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ALBERT DUPONTEL - ENFERMES DEHORS (2006)

 

Dans la peau d'un flic ...

Dupontel, on compte plus les récompenses obtenues par ses films, c’est devenu un incontournable des Césars, apprécié par le public et la critique. C’est pourtant loin d’être un acteur, un réalisateur et un scénariste mainstream. Dupontel, il a construit patiemment sa carrière, n’obtenant ses grands succès qu’à la cinquantaine. « Découvert » par Patrick Sébastien, ce qui n’est pas forcément une ligne glorieuse sur un CV (ce qui n’empêche pas Dupontel de le remercier au final du générique d’« Enfermés dehors », en compagnie entre autres de Chaplin et des Monty Python), il a beaucoup tourné (dans plein de genres, des films à gros budget, des séries B, …) avant de se lancer dans l’écriture et la réalisation, et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, de se donner le premier rôle dans ses films.

Albert Dupontel

Son tiercé majeur c’est à ce jour « 9 mois ferme », « Au revoir là-haut » et « Adieu les cons » (chronologiquement mais aussi artistiquement). Un peu avant cette trilogie, était sorti ce « Enfermés dehors ». Qui est un film brouillon, confus, où l’on a l’impression que le scénario abracadabrant n’est là que pour assurer les liaisons entre des scènes d’un burlesque délirant. On se dit (c’est sans doute le but poursuivi) que « Enfermés dehors » n’est pas un film, mais un dessin animé joué par de vrais acteurs. Le point de départ, qui revient de temps en temps, c’est la confrontation du monde des SDF avec « l’autre monde », celui des gens plus ou moins « normaux », et du monde de la finance et du gros business. Bon, on n’est pas chez Ken Loach, ou alors chez Ken Loach revisité par Tex Avery.

Les gags sont totalement cartoonesques (les vols planés, les chutes, et d’une façon générale ceux qui les exécutent ou les subissent) sont totalement irréels et constituent le ressort comique majeur du film. D’autant que certains sont des running gags (les personnages des panneaux d’affichage qui s’animent lorsqu’on sniffe de la colle, les pans de murs qui s’effondrent sur le casting, la collision avec le motard, les vols planés qui se finissent toujours dans la boutique de l’épicier du coin, …). Rajoutez un casting de « gueules », Hélène Vincent et Roland Bertin en kidnappeurs d’enfants, une bonne partie des Deschiens en SDF (Yolande Moreau, Bruno Lochet, Philippe Duquesne), quelques apparitions fugaces de Bouli Lanners, Jackie Berroyer, Gustave Kervern, deux Monty Python (Terry Gilliam et Terry Jones).

Les beaux-parents indignes, Vincent & Bertin

Et l’histoire dans tout ça ? Ben y’en a pas, ou plutôt y’en a trois. Roland (Dupontel) est un SDF devenu flic. Il s’entiche d’une plaignante au commissariat Marie (Claude Perron, seul personnage « normal » du film, elle bosse dans un sex shop et se sert de godes pour faire du tapage nocturne …) qui vient signaler que sa fille est séquestrée par ses beaux-parents. Il veut l’aider à retrouver sa gamine mais homonymie oblige, va traquer un puissant homme d’affaires à la place des deux vieux …

Le point de départ est un classique de la comédie, le quiproquo. Roland assiste au suicide d’un type qui se pend en sautant d’un pont dans un fleuve (même si la corde est trop longue, il finit dans la flotte). Roland, SDF qui dormait sur les quais, monte sur le pont, ouvre une valise que le type avait laissé. Cette valise contient des habits de flic. On a beau être un SDF défoncé à la colle, on n’en reste pas moins un honnête homme et Roland va rendre la valise à l’hôtel de police, d’où son look et son odeur le font expulser avant qu’il ait pu en placer une. La vision par un soupirail du mess des pandores et la faim qui le tenaille lui feront endosser les habits du flic, d’abord pour aller bouffer copieusement gratos, et ensuite s’intéresser par hasard à la plainte de Marie, se servant de son bel uniforme (une chemise bleue et un béret classiques de pandore, mais une improbable salopette de conchyliculteur par-dessus …) pour entamer une enquête rocambolesque à sa façon. Avec des alliés (souvent contraints à cause des vertus de l’uniforme bleu) « recrutés » dans le milieu qu’il connaît le mieux, celui des SDF. Et évidemment avec des méthodes assez peu orthodoxes (un squat finit par devenir une sorte de ZAD gérée par des faux flics qui sert des repas aux jeunes mères démunies), et quelques visions assez particulières de faire régner l’ordre dans la société (Yolande Moreau : « il faut les lapider à coups de hache »).

Yolande Moreau

Forcément tout est bien qui finit bien, au prix d’acrobaties vertigineuses sur le rebord d’un toit de clinique privée (Roland accroché à une antenne télé pendue dans le vide rattrape Hélène Vincent en chute libre avec ses dents, les crochets de fixation de l’antenne n’arrêtent pas de céder, …), et notre héros de plastoc va réussir sa mission impossible (enterrées les cascades de Tom Cruise …).

On est avec « Enfermés dehors » dans le registre de la comédie pure, l’affrontement « social » entre les déshérités qui vivent dans la rue et les gros requins capitalistes est réduit à quelques gags ubuesques (on est loin de la finesse, des magouilles et des arnaques de « Au revoir là-haut »), il y a beaucoup de personnages « inutiles » au scénario, qui sont juste là par copinage …

Reste un univers délirant assez unique dans le cinéma actuel qui doit quand même un peu (beaucoup ?) à Caro et Jeunet (« Delicatessen » notamment) et une imagination sans limite quand il s’agit de trouver des angles de prises de vue totalement azimutés, la bizarrerie visuelle venant s’ajouter au comique de situation …

Bon point aussi, les plaisanteries les plus courtes étant les meilleures, quand avant le générique s’inscrit « Faim » (sic) sur l’écran, on n’est là que depuis une heure vingt.

Conclusion : Dupontel pouvait mieux faire … et il a fait mieux par la suite …





WILLIAM WYLER - COMMENT VOLER UN MILLION DE DOLLARS (1966)

 

French touch ...

Bon, « Comment voler un million de dollars » est rarement cité comme un film majeur. Même pas une comédie majeure. Ou un film de casse majeur. Pourtant y’a du lourd au générique …

Derrière la caméra, William Wyler pour son antépénultième film. Il n’a rien d’un grabataire (la soixantaine), et a aligné tout un tas de films dans des genres très différents, cumulant succès critiques, publics et Oscars à la pelle. La consécration étant évidemment « Ben Hur » (onze statuettes, un record inédit, parfois égalé avec « Titanic » et le dernier volet du « Seigneur des Anneaux », mais jamais dépassé). Devant la caméra, Peter O’Toole superstar depuis son rôle-titre dans le « Lawrence d’Arabie » de David Lean, et Audrey Hepburn, la fiancée so chic idéale des 60’s. Mais aussi dans les hauts parleurs, la musique d’un quasi débutant, un certain John(ny) Williams.

