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ABEL FERRARA - THE KING OF NEW YORK (1990)

 

Série B ...

Ou film culte, comme on veut … Ou les deux … Ou pourrait aussi dire film de blaxploitation, sauf que le héros n’est pas Black et qu’il gagne pas à la fin. En tout cas « The King of New York » est avec son successeur « Bad Lieutenant » ce que Ferrara a fait de mieux.

Abel Ferrara 1990

Ferrara est un cas social hors du commun. Très marqué, pour pas dire traumatisé par l’éducation religieuse (comme Almodovar ou Scorsese), il va s’en éloigner le plus possible dans ses films (le premier sous pseudo est un porno), sans pour autant en renier les fondamentaux symboliques (péché-expiation-rédemption, cette sorte de choses). Les films de Ferrara sont là pour faire flipper le catho de base. Dans « The King of New York » le héros est un ex-taulard, dealer de coke qui assassine de sang-froid concurrents et flics dans une surenchère cataclysmique.

Les histoires de truands qui construisent un empire et finissent par crever de leur orgueil, c’est pas ça qui manque, du « Little Caesar » de Mervyn LeRoy, au « Scarface » de De Palma. Sauf que c’est pas ce genre de films que cite Ferrara pour son inspiration. Il a « vu » son film en sortant d’une projection de … « Terminator ». Même si c’est dit en termes diplomatiques, il pense que si pareille couillonade cartonne (l’obsession d’atteindre son but en dégommant tout ce qui s’y oppose), il peut faire aussi bien, voire mieux. Sauf qu’avec son pote depuis le lycée, le scénariste Nicholas St-John, il sont pas vraiment dans le trip post-apocalyptique de Cameron (ou de George Miller). Leur monde, c’est le New York contemporain. Pas le New York de Broadway et de Wall Street, le New York des quartiers glauques (le Bronx), des trafiquants en tout genres, et avec son ascendance italienne, celui du « milieu ».

Christopher Walken

Le Terminator de Ferrara sera Blanc (à double titre, il s’appelle Jack White, inutile de faire une disgression pour la symbolique catho liée au blanc), vient de s’endurcir en zonzon, et entend dès sa sortie devenir le roi de la dope sur la ville. Jack White, c’est Christopher Walken, qui deviendra après ce film un des acteurs fétiches de Ferrara. Plus ou moins dans le trip Brando quand Ferrara le rencontre (empâté, manteaux de fourrure, et jamais loin d’une quille de vin rouge), Walken va perdre vingt kilos avant le tournage pour jouer cette brute émaciée au regard fou et glaçant. Si Ferrara a son premier rôle, il a pas le fric pour tourner, les circuits de financement « classiques » américains lui ayant tous répondu quand il les a sollicités par un niet aussi poli que ferme et définitif. Ce sont ses connexions italo-américaines qui le mettront en relation avec des Italiens qui aligneront les lires pour que le film se fasse.

Et donc une fois considéré que Walken sera la star du générique, faut compléter avec des seconds couteaux. Et force est de reconnaître que l’Abel a eu le nez plutôt creux. Des seconds rôles seront notamment tenus par Wesley Snipes, Laurence Fishburne, et ont droit à quelques scènes Steve Buscemi ou Harold Perrineau. Bon y’a aussi eu des ratés, qui se souvient et a vu ailleurs Janet Julian (Jennifer, l’avocate et maîtresse de White), répondez pas tous en même temps.

Weley Snipes

Le scénario est ultra basique, ascension et chute d’un caïd de la drogue. Et Ferrara a beau jeu de dire que rien n’est crédible dans son film, les choses ne se passent pas comme ça dans la réalité (les « parrains » ne règlent pas leurs comptes eux-mêmes, ne participent pas aux gunfights punitifs, et un réseau mafieux ne s’écroule pas et ne se contrôle pas avec trois rafales de pistolet mitrailleur).

Ce qui compte pour Ferrara, c’est montrer « sa » ville, New York. Sous son prisme à lui. Walken est à peu près en roue libre, esquisse même quelques pas de danse (sa marotte dès qu’il peut glisser quelques entrechats dans ses films, il aurait préféré être danseur professionnel plutôt qu’acteur), tout le monde en fait des tonnes. N’empêche qu’il y a bel et bien dans « The King … » une « patte » Ferrara. L’art de susciter la tension avant les montées de violence froide (la scène aves Snipes et Buscemi venus conclure un deal avec les Hispanos, le règlement de comptes chez les mafieux ritals, …). L’envie de donner du spectacle (la baston lors de la party-partouze chez White, la course poursuite à la « Bullit » dans les grandes artères newyorkaises, …). La mise en scène d’une esthétique froide (tout ce bleu métallique qui domine dans la gamme chromatique), mais avec des partis-pris visuels forts (les très gros plans sur les visages lors des discussions). Et pourtant Ferrara n’a quasiment pas touché à la caméra. Il « visualisait » les scènes, donnait les ordres aux acteurs et à son caméraman, et partait surveiller tout ça dans le studio vidéo. D’où il ne s’extirpait pas souvent, montant, assemblant, sonorisant quasiment à la volée. D’où une séquence qui a marqué les participants au film, lors de la fête organisée le dernier jour de tournage, des écrans télé diffusaient quasiment dans sa version définitive « The King of New York » dont les dernières prises avaient eu lieu quelques heures auparavant.

Laurence Fishburne

Ferrara n’oublie pas de développer son postulat Bien / Mal. White est totalement amoral, sans aucune pitié ni scrupule (l’assassinat du flic lors de l’enterrement), veut devenir le King d’un monde où règnent luxure et dope. Et en même temps il patronne une soirée de bienfaisance pour récolter des fonds en vue de construire un hôpital pour les enfants. Séquence qui donne l’occasion d’une chanson par le second couteau soul Freddie Jackson. Alors que la bande-son est quasiment exclusivement composée de titres rap ou hip hop (Ferrara est très pote avec le rappeur Schooly D, omniprésent sur la B.O. et dont les connexions avec les bandes des quartiers mal famés où a été tourné le film ont permis à toute l’équipe d’évoluer sans encombre). De ce point de vue, Ferrara innove. Premier Blanc à donner une telle place au rap dans la bande-son, « The King of New York » est sorti moins d’un an après « Do the right thing » (Spike Lee / Public Enemy) et un an avant « Boyz in the hood » (John Singleton / Ice Cube).

