« Les
roseaux sauvages », c’est un film un peu particulier dans l’œuvre de
Téchiné. Pour au moins deux raisons, c’est – quasiment – un film de commande et
un film (quasiment) autobiographique.
André Téchiné
Quasiment une
commande parce que le film est une extrapolation « rallongée » d’un
moyen-métrage (« Le chêne et le roseau ») pour Arte. La chaîne
franco-allemande avait demandé à une dizaine de réalisateurs connus de lui
fournir une œuvre de fiction dont le thème central serait l’adolescence.
Quelques-unes de ces fictions ont été « rallongées » pour répondre
aux canons d’exploitation en salles. « Les roseaux sauvages », joli
succès commercial et célébré par les professionnels de la profession est de
cette série celui qui est passé à la postérité, et avec « Ma saison
préférée » et « Hôtel des Amériques » fait partie pour beaucoup
du tiercé majeur de Téchiné.
Et ceux qui
connaissent bien Téchiné ont bien compris qu’il a mis beaucoup de lui dans
cette histoire. Parce que le film se passe aux alentours de Villeneuve sur Lot
(Téchiné est né et a grandi à Valence d’Agen, à quelques kilomètres), raconte
l’histoire d’un groupe d’ados en 1962 (Téchiné est né en 43), dont l’un est
plutôt attiré par les garçons que par les filles (Téchiné aussi). Téchiné n’a
jamais contesté ces éléments, a même reconnu qu’il a vécu certaines scènes ou
situations mises en images, mais réfute l’idée de biopic au sens strict du
terme, des scènes ou des personnages étant pure invention …
Gorny, Bouchez, Morel & Rideau
« Les
roseaux sauvages », c’est un film sur la France profonde, rurale, en 1962,
au moment où la guerre d’Algérie est au cœur de l’actualité du pays. Et la
guerre d’Algérie, ça n’occupait pas que les travées de l’Assemblée et les
tentations putschistes d’un quarteron de généraux comme disait l’autre.
« Les roseaux sauvages », après son générique façon lettrage de
cahier d’écolier, débute par un mariage champêtre. Un fils de paysan, beau
comme un camion de pompiers dans son uniforme militaire rutilant, convole avec
sa promise sur fond de chansons paillardes reprises en chœur par les convives,
et de valses crachotées par un petit électrophone. Très vite, la réalité
rattrape les festivités bucoliques. Le marié, passablement bourré, serre de près
une prof du village, partagé entre drague lourdingue et préoccupations beaucoup
plus graves. Il va partir le lendemain pour l’Algérie et compte sur la prof,
responsable locale du Parti Communiste, pour le faire revenir au plus vite au
pays. Malaise de la prof, qui lui assure qu’elle ne peut rien faire, se
débarrasse de ce cavalier trop entreprenant, et quitte la fête, emmenant au
passage sa fille Maïté et un copain à elle, François.
Dans ces
premières scènes, on a vu la guerre d’Algérie en filigrane, et les ados. Et ces
ados campagnards, de près ou de loin, ils vont vivre la guerre et ses
répercussions dans leur petit bled. Tout en restant des ados du début des
années 60, en proie à leurs premiers émois amoureux et confrontés à une réalité
historique qui va finir par tous les rattraper. Ces ados, ce sont donc Maïté
(Elodie Bouchez, seule comédienne « parisienne » et qui trouve dans
« Les roseaux sauvages » son premier grand rôle), François (Gael
Morel), le jeune coincé introverti qui vient de la ville (Lyon), Serge
(Stéphane Rideau), le jeune paysan frangin du marié, et Henri (Frédéric Gorny)
beau gosse aux faux airs de Gabriel Attal, le plus âgé du lot, dont on
apprendra assez vite qu’il rentre d’Algérie après un carnage familial, qui
passe son temps à écouter les nouvelles de la guerre à la radio, et qu’il
souscrit entièrement aux discours de l’OAS. Tous les quatre sont lycéens, les
garçons dans la même classe, et ils ont comme prof Mme Alvarez, la mère de
Maïté.
C’est autour
de ces quatre ados que le film va s’organiser, même si les histoires connexes
auront une grosse influence. Sur fond de premières boums (avec en fond sonore des
titres, qui cahier des charges de la série oblige, devaient être contemporains
de l’époque mise en images, on entend donc Chubby Checker, Beach Boys, Platters,
Del Shannon, …), les amour(ette)s adolescentes vont se mettre en place. Maïté
en pince pour François, qui est attiré par Serge. Le tournant du film sera la
mort en Algérie du frangin de Serge. La mère de Maïté va culpabiliser, tomber
en dépression et finir par un passage en hôpital psy. Serge veut abandonner le
lycée pour revenir sur l’exploitation agricole, envisage même d’épouser sa
veuve de belle-sœur qu’il « console » la nuit. Maïté va de plus en
plus se politiser (la tradition communiste familiale), et Henri va se
radicaliser, affichant de plus en plus ses affinités OAS.
Les scènes de
tension vont se multiplier entre les quatre ados, entrecoupées de moments de
plaisir simples, les matches de rugby, les séances ciné avec allusions aux
films de Bergman (« A travers le miroir ») ou Demy (« Lola »),
les virées alcoolisées en mob sur Toulouse, et les baignades dans la rivière
(le Lot ?) qui traverse le village. C’est d’ailleurs dans et aux abords de
cette rivière, en attendant les résultats du Bac, que se démêleront les
histoires reliant les quatre ados.
« Les
roseaux sauvages » est autant un exercice de style (la recréation
méticuleuse de la vie provinciale du Sud-Ouest pendant la guerre d’Algérie),
qu’un drame où des adolescents doivent faire face quasiment seuls aux
bouleversements de l’Histoire, et s’initier à la vie amoureuse et sexuelle. On
sait que Téchiné n’est jamais aussi bon que quand il scrute les tourments de
l’âme et les dilemmes amoureux (voir ses films cités plus haut).
Dans
« Les roseaux sauvages » il y arrive sans avoir recours à ses stars
chevronnées habituelles (Deneuve, Auteuil, Dewaere, …). « Les roseaux
sauvages » de son aveu est très écrit, minutieusement répété, et les
jeunes acteurs s’en tirent très bien. Pourtant, seule Elodie Bouchez se fera un
nom grâce à ce film. Les trois garçons tenteront aussi une carrière d’acteur,
beaucoup moins successful, disparaissant assez vite des radars …
« La nuit du
Chasseur » (idem en anglais, « Night of the Hunter »), ce serait
trop facile (mais je vais pas m’en priver) de dire que des films comme ça, on
n’en tourne qu’un dans sa vie …
Charles Laughton & Lilian Gish
Et effectivement, ce sera le
seul passage de Charles Laughton derrière la caméra. Laughton, c’est un Anglais
qui a surtout travaillé aux Etats-Unis (il sera naturalisé américain en 1950).
Et c’est surtout un acteur de théâtre. Un genre exigeant, où on peut pas
tricher, refaire la prise. Faut enchaîner et être juste. Son physique « particulier » (sur lequel il a beaucoup ironisé), lui vaudront au cinéma des rôles de
méchants (l’inoubliable Capitaine Blight dans « Les révoltés du
Bounty » de Frank Lloyd) ou de sournois (Gracchus dans
« Spartacus », où à mon sens il enterre les Kirk Douglas, Laurence
Olivier et autres Peter Ustinov, pourtant pas des débutants). Laughton est
exigeant pour lui, et va devenir un maniaque derrière la caméra.