Wyler, O'Toole & Hepburn

« Comment voler … » est un film cosmopolite. Un Américain (naturalisé) à la réalisation, les deux acteurs principaux anglais, et une histoire qui se déroule à Paris, ce qui donnera quelques seconds rôles à des acteurs français (Jacques Marin, Moustache, Charles Boyer, Fernand Gravey, …). Wyler évite le cliché carte postale, ce qui n’est pas toujours le cas de films américains tournés à Paris (« Un Américain à Paris », « Gigi »). Il n’évite pas cependant le défilé de mode Givenchy, car Audrey Hepburn est sous contrat avec la maison de couture. Visuellement, on peut pas trop s’en plaindre, même si quelques tenues ou accessoires (d’improbables bibis ou binocles) font très datés genre sixties où tout est permis à donf … C’est pas gênant, mais bien voyant, ça donne même lieu à une joke de Peter O’Toole à l’attention d’Hepburn lorsqu’il la grime en femme de ménage pour les besoins du casse : « Dites à Givenchy qu’il peut disposer ce soir ». Aujourd’hui les distributeurs du film se verraient contraint de préciser la mention « contient du placement de produits » (l’Hôtel Ritz est aussi beaucoup cité) …


Le scénario est assez basique : la fille d’un faussaire demande à un voleur qu’elle a surpris chez elle de l’aider à dérober une statuette, évidemment fausse mais prétendue inestimable que son vieux a prêtée à un musée pour une expo où elle sera expertisée pour les besoins de l’assurance. Les deux beaux gosses finissant par tomber amoureux, cela va de soi. Cette double intrigue (le casse et la romance) avait de quoi remplir l’heure et demie syndicale. Le scénariste a cru bon de rajouter quelques personnages secondaires et des intrigues mineures pour la plupart incompréhensibles ce qui donne une demi-heure de plus assez brouillonne, ne servant que de prétexte pour introduire quelques gags plutôt lourdauds, comparés à ceux présents dans les histoires principales. C’est cette sensation de « pièces rapportées » qui plombent quand même pas mal le résultat final, parce que de toutes façons malgré les improbables rebondissements, il ne peut y avoir qu’une happy end ...

Et c’est dommage, parce qu’il y a de la fantaisie, du rythme, O’Toole et Hepburn s’en donnent à cœur-joie, elle en ingénue délurée, lui en (faux) voleur débutant, le tout en Panavision et en couleurs pétaradantes. Quelques clins d’œil sont bien vus, comme lorsque O’Toole cambriole la maison familiale, Hepburn est en train de lire un bouquin sur Hitchcock et sursaute à chaque bruit. Face au système d’alarme hyper sophistiqué du musée, le casse est réalisé avec une ficelle, un aimant et un boomerang en carton par le couple de braqueurs d’opérette qui s’est fait enfermer dans un placard à balais (petits bras, les scénaristes à venir de la série des Ocean’s, Insaisissables, ou Mission Impossible, …).


Wyler reste sobre à la caméra, on dirait du théâtre (de boulevard) filmé, on est loin des grands espaces de « Ben Hur ». C’est parfois le contraire, comme les scènes filmées dans le placard à balais, où le peu d’utilisation qui est faite du décor naturel parisien (juste une remontée au petit jour des Champs-Elysées et quelques plans de la Place Vendôme). Wyler laisse plutôt son couple d’acteurs vedette s’exprimer. O’Toole en faux niais maladroit aux yeux bleus est très bon, et Hepburn crève l’écran en écervelée longiligne, jouant parfaitement sur son registre charmeuse mutine et glamour, une performance du niveau de celles livrées dans « Diamants sur canapé », « Charade », « Vacances romaines, « Sabrina », … Et la voir en nuisette classe chausser des bottes en caoutchouc pour une sortie nocturne précipitée ou affublée des oripeaux d’une femme de ménage offre un contraste avec les créations Givenchy qui lui vont comme une seconde peau …

« Comment voler un million de dollars », c’est un peu la théorie du verre à moitié plein ou à moitié vide. Ou plutôt de la bouteille de pinard à moitié pleine à moitié vide comme celle qui viendra remplacer la contrefaçon de la statuette de Cellini sur son socle une fois le braquage accompli … C’est un bon film mais qui laisse trop souvent un goût de remplissage facile …


Du même sur ce blog :

Ben-Hur







MARK SANDRICH - LE DANSEUR DU DESSUS (1935)

 

Danse avec les stars ...

« Le chanteur de jazz » en 1927 est un film qui n’a guère d’intérêt artistique. Dans l’histoire du cinéma, c’est un film majeur. C’est la première fois que les spectateurs (américains d’abord) voient et surtout entendent des gens parler dans un film. Et accessoirement chanter. Dès lors, un monde va s’effondrer, celui du cinéma muet. Et le cinéma va exploiter toutes les possibilités offertes par le parlant. Une des premières « modes » qui déplacera les foules dans les salles sera le film musical, qui permet de diffuser dans tout le pays ce qui juste-là n’était visible que dans les salles de music-hall en général et à Broadway en particulier. Tout un pan culturel va s’inventer au début des années 30, de nouveaux métiers apparaissent.

Sandrich, Rogers, Astaire & Berlin

Le métier de scénariste se réinvente, tout comme celui de metteur en scène. Les chorégraphes, les compositeurs de musique, les chanteurs et les danseurs deviennent très demandés, de jeunes anonymes du 7ème art prennent d’assaut les majors avec leurs projets. Comme toujours, beaucoup de prétendants, peu d’élus.

Un gars va rapidement se faire un nom. Mark Sandrich il s’appelle. Employé subalterne des plateaux, il observe comment on y travaille et en 1933 remporte l’Oscar du meilleur court-métrage. Il peut dès lors se présenter aux studios avec des projets plus ambitieux. Son truc, ce sera la comédie musicale. D’autres y ont pensé avant lui, et parfois avec des gros succès (Lloyd Bacon et Mervin LeRoy, tous deux chez Warner avec « 42ème Rue », « Prologues » « Gold diggers 1933 », …).

Sandrich va faire le siège de RKO. Avec sa trouvaille, un chorégraphe metteur en scène de spectacles musicaux à Broadway, un certain Fred Astaire. L’accueil des pontes de la RKO est devenu légendaire, en gros ce type ne sait pas chanter, ne sait pas jouer la comédie, il est à moitié chauve, il danse à peu près correctement. Ce qui forcera la décision, c’est que Sandrich et Astaire ont avec eux Ginger Rogers, qui commence à être connue dans le métier.


