ROD STEWART - GASOLINE ALLEY (1970)


Super ...

Aujourd’hui, Rod Stewart et (au hasard) Phil Collins en sont au même point. Deux ringards totaux. Mais si le baltringue de (mains jointes, yeux levés vers le ciel) Genesis a toujours sorti des galettes consternantes, Rod the Mod a pendant quelques années, publié sans le moindre faux pas des putains de bons disques.
Que ce soit avec les Faces ou en solo. Grâce à une particularité contractuelle inenvisageable de nos jours, Rod Stewart est signé par deux maisons de disques, WEA pour les Faces, et Mercury pour ses disques solo. Et pour ses disques solo, les musiciens qui l’accompagnent en studio sont … les Faces. Cette forme d’ubiquité permet d’avoir deux fois plus de bons disques par ces gugusses qui n’avaient pas grand-chose à envier aux Stones, pourtant au sommet de leur art, au début des seventies.
« Gasoline Alley » est le second disque solo de l’ex co-chanteur des oubliés Steampacket, puis du fabuleux Jeff Beck Group. Qui après un opus brouillon, sort là le premier chef-d’œuvre d’une trilogie (avec « Every picture tells a story » et « Never a dull moment ») indispensable. Avec l’omniprésence de son fidèle lieutenant, un autre chevelu au long nez, compagnon indéfectible des soirées bien remplies de bière, coke, et filles faciles, le sieur Ron Wood. Tiens, Ron Wood, un qu’il serait temps de réhabiliter. Parce que Ronnie, avant de devenir copain comme cochon avec Keith Richards, et sur l’unique prétexte de ce copinage, intégrer les Stones où, bien aidé par des excès en tout genre, il va massacrer pendant trente ans les solos du groupe, a été dans les 60’s (avec les Birds), et au début des années 70, un excellent guitariste, plein de feeling et d’imagination pour trouver des sons originaux avec des dobros, des pedal-steel, des acoustiques, … en gros tout ce qui ressemble à une guitare. Il suffit de visionner le film de Scorsese sur les Stones (« Shine a light ») pour se rendre compte que maintenant qu’il est désintoxiqué, Ron Wood est capable de tenir la baraque Stones à bout de bras, pendant que de son côté le pauvre Keith essaye de tenir debout …
Tout ça pour dire qu’avec « Gasoline Alley », on a un grand disque servi par un immense chanteur (cherchez pas, des blancs-becs qui braillent comme Rod Stewart, y’en a pas eu une poignée en 50 ans …), avec derrière un band qui assure sévère et un Ron Wood omniprésent. Toute cette fine équipe aurait bien une faiblesse, il y a peu de compositeurs prolixes, et les compos originales vont pour l’essentiel sur les disques des Faces. Mais qu’à cela ne tienne, ces gens ont bon goût et savent aller chercher dans le patrimoine rock, soul, blues, … quelques pépites oubliées ou a contrario moultes fois célébrées que l’on croyait intouchables et qu’ils arrivent encore à transcender. Un exemple ? « Only a hobo » de Dylan, un des types certainement les plus repris pendant des décennies. Chanter mieux que lui n’est pas difficile, mais bonifier un de ses titres se révèle un exercice souvent périlleux, tant l’alchimie du Zim lui permettait d’imposer une marque de fabrique inimitable. Et bien, « Only a hobo » par Stewart et ses soudards c’est magnifique, une superbe ballade folky bien meilleure que l’original.
Et ce n’est pas le sommet du disque, loin de là. Des neuf titres de ce « Gasoline Alley » se détache un tiercé majeur.
« It’s all over now », le classique de Bobby Womack d’abord. Il faut être sacrément couillu pour s’attaquer à ce titre repris par les Stones à leurs débuts, car la bande à Jagger a toujours placé la barre très haut en matière de reprises. Verdict : la version de Rod the Mod est infiniment supérieure.
Ron Wood, Rod Stewart, Ronnie Lane 1970
Et ce n’est rien à côté de la relecture de « Country Comfort », tout fraîchement signée Elton John – Bernie Taupin, du temps où ces deux-là ensemble constituaient une redoutable paire d’auteurs (tiens, l’occasion de signaler aussi que l’Elton n’a pas toujours sorti que des slows pour mémères, et qu’il a fait au début des années 70 quelques disques pas piqués des hannetons).
Le must de ce « Gasoline Alley », c’est quand même « Cut across Shorty », un des premiers classiques d’Eddie Cochran, voix noire du Rod qui s’égosille sur un rock blanc furieux, et des Faces qui derrière font un numéro grandiose de faux départs et de vrais breaks. Tout le monde joue ensemble, et ce titre, le plus long du disque, est celui sur lequel Rod Stewart chante le moins, s’effaçant devant ses potes…
Les autres titres du disque ne sont pas anodins pour autant. L’introductif « Gasoline Alley » est une excellente ballade à base d’un folk celtique classieux, « My way of giving », signée Marriott-Lane rappelle quel putain de bon groupe était les Small Faces et qu’il en aura fallu deux, et pas des quelconques (Rod Stewart et Ron Wood) pour remplacer Steve Marriott et que le groupe devienne les Faces. Ce titre synthétise tout ce que le rock du début des seventies était capable de proposer de mieux avec son B3 qui chiale, son fatras sonore, son rock stonien, ses roulements de batterie et un chanteur qui marque son territoire. « Lady Day » est une ballade en hommage, non pas à Billie Holyday, mais à une jeune beauté qui a fortement impressionné Rod Stewart, « Jo’s lament » est un titre country marqué par une superbe partie de dobro de Ron Wood et des arrangements celtiques pour un mix rarement osé mais parfaitement réussi … En fait, il n’y a que le dernier titre (« You’re my girl »), qui puisse apparaître comme le maillon faible du disque avec ses étranges et inattendues cocottes funky …
Et si depuis des décennies Rod Stewart n’est plus qu’un jetsetter amateur de foot, de Guiness, de coke et de blondes écervelées, ne pas oublier que pendant cinq-six ans dans les années 70, il a tutoyé les sommets …

PS La "vidéo" de "It's all over now", n'est pas des Faces mais de Rod Stewart



1 commentaire:

  1. Ah, c'est vrai qu'au temps des Faces et un peu après, il avait une putain de voix le Hot Rod.

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