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MOLINA TALBOT LOFGREN YOUNG - ALL ROADS LEAD HOME (2023)

 

Chevaux (Fous) de retour ...

En préambule et en guise d’avertissement, il y a un piège dans ce disque. Parce que, hein, avouez que vous y avez cru. Voir accolés à la suite les noms de Ralph Molina, Billy Talbot, Nils Lofgren et Neil Young, on pense bien évidemment à un disque du Canadien et de ses comparses, avec une coquetterie littéraire qui a juxtaposé leurs noms au lieu d’un habituel Neil Young & Crazy Horse. Ben non, vous avez tout faux.

Ralph Molina

Ce « All roads lead home » c’est une compilation au sens le plus strict du terme. Et pas une compilation de ce que les quatre ont fait paraître ensemble. Non, une compilation de titres solo enregistrés par les papys (ben oui, comment voulez-vous les appeler, ils ont 308 ans à eux quatre au moment de la parution du disque) lorsqu’ils étaient bloqués chez eux pendant la pandémie du Covid. Le pire est quand même évité, ils ont beau être vieux, ils savent (ou quelqu’un dans la baraque sait pour eux) se servir d’internet, ont fait circuler des fichiers à des potes ou à leur band, chacun à rajouté sa partie instrumentale, et on n’a pas à se farcir dix titres acoustiques …

Quoique … Neil Young, que l’on a connu moins chiche (voir la cadence effrénée à laquelle il sort de nouveaux trucs ou fait paraître ses archives musicales), balance seulement une version acoustique (guitare, harmonica, voix) de « Song of the seasons », titre paru en version « orchestre » sur une de ses dernières rondelles « Barn ». Rondelle que j’avais oublié d’écouter (Neil Young a tendance depuis bien trente ans à faire du Neil Young d’avant, en moins bien). Une fois le titre original youtubé, verdict : la version de « Barn » est meilleure que celle de « All roads … » qui rajoute une minute et demie à la version d’origine de six minutes, pas vraiment concise … Au mieux un fonds de tiroir, au pire du remplissage tendance foutage de gueule …

Billy Talbot

Les trois autres se montrent moins chiches, et a priori nous honorent de titres originaux (difficile de savoir pour Nils Lofgren, que ce soit en solo ou avec d’autres, il a dû sortir trois cents douzaines de disques) avec un remarquable esprit d’équité (trois titres chacun). Autant en venir à la conclusion, l’ensemble est assez décevant.

Pourtant, on a affaire à trois types qui ont quand même fréquenté deux backing bands parmi les meilleurs des douze derniers siècles (Crazy Horse pour les trois, le E Street Band en plus pour Lofgren).

Les trois vieux ont au moins deux problèmes majeurs. Ils ont peu composé (oui, je sais, Lofgren et sa kyrielle de disques, les meilleurs sont ceux des débuts, dans les seventies, j’en ai une paire que j’écoute jamais, et je dois pas être le seul), et on peut pas dire qu’ils avaient des titres fulgurants sous le coude à glisser sur « All roads … ». Pour finir de gâter la sauce, tous les trois n’ont plus de voix, si tant qu’ils en aient eu une un jour. A ce jeu, le pire est Ralph Molina.

Nils Lofgren

Le problème, c'est que ces trois vioques, ils ont joué tellement de fois tellement de bons morceaux dans leur vie, qu’il en reste forcément quelque chose. Et surtout dans un registre classic rock, ballades pépères, mid tempos enjoués, des trucs avec une intro, des couplets, un refrain, un p’tit solo quand il faut (Lofgren est le plus démonstratif à la guitare, même s’il n’y a rien qui donne envie de balancer les superlatifs). Molina est celui qui compose le mieux, ses titres sont intrinsèquement les meilleurs, mais bon, le malheur c’est qu’il chante. Lofgren est le plus concis, dépassant rarement les trois minutes, et se conduisant en Rémy Bricka du folk-rock-machin. Il joue de tous les instruments sur ses trois titres, avec le renfort sur un titre d’un autre Lofgren (son frère ? son fils ?) et d’un bassiste sur un autre morceau. Et Talbot, sans faire de vagues ou crisser les pneus, nous sert trois morceaux centristes, dont à mon avis le meilleur de la rondelle, ce « Rain » (rien à voir avec l’homonyme des Beatles) placé en ouverture.

Outre ce « Rain », qu’est-ce qui mérite qu’on jette une oreille distraite sur ce disque ? « It’s magical » de Molina qui n’est pas spécialement magique (et cette voix !), est cependant une jolie ballade up tempo, « Cherish » de Talbot accroche grâce à son intro hendrixienne, avant de tourner vinaigre, la faute à un tempo mollasson inadapté à la stridence des guitares. A demi convaincante aussi, une autre compo de Molina, « Just for you », jolie ballade triste avec son sax pleurnichard.

