit rigoureusement. Bashung innove donc, ne gardant que son guitariste américain « déconstructeur » Marc Ribot (longtemps complice de Tom Waits). Pour être exhaustif, quelques troisièmes couteaux (Joseph d’Anvers, Arman Meliès) co-signent une paire de titres.

Le son global du disque est assez sombre, ce qui est somme toute assez compréhensible. Des batteries mates, des mélodies linéaires, une ambiance poisseuse pour pas dire morbide, des cordes et beaucoup de machines qui moulinent des schémas rythmiques élaborés et des arrangements tarabiscotés. On sent le gros budget, sans que ça vire pour autant à la démonstration narcissique. Un son qui accompagne la noirceur devenue habituelle de Bashung, noirceur aggravée par un état de santé qui se dégrade. Il suffit d’écouter la voix (très très en avant) au fil des titres pour la voir devenir de moins en moins malléable avec un timbre de plus en plus grave. On pourrait retracer la chronologie des enregistrements rien qu’en analysant ces prises vocales.

Salut l'Artiste ...

« Bleu pétrole », ce doit être l’album le mieux vendu de Bashung. Les morts vendent bien, et c’est pas Barclay (label) et Universal (distribution) qui diront le contraire. Etonnant que cette rondelle bien sombre ait poussé autant de monde à l’achat, même si tout du long de sa carrière, Bashung n’a jamais rien eu de l’artiste festif. Pour moi, « Bleu pétrole » ne mérite pas le concert de louanges qu’il a recueillies. Trop de compositions monotones, ternes, tenant beaucoup plus de la mélopée que de la chanson (l’enchaînement « Tant de nuits » et « Hiver à Sousse », cumulent fond sonore invertébré et mélodies indigentes, je cherche encore où sont les mélodies, les couplets, les refrains, les ponts, en gros tout ce qui fait une chanson dans ces deux titres). Déception idoine pour deux titres auxquels a participé Manset, « Vénus » et « Je tuerai la pianiste ». Du Manset méconnaissable (c’est quoi ces thèmes et leurs textes, jamais rien entendu de ressemblant chez le Gégé, et il s’est pas foulé pour les grilles d’accords), le premier étant le pire (la voix agonisante de Bashung fait peine à entendre), le second étant porté par un gros riff de guitare (le seul du disque et donc fatalement plutôt incongru, que sont les rockabs rigolos du Bashung des 80’ devenus ?). Guère mieux avec « Le secret des banquises » (Bashung-Roussel) qui fait cependant l’effort de rechercher du rythme et de la mélodie.

Il y a deux reprises sur « Bleu pétrole ». Le « Suzanne » de Léonard Cohen (adapté en français par Graeme Allwright), dans une version musicalement squelettique (et pourtant la version de Cohen était loin d’être exubérante). Et puis ce que j’appellerai un outrage fait à « Il voyage en solitaire », chanson la plus connue de Manset, et pour moi un des chefs-d’œuvre ultimes de chanson française. La version originale cumulait thème triste (la solitude évidemment), mais voix chaude suivant une mélodie first class jouée par un piano légèrement désaccordé. Ne subsiste (hormis les paroles) rien de tout cela dans la version de Bashung, juste une ambiance mortifère dans un minimalisme sonore. Le plus étonnant est que Manset est ressorti de cette collaboration fasciné par Bashung, au point de lui consacrer un bouquin, essai assez court et comme toujours chez Manset parfois abscons, joliment intitulé « Visage d’un dieu Inca ». Petite remarque, Bashung avait fait par le passé de belles reprises (« Nights in white satin », « Les mots bleus »), cette fois-ci, il passe quelque peu à travers.


Cette collaboration Manset-Bashung a quand même accouché d’un bon titre, située au cœur du disque. Les plus de neuf minutes de ce « Comme un lego » sont du pur Manset (la mélodie, la poésie simple et émouvante). C’est aussi la meilleure prestation vocale de Bashung, qui retrouve même les intonations chaudes du Gérard. Rayon bonnes chansons, l’introductif « Je t’ai manqué » laissait pourtant bien augurer du reste, ambianche rêche electro acoustique, jolis arrangements de banjo signé Marc Ribot. Le hit « Résidents de la République » suivait, belle compo – une fois n’est pas coutume – de Roussel. Chanson qui a fait jaser pour son pain lexical (« je courirai », volontaire ou pas, le débat a fait rage), et ses paroles assez hermétiques. Deux versions circulent, la première arguant qu’il n’y a aucun sens particulier, la seconde y voyant une allusion aux piteux débuts (pléonasme) du mandat de Sarkozy. Qu’il me soit permis d’échafauder une autre vision, à savoir une chanson traitant de l’immigration (et pas selon les théories de Re-Taïaut-Taïaut …). Autre bon titre signé Roussel, l’agréable « Sur un trapèze », mélodie simple et efficace, et un Bashung exceptionnellement en bonne forme vocale. Autre titre sorti en single, sans atteindre la reconnaissance de « Résidents … ».

Vous avez compris, je suis pas vraiment en extase devant cette rondelle …


SPIKE LEE - 24 HEURES AVANT LA NUIT (2002)

 

Demain dès l'aube ...

Ce film est répertorié sous plusieurs titres. Aux USA et parfois en français c’est « The 25th Hour » (« La 25ème Heure » pour ceux qui avaient pris estonien en première langue), mais si on veut pinailler son titre original c’est « Spike Lee’s 25th Hour ».

En fait, « 24 Heures avant la nuit » (ça, faut avouer que c’est un titre qui claque et intrigue à la fois), c’est le titre du bouquin qui a été adapté. Le type qui vient de publier « 24 Heures … » (mais pas trouvé le titre, c’est son éditeur qui le lui a suggéré) est un jeune trentenaire inconnu du nom de David Benioff. Qui restera pas trentenaire et encore moins inconnu puisque c’est lui le showrunner (adaptation et production) derrière la série événement de ce premier quart de siècle, « Game of Thrones ».

Norton, Hoffman & Lee

Son bouquin est typiquement newyorkais, toute l’action s’y déroule (hormis le final du film on y reviendra), tous les personnages sont viscéralement attachés à cette ville, que pour la plupart ils n’ont jamais quittée. « 24 Heures … » raconte la dernière journée de liberté de Monty Brogan qui doit le lendemain se présenter dans la prison d’Etat d’Otisville pour y purger une peine de sept ans (vente, recel et détention de drogues et du pognon qui va avec).