Alors il faut voir « The King of New York ». Au moins parce que les dernières scènes (un Walken blessé à mort marchant tel un zombie dans les rues de « sa » ville avant d’aller agoniser à l’arrière d’un taxi cerné par les gyrophares des voitures de police et les flics qui le traquent), doivent rassembler toutes les chapelles de cinéphiles …





JOHN HUSTON - QUAND LA VILLE DORT (1950)

 

Le crime était presque parfait ...

Le Dvd que j’ai fait partie d’une collection Warner « L’âge d’or du cinéma américain – Les grands classiques du film noir ». J’ai aucune idée des autres titres (vu le lettrage sur la tranche et le numéro de celui-ci – 12 – il doit y en avoir une quinzaine sous cet intitulé) mais en ce qui concerne « Quand la ville dort » je valide tout à fait le titre ronflant de la série. C’est un film à voir et revoir, on ne s’en lasse pas.

A priori, rien de révolutionnaire dans « Quand la ville dort ». L’histoire d’un casse qui tourne mal. Et au cœur de l’histoire, une poignée de petits malfrats dans une petit bled du Midwest jamais nommé pendant la prohibition (Angelica Huston, dans une courte présentation du film de son père, situe l’action en 1929).

John Huston & Marilyn Monroe

A la réalisation, John Huston donc. Pas vraiment un débutant, et pas un manchot derrière une caméra, en plus d’être scénariste, producteur, et de se lancer à partir des années 50 dans une carrière d’acteur. Quand il s’attelle à « Quand la ville dort » (« The asphalt jungle » en V.O., pour une fois un titre qui claque, que ce soit en français ou en anglais), il a remporté deux ans plus tôt une statuette pour un film monumental, « Le trésor de la Sierra Madre », et il avait commencé sa carrière de réalisateur avec « Le faucon maltais », classique de chez classique, malgré une intrigue aussi claire que celle de « Mulholland Drive » du regretté David Lynch.

 « Quand la ville dort » est tiré d’une nouvelle de l’écrivain W.R. Burnett et grave dans le marbre les codes du film noir, comme « Little Caesar » du même Burnett avait « inventé » par son adaptation au cinéma le film de gangsters. « Quand la ville dort », c’est l’histoire d’une bande de petites frappes, avec cinquante nuances de loose. Tout se passe la nuit, sauf la scène finale. Le pitch est simple, un prétendu as du braquage « Doc » Riedenschneider (un immigré allemand ou autrichien, voir ou plutôt écouter son accent teuton en VO) sort de cabane et tente illico de monter « le coup » de sa vie (le braquage d’une bijouterie) grâce à des infos recueillies auprès d’un autre taulard. Il se rend chez Cobby, le gérant d’un tripot clandestin spécialisé dans les paris sur les canassons pour lui expliquer ses besoins en logistique et en personnel. Une fine équipe locale est recrutée (un chauffeur barman et bossu, une brute locale qui fera le ménage si besoin, un as du perçage de coffres), et l’avocat Emmerich (Louis Calhern), patron de fait du tripot, s’occupera du recel et de la vente du butin. Entre « imprévus » pendant le casse (une alarme qui se déclenche dans un immeuble voisin et va faire se rappliquer tous les flics du bled, et un vigile qui anticipe l’heure de sa ronde) et l’avocat véreux, forcément véreux, qui va essayer de doubler tout le monde, l’aventure se terminera mal et le plus souvent très mal pour tous les protagonistes de l’affaire. Des films avec ce genre de scénario, il doit en sortir trois douzaines par mois, aussitôt vus, aussitôt oubliés. Sauf qu’avec « Quand la ville dort », on a une œuvre majeure.

Jaffe, Hagen & Hayden

Dans le film noir, y’a toujours une ou des nanas qui entraînent les héros vers leur perte. Ici, il y en a deux. La première c’est la cocotte entretenue par Emmerich, jouée par la quasi débutante devant les caméras, une certaine Marilyn Monroe (Angela). Ecervelée pas méchante pour deux sous, mais d’une frivolité emplie de rêves qui coûtent cher (un voyage sentimental à Cuba, en ces temps-là villégiature de vacances des riches américains), elle provoquera l’irréparable chez Emmerich. Monroe n’est présente que pour deux scènes, la première vêtue d’un ensemble écossais informe à gros carreaux mais qui laisse apercevoir quand elle fait demi-tour une silhouette callipyge promise à un bel avenir. Dans la seconde scène elle minaude en longue robe bustier et laisse apercevoir son nucléaire potentiel érotique. L’autre femme « tragique », c’est une jeunette qui se trémousse sur du jazz endiablé craché par un juke-box, tout Playtex en avant devant le Doc qui ne peut s’arracher à ce spectacle, a même remis une pièce dans la machine, et les trois minutes que durent le titre lui seront fatales. Dans le casting, il y a aussi deux autres femmes. May, l’épouse d’Emmerich (malade ? infirme ?) toujours alitée, qui malgré son état de dépendance physique, garde une emprise sur son mari, démontrant que derrière le vieux beau affairiste et malhonnête, il n’y a qu’une lopette sans caractère. Doll (Jean Hagen), qui semble davantage tirer ses revenus de son corps que d’un travail « honnête », en pince pour Dix (grandiose Sterling Hayden), voit bien qu’il file un mauvais coton, et fera tout pour l’aider à s’en sortir.

Calhern & Monroe

Ce sont les hommes (ceux qui n’agissent que la nuit, quand la ville dort) et leurs interactions qui sont le cœur de l’intrigue. Huston prend du temps (indispensable, pour nous préparer à la tragédie inéluctable qui les guide) pour nous les présenter. Un peu comme dans « Seven », il nous les décrit avec en filigrane leurs péchés capitaux. Le Doc (Sam Jaffe, grand pote à Huston), c’est le besoin de luxure. Il suffit de le voir feuilleter d’un œil gourmand, un calendrier de pinups, pour comprendre que ce besoin de chair jeune et fraîche va être un sacré grain de sable dans sa trajectoire. Dix, c’est le jeu. Il est redevable à Cobby (et donc Emmerich) d’un gros paquet de dollars parce qu’il est fou de courses hippiques sur lesquelles il joue gros. Il avouera à Doll que son rêve c’est de revenir plein aux as au pays (le Kentucky) pour racheter la ferme de son paternel éleveur de chevaux. Un rêve qu’il exaucera très fugacement (magnifique dernière scène, pour une fois en plein jour, qui le verra s’effondrer au milieu de chevaux dans un enclos). Emmerich, lui, est cupide. Il a installé Angela comme une princesse, a toujours besoin de grosses sommes pour l’entretenir, se retrouve en faillite quand tout le monde le croit très riche, et en vient donc à essayer de doubler les braqueurs qu’il « sponsorise ». Cobby, c’est la lâcheté qui le perdra. Quand Dix lui demande un délai pour rembourser, il s’écrase, et quand un flic, pourtant véreux et corrompu jusqu’à la moelle lui file une paire de baffes, il se met à chialer comme un gosse et balance les braqueurs. Effet domino, tomberont avec lui le chauffeur (un barman solitaire qui préfère la compagnie des chats à celle des hommes), le perceur de coffres (rangé des voitures, mais qui fait ce dernier coup pour pouvoir soigner son gosse malade), Emmerich, Dix, le Doc, le flic ripou …

Ripoux contre ripoux ?