Neil Young

Les rares bonnes choses sont le « Rain » déjà évoqué, le « Fill my cup » de Lofgren qui grâce à une rythmique vaudou-tribale, amène un peu d’originalité à un ensemble prévisible et ronronnant, et l’assez concerné mid tempo rock de « Look through the eyes of your heart » de Molina.

Ce qui fait quand même assez peu pour des types dont le nom clignote en haut de la chose folk-rock depuis des décennies. J’aurais aimé tartiner des feuillets pour dire du bien de cette rondelle qui n’apportera rien à l’œuvre de ses auteurs. Il faudra certainement attendre qu’ils sortent un disque où ils jouent vraiment ensemble pour trouver quelque chose de consistant à se mettre entre les oreilles …




SHAME - DRUNK TANK PINK (2021)

 

Migonne, allons voir si la rose ...

Parce que « Drunk tank pink » c’est le nom d’une rose dont la couleur est celle du lettrage de la pochette (et ne me demandez pourquoi drunk tank pink j’en sais foutre rien). Et tant qu’on cause pochette, le type en photo dessus est le père d’un des gars de Shame. Et c’est qui Shame ?

Euh, je sais pas grand-chose sur eux. Ils font du rock au sens large, et donc intéressent pas grand-monde. C’est une bande de potes, banlieusards londoniens, plutôt jeunes (la trentaine au max) catalogués comme tant d’autres (Sleaford Mods, Idles, …) apparus au milieu des années 2010 comme un groupe post-punk. Vu que le punk, c’était il y a bientôt cinquante ans (‘tain, cinquante ans …), post punk ça ratisse large. Mais en gros cette mouvance post punk anglaise actuelle, malgré des références diverses et variées, a un dénominateur commun, le groupe de l’acariâtre Mark E. Smith (mort il y a quelques années), lider maximo de The Fall. The Fall, ils ont toujours vendu des clopinettes, mais un peu comme le Velvet en son temps, ont inspiré pas mal de gens. Il faut donc s’attendre à des trucs râpeux, des tensions d’électricité méchante, et une façon de chanter goguenarde, menaçante, genre diatribe de tribun en colère.

Shame

Il y a aussi plein d’autres choses de la décennie 75-85 qui remontent à la surface à l’écoute de Shame. Des inclassables à l’époque (devenus classiques maintenant), qu’ils soient américains (Talking Heads et Devo des débuts) ou anglais (P.I.L., dont l’influence ne cesse de grandir, alors que le groupe ne faisait pas vraiment l’unanimité à ses débuts). Et contrairement à beaucoup d’autres qui se contentent d’envoyer du boucan énervé et parfois énervant, les Shame font des efforts d’écriture, il y a de vraies bonnes chansons dans ce disque (pas sûr que ce soit le but recherché, mais le talent de composition, même si t’essaye de le planquer, il ressurgit toujours).

On n’écrit pas par hasard des choses comme « Alphabet », « Water on the well », « Human for a minute », « 6/1 », si on ne s’est jamais posé la question de quoi faire avec une intro, un couplet, un refrain, un pont, des riffs, un break, … autant de choses dont beaucoup ne s’encombrent pas l’esprit par les temps qui courent … En plus, les Shame ont mis derrière la console James Ford, producteur quasi attitré des Arctic Monkeys, et qui bosse depuis une quinzaine d’années avec Damon Albarn, que ce soit pour Blur ou Gorillaz … un type capable d’apporter un gros plus à un titre (comparer les démos de « Water on the well » et « Alphabet » parfois rajoutées en bonus sur les versions Cd de « Drunk tank pink », avec leurs versions « définitives »). Même si on a pas sur ce disque la team du siècle, on a un attelage groupe – producteur qui tient bien la route … Le problème majeur est que « Drunk tank pink » fait partie de ces disques du COVID (enregistrés dans des conditions pas ordinaires, impossibles à promouvoir parce que pas de concerts possibles, etc …). Résultat, un disque passé sous pas mal de radars. Et comme on refait jamais l’Histoire, on peut pas extrapoler sur l’accueil que cette rondelle aurait reçu en temps « normal ».

Shame's Next ?