Premier intéressé par l’adaptation au cinéma, Tobey Maguire qui souhaite produire et tenir le rôle principal. Sa participation dans le rôle titre de la franchise Spider-Man l’empêchera de jouer dans le film mais il restera coproducteur. Se pointe alors Spike Lee qui a lu le bouquin. Il lui a plu, et il se doit de faire avancer le projet (selon lui, seul un réalisateur newyorkais peut réaliser, c’est pas le style de Woody Allen, Scorsese est occupé ailleurs, c’est donc à lui de s’y coller). Tours de table infructueux, Lee met un peu de pognon, cherche des distributeurs et trouve un improbable partenariat avec Disney, avec qui il faudra discutailler parce que « 24 Heures … » a peu à voir avec les histoires de Mickey … Et Lee et les acteurs principaux le confirment, ils ont joué pour pas grand-chose (soi-disant 10% de leurs cachets habituels).

Brian Cox & Edward Norton

Avec Spike Lee derrière la caméra, on a affaire à un réalisateur « clivant ». Une bonne part de sa filmo est plus ou moins « communautariste » (tous ses premiers, de « Nola Darling … » à « Malcolm X », et quelques-uns ensuite), l’homme est adepte de déclarations parfois « embarrassantes », et ses clashs avec notamment Tarantino et Eastwood ont secoué le petit monde du 7ème art hollywoodien. Avec « 24 Heures … » Spike Lee va s’attacher à un nouveau genre qu’il développera par la suite, le polar (« Inside Man », « BlacKkKlansman », …). Quoiqu’on pense du type Spike Lee (je suis pas très fan), il faut reconnaître qu’il sait faire des films. Et qu’il a une « patte », ces tics qui l’identifient immédiatement. Ici, ce sont les faux raccords (genre le Godard de « Pierrot le Fou ») quand les protagonistes se donnent l’accolade (embrassades doublées avec prise de vue différente, ça dure un quart de seconde, c’est pas une erreur de montage), et les travelling « immobiles » (l’acteur statique et la caméra sur les rails, c’est le second plan qui bouge et s’éloigne).

Autant le dire, « 24 Heures … » est un des meilleurs Spike Lee. D’abord, parce que contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre, tout se passe pas dans une journée et une nuit. Il y a beaucoup de personnages principaux (le dealer, sa copine, son paternel, son principal intermédiaire, ses deux amis d’enfance, une lycéenne) et donc nécessité de quelques flashbacks pour comprendre tout ce qui va se passer dans ces fameuses 24 heures. On est dans la tragédie, souvent cornélienne, mais pas strictement dans la règle des trois unités.

Norton & Dawson

Le personnage principal, c’est Mont(gomer)y Brogan, interprété par Edward Norton qui trouve là un rôle « fort », à l’image de ceux qui l’ont révélé dans « American History X » et « Fight Club ». Monty est un dealer « chic », bien sapé, bel appart, jolie meuf (une Portoricaine d’origine, Naturelle Riviera jouée par Rosario Dawson). Son meilleur pote dans ce business est un massif Ukrainien, Kostya (le monumental Tony Siragusa, ancien lutteur et joueur pro de foot américain, presque deux mètres et 0,15 tonne). C’est eux que l’on voit dans la première scène du film, récupérer à l’initiative de Monty un chien bâtard tabassé et abandonné au bord d’une rue, quelques mois (années ?) avant les fameuses « 24 Heures … ». Le clébard, qu’on voit parfois avec Brogan sur l’affiche du film est de plusieurs scènes, mais n’apporte rien à l’histoire. Il est là pour souligner le côté humain de son nouveau maître. Qui certes n'est pas dans les clous vis-à-vis de la loi, mais qui passe pas les « limites ». Il a pas de flingue, c’est pas un violent, il est un jeune mec smart qui « dépanne ».

Il est resté pote avec ses deux copains de lycée voire d’avant, Frank (Barry Pepper), beau gosse trader plein aux as, et Jacob (Philip Seymour Hoffman) prof dans le lycée qu’ils ont fréquenté, a des relations assez conflictuelles avec son père veuf (Brian Cox), ancien alcoolique repenti et tenancier de bar. Pour sa dernière journée (et nuit) de liberté, Monty entend renouer avec son père et souhaite que ses deux vieux potes l’accompagnent avec sa copine dans un bar chic et ensuite dans une boîte tenue par ses fournisseurs de dope (des Russes forcément mafieux) qui lui ont préparé une belle soirée …

Pepper, Hoffman & Norton

C’est pas avec ça qu’on tient plus de deux heures à l’écran. L’intrigue principale (l’angoisse de la taule, sept ans pour la première fois, ça travaille l’esprit et va forcément jouer sur sa relation avec ses proches), accessoirement le pourquoi de la taule (découvrira t-il qui l’a balancé, parce que les flics chez lui sont allés droit au canapé où étaient planqués les billets et la dope).

Ce qui rajoute de l’intérêt à ce film, ce sont les longues discussions entre les protagonistes (Frank et Jacob se donnent rendez-vous chez Frank, ils vont manger un morceau dans un restau asiatique, ils attendent avec Naturelle au bar l’arrivée de Monty, puis vont à la soirée en boîte). Norton est très bon, dans le type au bord de l’abîme. Pepper aussi, dans le rôle du beau gosse friqué sûr de son charme et de sa réussite sociale. Et Philip Seymour Hoffman, comme toujours crève l’écran. Timide et complexé maladif, on le voit en cours se faire allumer par une gamine de seize ans (belle composition d’Anna Paquin), que pas de bol pour lui, il va retrouver par hasard dans la soirée en boîte. Chaque apparition de Hoffman est un régal. Il faut le voir avec ses deux potes beaux gosses tirés à quatre épingles, lui avec sa casquette de baseball, ses binocles, ses fringues informes et son allure rondouillarde, subissant totalement toutes les situations. Effet renforcé par Spike Lee qui le filme le plus souvent en plongée alors que ses interlocuteurs sont filmés en contre-plongée.