La présentation des personnages pourrait paraître longue (le braquage intervient peu ou prou au milieu du film) mais est essentielle pour comprendre la mécanique infernale guidée par leurs pulsions qui va s’enclencher et les perdre. Chef-d’œuvre de mise en scène d’entrée, la présentation de Dix. La pénombre, de grandes avenues miséreuses et désertes, une voiture de police qui patrouille, et Dix qui se cache dans des encoignures obscures, derrière des piliers pour ne pas se faire repérer. Sans la moindre parole prononcée, on voit tout de suite à qui l’on va voir affaire. Cette nuit, c’est le décor intangible du film. C’est le biotope des malfrats, alors que le jour appartient aux honnêtes gens.

D’une certaine façon, « Quand la ville dort » est un film moral. Les mal intentionnés finissent mal, la loi et l’ordre peuvent triompher (voir le chef de la police qui plastronne devant une meute de journalistes). « Quand la ville dort », j’en ai causé au-dessus, est un film psychologique, qui dissèque ces mécaniques de l’âme compliquées qui font dérailler les entreprises méticuleusement élaborées. Mais c’est aussi (surtout) un vrai polar tragique, avec ses scènes pleines de suspens (les braqueurs vont-ils s’en sortir quand les sirènes des alarmes mugissent ? comment va se terminer le face-à-face à quatre entre Emmerich, son homme de main d’un côté, Dix et le Doc de l’autre, et un sac plein de bijoux entre eux ? Doll réussira t-elle à sauver Dix ? le Doc échappera t-il aux flics et atteindra-t-il Cleveland ? …)

Chef-d’œuvre essentiel …





MICHAEL MANN - HEAT (1995)

 

Take Heat ...

… et pas leave it …

« Heat » est un film comme on n’en a pas fait beaucoup et comme on n’en fera plus.

Quand il est sorti (avant les fêtes de Noel 1995, carton commercial certifié), il réunissait les deux plus grosses stars de l’époque, Pacino et DeNiro. Une première, même si oui, je sais, ils avaient été à l’affiche sur « Le Parrain 2 » de Coppola, mais l’un jouant le père de l’autre grâce à un montage tout en flashbacks, ils n’avaient aucune scène en commun. Dans « Heat », ils en ont une (enfin deux, avec la scène finale) au milieu du film, qui a fait couler beaucoup d’encre et entretenu les supputations les plus folles, j’en recauserai forcément plus bas.

Mann, Pacino & DeNiro

Mais ce n’est pas ce tête-à-tête qui a le plus marqué les esprits. Il y a dans « Heat » une scène de braquage suivie d’une fusillade (en tout douze minutes) qui a scotché les spectateurs sur leurs fauteuils, fusillade à faire passer celles de Peckinpah (dans « La horde sauvage » notamment) pour un diner aux chandelles.

Et surtout, parce que « Heat » est, entre autres, un film à grand spectacle, absolument toutes les scènes sont tournées en extérieurs. Enfin, toutes sauf une, pour des raisons visuelles. C’est la scène ou DeNiro et sa copine Eady (Amy Brenneman) sont appuyés la nuit sur la rambarde d’une terrasse qui domine Los Angeles. Mann explique (j’ai pas tout compris) que pour des histoires techniques (profondeur de champ, focales, nombre d’images par seconde, …), les acteurs avaient joué devant un rideau vert, l’immense étendue illuminée de la ville avait été filmée du même endroit, les deux images étant ensuite superposées au montage. Inimaginable aujourd’hui après l’affaire Alec Baldwin que des acteurs se tirent dessus pendant dix jours (durée de la mise en boîte de la scène de la fusillade) avec de vraies armes de guerre chargées à blanc, en centre ville avec des dizaines de figurants et des centaines de badauds hors champ. Inimaginable après le 11 Septembre de passer des nuits à filmer la scène finale dans un aéroport (et pas n’importe lequel, le plus grand de L.A.), avec des types qui jouent au chat et à la souris au milieu de vrais avions qui décollent et atterrissent.

« Heat » vient de loin. Du début des années 60 à Chicago. Où un flic, le chef de la brigade criminelle de la ville, y traque le gangster number one.  De tentatives ratées de flagrant délit, en rencontre autour d’un café, où les deux se promettent un take no prisoners s’ils se retrouvent face à face, jusqu’à un affrontement final à la sortie d’un casse. Le truand a quarante neuf ans, dont vingt cinq passés en taule. Le flic s’appelle Charlie Adamson, c’est devenu un pote à Michael Mann. Le truand s’appelle Neil McCauley. Neil McCauley ? Ben oui, comme le personnage joué par DeNiro dans le film.