Enfin, derrière la caméra,
c’est aller un peu vite en besogne. La technique de l’image, de l’éclairage, de
la prise de vue, il n’y comprend rien. Pour « La nuit du Chasseur »,
Laughton est au sens le plus strict du terme, un metteur en scène. La caméra,
elle est confiée à Stanley Cortez, un chef opérateur de l’A.S.C. déjà remarqué
sur « La splendeur des Amberson » d’Orson Welles. Et pendant que
Laughton peaufinera son scénario avec David Grubb (l’auteur du roman « La
nuit du Chasseur »), Cortez placera ses caméras et va concevoir un
éclairage fabuleux, un noir et blanc hyper contrasté, jeux d’ombres
gigantesques et de pénombres.
Parenthèse. En 2019 est sortie
par Wild Side une version restaurée en HD du film. Des Blu-ray de vieux films,
j’en ai. Qui au niveau du film lui-même, ne présentent généralement aucun
intérêt, la haute définition ayant même tendance à amplifier les défauts
techniques de l’image d’origine. Si vous ne devez avoir qu’un vieux film en
Blu-ray, c’est « La nuit du Chasseur » qu’il vous faut. Un travail
tout bonnement extraordinaire, qui montre que Cortez avait dépassé toutes les
contingences techniques de l’époque. Et tout ça avec des moyens certainement
pas pharaoniques.
D’ailleurs, pas de noms
flamboyants en haut de l’affiche au générique. Mitchum en est la star (mais pas
le premier choix de la production). Mitchum est en 1954 lors du tournage
(trente-six jours en tout et pour tout, quasiment tout en studio, y compris la
descente de la rivière) au mieux un bon second rôle avec deux défauts majeurs,
éthylique forcené à faire passer les soirées du Rat Pack pour des séances de
yoga, et pire, plus ou moins « socialiste », ce qui aux U.S.A. à
l’époque était comparé à de la haute trahison. En gros, Mitchum est ingérable.
Laughton l’a vite compris, il organise tous les autres personnages par rapport
au sien.
Robert Mitchum
Autre parenthèse. Dans le
Blu-ray dont au sujet duquel je causais plus haut, il y a parmi les bonus plus
de deux heures et demie (soit quasiment deux fois la durée du film) de rushes
qui montrent la répétition des scènes. Avec un Laughton (à peu près toujours hors
champ) omniprésent, qui donne la réplique à tous les acteurs, jouant tous les
personnages. On voit qu’il vient du théâtre et que c’est un maniaque. Il fait
refaire d’innombrables prises parce que l’intonation d’une seule syllabe, un
clignement de paupières, un geste esquissé, un sourire trop ou pas assez
prononcé ne lui conviennent pas. Passe encore pour quelqu’un qui a fait
l’Actor’s Studio (comme Shelley Winters) mais Laughton tyrannise tout le monde
(les deux gosses - la gamine a vraiment cinq ans et craque parfois – et le
moindre figurant ou second rôle, témoin celui qui joue le vieux pote pêcheur du
gamin, qui sera éjecté au premier jour de tournage et remplacé). N’est guère
épargnée Lilian Gish (qui fut quand même dans sa jeunesse l’égérie de Griffith
et la première star féminine mondiale, avant Louise Brooks ou Marlene
Dietrich), dont on sent que derrière sa bonhommie placide, elle n’en pense pas
moins lorsqu’elle doit multiplier les prises. Il n’y a que Mitchum qui a un
traitement de faveur. Il tient même parfois tête à Laughton parce qu’il ne joue
pas, il est le Révérend Powell et tout s’organise autour de lui …
Powell, c’est le personnage qui
a fait rentrer Mitchum dans la légende du cinéma. Parce que Mitchum en fait
tellement, que ce faux curé devient tout bonnement extraordinaire. Powell joué
par Mitchum n’est plus humain, il est inhumain. La scène où Mitchum mime le
combat du Bien et du Mal avec la bataille entre ses deux mains où sont tatouées
sur les phalanges « love » et « hate » (ça, c’est de l’idée
scénaristique géniale !) repousse les limites du raisonnable, de
l’entendement et même de la folie. Et à la fin, alors qu’il vient de se faire
plomber par Lilian Gish, sa fuite à travers l’appartement, le jardin, les clôtures,
pour aller se réfugier dans la grange se fait en poussant des cris qui n’ont
rien d’humain. Le jeu de Mitchum est totalement hanté, irréel, bestial … Pas
sûr qu’au moment du tournage il ait été au mieux physiquement et mentalement,
mais le résultat est époustouflant, une performance à la Daniel Day-Lewis, sa
seule présence aux dires des témoins électrisait le plateau de tournage avant
qu’il commence à jouer ses scènes … Il y a une anecdote avec Shelley Winters.
Mitchum, sans qu’on sache très bien pourquoi, la détestait, à la limite de la
haine. Quand le pêcheur la retrouve noyée attachée à sa voiture au fond de
l’eau, c’est une prise sous-marine avec un mannequin au visage moulé sur celui
de Winters. Mitchum a fait tout un foin, exigeant de Laughton que ce soit elle
qui soit vraiment attachée à la bagnole au fond de la rivière, sinon le film
allait perdre toute sa crédibilité … Ceci explique que des années plus tard,
lors d’une interview où il revenait sur sa carrière, Mitchum tout en faisant
son Mitchum (air goguenard, énormes lunettes fumées, cigare de la taille d’un
tronc d’arbre), ait décrété que Laughton était de loin le meilleur metteur en
scène avec qui il avait travaillé (sympa pour tous les autres, il a tourné avec
le gotha des réalisateurs américains pendant quatre décennies).
Shelley Winters & Robert Mitchum
« La nuit du Chasseur »
se passe dans l’Amérique rurale (un petit bled au bord du fleuve Ohio) post Grande
Dépression. La crise économique, le chômage, la lutte quotidienne juste pour
avoir quelque chose à mettre dans l’assiette, ont profondément transformé les
gens. Ainsi, un père de famille, Ben Harper (parenthèse, c’est le vrai nom du guitariste
baba cool soporifique, donc pas un pseudo en rapport avec le film), devient un
braqueur de banques pour faire bouillir la marmite à la maison où l’attendent sa
femme Willa (Shelley Winters) et ses deux gosses John (la douzaine), et Pearl
(cinq ans). Un jour son braquage tourne mal, il tue deux types, est serré de
près par la police, et a juste le temps de remettre le butin du casse (dix
mille dollars) à ses enfants (surtout John), exigeant d’eux qu’ils le planquent
et ne révèlent la cachette à personne, même pas à leur mère.
Parenthèse (pff, encore, tu
commences à nous gonfler avec tes parenthèses). Le Ben Harper du film, qui n’a
droit qu’à quelques scènes, est joué par un second couteau, Peter Graves, qui accèdera
à la gloire mondiale en devenant des années plus tard, Jim Phelps, le chef des
agents de la cultissime série télé « Mission Impossible ».