Et puis, y’a encore autre chose. « 24 Heures … » est un des premiers films (si ce n’est le premier) sorti après le 11 Septembre et qui y fait référence à de multiples reprises. Passée la première scène avec le chien, on a le générique sur fond de rayons lumineux qui se croisent, puis des vues panoramiques de New York la nuit. Et quand les immenses rayons lumineux reviennent à l’écran, on s’aperçoit avec le zoom arrière qu’ils proviennent des gigantesques projecteurs éclairant le ciel et situés à l’emplacement des deux tours du World Trade Center dégommées par les terroristes kamikazes de Ben Laden. Et tout au long du film, on voit les drapeaux américains accrochés aux fenêtres, aux murs, sur le vieux break du paternel à Monty dont le bar est le « siège social » d’une escouade de pompiers décimée lorsque les tours se sont effondrées. Il y a une scène magnifique lorsque Jacob et Frank se retrouvent dans le très chic appartement de celui-ci. Ils discutent face à une grande baie vitrée, la caméra est dans leur dos, se rapproche, passe par-dessus leurs épaules et nous montre en plongée les gros engins de déblaiement qui travaillent sur Ground Zero. Après de longues minutes de discussion, fin de la scène avec un gros plan sur des hommes avançant en ligne et balayant le terrain dégagé à la recherche du moindre débris humain permettant grâce à l’ADN l’identification des restes de la victime. Tout cela réalisé sans trucage, la scène a été tournée dans un immeuble à proximité immédiate de Ground Zero …

Ground Zero

Une autre scène est indissociable du film. Il s’agit d’un long monologue de Norton, face à un miroir (ce sont ses pensées, grâce au numérique, il est de trois-quarts dos et parle, tandis que son reflet reste muet), qui hurle quasiment sa colère, voire son mépris et sa haine pour tous ceux qui défigurent, ont défiguré, en gros sont indignes d’habiter dans « sa » ville. C’est pas nationaliste, c’est pas raciste, mais tous ceux qui sont pas « dans l’esprit » en prennent pour leur grade (des épiciers coréens aux chauffeurs de taxis pakistanais, en passant par les jeunes Blacks qui jouent bêtement au basket, sans oublier Ben Laden, j’en passe et des furieuses répliques cinglantes, ça dure bien cinq minutes). Et le dernier tête à tête entre les trois potes à la sortie de boîte alors que le jour se lève vaut aussi le détour …

Le scénario est millimétré, ça fait pas auberge espagnole où on passe du coq à l’âne, il y a une grande fluidité, aucune histoire dans l’histoire n’est oubliée. Perso, y’a juste un truc sur lequel j’émets des doutes. Lorsque son père conduit Monty à la prison, il lui propose de tracer la route et de disparaître à l’autre bout des States au lieu d’aller en taule. Des scènes oniriques (tournées au Texas) nous montrent ce que seront les décennies suivantes si Monty choisit cette option. Je trouve ça plutôt long et maladroit, ça a surtout donné du boulot aux maquilleuses chargées de vieillir Norton. Spike Lee y tenait à ces scènes (c’était pas dans le bouquin de Benioff). Le dernier plan de quelques secondes nous indique le choix qu’a fait Monty.

Grand et beau film, un des deux ou trois meilleurs de Spike Lee, jusque dans son générique final, rythmé par une superbe version réarrangée avec grand orchestre de « The Fuse », validée par son auteur, remercié en tant que Bruce « Da Boss » Springsteen …


Du même sur ce blog :

Do The Right Thing


LOU YE - NUITS D'IVRESSE PRINTANIERE (2009)

 

Bizarre love triangle(s)

Bon, « Nuits d’ivresse printanière » n’a rien à voir avec la chanson de New Order (ni avec le nanar franchouillard où s’agitent devant la caméra Balasko et Lhermitte). C’est un film « interdit » du Chinois Lou Ye. Qui récolta à Cannes (where else ?) la palme du meilleur scénario. Meilleur scénario ? Ouais, si on veut …

Wu Wei, Tan Zhuo, Lou Ye, Cannes 2009

« Nuits … » est un étrange mix de plein de films déjà vus. De « Jules et Jim » (influence principale selon Lou Ye), « My own private Idaho », « Macadam cowboy », « Brokeback Mountain », les œuvres de Larry Clark ou Harmony Korine. Dans « Nuits … » sur fond d’amours homosexuelles, d’improbables ménages à trois, on a un portrait de la jeunesse de la génération post Tien-An Men, dans une ville de province chinoise. Même si quand on parle d’un bled de province en Chine, c’est pas exactement Châteauroux ou Epinal. L’action se situe à Nankin (sept ou huit millions d’habitants dans les terres, à trois cent bornes de Shangaï).

Lou Ye, dont peu de choses ont été remarquées en « Occident », est un cinéaste suivi de près par la censure chinoise. Son film précédent « Une jeunesse chinoise » en 2006, lui a valu un « bannissement culturel » (la Chine est un pays de libertés, on ne censure pas … et on ne ricane pas non plus), soit une interdiction de sortir des films pendant cinq ans. Hors de question de demander donc du fric à l’Etat, Lou Ye en est réduit au do it yourself. Pour faire un film, il faut des moyens. Techniques et financiers. Pour la technique, on va faire simple, petite caméra numérique au poignet, équipe réduite au strict minimum, acteurs amateurs et/ou inconnus. Pour le pognon, un petit tour de table permet de trouver l’argent à Hong-Kong (ville certes rattachée à la Chine mais plus ou moins autonome, surtout côté business) et en France (le CNC).

Ils ont pas l'air heureux ensemble ...

Bon, un film fait à la sauvette sans moyens, a forcément peu de choses à voir avec un Marvel. Tout est filmé en extérieurs, et donc l’histoire est forcément contemporaine. L’histoire ? Ou plutôt les histoires, il y a un personnage hyper central autour duquel gravitent quatre personnages secondaires et une paire de troisièmes couteaux. Au début deux jeunes mecs sont en voiture sur une route de campagne. On comprend qu’ils sont amants, ils rejoignent une villa isolée, font l’amour (avis aux pervers qui auraient lu jusque là, on est en Chine, le mec Lou Ye est interdit de tourner, donc les scènes de baise, y’en a plein, mais elles sont soft, no boobs, ass, or dicks), se baladent dans les sous-bois, puis retournent à Nankin. Il s’est passé six minutes et pas une parole n’a été prononcée. « Nuits … » est un film plutôt taiseux, ce qui donne encore plus d’impact aux scènes dialoguées. Remarque : j’ai l’impression que son et image ont été enregistrés par la caméra numérique, quand il y a du bruit extérieur, les dialogues sont tout juste audibles, et la V.F. suit la V.O. sur ce point (je me demande si c’était nécessaire, si on entend mal en V.O., c’est pas fait exprès). Bon, et tant qu’on est dans l’aspect technique (je déteste çà) et là je pense que c’est voulu, mais j’ai pas saisi pourquoi, les scènes en intérieur ont une image à gros grain, quasi en noir et blanc. Autrement dit, pas la peine d’investir dans un home cinéma 7.2 et dans un support 4K pour regarder « Nuits … ».