Le premier film de Sandrich avec le duo Fred Astaire – Ginger Rogers, une reprise à l’écran d’un spectacle de Broadway dont Astaire était le personnage principal « La joyeuse divorcée » en V.F. sera un énorme succès. La formule gagnante sera reproduite à l’identique pour « Le danseur du dessus » (même réalisateur, même équipe technique, les mêmes cinq acteurs principaux reconduits). Seule la partition musicale changera de signature, on passe de Cole Porter à Irving Berlin, avec Max Steiner comme chef d’orchestre ; on reste dans le très haut niveau ce côté-là …

« Le danseur du dessus », en V.O. il s’appelle « Top Hat » (haut-de-forme en français, ce qui n’est pas exactement la même chose), même si les deux titres font sens (les personnages principaux sont coiffés de hauts-de-forme, un des morceaux chantés s’appelle « Top Hat », mais d’un autre côté, Fred Astaire et Ginger Rogers se rencontrent quand le premier fait un numéro de claquettes dans une chambre d’hôtel, empêchant la seconde de dormir dans sa chambre à l’étage au-dessous).

« Top Hat » est une comédie musicale. Dans le sens strict des deux termes accolés. Un scénario de théâtre de boulevard avec gags et quiproquos qui s’enchaînent sans temps mort, entrecoupés de chansons et de parties de danse du couple Astaire-Rogers. Force est de reconnaître que le résultat est bien foutu, avec son casting composé de « gueules » et leur jeu tout en grimaces et roulements d’yeux hérités de l’expressionnisme du muet, Astaire et Rogers s’en sortent plutôt honorablement tant par leur jeu d’acteur (même s’ils ont souvent tendance à en faire des caisses) qu’au chant. En quand ils dansent, là ils crèvent l’écran, en parfaite osmose. Et sans trop tricher, filmés de pied (donc pas de doublures), et avec très peu de raccords (on est en 1935, quand il y a des raccords, ils se voient). On voit la troupe déambuler dans un décor d’hôtels londoniens luxueux au début, et dans un gigantesque décor de Venise en carton dans la seconde partie. Une seule scène est filmée en extérieurs, dans un kiosque à musique sous la pluie (fausse, la pluie), pour la séquence certainement la plus connue du film. A noter que si le nom de Sandrich est peu souvent cité de nos jours, il n’en reste pas moins un technicien remarquable, avec des cadrages au cordeau.

« Top Hat » a été un immense succès aux Etats-Unis pour le duo Astaire-Rogers. Et pour Sandrich, qui en tournera encore deux ou trois avec son couple vedette. Le film sera exporté en Europe. D’une façon bizarre, notamment en France. La version américaine dure 92 minutes. « Le chanteur du dessus » sera réduit de vingt minutes, ce qui n’est pas rien. Des personnages secondaires, des scènes entières sont supprimées ou grandement amputées, certaines situations deviennent quasiment incompréhensibles. Seules n’ont pas été touchées les parties chantées ou dansées. C’est plus un film qu’on a vu en France, c’est un spectacle de music-hall.

Top hats ...

Aujourd’hui, la plupart des éditions Dvd françaises proposent les deux versions, l’américaine restaurée en anglais et/ou sous-titrée, et la version française d’époque, donc techniquement tout juste passable …

Fred Astaire et Ginger Rogers seront les premières superstars de la comédie musicale, avant que le genre s’essouffle, remplacé par les films d’aventures ou les westerns en décors naturels (et souvent en couleurs). Le genre renaîtra plusieurs fois. Dans les années cinquante avec un second âge d’or sous l’impulsion de Sinatra (« Un jour à New York ») et Gene Kelly (« Un américain à Paris » et le chef-d’œuvre absolu « Singin’ in the rain »), le best-seller de Wise « West Side story », en France avec Demy dans les 60’s, aux Etats-Unis dans les seventies (« Phantom of the paradise », « Rocky horror picture show », « Saturday night fever », « Grease », …). Jusqu’à nos jours avec les gros succès des « La La Land » est autres remakes de « West Side story ». La comédie musicale règne depuis des décennies en Inde où Bollywood en produit des dizaines chaque année …

Tout cela sans égaler la magique naïveté des pionniers des années 30, dont « Top Hat » constitue un excellent exemple …

JOHN HUGHES - LA FOLLE JOURNEE DE FERRIS BUELLER (1986)

 

Casa de Papel ...

Vous l’avez vue la série espagnole préférée des joueurs de foot, tellement que Neymar y avait un (minuscule) rôle ? On y suivait les pérégrinations d’une bande de braqueurs de banque cornaqués par un type, le Professeur. Et les scénaristes, pour faire durer les épisodes et les saisons, foutaient les braqueurs dans une merde noire, dont le Professeur les sortait à coups de stratagèmes totalement surréalistes (et plutôt débiles) … Ben, « La folle journée de Ferris Bueller », c’est un peu pareil. Des personnages à la hache, un scénario ahurissant d’invraisemblances à tous les étages. Et comme pour la série des espingouins, un carton monumental, le college movie le plus rentable de son temps … ce doit être ce qu’on appelle le nivellement par le bas …

Matthew Broderick & John Hughes

Les college movies (ou teen movies, c’est peu ou prou la même chose), c’est un genre à part entière chez les Ricains. Depuis des décennies, il en sort une foultitude chaque année. Et la référence du genre, c’est John Hughes, scénariste, producteur et réalisateur, qui a cartonné au début des années 80 avec son tryptique « Breakfast Club » (le meilleur), « Pretty in Pink » (bof …) et donc « … Ferris Bueller », le plus successful des trois (il y a même eu une tentative de série télé dérivée par la suite, bide retentissant).

L’intrigue est plutôt simplette : le dénommé Ferris Bueller, collégien de Chicago, se fait porter pâle pour ne pas aller en cours. Il fait « évader » du bahut sa copine, débauche également son meilleur pote dont il emprunte la Ferrari de collection de son vieux, et le trio s’offre une tournée des grands ducs dans Chicago, coursés par un directeur d’établissement aussi bête qu’obstiné, tout en prenant soin de rentrer avant que les parents s’aperçoivent des supercheries …

Mia Sara, Alan Ruck & Matthew Broderick en Ferrari

Tout est fait à l’économie, manière d’avoir le retour sur investissement le plus massif. La somptueuse villa de la famille Bueller n’est pas à Chicago, mais à Long Beach, Californie, la Ferrari n’est pas de collection,  c’est un fake en carton, le collège n’existe pas (c’est un vieux bahut désaffecté où Hughes avait déjà tourné « Breakfast Club »), il y a de grosses incohérences scénaristiques (comment le trio se retrouve t-il dans une piscine à remous qui n’appartient à aucun de leurs parents), des « oublis » (une longue scène où le pote entend pour une fois assumer face à son tyrannique père dont il vient de fracasser la Ferrari, on ne verra pas ce face-à-face).

Tous les gags à base de coups de téléphone, de messages enregistrés sur des répondeurs, de mécanismes à trois bouts de ficelle reliés à des ordinateurs ou des chaînes hi-fi se multiplient, sont totalement redondants et totalement stupides (un scénario écrit à la fin d’un apéro copieusement arrosé ?).