Avant d’être pendu, Harper se
retrouve dans le même cachot que le (faux) révérend Harry Powell et manque lui
révéler en parlant dans son sommeil (fabuleuse scène lorsque Harper marmonne
son histoire et que la tête de Powell apparaît à l’envers - il est dans le lit
au-dessus -, avant que Harper se réveille, l’aperçoive, lui colle une magistrale
torgnole, avant de se mettre un mouchoir dans la bouche pour ne plus pouvoir
parler en dormant).
Powell, on l’a déjà vu au tout
début, roulant dans une voiture, ses tatouages LOVE-HATE sur les doigts, en
train de s’adresser au Seigneur, avant de se tétaniser avec un regard d’assassin
à un spectacle de strip-tease. Powell, c’est une extrapolation de tous ces
évangélistes qui dans les années 30 parcouraient le Midwest sinistré par la
crise pour ramener les âmes dans le « bon » chemin (et qui aujourd’hui
sont les farouches partisans de Trump, la loi et l’ordre, et par-dessus tout le
Seigneur qui nous guide tous). Son truc, à Powell, c’est pas de sauver les
brebis égarées, c’est de séduire les veuves qui ont un petit magot, les buter
et partir avec l’argent.
Il va donc arriver chez Willa
Harper. Autre scène fabuleuse, le petit John raconte à sa sœur une histoire de
croquemitaine, c’est la nuit, ils sont dans leur chambre à peine éclairée par
la lumière de la rue, et se dessine sur le mur l’ombre gigantesque du chapeau
que porte Powell (ces ombres démesurés, que l’on verra souvent dans le film, me
semblent être un hommage de Laughton et plus encore de Cortez au cinéma
expressionniste allemand des années 1920-1930, genre « Le cabinet du
Docteur Caligari », « M le Maudit », etc …). Le plan suivant
nous montrera sa silhouette devant la clôture de la maison, dans la lueur
blafarde des réverbères. Ça vous dit rien cette image ? Ce sera
copié-collé par Friedkin dans « L’exorciste » quand Max Von Sydow
arrivera devant la maison de Linda Blair, elle servira d’ailleurs souvent d’affiche
au film, au Blu-ray, Dvds, etc …
L'exorciste ?
Powell va courtiser la fragile
Willa, poser son emprise sur elle (autre scène folle, celle de l’expiation, où
la pauvre veuve avoue ses péchés devant les voisins, au milieu d’un cercle de torches
enflammées, sous le regard impassible du pasteur en arrière-plan), l’épouser
(autre scène énorme, celle de la nuit de noces), avant de la tuer (encore une
scène démente ponctuée d’engueulades homériques où Powell expose sa vision du
monde et des femmes, qui ne pensent qu’à la luxure alors que le Seigneur ne les
a mises sur Terre que pour procréer, ‘tain, on croirait entendre l’agité du
bocage de Villiers). Ne lui reste dès lors plus qu’à faire avouer aux gosses où
est le magot (nous, on le sait, il est dans la poupée de chiffons que ne quitte
pas la petite fille).
La gamine se laisserait embobiner,
son frangin est beaucoup plus méfiant, et les deux s’enfuient en barque sur le
fleuve, chassés par Powell (un autre plan à montrer dans les écoles de cinéma,
les deux gosses réfugiés dans une grange, avec au loin au soleil levant, la
silhouette menaçante de Powell sur son cheval au pas qui se détache sur l’horizon).
C’est à ce moment-là, le moment de la chasse, qu’on passe du thriller haut de
gamme à autre chose. Finies pour un temps les confrontations et les dialogues
chiadés, on suit la barque qui descend le fleuve filmée depuis la rive avec au
premier plan des lapins, des toiles d’araignée, des hiboux, des tortues, des
crapauds. Comme une relaxation alanguie qui remplace la tension. Un procédé qui
sera repris et sublimé par Malick au point de devenir sa trademark (je sais pas
s’il s’est inspiré de Laughton) qui interrompt l’action pour nous montrer des
rochers moussus, un petit ruisseau, des animaux, du vent qui agite des champs
de blé ou des feuilles dans les branches, …
Le final de « La nuit du
Chasseur » n’est pas celui d’un thriller. Ou si peu. Les enfants échouent
(dans tous les sens du terme) chez une vieille dame, Mme Cooper (extraordinaire
Lilian Gish) qui recueille des enfants abandonnés. Et plutôt que l’action
(quasi inexistante), Laughton choisit de nous nous montrer le combat de deux
esprits qui se revendiquent du même Seigneur. Parce que Powell n’a pas inventé
son personnage de pasteur, il se croit réellement investi d’une mission, sauver
le monde de la perdition, même si ça doit passer par quelques meurtres et en
récupérant du fric au passage. Mme Cooper, elle, veut faire le bien de ses
prochains tout en respectant scrupuleusement les Saintes Ecritures. La scène
clé du film (et une des plus extraordinaires qu’il soit donné à voir sur un
écran), c’est ce face-à-face nocturne devant la maison de Mme Cooper où Powell
et elle se livrent un combat qui se veut définitif par chants religieux
interposés, chacun chantant le sien pour couvrir la voix de l’autre.
« La nuit du Chasseur »
est une œuvre unique, inclassable, où se mélangent poésie, mysticisme, polar,
suspense, humour (noir). En fait la vraie direction du film nous est donnée dès
la première scène, où Lilian Gish récite, façon lecture d’une page des Evangiles,
ce qu’est l’histoire que nous allons voir et sa morale. « La nuit du
Chasseur », c’est une fable biblique …
« La nuit du Chasseur »
a été un bide lors de sa sortie, et Laughton (mort en 62) n’aura plus jamais
les moyens (si tant est qu’il en ait eu l’envie) d’en tourner un autre. Chef-d’œuvre
définitif, il est aujourd’hui très justement toujours cité comme un des plus
grands films de tous les temps …
Nicolas Roeg (claqué en 2018) a
eu sa décennie de gloire dans les 70’s. Notamment en faisant tourner des stars
du rock. Mick Jagger qui faisait du Mick Jagger dans « Performance »,
et David Bowie qui faisait son Ziggy Stardust dans « L’homme qui venait
d’ailleurs ». Ces deux films, qui intrinsèquement valent pas lourd, et
doivent leur postérité et leur notoriété à leurs acteurs principaux, ne doivent
pas occulter le fait que Roeg sait concevoir un film et tenir une caméra.
Christie, Sutherland & Roeg
« Ne vous retournez
pas » (« Don’t look now » en V.O.) en est la démonstration et a
mieux traversé les décennies. Par exemple cité comme un film de premier plan par
des gens ayant pourtant peu de choses en commun, comme Danny Boyle et Justine
Triet.
Pour « Ne vous retournez
pas », Roeg a un scénario et deux stars bankables au générique. Le
scénario est dû à son complice Alan Scott, extrapolé d’après une courte
nouvelle de Daphné du Maurier. Du Maurier, son thème de prédilection, c’est le
polar, avec parfois une touche de fantastique. Pas étonnant que Hitchcock s’en
soit servi à trois reprises (l’oublié « La taverne de la Jamaïque »
et les deux beaucoup plus conséquents « Rebecca » et « Les
oiseaux »).