Revenons à l’histoire. Un des deux gars travaille dans une bibliothèque ou une maison d’édition, l’autre est marié. Sa femme qui se pense trompée le fait suivre par un détective, et découvre assez vite la double vie de son bisexuel de mari. Excellente et terrible scène de ménage, elle envoie bouler son mec. Pas de bol pour lui, il se fait larguer par le bibliothécaire qui replonge dans son hédonisme passé (son truc, c’est se travestir en femme et faire du karaoké dans les boîtes de nuit). Fin du premier triangle amoureux, même si le mari et la femme réapparaîtront plus tard chacun leur tour. Entrent alors dans la danse le détective et sa petite amie, qui vont entamer une étrange relation de copinage-amour-haine avec le travelo bibliothécaire.

Eux non plus ...

Même si ces histoires ne sont à mon sens là que pour montrer autre chose, une jeunesse chinoise de la classe moyenne inférieure à la dérive (les protagonistes ont la vingtaine, au max trente piges), et une société chinoise qui malgré tout le flicage et la rigidité du pouvoir, tourne effrontément le dos aux valeurs « saines » du communisme. Les personnages du film évoluent à Nankin, mais ça pourrait être dans n’importe quelle autre ville du monde, l’homosexualité et les couples qui partent en quenouille sont des thèmes universels. Le mérite de Lou est de montrer que ça existe aussi en Chine.

C’est aussi le problème de « Nuits d’ivresse printanière ». On a déjà beaucoup vu ce genre d’histoires, avec des scénarios plus étoffés, de meilleurs acteurs, et un rendu esthétique beaucoup plus travaillé (au hasard et en Chine aussi « Adieu ma concubine »).

Regarder « Nuits d’ivresse printanière » tient à mon sens beaucoup plus de l’acte militant (soutien aux LGBT, aux artistes censurés, à la jeunesse brimée et muselée, … liste inépuisable, y’a tellement de cause de cause plus ou moins perdues à défendre) que d’une curiosité de cinéphile. C’est plutôt bien vu, ces histoires et ces gens qui s’imbriquent (ouais, c’est de mauvais goût, mais je m’en balance), mais c’est sûrement pas le film du siècle …



Bande annonce de qualité déplorable par le distributeur français. Si même lui fait pas le job ...

STEPHEN FREARS - THE QUEEN (2006)

 

Lizzy face à son destin ...

« The Queen » est centré sur la semaine du Dimanche 31 Août 1997 au Samedi 6 Septembre de la même année. C’est-à-dire entre l’accident parisien qui lui a coûté la vie et l’enterrement de Diana Spencer, plus connue comme Lady Di.

Ceci étant dit, j’ai jamais été abonné ni même lu les torchons sur les people et les têtes couronnées genre « Gala », « Point de vue » et assimilés, et la saga et les frasques de la famille royale britannique, je m’en tape complètement. « The Queen », heureusement est un film qui fait intervenir les people, mais n’est pas un film sur les people royaux. C’est un film que je qualifierai de politique. Dont les premières scènes montrent l’arrivée au pouvoir de Tony Blair (une paire de mois avant que la Merco aille s’encastrer sur un poteau du souterrain du Pont de l’Alma), et les dernières une rencontre protocolaire entre le Prime Minister et la Queen Mom deux mois après les funérailles de Lady Di.

Mirren & Frears

C’est pour moi cette entrée en matière et le final du film qui sont les plus importants. Le reste, la semaine évoquée plus haut, a été tellement commenté et documenté, que mis à part des immersions (réussies) au 10 Downing Street, au domaine privé écossais de Balmoral et à Buckingham Palace, lieux de résidence de la famille royale, ça n’apporte pas grand-chose à l’histoire, celle qu’on écrit dans les livres. « The Queen » n’est pas une version « alternative » de l’Histoire comme peuvent l’être le « JFK » d’Oliver Stone ou le « Farenheit 11/9 » de Michael Moore. « The Queen » nous montre en continu, de façon chronologique (la date est précisée chaque fois que l’on change de journée), ces jours qui ont failli faire vaciller la monarchie britannique, et ses siècles de pouvoirs héréditaires.

Derrière la caméra, Stephen Frears, évidemment Sujet de Sa Très Gracieuse Majesté. Quasiment une quarantaine d’années derrière la caméra en 2006, parsemées de quelques aimables succès critiques et populaires (« My beautiful Laundrette », « Les liaisons dangereuses », « High fidelity », …), sans pour autant être reconnu comme un cador des plateaux de tournage. Il signe avec « The Queen » ce qui est certainement son meilleur film. Et pas qu’un peu aidé par une prestation époustouflante d’Helen Mirren, qui prouve enfin, à plus de soixante balais, qu’elle peut tenir un grand rôle dans un grand film, cantonnée qu’elle a été dans des séries B plus ou moins navrantes (je vais pas faire la liste, y’a Wikipedia qui le fait très bien). Un Oscar (mérité) viendra couronner (c’est bien le mot) sa performance en Reine d’Angleterre face à une crise morale, sociale, politique et institutionnelle.

Evidemment, et c’est précisé à la fin du générique, « The Queen » est une fiction basée sur des faits réels. Les seules versions de l’histoire ne venant que du camp de Tony Blair, campé dans le film par Michael Sheen, choisi pour une vague ressemblance. C’est lui le maillon faible du casting, alors que sa femme Cherie (Helen McCrory), ou les membres de la famille royale (eux aussi castés pour des similitudes physiques) s’en sortent mieux (le futur King Charles, son père Philip, la mère d’Elisabeth).

Tony Blair prête serment

« The Queen » mélange scènes d’archives télé et pour l’essentiel des reconstitutions, avec parfois les acteurs superposés aux images d’actualités. Inutile de préciser que rien n’a été tourné aux abords du Ritz, au Château de Balmoral, à Buckingham Palace, ou dans la cathédrale de Westminster. Mais comme vous et moi et pas grand-monde n’a jamais foutu les pieds dans ces endroits prestigieux, le subterfuge était facile (pour la cathédrale de Westminster, images d’archives et plans serrés sur les acteurs suffisent à entretenir l’illusion du réel).