Deux singles sont sortis en éclaireurs, « Alphabet » hymne noirâtre au chant déclamé, musicalement quelque part entre le Cure de « Pornography », Gang of Four, The Fall. « Water on the well » suivra, porté par ce qui est au moins le riff du mois sinon de l’année (qui de nos jours hormis quelques hardeux, ose faire reposer un titre sur quelques notes de guitares saturée, hein, répondez pas tous en même temps). Une fois n’est pas coutume, ces titres avant-coureurs donnent un bon aperçu de l’album qui va suivre, et ce qui ne gâte rien, font partie des meilleurs de la galette argentée.

Auxquels il convient expressément de rajouter « Human, for a minute », belle ballade portée par une non moins agréable mélodie, sur un rythme quasi up tempo et des synthés très 80’s. Un titre qui se remarque d’autant plus facilement, que les chansons apaisées, ça semble pas être le signe distinctif de la maison Shame. Preuve avec un autre grand titre « 6/1 » à peu près à mi-chemin entre les méchants postillons soniques de The Fall, et les bastons quasi indus de P.I.L.

Shame live

Dans le reste (sept titres de plus dans la version initiale), il y a quelques machins dispensables, voire crispants. Perso, j’aime pas « Snow day », harangue sur musique dissonante « élaborée », qui dans ses meilleurs moments fait penser à King Crimson période « Red », et dans les autres, aux pénibles Black Midi. Même verdict négatif pour « Station wagon », qui musicalement ressemble à une chute de « Broken English » de Lady Marianne Faithfull (les synthés lugubres) et sert de bande-son à une longue rumination déclamée … Pas de bol, ces deux titres sont les plus longs du disque …

Dans la poignée de titres restants, mention bien à « March day » et « Nigel Hitter » où l’influence des Talkings Heads époque « Remain in light » (les rythmes sautillants électrocutés, la façon d’aborder le chant de David Byrne) se fait sentir, ainsi que celle de Devo sur « March day ». Mention passable au punk bourrin (pléonasme) « Great dog », à l’abrasif et épileptique « Born in Luton » (remember le premier Wire ?), au coup de sang limite hardcore de « Harsh degrees ».

Pas sûr que quelqu’un ait vu dans ce groupe et ce disque (dont la première parution « Songs of praise » avait été remarquée) le futur du rock’n’roll … Par contre ce côté rebelle dark semble devenir la norme de ceux qui ont encore quelque chose à dire et utilisent le rock pour le dire … faut aujourd’hui savoir se contenter de peu …





IDLES - ULTRA MONO (2020)

 

Classes populaires ...

Idles (ou IDLES), c’est le groupe de ceux qui ne sont rien pour ceux qui ne sont rien. Des ploucs qui s’adressent aux ploucs. Et y’a des fois ça fait du bien, quand c’est direct, brutal, sans des concepts prise de tête. Et pour être direct et brutal, Idles fait pas les choses à moitié, contrairement à ce que son nom pourrait laisser supposer (pour ceux qui avaient pris ouzbek en première langue, idle c’est fainéant, oisif, paresseux) …

Idles, c’est un groupe avec une personnalité dominante, le chanteur Joe Talbot, né et grandi à Newport, ville portuaire, ancien débouché du secteur minier gallois, le genre d’endroit où quand tu grandis dans une famille modeste, tu es marqué au fer rouge par le Labour Party. Une fois riche (?) et célèbre (?), Talbot gardera ses racines prolos chevillées au corps et se fendra régulièrement de déclarations incendiaires dont les plus « célèbres » concernent le torchon informatif The Sun, Fox News (C News dans la langue de Shakespeare), et Nigel Farage (brexiteur très très à droite et meilleur pote british de Trump). Bon, des types de gauche qui chantent, c’est pas ça qui manque (à condition de comprendre les textes débités à grande vitesse). Mais même si on saisit pas un traître mot d’anglais, Talbot est un chanteur impressionnant. Une « présence » phénoménale derrière le micro, toujours dans l’accélération bestiale permanente. En gros, il hurle, mais en plus il chante …

Idles

Les Idles, c’est le groupe qu’il a monté avec un pote de collège, un duo autour duquel sont venus se greffer d’autres connaissances. Et les cinq même types sont ensemble depuis leurs débuts, en 2009. Leurs débuts discographiques eux ont eu lieu en 2017 (« Brutalism »), avant celui que beaucoup considèrent comme leur meilleur, « Joy is an act of resistance » l’année suivante (je l’ai, j’ai dû l’écouter une fois en travers, aucun avis dessus). Tous leurs disques sortent sur un label indépendant, le bien nommé Partisan Records (celui aussi des dernières rondelles des Black Angels, le fabuleux rock band psychédélique d’Austin, voir ailleurs sur ce blog).