Les deux stars de Roeg sont le
Canadien Donald Sutherland (carrière aux States, révélé dans « Les douze
salopards », premiers rôles dans « M.A.S.H. », « De l’or
pour les braves », « Klute ») et l’Anglaise Julie Christie
(entre autres l’inoubliable Lara du « Docteur Jivago »). Le reste du
casting, au mieux présent sur quelques scènes (les deux sœurs) est composé de troisièmes
couteaux pas vraiment très aiguisés devant la caméra.
L’histoire de « Ne vous
retournez pas » est chronologique. Dans les premières scènes au montage alterné
intérieur-extérieurs, on voit une petite fille en ciré rouge et son jeune frère
jouer au bord d’un étang aux abords d’une maison cossue. Dans laquelle le père (John
Baxter / Sutherland) visionne des diapos agrandies de vitraux pendant que la
mère (Laura / Christie) lit. Quand le père a la vision d’une tache sanglante se
répandant sur la diapo, il est surpris. Quand il pense que cette vision
irréelle pourrait être une prémonition, il se rue vers l’étang, plonge et
remonte avec dans les bras le cadavre de sa fille qui vient de se noyer. La mère
qui passe derrière une fenêtre voit la scène et pousse un grand hurlement.
C’est à ce moment qu’intervient
une transition remarquable (même si elle pompée sur une similaire vue dans « Les
39 marches » de qui vous savez et si vous savez pas je vous plains) où le
hurlement devient bruit strident d’une perceuse qui fore un mur (avec un léger
décalage, on entend d’abord le son avant d’avoir l’image).
A coté du gars qui tient la
perceuse, Sutherland observe le mur dans un piètre état, le plan s’élargit, on
est dans une église en cours de restauration. Très vite, on comprend que John
est architecte, et supervise un projet de rénovation de bâtiments dans Venise,
qui se passe en hiver, pour ne pas obérer l’activité touristique. Avec Laura,
ils logent dans un hôtel à peu près vide, tandis que leur fils a été placé dans
un pensionnat anglais. Les événements ont lieu (même si aucun repère temporel n’est
précisé) peu après la noyade de leur fille dont on sent Laura beaucoup plus
affectée que son mari. La rencontre d’un couple de vieilles anglaises comme eux,
dont l’une est aveugle et médium sera un tournant dans leur séjour. Une Laura
qui participe avec elles à une séance de spiritisme, au cours de laquelle la
voyante leur recommande de quitter immédiatement Venise, en sort tout ébranlée,
et doit faire face aux remarques narquoises de John, cartésien et rationnel,
qui ne croit pas à ces balivernes.
Laisse les gondoles à Venise ...
Parce que lui est tout de même
intrigué par une petite silhouette en ciré rouge qui semble se cacher et le
fuir, et qu’il aperçoit fugacement une paire de fois aux abords des canaux. Même
si le couple Baxter reste très uni, témoin une longue scène de plumard jugée très
scandaleuse lors de la sortie du film (certains ont prétendu qu’elle n’était
pas simulée, le prétendu réalisme n’est du qu’à un montage malin alternant
plans de quelques secondes du couple en action et les mêmes se rhabillant pour
aller à un dîner), une certaine parano commence à les envahir, elle très sensible aux visions de l’aveugle ( ! ), et lui victime d’un accident de chantier
qui aurait pu lui être fatal. Ça flippe encore plus quand le pensionnat les
appelle pour leur dire que leur fils a eu un accident bénin. John entend rester
pour terminer son boulot, mais il accompagne Laura dans le vaporetto qui la
conduira à l’aéroport pour qu’elle retourne au chevet du gamin en Angleterre. Sauf
que le lendemain, il la revoit en tenue de deuil en compagnie des deux
frangines sur une gondole-corbillard.
Direction le poste de police où
dans un décor très Brazil-Gillian, il raconte tout à un flic qui ne l’écoute
que d’une oreille distraite. Il faut dire que dans cette Venise hors-saison rôde
un serial killer qui donne du couteau dans les ruelles sombres et étroites qui
bordent les canaux, alors l’Anglais avec sa femme et les mystérieuses
frangines, c’est pas une priorité. C’est quand le proprio du pensionnat lui
téléphone et lui passe Laura qui lui annonce son retour à Venise que tout
se complique et pour John et pour le spectateur. Et le dernier quart d’heure du
film va donner lieu à un twist scénaristique remarquable.
Parce que Roeg (dont tous ceux
qui le connaissent affirment qu’il avait quasiment image par image le film dans
sa tête avant d’avoir commencé à tourner) installe une atmosphère à laquelle on
ne peut guère échapper. Le cadre, c’est-à-dire Venise en hiver est glauque à
souhait. Dans ces ruelles sombres, étroites et souvent désertes, dans ces
bâtiments décrépis éclairés par une lumière d’hiver pisseuse, tout l’envers des
cartes postales d’une place Saint-Marc grouillante de vacanciers en goguette au
milieu des pigeons, il ressort des impressions mortifères et angoissantes. Les
couleurs sont mates, sombres, l’éclairage est voulu approximatif, et l’image très
granuleuse, à l’exception évidemment du rouge très vif de ce ciré que portait
la fille Baxter quand elle s’est noyée et dont est aussi vêtue cette petite
silhouette fugace aperçue plusieurs fois à Venise.
Et la parano et le malaise
induits par les images et les scènes vont crescendo à mesure que les incidents,
les accidents et surtout les visions et les prémonitions de la médium rajoutent
des éléments surnaturels à l’histoire.
Le petit chaperon rouge ?
C’est ce mélange de genres qui
fait la qualité de « Ne vous retournez pas ». Est-on devant un drame
psychologique, une histoire surnaturelle, un thriller ? Et certains
parlent du film comme un des très rares giallos non italiens, même si réduire « Ne
vous retournez pas » à ce genre typiquement transalpin de la fin des
années 60 – début des années 70 est plutôt réducteur, même si on retrouve chez
Roeg meurtres sanglants, phénomènes étranges, érotisme, autant de thèmes chers
aux Bava, Fulci, Argento et consorts …
En fait, en 1973 lors de sa
sortie, « Ne vous retournez pas » est un objet cinématographique
plutôt unique, à la marge de tous les genres évoqués. Qui n’a pas affolé le
box-office, les distributeurs américains (Paramount il me semble) ayant exigé
que Roeg en supprime une demi-heure, qui à ma connaissance est restée totalement
inédite (pas de director’s cut sur les derniers supports physiques malgré une
restauration en 4 K). A la longue, c’est devenu un film culte, des cinéastes
plutôt « décalés » le citant comme une référence.
Et il y en a même un (Shyamalan)
qui comment dire, me semble s’en être fort inspiré et qui a cartonné au
box-office, avec Bruce Willis dans le rôle principal …
« L’homme de la
plaine » (« The man from Laramie » en V.O.), c’est le cinquième
et dernier film de la collaboration Anthony Mann / James Stewart. Qui ensemble
ou séparément, n’ont plus rien à prouver. Et qui « pèsent »
suffisamment pour ne pas avoir à faire la moindre compromission. C’est
peut-être le cœur du problème. Mann et Stewart sont devenus de vrais potes, une
amitié que leurs succès communs semblaient avoir cimentée.