Pour ne rien arranger, dans le rôle principal, l’insupportable Matthew Broderick (le Brad Pitt des cours de récré) en fait des tonnes (il vient du café-théâtre, ceci explique en partie cela), impeccable raie sur le côté et sourire enjôleur. Ce type a foiré à peu près (à l’exception de « Glory ») tous les films où il était en haut de l’affiche. A ses côtés, une nunuche transparente (Mia Sara) joue sa copine et un autre abonné des nanars (Alan Ruck) est son pote hypocondriaque et un peu demeuré. C’est sur lui que repose le film, il en fait trop, multiplie les mimiques censées être de circonstance, s’adresse souvent à la caméra comme Belmondo dans « Pierrot le Fou » (la comparaison s’arrête là).

Twist & Shout ...

En fait, les seuls trucs regardables du film sont deux improvisations de Hughes. La première, pour rajouter quelques minutes de pellicule, est une visite du trio dans le musée de Chicago (vous avez déjà vu des ados sécher les cours pour aller se balader dans un musée ?), prétexte pour Hughes de nous montrer des œuvres de ses peintres préférés (Kandinsky, Picasso, Matisse). Le coup de génie de Hughes sera de pirater (ou du moins infiltrer) une parade de la communauté allemande de Chicago en y glissant ses acteurs et son équipe technique, Broderick se livrant en furieux playback à une reprise du « Twist and shout » (réellement balancée sur une sono, aucun trucage des vues de foule, et les réactions sont pour la plupart celles de vrais gens, pas d’acteurs). Ce qui vaudra aux Beatles leur premier numéro un depuis la séparation du groupe … une constante chez Hughes, grand fan de rock anglais (il avait lancé la carrière américaine des Simple Minds en incluant « Don’t you » dans « Breakfast Club » et procuré aux oubliés Psychedelic Furs leur seul hit aux States avec « Pretty in pink » dans le film éponyme).

Ce « clip » de « Twist and shout » est à mon sens une des rares séquences intéressantes du film. Avec une paire de scènes (il n’a qu’un tout petit rôle) dans laquelle Charlie Sheen, en jeune camé looké Ramones séduit dans un commissariat la coincée frangine de Broderick-Bueller …

Cinq ou six minutes sur une grosse heure et demie, ça fait pas beaucoup …


SAM MENDES - AWAY WE GO (2009)

 

Short Cuts ...

«Away we go » est un film low cost (et à empreinte carbone minimale, on y reviendra) de Sam Mendes. Qui pour son précédent film, le superbe « Les noces rebelles » a fait en plus un gros score commercial. Qui de plus réunissait Winslet et DiCaprio, le mythique couple de « Titanic » (en fait c’était pas très compliqué pour Mendes, Winslet et DiCaprio étaient potes, et Winslet était sa femme). Et le film que Mendes a réalisé après « Away we go » c’est rien de moins que « Skyfall », le meilleur et le plus rentable de toute la série des James Bond.

Krasinski, Rudolph & Mendes

Autant être clair, « Away we go » n’a les qualités ni de son prédécesseur, ni de son successeur. C’est une sorte de récréation, vite tourné (cinq semaines), petit budget, durée syndicale minimum (une heure et demie). Un peu logiquement, pas de nom de star qui clignote fort en haut du générique. Les deux rôles principaux sont tenus par des troisièmes couteaux, John Krasinski (des seconds rôles dans des films le plus souvent passés inaperçus) et Maya Rudolph (une des vedettes du show télé « Saturday night live », quelques apparitions sur grand écran, et pour l’état-civil fille de la soulwoman Minnie Ripperton, mais pas quelqu’un susceptible de drainer les foules sur son nom au générique).

« Away we go », c’est un peu un road-movie. Ou plutôt un plane-movie, on part du Wisconsin, on va dans l’Arizona, retour au Wisconsin, puis Montreal, Miami et retour à la case départ. « Away we go », c’est aussi un film choral. Pas exactement au sens strict du terme, car il y a les deux acteurs principaux dans toutes les scènes, mais à chaque étape sont introduits de nouveaux personnages qu’on ne reverra plus dans les étapes suivantes.


Le début du film nous montre Burt et Verona sur le point d’être parents (la scène d’introduction, un cunnilingus sous la couette et les dialogues qui en résultent, mérite une citation dans les grandes scènes d’humour obscène). C’est un couple bobo, enfin plus bohème que bourgeois (ils vivent dans un mobil home). Lui vend des contrats d’assurance, elle on sait pas et on s’en fout. Ils veulent bien être parents, mais n’ont pas envie de se faire bouffer la vie par le marmot. Ça tombe bien, les parents de Burt habitent dans le patelin à côté, et ils se feront un plaisir de garder le môme. Sauf que quand ils vont les solliciter, les vieux leur annoncent qu’ils partent voyager deux ans en Belgique.

Cette première scène avec deux couples introduit parfaitement ce qui va suivre dans le film. Des rencontres et des confrontations d’univers. Avec lors de la rencontre de Burt avec ses parents, un clin d’œil darwiniste amusant. Les deux sont totalement différents (le père bourgeois vieille école, le fils baba avec une nette prédilection pour de ridicules bermudas ou pantalons, à rayures et quadrillages bleus et noirs), mais se coiffent pareil, sont barbus et à lunettes, et au cours de la discussion ont les mêmes tics (ils ajustent la monture de leurs lunettes et se frottent les yeux) en même temps.

Chez les new age ...

Dès lors devant la « fuite » des parents, la recherche de famille ou d’amis qu’ils n’ont pas vus depuis longtemps pouvant aider Burt et Verona à s’occuper de leur gosse va virer à l’obsession. Première visitée : une amie de Verona, totalement disjonctée, destroy et alcoolo, mariée à un beauf à bière(s), un gosse limite autiste, et une gamine limite obèse. Un enchaînement de scènes magnifiquement drôles et pathétiques à la fois. Evidemment, s’installer à portée de ces gens-là n’est pas une bonne idée. Seront ensuite approchées la sœur le Verona, une ancienne copine de Burt, enseignante en fac mais qui suit des règles de vie très new age avec son compagnon, gourou militant. Le clash avec ceux-là sera forcément retentissant. De vieux potes québécois de Verona (qui adoptent compulsivement des gosses, elle a des tendances exhibo, lui est addict à des théories sociales absconses et au sirop d’érable) ne donnent pas plus envie de vivre à proximité. Dernier recours, le frangin de Burt à Miami, mais très mauvais timing, il vient de se faire larguer et à beaucoup de mal avec son fils.

L’épilogue est prévisible, c’est pas très loin de leur mobil home, dans la maison d’enfance de Verona, grande bâtisse ancienne dans un cadre bucolique, qu’ils trouveront l’endroit idéal pour fonder leur foyer et s’occuper de leur enfant.

Bon, je spoile pas vraiment, parce que la conclusion n’est pas le but du film. « Away we go » nous montre, dans le cadre d’une comédie douce-amère, tous ces gens broyés par l’american way of life, qu’ils en soient de parfaits représentants où qu’ils veuillent s’en écarter, ce grand pays un peu dingue les rend dingues à leur tour. C’est finalement le couple Burt – Verona, pourtant deux adulescents ayant du mal à s’assumer dans leur rôle de bientôt parents, capables des pires blagues de potaches, qui font figure au milieu de leur famille et de leurs connaissances de gens sérieux et responsables.