Les voleurs

« Heat » est quasiment un biopic, transposé dans le Los Angeles des années nonante. Je devine la question du type qui suit, mais alors pourquoi le flic s’appelle Vincent Hanna et pas Charlie Adamson ? Parce que son personnage dans « Heat » est une compilation de trois flics qu’a côtoyés Michael Mann. « Heat », pour Mann, c’est le film d’une vie. En pré-projet depuis des années, il reste sa masterpiece, malgré une filmo où il n’y a pas que de furieux navets (« Le sixième sens » « Le dernier des Mohicans », « Collatéral », « Ali », « Miami Vice », …). Dans « Heat », Mann produit, réalise et a écrit le scénario, rien que ça … Et on parle pas de griffonner une histoire sur un coin de nappe de restaurant, de sortir le chéquier, et de laisser deux stars en roue libre jouer comme elles le sentent. La pré-production et les repérages (95 endroits ont été utilisés dans Los Angeles, certains sont quasiment devenus des lieux de pèlerinage touristique comme le diner où a lieu la discussion Pacino-DeNiro) ont pris des mois, Mann a passé des semaines avec le chef de la police du LAPD (qui est présent dans une scène, c’est lui le réceptionniste de l’hôtel où McCauley vient traquer Waingro à la fin), tout le casting a été envoyé au contact de vrais taulards (notamment à San Quentin et Folsom, la pire de toutes les prisons californiennes, c’est là que Mann a rencontré un dur de dur, Eddy Bunker, devenu depuis écrivain et conférencier, et à l’origine du personnage joué dans le film par John Voight), et entraîné au tir à balles réelles par des instructeurs militaires (anecdote, le superviseur montrait aux bidasses d’élite en formation le passage où en pleine baston, Val Kilmer recharge son fusil mitrailleur, manière de montrer les bons gestes et la vitesse à acquérir). Aussi fort, l’identification criminelle et les légistes sur la scène du braquage du fourgon blindé sont de vrais flics spécialisés, l’infirmière aux urgences quand la belle-fille de Hanna (la toute jeune Natalie Portman) a tenté de se suicider est la vraie chef infirmière du service des urgences … Et la plupart des personnages du film, s’ils n’appartiennent pas à l’histoire initiale Adamson – McCauley sont issus de gens ayant réellement existé (les personnages de Val Kilmer, Ashley Judd, Waingro, …). Encore plus fort (ou plus fou), Mann pour les acteurs principaux (une bonne dizaine), a rédigé leur biographie (d’où ils viennent, leur « palmarès », combien d’années de taule, comment ils se sont connus, combien de mariages, de divorces, d’enfants, etc …), ce qui sera en partie l’objet du bouquin « Heat 2 » qu’il écrira, en même temps prequel et sequel (narrant par exemple ce qu’est devenu Chris Shiherlis, le personnage joué par Val Kilmer) de l’histoire racontée dans le film …

Willie Nelson ? Non, John Voight

Quand sur le générique qui défile, on entend Moby,ce qui entre parenthèses est une partie d’un choix musical pointu à l’époque, où le technoïde chauve vegan côtoie Brian Eno, le Kronos Quartet, Lisa Gerrard, William Orbit…, (et parmi les petits rôles, on a le punker hardcore Henri Rollins et le rappeur Tone-Loc…), on est devant l’écran depuis deux heures cinquante. « Heat » est un film-somme, et surtout pas un affrontement à réduire à celui de ses deux acteurs principaux. Tous les seconds rôles ont leur histoire, et pas pour meubler. « Heat » est affaire de détails. La somme de tous ces détails, tous ces grains de sable qui à un moment viennent enrayer une mécanique imparable (un surnom lâché par le dingue Waingro lors du premier braquage sanglant permettra à Hanna de remonter la filière, un mouvement brusque d’un flic en planque dans un fourgon fera avorter une opération de flagrant délit, …).

« Heat » fonctionne à tous les niveaux. On peut se contenter du basique, le polar énergique où le gendarme course le voleur, si on veut aller plus loin mater le jeu en parallèle des deux stars du générique, ou encore aller au tréfonds des personnages secondaires. Avec un personnage principal non cité au générique, la mégalopole de Los Angeles de tous les plans, surtout de nuit, avec des moyens conséquents pour la filmer (trois hélicos).

Les gendarmes

L’histoire de « Heat », c’est celle d’une bande de braqueurs « expérimentés » multirécidivistes et multi-emprisonnés aussi. Leur cerveau, c’est Neil McCauley, maniaque de l’organisation détaillée et qui a construit sa vie de façon quasi philosophique par rapport à son métier. Il habite un superbe appart, mais juste meublé avec le minimum vital, un lit, une table, une paire de chaises, une cafetière, un frigo, parce qu’il a théorisé son métier en fonction des risques qu’il prend (aucune relation affective, aucune liaison féminine durable, et il se fait fort en trente secondes de tout lâcher et fuir hors de portée des flics). Le seul pour qui il témoigne un peu d’affection, est le plus jeune de la bande (excellement joué par Val Kilmer, plus crédible là qu’en chanteur des Doors), dont il essaye tant bien que mal de sauver le couple (Ashley Judd joue sa femme, ils ont un bambin) plus ou moins à la dérive (ils s’engueulent souvent, elle a des amants). Manque de bol, un de la bande se retrouve en fauteuil roulant au moment de faire un gros coup (le braquage de titres au porteur dans un convoi de fonds), et un fêlé impulsif (Waingro) est recruté au pied-levé. Le nouvel arrivant de la bande ne va rien trouver de mieux que de buter sans raison un convoyeur, entraînant un carnage (deux autres morts). Ce sont ces trois macchabées qui vont faire que le chef de la brigade criminelle, l’inspecteur Vincent Hanna va se retrouver sur l’affaire. Dès lors, il va tout mettre en œuvre pour retrouver la bande de braqueurs et la mettre hors d’état de nuire, aidé malgré eux par le narcotrafiquant à qui on a piqué les titres au porteur et le taré suprématiste Waingro (là, faut avoir l’œil, on l’aperçoit bedaine à l’air dans une chambre d’hôtel, il a parmi de nombreux tatouages une croix gammée sur le nombril, quand je vous disais que Mann est un maniaque …).

Waingro

« Heat », en plus de proposer une traque flic-délinquant classique, va se centrer sur les personnalités du flic et du braqueur. Là où dans l’immense majorité des films la vie personnelle des protagonistes ne sert qu’à remplir des bobines entre deux scènes d’action, elle est ici le cœur de l’histoire. McCauley va tomber amoureux d’une provinciale venue bosser dans une bibliothèque où il se rend souvent, s’informant en permanence des dernières nouveautés en matière d’explosifs, de métaux, etc … Dès lors, le solitaire va se retrouver « attaché » et la rigueur de son raisonnement va s’en trouver affecté. De son côté Hanna en est à son troisième mariage (sa femme aussi) et il doit gérer sa belle-fille, une gamine à tendance dépressive, déboussolée par le mode de vie du couple.