Stewart & Mann
Mais pour ce film, leurs
« visions » vont sinon s’affronter, du moins être parfois
contradictoires. Mann veut en foutre plein les mirettes du spectateur. La
Columbia lui assure Technicolor et Cinémascope. Visuellement, parce que Mann
sait tenir une caméra, le résultat sera grandiose. Une bonne moitié du film est
tournée en extérieurs, et les paysages du Nouveau Mexique offriront un décor
magnifique. Mann, comme tous les « amuseurs » du cinéma, a envie de
« sérieux ». L’intrigue fournie par le scénariste Philip Yordan
(est-elle de lui, rien n’est moins sûr, on est en plein Maccarthysme et Yordan
a la réputation de faire siens des scénarios écrits par des blacklistés, un
genre de gagnant-gagnant - surtout pour lui) fait entrevoir à Mann qu’on peut en
faire une version western du « Roi Lear », classique du drame
shakespearien. Cette vision shakespearienne est basée sur les dissensions qui
vont aller crescendo dans la famille Waggoman sur fond de succession du
patriarche, famille qui fait la pluie et le beau temps dans une petite bourgade
(Coronado, imaginaire, alors que Laramie, existe bel et bien, au Sud du
Wyoming) paumée aux limites du territoire apache.
Les chariots de feu ?
Face à Mann et ses envies de
« grande » tragédie en Scope, Stewart. Qui examine méticuleusement
tout ce qui le concerne dans le film. Il ne veut pas faire et dire n’importe
quoi. Il affirme de plus en plus ses penchants républicains, et ne veut pas que
les valeurs des personnages qu’il interprète soient contraires aux siennes. Et
ce d’autant plus que dans le film, son personnage, Will Lockhart, est un
capitaine de l’armée (on ne le saura qu’à la fin, et de manière fugace, au
hasard d’une réplique plutôt anodine). Or Stewart a servi dans l’armée pendant
la Seconde Guerre Mondiale. Ses valeurs morales d’ancien militaire et de
Républicain entraîneront des ratiocinations interminables avec Mann pendant le
tournage et ils finiront sinon par se brouiller, du moins par distendre les
liens d’amitié qui les unissaient.
« L’homme de la
plaine » est un western, considéré comme majeur, de cette période (le
milieu des années 50), où ce genre typiquement américain est à son apogée (les
studios en sortent une dizaine par an, la moitié des films qui paraissent sont des
westerns. « L’homme de la plaine » est aussi un polar. Lockhart s’est
« défroqué », se faisant passer pour un patron convoyeur, afin de
trouver et les causes et les responsables du massacre aux environs de Coronado
d’une patrouille de soldats, dont on apprendra au cours du film que son jeune
frère faisait partie.
Baston en vue ...
Un western, un polar, une
revisitation du Roi Lear, quelques caprices de diva de sa star, un gros budget
permettant au casting quelques personnages secondaires auxquels on ne comprend
rien (voir plus bas), c’était peut-être un chantier trop compliqué à gérer et à
mener à terme en à peine plus d’une heure et demie.
L’aspect visuel irréprochable
du film n’arrive pas à cacher les lacunes et carences d’un scénario mal foutu.
Incohérences et points d’interrogation se multiplient. Qui est le vieux
compagnon de Lockhart, qui reste dans le coin quand ça commence à mal tourner,
qui réapparaît quasi miraculeusement porteur de précieuses infos, et disparaît
totalement dans la seconde partie du film ? Quel est l’intérêt dans
l’histoire de l’épicière nièce du patriarche Waggoman, de cette romance qui
semble s’installer entre elle et Lockhart, flirt qui s’estompe pour disparaitre
sans qu’on sache pourquoi ? A quoi sert le commis indien de l’épicerie,
ses regards suspicieux sur Lockhart, sa présence lors de la tentative
d’assassinat, et que devient-il ? Idem pour le poivrot qui croise souvent
la route de Lockhart avant d’essayer de le tuer, et d’être retrouvé mort, sans
qu’on sache vraiment qui avait commandité l’assassinat (le fils, le
régisseur ?) et qui l’a dessoudé …
L’histoire est labyrinthique. On
sait, je dirais presque par définition, que le gentil c’est Lockhart. Même si
ses motivations restent floues. Veut-il juste savoir pourquoi son jeune frère
est mort et à cause de qui ou de quoi, ou vient-il pour se venger ? On pourrait
pencher pour la seconde version, sauf que « L’homme de la plaine »
est le seul film avec Mann où Stewart ne tue personne. Des gentils, on en
trouve une paire d’autres. La nièce épicière Waggoman, même si son personnage
apporte très peu au scénario. Et la vieille rivale et ex-fiancée du patriarche
dont la contribution sera de soigner les éclopés du scénario.
Crisp & Stewart
Côté méchants, on en a trois de
principaux (faut zapper l’Indien et le poivrot qui veut poignarder Lockhart,
dont les personnages sont deux points d’interrogation, voir plus haut). Le
patriarche Alec Waggoman (belle prestation du vétéran Donald Crisp, des
dizaines de seconds rôles à son actif), son fils, brutasse dégénérée au point
qu’il laisse perplexe son paternel sur la façon d’organiser la succession, et
le régisseur du domaine, qui voyant ce foutoir familial, espère tirer profit de
la situation et les marrons du feu. Le seul intérêt de l’intrigue étant de révéler
que le plus terrible des trois n’est pas celui que l’on croit au départ.
Et si Stewart ne tue finalement
personne (« il n’est pas acteur des meurtres, il en est le catalyseur »
dixit Bertrand Tavernier), « L’homme de la plaine » est le film le
plus violent de sa collaboration avec Mann. Même si elle n’est pas toujours
montrée plein cadre, la violence, à la limite du sadisme, est partout présente.
La première rencontre entre Lockhart et le fils brutal Waggoman verra ce
dernier foutre le feu aux chariots de Lockhart, le traîner attaché à un cheval,
et dézinguer les mules du convoi … pas mal pour une première approche. Après
une bagarre homérique et bestiale en ville (ça finit en corps en corps au milieu
des chevaux), la troisième rencontre verra Lockhart maintenu par les hommes de
Waggoman se faire tirer une balle dans la main à bout portant (hors champ, ce
qui nécessite du jeu d’acteur, plutôt qu’un effet spécial sanguinolent, et
comptez sur Stewart pour rendre à l’écran la douleur).
En résumé, l’immense James
Stewart peut-il à lui seul sauver une histoire bancale ? Le Scope en
technicolor de Mann peut-il faire oublier un scénario mal ficelé ? La
réponse est oui dans les deux cas (« L’homme de la plaine » est
considéré comme un grand classique de la grande époque du western).
Mais perso, je préfère nettement
« Winchester 73 » et « L’appât » (je dirai rien sur « Les
affameurs » que je crois bien ne jamais avoir vu, ni sur « Je suis un
aventurier » pas vu non plus et qui n’a pas bonne presse), même si beaucoup
auraient bouffé les varices de leur grand-mère pour être au casting d’un film de
Mann avec Stewart …
« Fanny et Alexandre », promis juré,
c’était le dernier film de Bergman. Comme n’importe quelle tournée des Stones
ou d’Eddy Mitchell depuis trente ans est censée être la dernière … Mais le
Maître suédois a lui à peu près tenu parole. Un court-métrage, le montage du
making-of de « Fanny et Alexandre », un téléfilm
(« Saraband ») qui finira par sortir au cinéma, suivront « Fanny
et Alexandre ».