Janney & Rudolph

Le film renvoie bien évidemment au classique choral « Short cuts » de Robert Altman, à travers ces portraits et ses tranches de vie d’une Amérique pas forcément de carte postale. « Away we go » est un film plaisant, bien écrit (certains dialogues sont vraiment savoureux, à l’image de la scène d’ouverture), mais il a les qualités de ses défauts. La distribution manque de caractère et d’expérience, et on se dit souvent qu’avec des acteurs de comédie vraiment confirmés, beaucoup de scènes seraient bien bonifiées. Seule à mon sens Allison Janney (depuis oscarisée) dans le petit rôle de l’amie déjantée de Phoenix livre une performance vraiment hilarante, voire même burlesque. D’autres compositions de ce niveau auraient vraiment tiré le film vers le haut …

Un mot sur l’aspect « éco-responsable » du film. Ça part peut-être de bons et sincères sentiments, d’utiliser au maximum des matériaux recyclables, de soigner la propreté et le nettoyage des plateaux de tournage (une « consultante » a même été embauchée par la production pour surveiller tout çà), mais comment dire il est assez paradoxal qu’un film qui a sans cesse recours aux voyages en avion dans tous les coins du continent nord-américain soit « vendu » comme écolo. D’autant plus que les rares intervenants dans les maigres bonus sont pas très clairs, on arrive pas à comprendre (enfin moi j’y suis pas arrivé) si tout le film a été tourné dans le Wisconsin, ou bien dans les lieux cités à l’écran, ce qui du coup ferait pas un extraordinaire bilan carbone … Un peu comme dans tous les discours écolos, beaucoup dans la posture et la rhétorique, et ensuite pas grand-chose dans les faits …

Film sympa mais mineur, surtout venant de Mendes …


Du même sur ce blog : 

Les Noces Rebelles


DAVID ZUCKER - Y A-T-IL UN FLIC POUR SAUVER LA REINE ? (1988)


 ZAZ ...

Les ZAZ (soit les initiales des frangins Zucker - David et Jerry - et de Jim Abrahams) sont une institution de la comédie filmée made in USA et le gros (gras) rire américain des années 80 porte leur empreinte indélébile. Ils ont commencé avec leur meilleur film, « Airplane ! » (« Y a-t-il un pilote dans l’avion ? » par ici), enchaîné séries télé et films avec un succès public jamais démenti mais qui a eu tendance à s’étioler la fin de la décennie venue.

Leslie Nielsen & David Zucker

Leurs films n’en sont pas vraiment (au sens Ingmar Bergman du terme s’entend, même si je ne pense pas que leurs spectateurs aient la moindre idée de qui peut être Ingmar Bergman), c’est une succession quasi ininterrompue de gags. Quelques uns géniaux, d’autres réussis, mais aussi une longue litanie de vannes plus ou moins lourdingues.

« Y a-t-il un flic pour sauver la Reine ? » (The Naked Gun » en V.O.) n’échappe pas à la règle. Ça démarre sur les chapeaux de roues avec une scène introductive (sans aucun lien avec le reste du film), pastiche délirant des opening acts de James Bond dans laquelle l’inspecteur Debrin (Leslie Nielsen) fait avorter une réunion de chefs d’états terroristes à Beyrouth (en fait, juste une vue aérienne de la ville, tout a été tourné à Los Angeles). On y voit Debrin boxer Gorbatchev (et lui essuyer la tache en forme de Vietnam sur le front), l’ayatollah Khomeini (qui sous son turban est coiffé d’une iroquois orange), Kadhafi (avec un énorme pin’s faisant la pub d’un régime minceur), Idi Amin Dada, Yasser Arafat. Ce genre de scène est visuellement drôle, mais c’est pas le problème. J’aimerais savoir qui dans le public américain était capable de mettre un nom sur tous les visages (quand on sait l’ignorance et le mépris des ricains pour tout ce qui est « politique étrangère ») et surtout l’amalgame un peu trop facile des ZAZ pour réduire tout le monde non yankee à des « terroristes » (Gorbatchev et dans une moindre mesure Arafat « terroristes », z’êtes sûrs les gars ?) …


Enfin, tout ça n’est qu’un hors d’œuvre pour Debrin qui de retour à LA va se retrouver confronté à une tentative d’assassinat de la Reine d’Angleterre en visite officielle. Evidemment, la Queen Mom (ou plutôt son sosie cinématographique officiel, l’Anglaise Jeannette Charles) s’en sortira saine et sauve et le méchant comploteur en chef finira laminé sous un rouleau compresseur (je spoile pas, tout le monde a vu le film, même les fans de Bergman). Et entretemps Debrin aura trouvé l’amour de sa vie, une femme à tout-faire du comploteur, sous les traits de la veuve du King herself, Priscilla Presley …

Simpson, Nielsen & Kennedy

Bon, faut pas demander aux ZAZ de mettre en scène un gag par minute et d’avoir la minutie du cadrage d’Ingmar Bergman (‘tain, tu vas nous lâcher avec Bergman). D’ailleurs ils l’avouent eux-mêmes dans les bonus du Dvd (ton très potache, là aussi une joke plus ou moins réussie par minute, ça finit par lasser), les raccords approximatifs et les gags pourris, c’est pas ça qui les empêche de dormir … Je veux bien, mais ça se voit très bien lors du dernier tiers du film dans le match de baseball. Y’a qu’une poignée de figurants dans le stade, les vues d’ensemble des gradins bondés proviennent d’autres stades. Par contre, il paraît que ce sont deux vraies équipes pros de baseball et que le « tueur » est une star de ce jeu. Ce qui montre les limites du machin hors des States. Qui hormis le redneck de base entrave quelque chose à ce foutu jeu de balle … pas tous en même temps pour un résumé succinct des règles, hein …

Priscilla Presley

Le film est donc réalisé avec les pieds par David Zucker et il a écrit le scénar avec son frangin, Abrahams et un certain Pat Proft. Il paraît que c’est un démarquage d’une série (« Police Academy ») qu’ils ont créé au début de la décennie et dans laquelle Nielsen tient un des rôles principaux. Lequel Nielsen en couillon imprévisible, est aussi crédible en flic que Christian Clavier, les grimaces defunésiennes en moins. Le supérieur dans le film de Nielsen est par contre un acteur reconnu (George Kennedy), oscarisé pour un second rôle dans « Luke la Main Froide ». Il y en a aussi un qui a un second rôle (O.J. Simpson) et qui deviendra une star (mais des vrais tribunaux avec ses procès à rallonge hyper médiatisés). Quant à la Priscilla, elle a ma foi la quarantaine gironde et un look copié-collé de celui de Kim Basinger dans « Boire et déboires » sorti l’année d’avant …

Ah, et oui, le coup de la belle fourrure quand Nielsen mate sous sa jupe alors qu’elle est montée sur une échelle, est moins pire que ce à quoi on pourrait logiquement s’attendre …


BILLY WILDER - CERTAINS L'AIMENT CHAUD (1959)

 

J'aime pas le jazz ...