« The Queen » a ceci d’efficace, qu’il nous montre deux choses. Le chaos dans lequel s’est enfoncé des jours durant la Reine et sa famille, et un Tony Blair qui très vite va finir beaucoup plus mal que ce qu’il avait commencé. Est-ce en filigrane un règlement de comptes de Frears avec celui qui a quand même bien trahi ses idéaux (et ses électeurs), il se pourrait bien.

Dans quasiment tout le film, c’est pourtant Blair qui a la main et « sauve » la Reine. Sauf que … On débute par une Elisabeth majestueuse qui pose en tenue de grand apparat pour un portrait en pied (enfin, assise) pour le peintre (officiel ?) du régime. La scène a lieu le jour des élections qui vont voir la victoire du Labour de Blair. Dans la discussion (très protocolaire) le peintre glisse que thanks God, il n’a pas voté travailliste. Plus fine, la Reine lui fait remarquer qu’elle n’a pas le droit de vote, mais on sent bien que ... vous m’avez compris … Et déjà, on voit que « The Queen » ne sera pas un pensum historique pesant. La finesse, l’ironie, le second degré, le tongue-in-cheek sont souvent de la partie. Grand numéro d’équilibriste de Frears et de son scénariste Peter Morgan, d’autant plus que les faits évoqués ne sont pas vraiment légers et ont traumatisé toute une nation. Quelques jours après les élections, entrevue officielle et en privé de Blair et Elisabeth pour l’investiture du premier Ministre. Blair, d’apparence joviale, décontractée et souriante, est intérieurement tétanisé par la solennité du moment. Beaucoup plus que sa femme, qui le rejoint dans la foulée (dans la famille Blair, et pas seulement dans le film, c’est elle qui était à gauche). On voit déjà l’instinct politique de la Reine qui a auparavant demandé à son chef du protocole de venir l’appeler au bout d’un quart d’heure pour ne pas éterniser la rencontre avec les prolos Blair, à qui elle n’a pas manqué de rappeler que son premier Premier Ministre fut un certain Winston Churchill …

Débordée par l'actualité ...

Ces décennies de pratique et de finesse politique vont se fracasser deux mois plus tard lors de l’accident de Diana. Lorsque le décès est confirmé, les certitudes et les siècles de tradition volent en éclats. Charles, bien qu’ex-mari cocu (la réciproque est aussi vraie) sent que toute la famille royale doit rendre hommage à celle qui fut femme de l’héritier du trône, d’autant plus qu’elle est adorée par le pays. Il va trouver en face lui la Reine, son époux et sa grand-mère (en gros « c’est pas une Windsor, c’est plus ta femme, que sa famille – les Spencer – se démerdent »). Toute la famille royale est au moment du décès en villégiature dans sa propriété privée de Balmoral en Ecosse et il n’est pas question de retourner à Londres, de faire quelque discours ou intervention que ce soit et d’organiser des funérailles d’apparat. Le futur King Charles (étrangement, Frears ne fait jamais apparaître ni ne cite la Camilla) doit s’appuyer sur Blair pour faire rapatrier le corps avec un minimum de solennité en Angleterre.

Blair et son équipe sentent bien que la pression populaire est en train de monter contre la Reine et les coups de téléphone se multiplient entre Downing Street et Balmoral où toute la famille Windsor continue ses activités champêtres et bucoliques (la pêche, la chasse, les grillades, les ballades en Land Rover) comme si de rien n’était. Ces face à face par British Telecom interposés sont passionnants, entre un Blair qui s’affirme de plus en plus et une Queen qui s’agace de son attitude mais commence à douter. C’est la pression populaire, cumulée à des sondages (secrets) calamiteux pour la monarchie attaquée par toute la presse sans exception, qui conduira à son retour à Londres, ses déambulations devant les tonnes de fleurs entassées devant les grilles de Buckingham Palace, son message de deuil à la Nation, les obsèques nationales avec Elton venu entonner un « Candle in the wind » (on l’entend pas mais on le voit entrer dans la cathédrale), enfin tout ce que les télés du monde entier (passage de temps en temps de vrais extraits de JT d’un peu partout) ont montré non stop et en direct pendant toute la semaine.

Blair calling : Allo, non mais allo quoi ...

La monarchie a tremblé, la popularité de la Reine s’est effondrée, Blair triomphe (sa fameuse expression de « Princesse du peuple » lors d’un discours d’hommage à Diana). Mais le film s’appelle « The Queen » et pas « Tony ». Quelques semaines plus tard, lors des rencontres hebdomadaires avec son Premier Ministre (2500 à ce moment-là, comme le lui rappelle Blair), on voit celle à qui il est interdit de faire de la politique avoir repris les choses en main, et humilier (toute en sourires et formules malicieuses) un Tony Blair qui lui est déjà sur la pente descendante …

Helen Mirren est époustouflante dans son rôle, et pas pour seulement pour son apparence similaire (l’allure, les fringues terriblement désuètes, paraît-il sa façon de s’exprimer, mais là je peux pas dire, j’ai pas de Cds de la Queen Elisabeth). Elle rend magnifiquement le désarroi d’une femme devant laquelle tout le monde s’est toujours courbé, et qui se retrouve face à une situation qui fait voler toutes ses certitudes en éclats. Mention particulière également à James Cromwell excellent dans le rôle de son mari, qui présente la facette la plus conservatrice de la famille, à grand renfort de réparties cinglantes (et donc ridicules).

Deux anecdotes pour finir.

Aussi méticuleux qu’ait voulu être Frears, il a laissé passer un pain au montage. A un moment, on voit la Reine partir se balader en 4X4 et elle fait monter deux clébards noirs (des labradors ?) dans la voiture. A la scène suivante, lorsqu’elle rouvre la portière, il en descend trois. L’autre énigme du film, ce sont les deux face à face de la Reine avec un cerf gigantesque, le premier alors qu’elle en panne avec sa vieille Land Rover, et le second alors qu’il a été abattu par des chasseurs d’un domaine voisin. Les spéculations les plus étranges se sont multipliées sur la symbolique sous-entendue. Frears affirme que ça fait partie des scènes sans aucune signification, juste là pour leur rendu visuel, et donner une durée « décente » au film (une heure quarante) …


JEAN-FRANCOIS RICHET - MESRINE L'INSTINCT DE MORT (2008)

 

Ascenseur pour l'échafaud ...