« Fanny et Alexandre » au départ, c’est
aussi un téléfilm. D’à peine un peu plus de cinq heures. La version exploitée
en salles fait deux heures de moins. Soit trois plombes. Ce qui est beaucoup.
Et surtout pour Bergman. « Fanny et Alexandre » conte l’histoire
d’une famille pendant quelques mois. Rappelons que « Les fraises
sauvages » contait la vie entière d’un octogénaire en une heure et demie.
Bergman & Nykvist
« Fanny et Alexandre », c’est le péplum
revisité par Bergman. C’est aussi le film, puisque annoncé comme son dernier,
qui devait servir de résumé à sa carrière et exploiter des thèmes qu’il n’avait
pas encore développés. Péplum parce qu’il y a des chiffres vertigineux (pour un
film suédois s’entend). Plus gros budget jamais réuni pour une production
locale, une soixantaine de rôles avec au moins une réplique, plus de mille
figurants utilisés, sept mois de tournage (jusqu’alors, Bergman tournait ses
films en 6-7 semaines).
On peut lire partout que « Fanny et
Alexandre » est un film autobiographique. Même Bergman l’a dit. En
apportant quelques nuances. Oui, Alexandre, c’est Bergman pré-ado (une douzaine
d’années). Oui, certaines scènes ont été vécues par Bergman. Sauf qu’en
grand-maître des émois intérieurs, c’est son état d’esprit qui est recréé par
le jeune acteur à un moment donné, les événements y conduisant n’étant pas
forcément autobiographiques.
Deux exemples. Au début du film, on fête le Noël
1907. Bergman est né en 1918, il y a donc un différentiel de plus de vingt ans
entre les deux époques où Bergman et Alexandre avaient une douzaine d’années.
Le père de Bergman était un pasteur très sévère, pour ne pas dire tortionnaire
vis-à-vis de ses trois enfants. Ici, le pasteur n’est que le beau-père
d’Alexandre et on a beau tourner son personnage, certes belle tête à claques,
dans tous les sens, on n’arrive pas vraiment à savoir ce qu’il ressent pour son
beau-fils.
Alexandre et Fanny
Beaucoup considèrent que « Fanny et
Alexandre » c’est l’apothéose de Bergman. Pas moi. « Fanny et
Alexandre » est décousu, Bergman part dans tous les sens, oublie parfois
son histoire principale, se perd dans des histoires et des personnage
secondaires, et le recours au surnaturel offre bien trop souvent des portes de
sortie faciles quand le Maître s’égare dans ses digressions.
Le seul qui perd pas ses repères, c’est Sven
Nykvist, son directeur photo attitré (quatorze films ensemble). C’est lui qui
tient la caméra et visuellement, oui, « Fanny et Alexandre » est
certainement le meilleur Bergman, il y a des plans, des scènes entières
époustouflants de beauté, de fluidité. Pendant que Bergman se tient au plus
près de ses acteurs, toujours à la limite du cadre, Nykvist accumule les
prouesses, au milieu de décors et de costumes somptueux (logiquement, la
direction artistique et les costumes auront une statuette).
L’histoire autour de laquelle s’articulent toutes
les autres, c’est celle de la famille Ekdahl. Il y a la grand-mère, ancienne
gloire locale (le film se situe à Uppsala) de théâtre, ses trois fils, un prof
marié à une Allemande qu’il déteste, un coureur de jupons frénétique (il pioche
ses conquêtes parmi les employées de maison, avec la bénédiction de sa femme),
et celui qui a repris le théâtre familial (Oscar, piètre acteur), aidé par sa
femme (Emelie, bonne actrice). On les voit tous réunis (ils habitent à des
étages différents dans la même très grande bâtisse cossue familiale) pour fêter
Noel 1907. Des signes d’essoufflement d’Oscar préfigurent la crise cardiaque
qui va bientôt l’emporter, laissant Emelie passer sous la coupe d’un évêque
spartiate, et ses deux enfants, Fanny (la plus jeune) et Alexandre en proie à
leurs solitudes et leurs imaginations. Quand leur mère épousera l’évêque
(luthérien, il a le droit de convoler), les deux enfants suivront les mariés
dans ses appartements austères de l’évêché, au milieu d’une belle-famille
rigide et de leurs domestiques guère plus accommodants. Alexandre entrera le
premier en résistance (et en conflit) avec son beau-père. Et Fanny ? Même
si elle partage le titre du film, elle n’a que deux ou trois répliques (ça se
comprend, elle n’a que sept ou huit ans), se contentant de suivre son frère
dans ses « aventures ».
Le film est divisé en deux parties, le téléfilm en
cinq, aux intitulés explicites (Un Noel chez les Ekdahl, Le Spectre, La
rupture, Les événements de l’été, Les démons). Parce que l’histoire, classique
pendant à peu près une heure, bascule par la suite vers « autre
chose ». Le père mort revient « guider » son fils,
« discuter » avec la grand-mère, de lourds secrets semblent entourer
l’évêque, les enfants lui sont soustraits (scène absurde, digne des gags de
Scapin chez Molière), par Jacob, un théologien Juif ami-amant de la grand-mère,
qui vit dans un musée de marionnettes pas si inanimées que ça, avec ses deux
neveux (l’un magicien, l’autre doté de dangereux pouvoirs paranormaux et tenu –
en principe, mais Alexandre ira le voir - sous clef). Tout ça se terminant
(enfin, il reste une demi-heure de film) par des auto-combustions (?) de
l’évêque et de sa sœur impotente. Le tout entrecoupé des
« aventures » du reste de la famille.
L'évêque ( Jan Malmsjö) et Emelie (Ewa Frolling)
Le rôle principal (Emelie) est tenu par une actrice
(blonde, évidemment) venue du théâtre (Ewa Frolling), comme d’ailleurs une grande partie de la
distribution. A laquelle se rajoutent quelques « historiques » de
Bergman (Jarl Kulle, Erland Josephson pour des rôles majeurs, et Harriet
Andersson pour un petit second rôle). Pour moi, celle qui s’en sort le mieux
est l’actrice de théâtre Gunn Wallgren (la grand-mère), et ce bien que très
diminuée par un cancer qui l’emportera l’année suivante.
« Fanny et Alexandre », perso, il me
laisse une impression mitigée. Côté positif, c’est visuellement magnifique,
toutes les thématiques chères à Bergman sont là (les relations familiales, la
mort, la religion). Coté négatif, un manque évident de scénario avec notamment
un point crucial « oublié » : comment cette veuve, femme forte
et déterminée tombe sous le charme de cet évêque psychorigide et sous la coupe
de sa famille bien tarée (avant elle aussi de se rebeller). A voir le film, on
pourrait supposer que des éléments majeurs se trouvent dans la version pour la
télévision. Ben que nenni …
Erland Josephson & Gunn Walgren
« Fanny et Alexandre » a été des années
introuvable en France sur un support avec langue française. C’est la Gaumont,
distributrice du film lors de sa sortie, qui a fait le boulot, réunissant dans
un même package (5 DVDs quand même), le film, la version télé, le making-of
supervisé par Bergman et autres bonus. Les deux heures supplémentaires
n’apportent rien de compréhensible à la version de trois heures, certaines très
longues scènes – dispensables pour la très grande majorité – sont là pour mettre
en valeur quelques amis de Bergman (nombreuses scènes au théâtre, très long
face-à-face à la limite de l’absurde entre les deux beaux-frères d’Emelie et
l’évêque, …).