A première vue, dans « Heat », DeNiro et Pacino, c’est le ying et le yang, l’un est d’une austérité rigide, l’autre un excité impulsif fonctionnant à l’instinct (l’interrogatoire des indics, l’extraordinaire scène quand rentrant chez lui à pas d’heure il trouve l’amant de sa femme affalé sur le canapé et matant « sa » télé). DeNiro est sobre comme rarement, ce qui en soi est un exploit et Pacino crève par contraste l’écran. Ce n’est suggéré nulle part dans le film, mais quand il a lu le script et « visionné » son personnage, il est allé trouver Mann et lui a dit que Hanna serait le plus souvent sous coke. En fait, McCauley et Hanna fonctionnent de la même façon, avec un professionnalisme à toute épreuve et des principes stricts. Ce que l’on voit lors de la fameuse scène où ils prennent un café ensemble. On a beaucoup écrit sur cette scène. Invraisemblable, oui, mais elle a réellement eu lieu dans l’histoire originelle à Chicago, à peu près dans les mêmes conditions et les mêmes termes. Certains (qui n’ont pas compris grand-chose aux personnages) ont même dit qu’elle avait été rajoutée in extremis, Mann voulant un dialogue entre les deux stars, le premier de leur carrière face caméra. Ridicule, cette scène est le cœur du film, explique ce qui précède et ce qui va suivre. Une autre rumeur a été plus insistante et plus plausible. Durant tout le dialogue, il y a deux caméras, une derrière chaque acteur, et on n’a que des champs – contre-champs, beaucoup en ont déduit que pour des raisons mystérieuses, Pacino et DeNiro n’avaient pas joué ensemble. Faux, il y avait une troisième caméra qui les prenait ensemble de profil, mais au montage, Mann a décidé de ne pas utiliser ces images. De nombreuses photos en témoignent, il y en avait plein le mur du (vrai) restau où la scène a été tournée, les gens réservant la mythique table des semaines à l’avance, et conséquence qu’ils ne prévoyaient pas, passaient tout le repas à se faire photographier par les autres clients … A noter que Mann, Pacino et DeNiro, d’un commun accord, ont décidé de ne pas répéter la scène, l’essentiel de ce qui a été monté venant de la onzième prise (selon les différents participants, treize, dix-huit ou dix-neuf prises auraient été mises en boîte).

DeNiro & Kilmer

« Heat » est sorti en 1995. Sacré millésime pour les polars, puisque sont sortis la même « Usual suspects », « Casino » et « Seven ». Rien que ça …

Je conseille la version 2 Blu-ray du film, qui présente of course des heures de suppléments bien utiles pour écrire cette chronique, avec notamment à l’occasion du vingtième anniversaire de la sortie du film, une discussion réunissant Mann, DeNiro et Pacino animée par Christopher Nolan. C’est pas la partie des bonus la plus intéressante par les propos, mais avouez que c’est un sacré casting autour de la table …

Une dernière anecdote qui montre à quel point ce film est mythique et rentré dans la culture populaire. Dans la villa sur immenses pilotis où se fait tabasser et laisser pour mort par Waingro et les hommes de main du narcotrafiquant le chicano chauffeur de la bande de braqueurs, McCauley-DeNiro retrouve son pote baignant dans une mare de sang. La villa avait été mise en vente et louée pour tourner la scène. Faut croire que les petites mains de l’équipe étaient moins méticuleuses que Mann, quand les nouveaux propriétaires sont arrivés (l’agent immobilier les ayant évidemment avertis qu’elle avait servi au tournage du film, ce qui constituait un sacré argument commercial) ils ont retrouvé sur le parquet la tache de faux sang très mal nettoyée. Cette tache est maintenant planquée sous un tapis et conservée comme une relique …

Immense film culte je vous dis …


JOHN BOORMAN - LE POINT DE NON-RETOUR (1967)

 

Tout commence et tout finit à Alcatraz ...

« Le point de non-retour » (« Point Blank » en V.O.) est le second film de John Boorman. Avec derrière la MGM. Ce qui est quand même un assez remarquable coup de bol. Parce que son premier film était plus ou moins une commande publicitaire sur l’oublié groupe anglais du Dave Clark Five (rivaux des Beatles pendant bien trois jours). Bon, les types de la MGM sont pas des misanthropes, ça se saurait. Ils ont un script, un budget (pas colossal), et l’acteur principal, Lee Marvin.

Boorman & Marvin

Lee Marvin est une « gueule » du cinéma américain, roi des seconds rôles de méchants, voire pire (la sadique défiguration au café bouillant dans « The big heat »), avant la consécration, toujours dans un registre « musclé » dans « Les douze salopards ». C’est sur le tournage de ce dernier que lui et Boorman se rencontrent, et Marvin va aider l’Anglais à peaufiner le scénario et à imposer Angie Dickinson comme premier rôle féminin.

Comme souvent (toujours ?) chez Boorman, le résultat est assez comment dire … décousu (picole ? drogues ? les deux ?). Mais force est de reconnaître que le gars qui n’a même pas trente cinq ans n’a pas froid aux yeux. Certains plans dénotent une originalité certaine (une contre-plongée à travers une grille, bien joué), le montage est vif, même si parfois brouillon (mais c’est fait exprès, témoin les deux flashbacks entremêlés du début, on change d’histoire toutes les dix secondes). Meilleure scène : une baston sauvage dans la pénombre des coulisses d’un club, pendant que sur scène un groupe balance du heavy-psyché-soul (?).Boorman l’a reconnu plus tard, il voulait filmer Lee Marvin à la manière d’un peintre filmant son modèle, ce qui fait que l’histoire est parfois confuse (dans la grande tradition des films noirs des années quarante et cinquante), et tous les autres rôles sous-employés. Même si ça fait parfois un peu trop démonstratif, genre « t’as vu les images que je peux amener sur l’écran », Boorman se montre brillant caméra au poing, et son sens de la mise en scène éclipse souvent l’histoire et ses acteurs.


Lee Marvin est Walker (pas de prénom, on sait pas si c’est son nom ou un surnom). Petit délinquant branché par un pote sur un gros coup, braquer une transaction de dope pour récupérer le pognon. Mais tout dérape. Il devait pas y avoir de violence, mais le pote allume (« neutralise » comme dirait Gégé Darmanin) deux types. Ensuite du pognon, y’en a moins que prévu. Et pour couronner le tout, le « copain » tire sur Walker, le laisse pour mort, et se casse avec le pognon et la fiancée de Walker. La meuf, Walker qui n’a rien d’un romantique, s’en fout un peu beaucoup. Par contre, son obsession sera de se venger et de récupérer quatre vingt treize mille dollars, sa part du butin.

Le braquage s’est passé dans la cour de la prison d’Alcatraz. Alcatraz (The Rock dans la langue de Dos Passos), est un mythe de la culture policière américaine. Sur ce caillou de la baie de San Francisco, a été construit et mis en service au début des années 30 un centre pénitentiaire d’où l’on ne s’évadait pas (certains ont essayé, mais les eaux glaciales de la Baie ont fait qu’ils n’ont jamais atteint la terre ferme), et qui recevait les prisonniers les plus « compliqués » (grands mafieux, serial killers, ce genre). La prison sera désaffectée en 1963, et les bâtiments laissés à l’abandon. « Point Blank » sera le premier film qui y sera (en partie) tourné avant que Clint Eastwood s’en évade et que Sean Connery y reprenne (sans le dire évidemment) son rôle de James Bond (« Rock » avec Nicolas Cage et Ed Harris). A noter que pour « Point Blank », la MGM a beaucoup communiqué, invitant des équipes de télé sur le tournage, et organisant une séance de shooting de mode pour les deux rôles féminins principaux (Dickinson et l’oubliée Sharon Acker) qui dans le film ne mettent pas les pieds sur l’île (Dickinson) ou n'y ont qu’une courte scène (Acker).