Bon, il a pas fini sur l’échafaud, Mesrine (puisque « L’instinct de mort » est le premier d’un diptyque de films biographiques qui lui sont consacrés), mais il aurait pu, pour peu que les cowboys du commissaire Broussard aient tenté de l’arrêter au lieu de le cribler de balles Porte de Clignancourt. Mais c’est une autre histoire et un autre débat … un autre jour peut-être, si j’en viens à causer de « L’ennemi public n°1 » la suite (et fin) de « L’instinct de mort ».

Cassel, Richet & Cécile de France

Quand « L’instinct de mort » est mis en chantier vers la fin de la première décennie des années 2000, il y a presque trente ans que Mesrine est mort, et que ses (mé)faits font figure de babioles face à des pervers serial killers (les Heaulme, Fourniret, Louis, …), ou les futurs djihadistes à kalach … Il n’empêche que surtout durant les 70’s, le Jacquot Mesrine à défrayé la chronique, et pas qu’une fois … Roi du braquage, de l’évasion, de la com, mettant en scène sa propre histoire et légende …

L’histoire de Mesrine transposée sur grand écran, c’est l’affaire de deux hommes (quoique, on y reviendra), Jean-François Richet et Vincent Cassel. Le premier est un banlieusard militant, le self made man venu des cités, le second est un fils de ... venu des beaux quartiers et qui se la surjoue rebelle (sa fascination moultes fois étalée pour le gangsta-rap et les délinquants d’une façon générale). Alors quand le premier est venu trouver le second pour lui proposer le rôle de Mesrine, pensez si le fils de Jean-Pierre Cassel a été d’accord. L’occasion de jouer un dur autrement plus consistant et célèbre que le Vince de « La haine ». Et on sent le metteur en scène et l’acteur principal fascinés par le truand le plus célèbre de son époque. Et Cassel va y aller à fond, dans une performance digne de l’Actor’s Studio genre De Niro dans « Raging Bull ». Cassel prendra au long du tournage une vingtaine de kilos pour suivre les transformations physiques de son personnage.

Le scénario pour tourner un biopic de Mesrine, c’est pas mission impossible pour l’écrire. La documentation ne manque pas, que ce soit l’autobiographie de Mesrine (« L’instinct de mort »), et tous les entretiens qu’il a donnés à la presse dans les 70’s. Richet choisit la chronologie (sauf pendant le générique de début, qui en split screen, nous montre l’embuscade finale en 1979), procédant par bonds dans le temps, des incrustations sur l'image situant la date et le pays.

Depardieu, Cassel & Lellouche

Toute sa vie, Mesrine a été un solitaire, mais qui cherchait la compagnie, des femmes, mais aussi ponctuellement ou pour quelques mois d’autres truands avec lesquels il sévissait, au hasard de rencontres, notamment en prison où il a passé pas mal de temps. On commence donc avec la violence des tortures et des assassinats lors de la guerre d’Algérie où il était bidasse, avant la démobilisation et le retour chez papa-maman. La maison familiale est juste un point d’ancrage, car un de ses vieux copains (joué par Gilles Lellouche, son personnage est quasiment le seul inventé pour les besoins du film), le met en relation et l’intègre aux hommes de main et à tout-faire d’un caïd de la mafia parisienne membre de l’OAS, Guido. Ce dernier est joué par un Depardieu pour une fois tout en retenue, alors que son personnage pourrait donner lieu au jeu outré et expressif dont il est coutumier. Depardieu, Lellouche, les parents Mesrine (Michel Duchaussoy et Myriam Boyer), ses premières maîtresses, sa première femme, sa compagne braqueuse (Cécile de France à contre-emploi, brune en cuir et darkshades), ne sont là que pour quelques scènes. Cassel, lui, est quasiment toujours à l’image. Certainement le rôle de sa vie, sa fascination pour la truandaille (comme avant lui Melville et Delon) trouve un exutoire en la personne de l’exubérant Mesrine.

Cassel, que j’apprécie pas particulièrement, joue juste, rendant bien la faconde et la démesure violente et égomaniaque du personnage. Mesrine n’était pas le Robin des Bois moderne que certains ont cru (ou voulaient) voir en lui (et lui-même a toujours démenti cette image d’Epinal). Mesrine prenait du fric aux riches (les grosses entreprises, les banques, les casinos, les milliardaires qu’il kidnappait, …), mais ne le refilait pas aux pauvres, il le claquait en babioles pour ses femmes et/ou maîtresses, flambait (et perdait gros) aux tables de poker, et finançait son quotidien (vivre caché entouré d’un luxe de précautions quand toute la flicaille de France essaye de te serrer coûte cher).

Il y a quand même un problème avec « L’instinct de mort ». Pour moi, il s’appelle Richet. Le gars (qui a pourtant réussi comme d’autres expatriés européens avec de gros budgets aux States) assure tout juste. Le making-of du film est révélateur. Le metteur en scène, c’est Cassel, qui suggère, propose (ou plutôt impose), remanie parfois le script, place les caméras, les autres acteurs. Problème, Cassel n’est pas un réalisateur, et Richet, on l’aperçoit tout juste assis dans un coin, observant et écoutant son acteur principal diriger le tournage. Encore plus flagrant quand Depardieu et Cassel ont des scènes ensemble, Richet disparaît totalement de la circulation, attendant que les deux aient arrangé les scènes … Richet filme sobrement, et parfois trop sobrement. Son montage est très académique. Et quand il s’essaye à une « fantaisie » (dont il semble très fier), un effet tournoyant de caméra quand Cassel-Mesrine est enfermé au cachot dans un QHS de prison canadienne, ça dénote totalement avec le reste des prises de vue. Problématiques aussi, les scènes de gunfights. Outre une paire de ralentis accélérés sur les balles de revolver à la « Matrix » dispensables, il manque cruellement de rythme. On est loin des gunfights de Michael Mann dans « Heat » ou de la folie furieuse de Ridley Scott dans « La chute du Faucon Noir ». Flagrant notamment lors de l’attaque par Mesrine et son complice québécois de la prison où ils ont été enfermés et où ils reviennent après s’être évadés pour libérer les autres détenus. Plus gros foirage à mon sens, le face à face de Mesrine et son pote avec les gardes-chasse canadiens, qui manque singulièrement de tension, alors que c’est la dernière scène du film.