Musicalement, les Idles, c’est comme déjà signalé vraiment du brutal. Si vous voulez mettre Talbot en colère, dites que les Idles c’est du post punk. C’est l’étiquette qui leur a été le plus souvent collée, et Talbot a raison de s’énerver, ça n’englobe qu’une petite partie de leur rendu sonore. Post punk je suppose à cause du traitement des guitares, le plus souvent dans la stridence et refusant les solos pentatoniques auxquels le(s) gratteux préfèrent les chorus distordus. Beaucoup d’autres choses affleurent : le punk, le hardcore, (à cause des rythmiques le plus souvent trépidantes), le métal, le rap (la scansion quasi parlée de Talbot sur la plupart des couplets). Et s’il faut faire dans le name dropping, on a avec Idles des effluves de Public Image Limited, Bad Brains, Body Count, Rage Against The Machine, Ministry, Big Black, The Fall, Dead Kennedys ... Et la rage engagée du chant renvoie à John Lydon (ex Rotten), fait remonter le souvenir de ce bon vieux Joe Strummer.

Idles, un langage fleuri ?

Idles, on sent qu’ils ont pas fréquenté les écoles de commerce. A une cadence infernale, à peu près un par mois, ils ont sorti des titres (on ne parle plus de singles, c’était quand la sortie du dernier 45T en vinyle ?) en éclaireurs de ce « Ultra Mono ». Ce qui fait que quand il est paru, les aficionados du groupe connaissaient déjà la moitié des titres, ce qui est pas exactement une bonne idée pour faire vendre du 33T ou du Cd (et qu’on me parle pas des truands qui mettent la musique en ligne, et te filent 10 centimes quand t’as un million d’écoutes). Toutes ces aberrations temporelles en matière de parution de morceaux renvoient à la première moitié des années 60, quand le trente trois tours n’était qu’une addition de titres déjà parus, auxquels venaient parfois se greffer quelques inédits. Les Idles sont tout ce qu’on veut, mais à mon sens surtout des passéistes. Sauf que leur rock à eux n’est pas bloqué sur les 60’s-70’s, il s’abreuve de tout ce qui est paru depuis 70 ans, du punk, de la new wave, du rap, de l’électro (voir les rythmiques, qui tiennent le plus souvent de la boucle répétée ad lib).

J’ai pas suivi de près leur carrière, mais ce « Ultra Mono » me paraît être comme une fin de cycle, un bilan. Et pour fêter ça, ils ont invité quelques amis. Dont certains évoluent dans des genres cousins (David Yow, la figure de proue bien allumée des violents Jesus Lizard), et d’autres pas du tout (Colin Webster saxophoniste de jazz expérimental, Jamie Cullum, jazzman touche-à-tout, et cocorico la frenchie Jehnny Beth, des disques en solo, en groupe avec John & Jehn, actrice avec notamment un second rôle dans le célébré « Anatomie d’une chute »).

Bon, et ça donne quoi tout cet aréopage ? Une douzaine de titres pour l’essentiel bien énervés, avec des réminiscences de ceux cités plus haut, le tout porté par l’incandescence du chant de Talbot. Seuls deux titres vers la fin sont plus « calmes », « The Lover », sournoisement rampant (genre « Poptones » de P.I.L.), et « A Hymn » avec son intro genre Hendrix à Woodstock, avant que se mette insidieusement en place une pression latente via un crescendo oppressant, avant un final plus apaisé, l’explosion sonique attendue n’étant pas venue. Formule maline sans être fondamentalement originale.


Dans les morceaux tout-à-fond, mention particulière à « Anxiety », ses riffs tronçonnés, et ce up tempo qui renvoie aux Bad Brains, Dead Kennedys, Big Black … , « Grounds » son rap métallique aux énormes riffs se terminant en magma sonique qui n’aurait pas dépareillé sur une rondelle de RATM, l’intro accrocheuse de « Kill them with kindness »  parce qu’avec ses arpèges de piano, elle constitue la première « respiration » du disque (c’est le cinquième titre), « Mr Motivator » un des singles initiaux les plus remarqués, avec ses toms fracassés, ses guitares stridentes et son approche vocale très Rotten-Lydon. Meilleur titre de la rondelle selon moi, « Model Village » sonne comme du Devo suramplifié, et est une sorte de réponse en mode punk au « Village Green » des Kinks (Talbot dresse un portrait au vitriol de cette Angleterre très rurale qui de conservatrice a viré extrême-droite, même topo par chez nous …).

Un gros tiers du disque, sans être rebutant, est moins intéressant, on sent la formule (couplet rap, accélération hardcore du refrain) qui revient comme un mantra, ou des choses entendues mille fois (le punk bourrin avec son accroche en faux français de « Ne touche pas moi »).

Appréciation globale, y’a encore de l’espoir, camarades …