Bon, revenons à Walker-Marvin. Laissé pour mort dans une cellule, il regagne San Francisco à la nage, et quelques mois plus tard, on le retrouve sur la trace de son ex (et donc de son pote ripou) à Los Angeles. Il trouve d’abord la femme (Sharon Acker) qui se suicide illico aux barbituriques, et avec l’aide d’un mystérieux indic toujours là au bon moment, se lance à la recherche du pognon et de son ex-pote. Il sera aussi aidé par sa belle-sœur (Angie Dickinson) et s’apercevra vite que son pote n’était qu’un sous-fifre d’une vaste bande de voyous (certains en col blanc), l’Organisation. Méthodiquement, Walker remontera sa hiérarchie, entassant derrière lui les cadavres et toujours dans l’espoir que quelqu’un va lui refiler son pactole. L’épilogue, avec le chef suprême de l’Organisation, aura lieu lui aussi dans la cour de la prison d’Alcatraz.

Angie Dickinson & Lee Marvin

Walker, qui n’est pas vraiment un « bon », est confronté à une galerie de personnages plus retors ou violents les uns que les autres (gros bras, snipers, …, sans compter le triumvirat hiérarchisé des chefs), peine à se laisser séduire par Angie Dickinson (faut le faire, en plus elle est vraiment de son côté), mais est toujours prêt à l’affrontement violent. Le film est concis, ramassé (moins d’une heure et demie), on a parfois du mal à suivre, il y a quelques incohérences (plus les types sont haut placés dans l’Organisation, moins ils sont gardés et protégés, par contre son ancien pote est constamment entouré par une bonne demi-douzaine de gardes du corps – flingueurs).

« Point Blank », au final, c’est quelque part entre la série B et le classique. Lee Marvin (c’était le but du jeu) crève l’écran, et tant son personnage que le film se révèlent être cousins de « Get Carter » (avec le toujours excellent Michael Caine), de quasiment toute la filmo de Bronson, et de quelques-uns de celle de Clint Eastwood.


JEAN-FRANCOIS RICHET - MESRINE L'INSTINCT DE MORT (2008)

 

Ascenseur pour l'échafaud ...

Bon, il a pas fini sur l’échafaud, Mesrine (puisque « L’instinct de mort » est le premier d’un diptyque de films biographiques qui lui sont consacrés), mais il aurait pu, pour peu que les cowboys du commissaire Broussard aient tenté de l’arrêter au lieu de le cribler de balles Porte de Clignancourt. Mais c’est une autre histoire et un autre débat … un autre jour peut-être, si j’en viens à causer de « L’ennemi public n°1 » la suite (et fin) de « L’instinct de mort ».

Cassel, Richet & Cécile de France

Quand « L’instinct de mort » est mis en chantier vers la fin de la première décennie des années 2000, il y a presque trente ans que Mesrine est mort, et que ses (mé)faits font figure de babioles face à des pervers serial killers (les Heaulme, Fourniret, Louis, …), ou les futurs djihadistes à kalach … Il n’empêche que surtout durant les 70’s, le Jacquot Mesrine à défrayé la chronique, et pas qu’une fois … Roi du braquage, de l’évasion, de la com, mettant en scène sa propre histoire et légende …

L’histoire de Mesrine transposée sur grand écran, c’est l’affaire de deux hommes (quoique, on y reviendra), Jean-François Richet et Vincent Cassel. Le premier est un banlieusard militant, le self made man venu des cités, le second est un fils de ... venu des beaux quartiers et qui se la surjoue rebelle (sa fascination moultes fois étalée pour le gangsta-rap et les délinquants d’une façon générale). Alors quand le premier est venu trouver le second pour lui proposer le rôle de Mesrine, pensez si le fils de Jean-Pierre Cassel a été d’accord. L’occasion de jouer un dur autrement plus consistant et célèbre que le Vince de « La haine ». Et on sent le metteur en scène et l’acteur principal fascinés par le truand le plus célèbre de son époque. Et Cassel va y aller à fond, dans une performance digne de l’Actor’s Studio genre De Niro dans « Raging Bull ». Cassel prendra au long du tournage une vingtaine de kilos pour suivre les transformations physiques de son personnage.

Le scénario pour tourner un biopic de Mesrine, c’est pas mission impossible pour l’écrire. La documentation ne manque pas, que ce soit l’autobiographie de Mesrine (« L’instinct de mort »), et tous les entretiens qu’il a donnés à la presse dans les 70’s. Richet choisit la chronologie (sauf pendant le générique de début, qui en split screen, nous montre l’embuscade finale en 1979), procédant par bonds dans le temps, des incrustations sur l'image situant la date et le pays.

Depardieu, Cassel & Lellouche

Toute sa vie, Mesrine a été un solitaire, mais qui cherchait la compagnie, des femmes, mais aussi ponctuellement ou pour quelques mois d’autres truands avec lesquels il sévissait, au hasard de rencontres, notamment en prison où il a passé pas mal de temps. On commence donc avec la violence des tortures et des assassinats lors de la guerre d’Algérie où il était bidasse, avant la démobilisation et le retour chez papa-maman. La maison familiale est juste un point d’ancrage, car un de ses vieux copains (joué par Gilles Lellouche, son personnage est quasiment le seul inventé pour les besoins du film), le met en relation et l’intègre aux hommes de main et à tout-faire d’un caïd de la mafia parisienne membre de l’OAS, Guido. Ce dernier est joué par un Depardieu pour une fois tout en retenue, alors que son personnage pourrait donner lieu au jeu outré et expressif dont il est coutumier. Depardieu, Lellouche, les parents Mesrine (Michel Duchaussoy et Myriam Boyer), ses premières maîtresses, sa première femme, sa compagne braqueuse (Cécile de France à contre-emploi, brune en cuir et darkshades), ne sont là que pour quelques scènes. Cassel, lui, est quasiment toujours à l’image. Certainement le rôle de sa vie, sa fascination pour la truandaille (comme avant lui Melville et Delon) trouve un exutoire en la personne de l’exubérant Mesrine.