M. et Mme Mesrine

Il me semble que Richet a été dépassé par l’enjeu (et le budget conséquent de 45 millions pour le diptyque). Il a eu les moyens (tournage en France, en Espagne, au Canada, et même à Monument Valley alors que Mesrine n’a jamais foutu les pieds en Utah, il a été arrêté avant d’y arriver en Arizona). A son crédit, il a bien rendu la violence (souvent générée par lui-même) dans laquelle baignait Mesrine.

Conclusion, « L’instinct de mort » est un bon film, quand même en dessous de ce qu’aurait pu donner la démesure du personnage hors norme (quoi qu’on pense de lui) dont il raconte les premiers faits d’armes. Le second volet (« L’ennemi public n° 1 ») c’est encore plus un one-man show de Cassel … après, verre à moitié vide ou à moitié plein, chacun est libre de choisir son camp …


FOO FIGHTERS - ONE BY ONE (2002)

 

La folie des grandeurs ...

Qu’est-ce qu’on fait quand on s’appelle Dave Grohl, qu’on sait pas quoi faire et qu’on est plein aux as ? C’est simple, on claque un million de dollars en séances de studio qui durent un an (merci Arista-BMG qui ont sorti le chéquier) pour préparer son prochain disque. Et puis, quand à tête reposée on écoute le résultat, on se dit que c’est de la daube, on efface tout et on recommence en trois semaines. Le résultat c’est « One by one », quatrième rondelle des Foo Fighters, kolossales ventes, quatre singles dans les charts … et quelques années plus tard, le Grohl lui-même dit que ce disque est pas du tout réussi. I agree …


Rembobinons. Grohl, c’est le meilleur batteur des années 90 (et forcément suivantes, maintenant c’est des machines qui remplacent la batterie, en attendant que l’AI nous ressuscite Bonham, Moon, Watts et d’autres …). C’est Grohl qui tient la baraque sonore chez Nirvana, qui fait de « Songs for the deaf » de son pote Josh Homme le meilleur disque des Queens of the Stone Age, qui rend écoutable Them Crooked Vultures (les Led Zep du pauvre). Dans les Foo Fighters, il a décidé qu’il jouerait de la guitare (rythmique, le Dave c’est quand même pas Hendrix six-cordes en main) et chanterait (comme il peut, c’est pas vraiment Sam Cooke, Jaaaaames ou Otis). Bon, après tout, il fait ce qu’il veut, c’est son groupe et il en est le Leader Maximo.

Avec ses trois premiers disques, les Foo Fighters étaient devenus un nom qui compte et fait tinter les tiroir-caisse, au moins aux States … D’où le million claqué en studio … Et même si leur troisième était jugé un peu inférieur à la doublette introductive … « One by one », c’est l’accident industriel, même si au pays des bouffeurs de burgers, ça s’est précipité par centaines de milliers chez les disquaires et dans les stades. Parce que « One by one », c’est le disque typique du stadium rock. Du gros son, de grosses guitares, de gros roulements de toms, des chansons comme des hymnes avec chœurs virils, des trucs à brailler tous ensemble dans les arenas …


Axiome vieux comme le rock : un mauvais disque a une pochette toute moche. Et de ce côté-là, Grohl et sa bande ont fait fort. Pourtant ce gribouillis cardiaque infect est signé Raymond Pettibon, maître plasticien et pointure dans le monde le l’art contemporain (pochette la plus marquante : celle de « Goo » de Sonic Youth), à se demander si on lui avait pas suggéré de la faire gratos celle-ci. Le livret est pas mieux foutu, quasiment zéro information, juste quatre photos signées par Anton Corbjin.

« One by one » offre un tracklisting facile, les quatre premiers titres sont sortis en singles, et le reste, ma foi, on a fait avec les moyens (musicaux) du bord. Par ordre d’apparition « All my life », considéré par les sourds comme le morceau emblématique des Foo Fighters. Ultra prévisible, on sent dès les premières mesures acoustiques et cool que ça va pas durer, que ça va bientôt bastonner. Et effectivement ça bastonne, une mélodie asthmatique noyée sous une pluie de décibels, le truc typique du rock mainstream pour stades. Suit « Low » sous influence assez évidente Nine Inch Nails – Ministry. Sauf que tout est policé, rien ne dépasse, c’est très linéaire, le titre pourrait durer trente secondes ou trois heures qu’il se passerait rien. « Have it all », c’est de la power pop bruyante, et s’il ne devait en rester qu’un de ces singles, c’est celui que je retiendrai. Parce que le suivant, « Times like these », intrinsèquement point trop moche, souffre en revanche des lacunes criantes de Grohl au chant.

Foo Fighters live at Reading 2002

On n’en a pas fini avec « One by one », loin de là, il reste encore sept titres (l’ensemble atteint quasiment l’heure, ça délaye beaucoup, aucun titre à moins de quatre minutes, et le dernier culmine à plus de sept).

De cette longue litanie de titres dispensables, je sauve « Lonely as you », la mélodie la plus marquante, la progression de gentille power pop à un final hurlant et saturé. Le reste est bien trop souvent problématique, du quasi-plagiat (dans la construction) de « Still loving you » des Scorpions (ici ça s’appelle « Tired of you »), ou de « Synchronicity Pt II » de Police (« Halo »). Une poignée de titres braillards avec un son qui fissure l’émail des dents complètent la rondelle, juste là parce qu’ils sont taillés pour éventuellement être repris en chœur par des gugusses dans des stades.

Quant on sait que c’est ce disque qui a fait passer les Foo Fighters du rang de gros groupe d’indie-rock à celui de tête d’affiche des festivals, on en arrive à se poser des questions sur le bons sens auriculaire de nos amis d’Outre-Atlantique …

En équilibre sur le bord de la poubelle … allez, repêché, parce que le Dave, en plus d’être un grand batteur (quand il daigne s’installer derrière un kit), ça m’a l’air d’un gars plutôt sympa, capable de reconnaitre que ce « One by one » il est vraiment pas terrible …


Des mêmes sur ce blog :

Foo Fighters
Sonic Highways





SAM MENDES - AWAY WE GO (2009)

 

Short Cuts ...

«Away we go » est un film low cost (et à empreinte carbone minimale, on y reviendra) de Sam Mendes. Qui pour son précédent film, le superbe « Les noces rebelles » a fait en plus un gros score commercial. Qui de plus réunissait Winslet et DiCaprio, le mythique couple de « Titanic » (en fait c’était pas très compliqué pour Mendes, Winslet et DiCaprio étaient potes, et Winslet était sa femme). Et le film que Mendes a réalisé après « Away we go » c’est rien de moins que « Skyfall », le meilleur et le plus rentable de toute la série des James Bond.