Et c’est pas ce film qui va me faire changer d’avis. Quoi que … Marilyn chantant « I wanna be loved you » dans cette robe toute en transparences cousue sur le corps, on te dirait que c’est du trash metal, tu serais sur-le-champ fan de trash metal …

Pour les trois ermites qui ont jamais vu ce film et qui se demandent ce que c’est que cette intro, je les renvoie vers le milieu du film quand Tony Curtis devenu héritier de la Shell « rencontre » Sugar Cane Kowalczyk (Marilyn Monroe, chanteuse et joueuse de ukulélé dans un groupe féminin) et lui dit « … some like it hot ». En parlant du jazz, et donc du jazz hot (le traducteur français n’a rien compris, comme d’hab, le jazz chaud, ça existe pas …).

Wilder, Curtis & Monroe

Bon « Some like it hot », beaucoup considèrent que c’est la plus grande comédie jamais tournée. Y’a des jours que je me dis que ces beaucoup ont raison (y’a d’autres jours que je me dis que c’est « Orange mécanique », mais y’en a qui croient que c’est pas une comédie). Trêve de ratiocinations. Vous avez payé pour avoir un avis ferme, incontestable, etc … sur ce film, venons-en aux faits.

An de grâce 1959. Derrière la caméra, Billy Wilder. Polak émigré aux Etats-Unis, qui débute ses succès avec une ribambelle de films noirs dont certains sont d’immenses classiques (« Assurance sur la mort », « Le poison », « Sunset Blvd », « Le gouffre aux chimères », excusez du peu). Même s’il est capable d’écrire tout seul ses scénarios, il s’est associé d’abord à Charles Brackett, puis à partir du milieu des années 50, avec I.A.L. Diamond, ce qui entraînera un changement de style. Les deux hommes collaboreront longtemps, et pour des comédies, genre auquel Wilder venait de s’essayer (« Sabrina » avec Bogart et Hepburn).

Et surtout Wilder venait de tourner le meilleur film avec Marilyn Monroe en tête d’affiche, le drolatique « Sept ans de réflexion ». Parce que la Marilyn, elle crevait toujours l’écran dans tous ses films, certes, par une présence et un magnétisme physiques plutôt hors du commun, mais était une très piètre actrice, et ça se voyait aussi. Depuis quelques années, elle suit des cours à l’Actor’s Studio, ce qui améliore son jeu, lui fait prendre encore plus le melon, et entraîne dans son sillage la pénible Paula Strasberg (actrice ratée, femme du patron de l’Actor’s Studio, confidente et gourou de Monroe, qui la suit sur tous les tournages et intervient à tout propos).

Marylin Monroe période Debbie Harry

L’équipe de « Some like it hot » devra donc se fader la star et sa mégère. Parce que plus star que Marilyn tu peux pas. Jamais sur les plateaux le matin (elle cuve ses médocs et sa gnôle de la veille), et quand elle daigne arriver, elle est capable d’amener une scène vers des sommets stratosphériques, ou a contrario de bafouiller misérablement son texte (plus de quarante prises pour qu’elle arrive à dire « Où est le bourbon ? », et qu’elle refuse que la phrase soit rajoutée lorsqu’elle est de dos, elle veut dire son texte face caméra et on discute pas …).

En plus d’être souvent bourrée et sous antidépresseurs, beaucoup de sources concordantes estiment qu’elle était enceinte (d’Arthur Miller) lors du tournage (une de ses trois ou quatre fausses-couches suivra). C’est malgré tout la star du film. Et elle se fait attendre. Il faut patienter vingt cinq minutes pour la voir arriver, toute de noir vêtue et ondulant méchamment du croupion sur le quai d’une gare (avec un clin d’œil à la fameuse scène de la bouche de métro de « Sept ans de réflexion », ici c’est un jet de vapeur de locomotive qui la poursuit).

Des clins d’œil, il y en a d’autres. Parce que « Some like it hot » est un film qui mélange les genres. L’action se situe en 1929 et dans le Chicago de la prohibition. Trafic d’alcool frelaté, fusillades, poursuites en bagnoles, tripot clandestin, parrain de la mafia locale, descente de flics, règlement de comptes. Les deux premiers personnages principaux sont le mafieux Colombo les-Guêtres (George Raft, vieux de la vieille des films de gangsters et souvent passé du côté obscur de la Force) et le flic qui essaye de le serrer (Pat O’Brien, un autre vétéran des studios). Mêlés à tout cela, deux musiciens ratés, un saxophoniste (Tony Curtis) et un contrebassiste (Jack Lemmon), qui réussissent à s’esquiver lors d’une descente de flics dans un tripot mais se retrouvent témoins d’un règlement de compte et donc traqués par les mafieux. Leur seule échappatoire sera de se travestir et de rejoindre un orchestre de jazz féminin qui part jouer à Miami (en fait à San Diego, l’hôtel et la plage où seront tournés nombre de scènes est quasiment devenu un lieu de pèlerinage).

Brown & Lemmon : dernier tango à Miami ?

C’est ce travestissement forcé qui est l’apex comique du film. Joe devient Joséphine et Jerry Géraldine. Le premier plan de Joséphine et Géraldine titubant en talons aiguilles laisse augurer d’une grande performance d’acteur. Et à ce jeu, c’est Jack Lemmon (à l’époque le moins connu des deux) qui se taille la part du lion. Avec son maquillage qui le fait ressembler au Joker dans les films de Batman, il livre dans chacune de ses scènes une performance mémorable et à mon sens très au-dessus de ceux qui se sont livrés à cet exercice (le Dustin Hoffman de « Tootsie », Terence Stamp et Guy Pearce dans « Priscilla, folle du désert », et par charité, pas de commentaire sur le De Funes de « La folie des grandeurs » ou le Serrault de « La cage aux folles ») … la drag queen ultime, c’est Lemmon … Détail archi-connu, le film devait être en couleurs. Quelques essais avec Curtis et Lemmon montraient de façon trop évidente le maquillage outrancier dont ils étaient tartinés. Il a été décidé de tourner en noir et blanc pour le rendu esthétique, et pour rendre hommage aux films de gangsters des années 30 (puisque l’action est en 1929) filmés en noir et blanc. Le plus dur fut de convaincre Monroe (et Paula Strasberg) de ce changement, Monroe voulant tourner dans un film en couleurs, c’était stipulé dans son contrat, elle a un temps menacé d’abandonner le projet et d’envoyer ses avocats …

« Some like it hot » multiplie les scènes extraordinaires (la party dans la couchette du train, le tango sur la plage, le « repas » sur le yacht, les chassé-croisé dans l’hôtel, …). On est souvent à la limite du burlesque mais ça ne dérape pas dans le n’importe quoi juste pour amener un gag ou une réplique. Et quand dans le dernier quart du film, on voit à l’entrée de l’hôtel un gros plan sur une paire de guêtres blanches, on sait que Wilder et Diamond n’ont pas perdu le fil de leur histoire, nos deux messieurs-dames vont devoir à nouveau se coltiner la mafia qui les course …

Parce que l’histoire qu’on suit quand tout semble partir en vrille, ça définit assez bien la patte de Wilder. Le bonhomme n’est pas un adepte des grands mouvements de caméra. Il se contente de les placer savamment dans l’espace, les laisse immobiles, et ce sont les acteurs, qui tout naturellement dans le déroulé des scènes, viennent se positionner dans l’axe des objectifs. Les scènes de Wilder doivent beaucoup plus à la chorégraphie des acteurs qu’à une démonstration technique de prise de vue.

