THE VELVET UNDERGROUND - THE VELVET UNDERGROUND (1969)

 

Le calme après la tempête ...

Après le déluge sonique de « White light / White heat », le Velvet ne pouvait pas aller plus loin dans l’agression bruitiste et prend avec ce disque, le plus calme et le plus apaisé de sa discographie, le contre-pied total. D’ailleurs, comment aurait-il pu en être autrement ? Le Velvet n’a jamais eu de plan de carrière, même à ses débuts sous la tutelle de Warhol (qui depuis s’en est désintéressé totalement), n’a jamais été à la mode ou dans l’air du temps … et n’a jamais cherché à l’être.

Pire, le Velvet est un groupe peau de chagrin. Après le premier disque, exit Nico (« l’emmerdeuse » comme aimait à la qualifier Lou Reed), et après « White light … » exit John Cale. Trop peu américain (il est Gallois), trop bon musicien, et prié de laisser toute velléité d’écriture ou de direction musicale au vestiaire ? Cale préfèrera suivre et produire sa copine Nico et entamer une carrière solo certes captivante, mais aussi très euh … étrange …

Yule, Reed, Morrison & Tucker

« The Velvet Underground » est donc le troisième disque du groupe. Ne restent de la formation initiale que Mo Tucker, Sterling Morrison et Lou Reed. Un quatrième larron, Doug Yule, est embauché avec la bénédiction de Lou Reed (le Doug est plutôt beau gosse, joue de plein d’instruments et est capable de chanter convenablement, et deviendra assez vite calife à la place du calife, mais c’est une autre histoire …).

Lou Reed écrit tous les titres. Il produit et arrange, même si très généreusement (ou diplomatiquement), c’est le groupe en entier qui est crédité. Et si l’on se base sur les titres les plus connus de Lou Reed, c’est « The Velvet Underground » qui de toute sa discographie en compte le plus. Cinq de ses incontournables sont ici : « Candy says », « What goes on », « Pale blue eyes », « Beginning to see the light » et « After hours ». Excusez du peu …

Côté pull de Morrison, la couleur n'arrange rien

Le disque débute avec « Candy says », premier et pas dernier d’une série de «  … says » (Stephanie, Caroline, Lisa), et premier et pas dernier de titres faisant allusion à Candy Darling, l’égérie transgenre de la Factory, celle qui « never lost her head even when she was giving head » sur « Walk on the wild side ». « Candy says » est chanté tout en douceur par Doug Yule, sur l’insistance expresse de Lou Reed, et donne la direction, musicalement acoustique et apaisée de l’ensemble du disque.

« What goes on », c’est The Velvet Underground playing boogie-woogie. Dans la tradition Velvet du genre (« I’m waiting for my man », « Run run run » sur leur premier disque), c’est-à-dire assez loin de Canned Heat et consorts. On ne garde qu’un accord mouliné ad lib, et on remplace les solos de guitare par de la recherche sur la structure sonore (toutes les guitares de Television sont dans « What goes on »).

« Pale blue eyes », c’est la chanson d’amour romantique, ultra dépouillée (Mo Tucker, qu’on ne risque déjà pas de confondre avec Ginger Baker, laisse même tomber ses trois toms pour agiter un tambourin). Les spécialistes es-Reed assurent que le titre est adressé à une fille, premier grand amour d’adolescence du Lou …

« Beginning to see the light », c’est du classic Velvet. Trame boogie tranquille, paroles introspectives laissant plusieurs portes ouvertes : rédemption ? « vraie vie » ? émancipation ? Elle succède sur le disque à « Jesus », chanson mystique désabusée, le recours à la religion quand tout part en vrille (« Help me in my weakness, ‘cos I’m falling out of grace »).

Dernier classique du disque et qui le clôture, une courte bluette de deux minutes (brouillon mélodique du « Goodnight ladies » de « Transformer » ?), comptine chantée-murmurée par Mo Tucker …

Et le reste ? Rien de renversant, entendez par là rien qui n’ait déjà mis en chantier par le Velvet. « Some kinda love » aurait pu se retrouver sur n’importe quel autre disque, le phrasé de Lou Reed, le minimalisme, la façon d’aborder parties de guitares et de batterie, … sont reconnaissables immédiatement. « I’m set free » et « That’s the story of my life » se répondent d’une certaine manière. La première est la plus « travaillée » (enfin, la moins monolithique, on est tout de même assez loin de Spector), et la seconde est la plus « légère » (la plus facile ?) du disque.

Velvet live in Chicago, 1969

Enfin, un mot sur « The murder mystery » (presque neuf minutes), sorte de mix entre les deux sommets abrasifs de « White light / White heat ») qu’étaient « The gift » (les parties parlées-scandées à quatre voix Yule – Reed d’un côté de la stéréo, Tucker – Morrison de l’autre) et « Sister Ray » (en guitares nettement moins abrasives et par force sans le violon alto de Cale).

Le succès de « The Velvet Underground » sera colossal … euh, non, pas du tout, en fait, il s’en vendra autant que des deux précédents, c’est-à-dire quelques centaines all over the world. Sera-ce le déclencheur de la retraite de Lou Reed, qui retournera se « ressourcer » chez ses parents, ou juste la fin d’un cycle (le Lou sera quand même coutumier de virages artistiques en épingles à cheveux durant toute sa vie) ? En tout cas, une fois le disque paru, Reed annoncera qu’il quitte le groupe, non sans lui avoir laissé de quoi remplir un nouveau disque du Velvet (« Loaded »), avec notamment celles qui sont pour moi les deux meilleures chansons du groupe (« Sweet Jane » et « Rock’n’roll ») …

Mais c’est encore une autre histoire …



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