Krasinski, Rudolph & Mendes

Autant être clair, « Away we go » n’a les qualités ni de son prédécesseur, ni de son successeur. C’est une sorte de récréation, vite tourné (cinq semaines), petit budget, durée syndicale minimum (une heure et demie). Un peu logiquement, pas de nom de star qui clignote fort en haut du générique. Les deux rôles principaux sont tenus par des troisièmes couteaux, John Krasinski (des seconds rôles dans des films le plus souvent passés inaperçus) et Maya Rudolph (une des vedettes du show télé « Saturday night live », quelques apparitions sur grand écran, et pour l’état-civil fille de la soulwoman Minnie Ripperton, mais pas quelqu’un susceptible de drainer les foules sur son nom au générique).

« Away we go », c’est un peu un road-movie. Ou plutôt un plane-movie, on part du Wisconsin, on va dans l’Arizona, retour au Wisconsin, puis Montreal, Miami et retour à la case départ. « Away we go », c’est aussi un film choral. Pas exactement au sens strict du terme, car il y a les deux acteurs principaux dans toutes les scènes, mais à chaque étape sont introduits de nouveaux personnages qu’on ne reverra plus dans les étapes suivantes.


Le début du film nous montre Burt et Verona sur le point d’être parents (la scène d’introduction, un cunnilingus sous la couette et les dialogues qui en résultent, mérite une citation dans les grandes scènes d’humour obscène). C’est un couple bobo, enfin plus bohème que bourgeois (ils vivent dans un mobil home). Lui vend des contrats d’assurance, elle on sait pas et on s’en fout. Ils veulent bien être parents, mais n’ont pas envie de se faire bouffer la vie par le marmot. Ça tombe bien, les parents de Burt habitent dans le patelin à côté, et ils se feront un plaisir de garder le môme. Sauf que quand ils vont les solliciter, les vieux leur annoncent qu’ils partent voyager deux ans en Belgique.

Cette première scène avec deux couples introduit parfaitement ce qui va suivre dans le film. Des rencontres et des confrontations d’univers. Avec lors de la rencontre de Burt avec ses parents, un clin d’œil darwiniste amusant. Les deux sont totalement différents (le père bourgeois vieille école, le fils baba avec une nette prédilection pour de ridicules bermudas ou pantalons, à rayures et quadrillages bleus et noirs), mais se coiffent pareil, sont barbus et à lunettes, et au cours de la discussion ont les mêmes tics (ils ajustent la monture de leurs lunettes et se frottent les yeux) en même temps.

Chez les new age ...

Dès lors devant la « fuite » des parents, la recherche de famille ou d’amis qu’ils n’ont pas vus depuis longtemps pouvant aider Burt et Verona à s’occuper de leur gosse va virer à l’obsession. Première visitée : une amie de Verona, totalement disjonctée, destroy et alcoolo, mariée à un beauf à bière(s), un gosse limite autiste, et une gamine limite obèse. Un enchaînement de scènes magnifiquement drôles et pathétiques à la fois. Evidemment, s’installer à portée de ces gens-là n’est pas une bonne idée. Seront ensuite approchées la sœur le Verona, une ancienne copine de Burt, enseignante en fac mais qui suit des règles de vie très new age avec son compagnon, gourou militant. Le clash avec ceux-là sera forcément retentissant. De vieux potes québécois de Verona (qui adoptent compulsivement des gosses, elle a des tendances exhibo, lui est addict à des théories sociales absconses et au sirop d’érable) ne donnent pas plus envie de vivre à proximité. Dernier recours, le frangin de Burt à Miami, mais très mauvais timing, il vient de se faire larguer et à beaucoup de mal avec son fils.

L’épilogue est prévisible, c’est pas très loin de leur mobil home, dans la maison d’enfance de Verona, grande bâtisse ancienne dans un cadre bucolique, qu’ils trouveront l’endroit idéal pour fonder leur foyer et s’occuper de leur enfant.

Bon, je spoile pas vraiment, parce que la conclusion n’est pas le but du film. « Away we go » nous montre, dans le cadre d’une comédie douce-amère, tous ces gens broyés par l’american way of life, qu’ils en soient de parfaits représentants où qu’ils veuillent s’en écarter, ce grand pays un peu dingue les rend dingues à leur tour. C’est finalement le couple Burt – Verona, pourtant deux adulescents ayant du mal à s’assumer dans leur rôle de bientôt parents, capables des pires blagues de potaches, qui font figure au milieu de leur famille et de leurs connaissances de gens sérieux et responsables.

Janney & Rudolph

Le film renvoie bien évidemment au classique choral « Short cuts » de Robert Altman, à travers ces portraits et ses tranches de vie d’une Amérique pas forcément de carte postale. « Away we go » est un film plaisant, bien écrit (certains dialogues sont vraiment savoureux, à l’image de la scène d’ouverture), mais il a les qualités de ses défauts. La distribution manque de caractère et d’expérience, et on se dit souvent qu’avec des acteurs de comédie vraiment confirmés, beaucoup de scènes seraient bien bonifiées. Seule à mon sens Allison Janney (depuis oscarisée) dans le petit rôle de l’amie déjantée de Phoenix livre une performance vraiment hilarante, voire même burlesque. D’autres compositions de ce niveau auraient vraiment tiré le film vers le haut …

Un mot sur l’aspect « éco-responsable » du film. Ça part peut-être de bons et sincères sentiments, d’utiliser au maximum des matériaux recyclables, de soigner la propreté et le nettoyage des plateaux de tournage (une « consultante » a même été embauchée par la production pour surveiller tout çà), mais comment dire il est assez paradoxal qu’un film qui a sans cesse recours aux voyages en avion dans tous les coins du continent nord-américain soit « vendu » comme écolo. D’autant plus que les rares intervenants dans les maigres bonus sont pas très clairs, on arrive pas à comprendre (enfin moi j’y suis pas arrivé) si tout le film a été tourné dans le Wisconsin, ou bien dans les lieux cités à l’écran, ce qui du coup ferait pas un extraordinaire bilan carbone … Un peu comme dans tous les discours écolos, beaucoup dans la posture et la rhétorique, et ensuite pas grand-chose dans les faits …

Film sympa mais mineur, surtout venant de Mendes …


Du même sur ce blog : 

Les Noces Rebelles