Pour faire un grand film comique, il faut aussi des « gueules » (voir le cas d’école par ici des « Tontons flingueurs »). Et ça, le casting de Wilder n’en est pas avare. Il y a dans « Some like it hot » des figurants qui même s’ils n’esquissent pas le moindre geste ou ne disent pas un mot, ont le physique de l’emploi. Les mafieux sont extraordinaires, de la bande à Colombo-les-Guêtres à ceux réunis au banquet des parrains, pas besoin de scènes d’exposition, on sait à la première image qui ils sont. De ce côté-là, Wilder voulait reconstituer les castings des années 30, il voulait aligner Raft et pour lui donner la réplique Edward G. Robinson en Parrain. Il y a bien un Edward G. Robinson au générique, mais c’est le fiston (qui imite le gimmick de Raft dans ses films en jouant avec une pièce de monnaie), Robinson père ayant refusé le rôle (parce que Raft était déjà casté, les deux en étant venu aux mains sur un antique tournage). Faute d’avoir l’original Little Caesar, Wilder se contentera de Little Bonaparte …

Mais le plus pittoresque second rôle n’est pas à chercher du côté des truands. Il est endossé par Joe E. Brown dans le rôle du milliardaire qui tombe amoureux de Geraldine – Lemmon. Chacune de ses apparitions est inoubliable et c’est à lui qu’il reviendra de prononcer la dernière réplique du film, le cultissime « Nobody’s perfect » (à noter qu’initialement, elle devait être dite par Curtis dans la scène à la plage, où déguisé en héritier de la Shell, il fait tomber Monroe pour pouvoir la brancher). Et plein d’autres ont vraiment le physique l’emploi (le groom de l’hôtel, l’accompagnateur-chaperon du groupe de filles, l’impresario que vont voir au début Curtis et Lemmon, …).

Quelques anecdotes pour finir, et pour tester le robot censeur.

Elle a bien grandi, Marylin Monroe

Tony Curtis et Marilyn Monroe avaient eu une liaison. Dans la scène du yacht, une Marilyn avec sa fine robe transparente cousue sur le corps et couchée sur Curtis, tente à grands coups de baisers de le guérir de son insensibilité. Dans le film, cela prend un certain temps. Dans les faits, Curtis (c’est lui qui le dit) a très vite réagi un peu en dessous de la ceinture, if you know what I mean … La Monroe s’en est évidemment aperçu, et manière de le chauffer encore plus, lui a roulé quelques vraies pelles au gré des multiples prises …

Une des dernières scènes filmées a été celle de la baignade. Accréditant la grossesse de Monroe, celle-ci a demandé afin de masquer son embonpoint un maillot de bain plusieurs tailles au-dessus. Problème, si ça allait pour le bas, sur le haut ça débordait souvent sur les côtés, à la grande joie des figurants et des badauds à proximité, et au grand dam de Wilder qui multipliait les prises bonnes à jeter.

Monroe, en raison de sa grossesse, n’a pas fait les photos publicitaires et celles pour les affiches du film. C’est la grande blonde de l’orchestre (celle qui joue je crois du trombone) qui avait à peu près la même morphologie qui l’a remplacée. Et comme y’avait pas Photoshop à l’époque, on a rajouté tant bien que mal la tête de Marilyn sur le corps de l’autre fille et y’a des photos où le raccord se voit vraiment …

Nobody’s perfect …


WES CRAVEN - SCREAM (1996)

 

Slasher 2.0 ... ou la somme de toutes les peurs ...

Wes Craven est déjà une star avant même qu’il réalise « Scream ». Tous les fans de films un peu tordus et glauques, de genre, d’horreur, enfin quel que soit l’épithète dont on les qualifie, le connaissent depuis ses débuts dans les années 70 et sa doublette déjà marquante « La dernière maison sur la gauche » et « La colline a des yeux ». Sa notoriété et sa reconnaissance ont encore fait un bond en avant dans les années 80 avec « Les griffes de la nuit » qui met en scène le croquemitaine Freddy Krueger, qui vient tuer ses victimes dans leurs rêves. Tout ça a un peu rempli le portefeuille de Craven, mais qui voudrait faire autre chose, marquer son temps par un film indiscutable, qui soit à la fois un sommet et un renouvellement d’un sous-genre du cinéma d’horreur dont il est déjà le maître, le slasher.

Wes Craven & Drew Barrymore

Il a bien essayé, mais sans succès, beaucoup de ses films n’ont pas, comme on le dit pudiquement, rencontré leur public, et il en a été réduit (obligé ?) à tourner des suites guère convaincantes de « La colline … » et des « Griffes … ». Et au milieu des années 90, Wes Craven est un peu au fond du trou. Il a bien reçu en primeur et exclusivité un scénario d’un certain Kevin Williamson, débutant fauché, intitulé « Scary Movie ». Il a accroché mais ne sait pas trop quoi en faire, et surtout où trouver du pognon pour ce film. C’est sans compter sur l’obstination de Williamson, qui balance son scénar chez tous les producteurs susceptibles d’être intéressés. Deux manifestent leur intérêt, la Miramax et une de ses sous-divisions, Dimension Films. C’est cette dernière qui emportera l’enchère (à la baisse, le temps presse pour les finances de Williamson).

Parenthèse. Dimension Films est dirigée par les frères Weinstein. Qui avec le succès mondial phénoménal de « Scream » vont entamer la constitution de leur empire, qui une vingtaine d’années plus tard s’effondrera avec « l’affaire » Harvey Weinstein (une quarantaine d’années de taule à ce jour, plus des dizaines d’affaires à suivre, pour harcèlement sexuel sur des actrices). Fin de la parenthèse.