« Fanny et Alexandre » a été le plus gros
succès commercial de Bergman, même si succès commercial et Bergman n’ont jamais
bien rimé. Pour moi, c’est loin d’être son meilleur. Au mieux son testament
artistique. Et les testaments, c’est bon pour les notaires, moins pour les
(télé)spectateurs …
Ou film
culte, comme on veut … Ou les deux … Ou pourrait aussi dire film de
blaxploitation, sauf que le héros n’est pas Black et qu’il gagne pas à la fin.
En tout cas « The King of New York » est avec son successeur « Bad
Lieutenant » ce que Ferrara a fait de mieux.
Abel Ferrara 1990
Ferrara est
un cas social hors du commun. Très marqué, pour pas dire traumatisé par
l’éducation religieuse (comme Almodovar ou Scorsese), il va s’en éloigner le
plus possible dans ses films (le premier sous pseudo est un porno), sans pour
autant en renier les fondamentaux symboliques (péché-expiation-rédemption,
cette sorte de choses). Les films de Ferrara sont là pour faire flipper le catho
de base. Dans « The King of New York » le héros est un ex-taulard,
dealer de coke qui assassine de sang-froid concurrents et flics dans une
surenchère cataclysmique.
Les histoires
de truands qui construisent un empire et finissent par crever de leur orgueil,
c’est pas ça qui manque, du « Little Caesar » de Mervyn LeRoy, au
« Scarface » de De Palma. Sauf que c’est pas ce genre de films que
cite Ferrara pour son inspiration. Il a « vu » son film en sortant
d’une projection de … « Terminator ». Même si c’est dit en termes
diplomatiques, il pense que si pareille couillonade cartonne (l’obsession
d’atteindre son but en dégommant tout ce qui s’y oppose), il peut faire aussi
bien, voire mieux. Sauf qu’avec son pote depuis le lycée, le scénariste
Nicholas St-John, il sont pas vraiment dans le trip post-apocalyptique de
Cameron (ou de George Miller). Leur monde, c’est le New York contemporain. Pas
le New York de Broadway et de Wall Street, le New York des quartiers glauques
(le Bronx), des trafiquants en tout genres, et avec son ascendance italienne,
celui du « milieu ».
Christopher Walken
Le Terminator
de Ferrara sera Blanc (à double titre, il s’appelle Jack White, inutile de
faire une disgression pour la symbolique catho liée au blanc), vient de
s’endurcir en zonzon, et entend dès sa sortie devenir le roi de la dope sur la
ville. Jack White, c’est Christopher Walken, qui deviendra après ce film un des
acteurs fétiches de Ferrara. Plus ou moins dans le trip Brando quand Ferrara le
rencontre (empâté, manteaux de fourrure, et jamais loin d’une quille de vin
rouge), Walken va perdre vingt kilos avant le tournage pour jouer cette brute
émaciée au regard fou et glaçant. Si Ferrara a son premier rôle, il a pas le
fric pour tourner, les circuits de financement « classiques »
américains lui ayant tous répondu quand il les a sollicités par un niet aussi
poli que ferme et définitif. Ce sont ses connexions italo-américaines qui le
mettront en relation avec des Italiens qui aligneront les lires pour que le
film se fasse.
Et donc une
fois considéré que Walken sera la star du générique, faut compléter avec des
seconds couteaux. Et force est de reconnaître que l’Abel a eu le nez plutôt
creux. Des seconds rôles seront notamment tenus par Wesley Snipes, Laurence
Fishburne, et ont droit à quelques scènes Steve Buscemi ou Harold Perrineau. Bon
y’a aussi eu des ratés, qui se souvient et a vu ailleurs Janet Julian (Jennifer,
l’avocate et maîtresse de White), répondez pas tous en même temps.
Weley Snipes
Le scénario
est ultra basique, ascension et chute d’un caïd de la drogue. Et Ferrara a beau
jeu de dire que rien n’est crédible dans son film, les choses ne se passent pas
comme ça dans la réalité (les « parrains » ne règlent pas leurs
comptes eux-mêmes, ne participent pas aux gunfights punitifs, et un réseau
mafieux ne s’écroule pas et ne se contrôle pas avec trois rafales de pistolet
mitrailleur).
Ce qui compte
pour Ferrara, c’est montrer « sa » ville, New York. Sous son prisme à
lui. Walken est à peu près en roue libre, esquisse même quelques pas de danse
(sa marotte dès qu’il peut glisser quelques entrechats dans ses films, il
aurait préféré être danseur professionnel plutôt qu’acteur), tout le monde en
fait des tonnes. N’empêche qu’il y a bel et bien dans « The King … »
une « patte » Ferrara. L’art de susciter la tension avant les montées
de violence froide (la scène aves Snipes et Buscemi venus conclure un deal avec
les Hispanos, le règlement de comptes chez les mafieux ritals, …). L’envie de
donner du spectacle (la baston lors de la party-partouze chez White, la course
poursuite à la « Bullit » dans les grandes artères newyorkaises, …).
La mise en scène d’une esthétique froide (tout ce bleu métallique qui domine dans
la gamme chromatique), mais avec des partis-pris visuels forts (les très gros
plans sur les visages lors des discussions). Et pourtant Ferrara n’a quasiment
pas touché à la caméra. Il « visualisait » les scènes, donnait les
ordres aux acteurs et à son caméraman, et partait surveiller tout ça dans le
studio vidéo. D’où il ne s’extirpait pas souvent, montant, assemblant,
sonorisant quasiment à la volée. D’où une séquence qui a marqué les
participants au film, lors de la fête organisée le dernier jour de tournage,
des écrans télé diffusaient quasiment dans sa version définitive « The
King of New York » dont les dernières prises avaient eu lieu quelques
heures auparavant.
Laurence Fishburne
Ferrara n’oublie
pas de développer son postulat Bien / Mal. White est totalement amoral, sans
aucune pitié ni scrupule (l’assassinat du flic lors de l’enterrement), veut
devenir le King d’un monde où règnent luxure et dope. Et en même temps il patronne
une soirée de bienfaisance pour récolter des fonds en vue de construire un hôpital
pour les enfants. Séquence qui donne l’occasion d’une chanson par le second
couteau soul Freddie Jackson. Alors que la bande-son est quasiment
exclusivement composée de titres rap ou hip hop (Ferrara est très pote avec le
rappeur Schooly D, omniprésent sur la B.O. et dont les connexions avec les
bandes des quartiers mal famés où a été tourné le film ont permis à toute l’équipe
d’évoluer sans encombre). De ce point de vue, Ferrara innove. Premier Blanc à
donner une telle place au rap dans la bande-son, « The King of New York »
est sorti moins d’un an après « Do the right thing » (Spike Lee /
Public Enemy) et un an avant « Boyz in the hood » (John Singleton / Ice
Cube).