Cassel, que j’apprécie pas particulièrement, joue juste, rendant bien la faconde et la démesure violente et égomaniaque du personnage. Mesrine n’était pas le Robin des Bois moderne que certains ont cru (ou voulaient) voir en lui (et lui-même a toujours démenti cette image d’Epinal). Mesrine prenait du fric aux riches (les grosses entreprises, les banques, les casinos, les milliardaires qu’il kidnappait, …), mais ne le refilait pas aux pauvres, il le claquait en babioles pour ses femmes et/ou maîtresses, flambait (et perdait gros) aux tables de poker, et finançait son quotidien (vivre caché entouré d’un luxe de précautions quand toute la flicaille de France essaye de te serrer coûte cher).

Il y a quand même un problème avec « L’instinct de mort ». Pour moi, il s’appelle Richet. Le gars (qui a pourtant réussi comme d’autres expatriés européens avec de gros budgets aux States) assure tout juste. Le making-of du film est révélateur. Le metteur en scène, c’est Cassel, qui suggère, propose (ou plutôt impose), remanie parfois le script, place les caméras, les autres acteurs. Problème, Cassel n’est pas un réalisateur, et Richet, on l’aperçoit tout juste assis dans un coin, observant et écoutant son acteur principal diriger le tournage. Encore plus flagrant quand Depardieu et Cassel ont des scènes ensemble, Richet disparaît totalement de la circulation, attendant que les deux aient arrangé les scènes … Richet filme sobrement, et parfois trop sobrement. Son montage est très académique. Et quand il s’essaye à une « fantaisie » (dont il semble très fier), un effet tournoyant de caméra quand Cassel-Mesrine est enfermé au cachot dans un QHS de prison canadienne, ça dénote totalement avec le reste des prises de vue. Problématiques aussi, les scènes de gunfights. Outre une paire de ralentis accélérés sur les balles de revolver à la « Matrix » dispensables, il manque cruellement de rythme. On est loin des gunfights de Michael Mann dans « Heat » ou de la folie furieuse de Ridley Scott dans « La chute du Faucon Noir ». Flagrant notamment lors de l’attaque par Mesrine et son complice québécois de la prison où ils ont été enfermés et où ils reviennent après s’être évadés pour libérer les autres détenus. Plus gros foirage à mon sens, le face à face de Mesrine et son pote avec les gardes-chasse canadiens, qui manque singulièrement de tension, alors que c’est la dernière scène du film.

M. et Mme Mesrine

Il me semble que Richet a été dépassé par l’enjeu (et le budget conséquent de 45 millions pour le diptyque). Il a eu les moyens (tournage en France, en Espagne, au Canada, et même à Monument Valley alors que Mesrine n’a jamais foutu les pieds en Utah, il a été arrêté avant d’y arriver en Arizona). A son crédit, il a bien rendu la violence (souvent générée par lui-même) dans laquelle baignait Mesrine.

Conclusion, « L’instinct de mort » est un bon film, quand même en dessous de ce qu’aurait pu donner la démesure du personnage hors norme (quoi qu’on pense de lui) dont il raconte les premiers faits d’armes. Le second volet (« L’ennemi public n° 1 ») c’est encore plus un one-man show de Cassel … après, verre à moitié vide ou à moitié plein, chacun est libre de choisir son camp …


OTTO PREMINGER - AUTOPSIE D'UN MEURTRE (1959)


« Les dessous chics …

C’est ne rien dévoiler du tout, se dire que lorsqu’on est à bout, c’est tabou » (premier couplet de « Les dessous chics », paroles et musiques Serge Gainsbourg, sur l’album « Babe alone in Babylone » de Jane Birkin). Bon, la chanson de l’habitant de la rue de Verneuil n’avait rien à voir avec « Autopsie d’un meurtre », mais elle aurait pu …

Parce que les dessous chics de Laura Manion, lorsqu’ils vont apparaître dans le prétoire de la salle d’audience, vont avoir un rôle déterminant pour l’issue du procès.

On rembobine …

Otto Preminger

Un type à l’apparence cool, arrive de la pêche au volant d’un cabriolet un peu cabossé dans un petit bled. C’est Paul Biegler (joué par le toujours au minimum excellent James Stewart, et ici il est grandiose), ancien procureur, maintenant avocat sans conviction et sans clients. Il est célibataire, et son truc, c’est donc la pêche à la ligne (son frigo est rempli, mais vraiment rempli, de truites), jouer du piano, et boire quelques verres en compagnie de son vieux pote McCarthy (Arthur O’Connell, star des seconds rôles), avocat comme lui et n’ayant pas traité la moindre affaire depuis une éternité, ce dont il se console en étant bourré du matin au soir. Pour mettre un peu d’ordre dans le frigo, materner les deux potes alcoolisés et j’menfoutistes, et accessoirement répondre au téléphone du bureau si par hasard il venait à sonner, Maida Rutledge (Eve Arden, elle aussi des dizaines de seconds rôles à son actif).

Et justement, ce jour-là, il a sonné le téléphone. Une femme appelait l’avocat. Rendez-vous est pris immédiatement. Et là se pointe une jeune bimbo allumeuse et aguicheuse, qui trouble et met mal à l’aise Biegler. Elle a une affaire à lui proposer. Elle s’appelle Laura Banion, elle a été tabassée et violée à la sortie d’un bar, et quand son mari militaire s’en est rendu compte, il est allé vider son chargeur sur le quidam, il se retrouve forcément en taule, et de toute évidence au moins pour un bail, sinon la chaise électrique (même au pays de la NRA, faire justice soi-même est plutôt mal vu par les tribunaux). Laura Banion (Lee Remick dans ce qui est sans doute son meilleur rôle, toute en électricité sensuelle) veut que Biegler défende son mari, gagne le procès et le fasse sortir de taule, rien que ça … Comme son dernier client vient de quitter la ville en oubliant de le payer, Biegler accepte l’affaire bien qu’il la considère comme perdue d’avance.

Stewart & Remick

Les rencontres avec le mari embastillé (Ben Gazzara dans un de ses premiers rôles) ne laissent pas présager d’une excellente collaboration. Le bidasse est plutôt soupe au lait, et faut pas compter qu’il fasse profil bas. Quant à sa femme, comme si de rien n’était, elle continue d’aguicher tous les mâles dans les clubs. Biegler s’en aperçoit alors qu’il est allé taper le bœuf avec le pianiste de l’orchestre (Duke Ellington, à l’écran pour une courte scène, mais surtout compositeur de la B.O.). Mais enfin, avec l’aide de son staff (son vieux pote et sa secrétaire), Biegler va tenter le coup.