Ulrich, Barrymore, Campbell, McGowan, Lillard, Cox & Arquette 

Le scénario de Williamson va être étoffé, rebaptisé « Scream » (le titre « Scary Movie » ne sera pas perdu pour tout le monde) et confié à Wes Craven qui retrouve quasi miraculeusement cette histoire qui l’avait séduite quelques mois auparavant. Ce n’est pas pour autant qu’il se retrouve avec un budget sans limites. Et il va faire des choix a priori déroutants. Une oubliée des castings depuis ses débuts dans « E.T. » va trouver dans « Scream » un second rôle qui va relancer sa carrière. Drew Barrymore, à peu près disparue des radars, mais pas des tabloïds (son amitié avec Courtney Love et Linda Perry, dans une sorte de version féminine cocaïnée et alcoolisée du Rat Pack), va retrouver une crédibilité cinématographique (et encore plus de fric pour picoler férocement). Autre choix « étrange » de Craven, Courteney Cox qui commence à être très connue pour son rôle dans la série pour ados attardés « Friends », et qui va jouer une journaliste envahissante et déterminée. Le rôle principal sera donné à une quasi inconnue, Neve Campbell, tout comme la plupart des rôles secondaires (Rose McGowan, David Arquette, Skitt Ulrich, Matthew Lillard, Jamie Kennedy). Un ami de Craven, le Fonzy de « Happy days » (Henry Winkler), jouera le proviseur du lycée, et une autre disparue des radars, Linda Blair (la gamine possédée de « L’Exorciste ») fera une paire de caméos (une journaliste). Tout comme sa référence Hitchcock, Wes Craven fera aussi une apparition (l’agent d’entretien du lycée, habillé avec la tenue de Freddy Krueger).

Tiens, j’ai placé le nom d’Hitchcock. De toutes façons, il aurait été difficile de ne pas le citer. D’abord par qu’il fait des caméos dans ses films. Ensuite parce qu’on y retrouve souvent du comique qui vient se greffer au suspense. Et ensuite parce qu’il a tourné « Psychose », dont le début de « Scream » sera très inspiré.

En effet les premières scènes de « Scream » sont fabuleuses. On y voit celle qu’on suppose être l’héroïne (Drew Barrymore) se faire harceler au téléphone pendant qu’elle est seule chez elle, avant qu’elle se fasse étriper et pendre à un arbre. Une douzaine de minutes d’abord amusantes, puis glaçantes … A peu près le même sort que Marion Crane (Janet Leigh) dans « Psychose » (pas le seul point commun, le copain de Neve Campbell – choisi pour une vague ressemblance avec Johnny Depp – dans « Scream » s’appelle Loomis, comme John Gavin dans le film d’Hitchcock).


On l’aura compris (enfin, ceux qui ne l’ont pas vu, mais qui ne l’a pas vu) « Scream » est placé sous les signes de l’hommage, de la comédie et du slasher. Niveau slasher, Craven a dû faire face à la censure (plusieurs scènes ont dû être raccourcies ou certains plans retirés, sous peine d’interdiction aux mineurs), ça y va fort dans « Scream », les coups de couteau et les giclées de sang pullulent. Le tout sur fond de vengeance et de malédiction familiale (pas le meilleur aspect du scénario, on s’en fout un peu de l’histoire de la mère de Sydney Prescott – Neve Campbell). Mais « Scream », c’est aussi une comédie genre college movie (et les réalisateurs ricains font pas dans la demi-mesure quand ils traitent le sujet, à grands coups de gags et de personnages lourdauds). Là aussi quelques débutants (y compris Rose McGowan) en rajoutent me semble-t-il maladroitement des tonnes. Et puis, et surtout, « Scream » s’adresse aux amateurs « du genre », multipliant références, commentaires, et allusions à des films marqueurs de leur temps (ceux entre autres de Craven, mais surtout à « Halloween », diffusé et commenté lors de la party sanglante finale, et à Jamie Lee Curtis et sa poitrine généreuse). Avec dissertations orales (la plupart des jeunes protagonistes sont des fans d’horror movies et théorisent à la moindre occasion sur ce qu’il convient de faire et surtout de ne pas faire : no sex, ne jamais ouvrir les portes, ne jamais dire qu’on va revenir, …) en fonction des situations …

Le début de « Scream » est exceptionnel, et le final d’anthologie (vingt minutes avec un twist scénaristique et des jump scares toutes les minutes). Le cœur du film est traité façon enquête policière (un coupable est démasqué d’entrée, mais n’est-il pas innocent ?), avec fausses pistes (le gros plan sur les chaussures du shériff, les mêmes que celles du tueur dans les toilettes du lycée, la piste du père disparu, l’air louche du cameraman de Courteney Cox, voire David Arquette), pendant que Neve Campbell passe son temps à s’échapper des griffes du tueur qui la poursuit partout où elle va (le plus souvent en dépit du bon sens et de la prudence la plus élémentaire).

Ce tueur mystérieux deviendra iconique, avec son masque de fantôme (Ghostface) et sa grande cape noire. A noter que ce masque, après bien des essais non convaincants de bien d’autres, était fabriqué en quantités artisanales par une petite boîte pour les fêtes d’Halloween. Ils en ont vendu des millions dans le monde depuis, merci « Scream » …

Cox, Kennedy & Campbell : If you want blood ...

Contrairement à la plupart de ses « concurrents » (les films avec Freddy, les Vendredi 13, Halloween) « Scream » ne laisse pas une fin « ouverte », l’histoire est terminée. Ce qui n’empêchera pas « Scream », comme les autres déjà cités de devenir une franchise et d’avoir des suites (avec les rescapés du film, et aussi quelques morts qui réapparaîtront). J’ai un jour essayé le 2 ou le 3, je sais plus, c’était tellement con que je suis pas arrivé seulement au milieu … En cela « Scream » a suivi la rhétorique numérotée de tous ces films de slasher, sans s’en démarquer qualitativement …

« Scream » a aussi une autre particularité. C’est selon Wes Craven le premier film à ouvrir dans son générique final une section de « non-remerciements ». Ces non-remerciements sont adressés à un collège et une municipalité (Santa Rosa en Californie), où devait se tourner le film. Apprenant que c’était un film violent avec beaucoup de meurtres qui allait être mis en boîte, et par peur de « contamination » de la jeunesse locale, toutes les autorités locales sont revenues sur leurs autorisations et ont contraint toute l’équipe à déménager vers des contrées plus accueillantes, mettant par là en danger le timing du film et son financement. Epilogue assez connu et que Wes Craven ne manque pas ironiquement de rappeler à toute occasion : le principal opposant au tournage de « Scream », un prof, a quelques temps après sa « croisade » été condamné lourdement pour violences conjugales …

Bon, et ton avis ferme, définitif et incontestable, il vient ou quoi ? Voilà, voilà …

« Scream » est un film culte, pas de problème, avec son alternance entre comique et ultra violence gore. La partie slasher, avec son scénario malin, est très réussie, par contre ces blagues d’ados surjouées (surtout les rôles tenus par Matthew Lillard et Jamie Kennedy) empestent trop cette surenchère grassement comique et typiquement américaine des college movies …

Pour moi, le must du slasher, ça reste « Halloween » (le premier, évidemment), le film qui a réellement établi tous les codes du genre. Ne restait plus pour avancer qu’à transgresser ces codes, ce que Craven (et Williamson) ont malignement su faire …