Alors il faut voir « The King
of New York ». Au moins parce que les dernières scènes (un Walken blessé
à mort marchant tel un zombie dans les rues de « sa » ville avant d’aller
agoniser à l’arrière d’un taxi cerné par les gyrophares des voitures de police
et les flics qui le traquent), doivent rassembler toutes les chapelles de
cinéphiles …
20 avril 1999 à Columbine, petite ville (25 000
habitants) du Colorado. Deux lycéens de 18 ans se rendent lourdement lestés
d’armes de guerre et d’explosifs dans leur école et tirent sur tout ce qui
bouge. Bilan : treize morts, vingt et un blessés.
18 mai 2003. « Elephant » de Gus Van Sant,
« inspiré » par la tuerie est projeté au Festival de Cannes. Quelques
jours plus tard, il y recevra la Palme d’Or et le prix de la mise en scène.
Gus Van Sant Cannes 2003
Quelques mois plus tôt, un film documentaire de
Michael Moore, « Bowling for Columbine », utilisait la tuerie pour un
plaidoyer contre la libre circulation des armes aux USA.
Autant dire que ce massacre a bouleversé (un temps,
ce genre de carnage est récurrent aux States, c’est sûr ce coup-ci on va
s’attaquer au problème des ventes d’armes, vous allez voir ce que vous allez
voir, et puis on passe à autre chose) la société, pour que le monde du cinéma
s’en empare si vite et à deux reprises.
« Elephant » est le dixième film de Van
Sant, qui a accumulé succès critiques et commerciaux (« Drugstore
cowboy », « My own private Idaho », « Will Hunting »,
« Psycho » entre autres, je cite ceux-là parce que je les aime bien),
et inaugure un dyptique avec son successeur « Last days ». A savoir
que ces deux films sont très fortement inspirés par des faits réels (le suicide
de Kurt Cobain pour « Last days »), mais ne sont en aucun cas des
reconstitutions des faits évoqués, la licence poétique, ce genre de choses,
s’est justifié Van Sant, enfin certainement pour éviter procès et procédures.
« Elephant », d’abord pourquoi ce
titre ? En référence à un film anglais homonyme d’Alan Clarke (c’est là
que se pointe le fan de Bowie, Alan Clarke ayant réalisé pour la télé au début
des 80’s une adaptation de « Baal » de Bertold Bretch avec l’ex Ziggy
dans le rôle-titre, parce que le reste de ses travaux à l’Alan Clarke, ça me
dit strictement rien). Lequel film montre une série de meurtres sans motifs, et
son titre fait référence à l’expression « elephant in the room »,
littéralement, tout le monde identifie le problème bien visible, mais personne
ne cherche de solution.
Bon, c’est quoi l’éléphant dans la pièce chez Van
Sant ? Ce qu’aujourd’hui on appelle harcèlement scolaire (le plus
déterminé, le « cerveau » du carnage est brimé et rejeté par les
autres lycéens). Le libre accès aux armes, y compris de guerre. On commande sur
internet, on est livré à domicile, et c’est le jour où les deux reçoivent leur
dernier fusil d’assaut maousse qu’ils passent à l’action. Malin, Van Sant ne se
contente pas des faits établis qui ont généré le massacre de Columbine. On a
des allusions au jeux vidéo de FPS (en gros, on flingue tout ce qui bouge,
en « étant » le personnage qui tire), Van Sant avait voulu
utiliser une franchise bien connue (« Doom ») qui a mis son veto. Un
truc basique en noir et blanc vite créé par un informaticien de passage est
montré dans le film, un des deux tueurs y joue (sans conviction, il balance
assez vite son ordi portable). On a aussi en attendant le camion de livraison
qui amène le dernier flingue, un reportage, un documentaire historique sur la
montée du nazisme qui passe à la télé, mais les deux ados ne le regardent pas
vraiment, un des deux sait même pas à quoi ressemble Hitler. On a aussi la
notion de rite sacrificiel, les deux se promettent de ne pas en réchapper, et
toutes leurs frustrations d’ados rejetés se traduisent par un baiser échangé
sous la douche avant de s’équiper de treillis et de trimbaler leur arsenal dans
des sacs. Van Sant évoque de possibles et plausibles mobiles du passage à l’acte,
il n’en définit aucun comme crucial. D’ailleurs, pour brouiller les pistes, les
deux tueurs semblent (sans que cela soit explicité) deux fils de bonne famille,
le « leader » Alex vit (avec ses parents ?) dans une maison
cossue aux grands espaces, et joue bien du piano (en l’occurrence des sonates
de Beethoven qui servent de B.O. au film).
La présentation des deux tueurs (les derniers
moments avant la commission de l’acte) est située vers la fin du film, et
apparaît comme la litanie des causes pouvant générer un massacre de masse. Van
Sant n’analyse pas, il livre des éléments.
« Elephant » ne se résume pas aux derniers
préparatifs du duo d’assassins et au carnage dans le lycée, le film nous fait
vivre quelques moments de différents lycéens victimes – ou pas – du gunfight.
Avec un procédé original, la caméra suit souvent les protagonistes (donc filmés
de dos) dans l’enfilade de couloirs du lycée et nous les présente (juste leurs
prénoms) par un intertitre. Et comme certains des élèves se croisent, échangent
quelques mots, on a droit à la même scène filmée sous deux angles différents
(parfois trois même, on a le blond peroxydé et le photographe qui discutent
quelques secondes pendant que passe en courant la moche complexée) et en
faisant la plupart du temps abstraction de toute chronologie). Le contraste est
saisissant entre la banalité du train-train quotidien de lycéens (les trois
jeunettes amatrices de ragots, qui touchent à peine à leur plateau-repas par
peur de grossir avant d’aller se faire vomir dans les chiottes, ce qui se
révèlera être une bien mauvaise idée).
« Elephant », c’est aussi un casting de
jeunes amateurs (de Portland, ville fétiche de Van Sant dans laquelle il a
longtemps vécu et où ont été tournés nombre de ses films) dont bien peu ont
continué leur carrière devant la caméra. Le seul qui a vraiment fait « carrière »
(dans des rôles mineurs et souvent dans des films de seconde zone) est John Robinson
(celui qui joue John, le blond peroxydé à tee-shirt jaune imprimé d’un taureau),
Alex Frost (celui qui joue Alex, quasiment tous les acteurs ont gardé leurs
vrais prénoms) s’étant contenté de quelques rares apparitions dans des séries B).
A noter qu’une des personnes les plus impliquées dans
le projet « Elephant » est Diane Keaton, l’ex et principale égérie de
Woody Allen, qui a mis des billets pour la production du film. Lequel est un
peu à part dans la filmo de Van Sant, sorte de film « politique », « engagé »,
deux genres auxquels il ne s’est guère frotté, mis à part avec le biopic « Harvey
Milk » sur l’activiste homosexuel candidat à la mairie de San Francisco.
A noter que malgré la répétition des scènes (même si
elles sont filmées avec des angles différents), « Elephant » ne dure
même pas une heure vingt. Comme quoi on peut être concis et dire (ou sous-entendre)
beaucoup de choses.
Film crucial de Van Sant, à ranger à côté de son
autre coup de poing en images « Drugstore cowboy » …