A ce moment-là, on en est à un peu moins d’une heure de film. L’heure et demie qui suit va se passer quasi exclusivement dans la salle de tribunal. Biegler devra démontrer le viol, perpétré par le gérant du bar (dont le serveur et une énigmatique gérante ne sont à priori pas là pour l’aider), et plaider le crime passionnel sous l’emprise d’une démence passagère (« impulsion irrésistible » ils disent dans le film) pour obtenir la non-culpabilité de son client. Tout en étant face à un vieux juge à qui on ne la fait pas, et à l’accusation, représentée par le procureur qui lui a succédé, assisté d’un jeune avocat déjà très renommé (un des premiers rôles de George C Scott, qui une dizaine d’années plus tard défraiera la chronique du tout-Hollywood en refusant l’Oscar qui lui a été décerné pour son rôle dans « Patton »).

« Autopsie d’un meurtre » est tiré d’un best-seller du même nom sorti l’année d’avant. Son auteur, sous le pseudo Robert Traver, est John D. Voelker, avocat passionné de pêche, et le bouquin est inspiré d’une affaire qu’il a réellement plaidée.  Etrange boucle …

Scott, le juge & Gazzara

Derrière la caméra, un atypique, Otto Preminger. Le gars a commencé comme acteur et metteur en scène de théâtre en Autriche, a fui la montée du nazisme (il considère que la mentalité viennoise en est le terreau intellectuel et idéologique), a commencé comme « employé » de Darryl Zanuck à la Fox, avant d’envoyer bouler les majors et de devenir le propre producteur de ses films. Si les thématiques de son œuvre apparaissent aujourd’hui banales, à leur sortie ses films ont divisé et souvent choqué le milieu du cinéma, « L’homme au bras d’or » sur la drogue, « Bonjour tristesse » adaptation du premier roman jugé scandaleux de Françoise Sagan, « Carmen Jones », relecture du Carmen de Bizet avec des acteurs Noirs, « Sainte Jeanne », sur la résurrection de Jeanne d’Arc, … Preminger est un directeur d’acteurs … euh, on dira très dur, sa technique de l’image est parfaite (référence majeure de Tavernier), c’est un dandy toujours tiré à quatre épingles, ne se déparant que très rarement du costard-cravate, et grand amateur d’art et de culture française (le type a plusieurs Picasso).

« Autopsie … » est un film rigoureux. Les sujets qui y sont abordés, le viol, le meurtre, la psychologie et la démence étaient jusque là bannis au cinéma (le fameux code réactionnaire Hayes), ou au mieux traités de la façon la plus elliptique possible. Dans « Autopsie … », on parle de spermatogenèse, d’acte sexuel accompli, de culottes déchirées, dans des scènes où les arguments sont développés. Preminger s’est entouré de médecins, de psychiatres, pour présenter à l’écran des discussions et interrogatoires scientifiquement crédibles. Un soin encore supérieur a été accordé à la partie purement judicaire (le procureur est un vrai juriste et le juge un vrai juge de l’Etat du Michigan, où se déroule l’action et où a été tourné le film).

Stewart, Ellington & Remick

Preminger n’ayant pas vraiment la réputation d’un joyeux boute-en-train, on pourrait s’attendre à quelque chose d’hyper pointu, hyper technique, hyper sérieux dans les thèmes abordés et le jeu des acteurs tant la trame du scénario n’incite pas à la franche rigolade. Bon, on n’est pas chez les Tuche, mais ces deux heures et demie, sans être légères, offrent des respirations bienvenues, et nombre de scènes et de situations drôles (Lee Remick est too much en allumeuse sexy, et son clébard boit de la bière avant de s’endormir), même au tribunal (le savant jeu de positionnement de Scott qui veut empêcher Gazzara et Stewart d’échanger des regards, et la désopilante gymnastique de ce dernier qui en découle).

Une fois qu’on est rodé au difficile ballet de la procédure judicaire américaine (comment, vous avez jamais vu « 12 hommes en colère » ?), on se passionne pour l’intrigue, qui est, comme le chef-d’œuvre de Lumet, un polar à l’envers, parce que l’on reconstitue l’affaire par les témoins et les propos des avocats, et petit à petit, on déroule l’écheveau de la tragique soirée. Bizarrement, et c’est assez surprenant parce qu’on n’en était pas à dix minutes près, le film fait l’impasse sur les plaidoiries de Biegler et de la partie civile, ce qui nous prive de ce qui aurait sans nul douté été un grand numéro de Stewart.

Stewart qui au titre d’acteur sera une des sept nominations du film pour les Oscars. Le film n’en obtiendra aucun, surprenant au vu de sa qualité, pas tant que ça si on repositionne ses thématiques dans la fin des années 50 américaines, trop de sujets jusque là tabous étant abordés de façon frontale. Je sais pas si dans la vénérable académie, il existe une catégorie dédiée au générique, en tout cas mention particulière à celui de « Autopsie … », signé comme souvent chez Preminger par Saul Bass, animation basée sur la déstructuration tant des formes que du lettrage, le tout accompagné par un thème de Duke Ellington.

Novateur voire avant-gardiste par ses thématiques lors de sa sortie, « Autopsie d’un meurtre » est aujourd’hui à juste titre considéré comme un immense classique …


JONATHAN DEMME - LE SILENCE DES AGNEAUX (1991)

 

Deux en un ...

Jonathan Demme avait tout pour être un réalisateur de seconde zone. Quasiment vingt ans passés derrière la caméra, une dizaine de films, au mieux sympathiques. Et puis au début des années 90, alors que pas grand monde aurait mis une piécette sur lui, il va sortir deux incontournables. En 93, le quelque peu surestimé « Philadelphia », mélo larmoyant avec le SIDA et ses conséquences comme thème. Et avant, en 91, le film dont au sujet duquel je vais causer, « Le silence des agneaux ».

Demme, Foster & Hopkins - Oscars 1992

« Le silence … » est un polar, ou un thriller psychologique, s’il faut lui coller une étiquette. En fait, « Le silence … » est beaucoup plus que ça. Comptablement, une affaire qui tourne, très gros succès commercial et critique. Et en 92, le film rafle les cinq Oscars les plus convoités (meilleur film, acteur, actrice, scénario et mise en scène). Sans qu’on puisse de quelque façon crier au scandale (c’est pas toujours le cas), même s’il y avait en lice pour ce millésime des choses pas vraiment mauvaises, genre « Thelma et Louise » ou le second « Terminator ». Remporter le colifichet devant Ridley Scott et James Cameron, Demme avait même pas dû en rêver lorsqu’il mettait « Le silence … » en chantier. Faut dire qu’il avait de la matière au niveau du scénario, copie parfaite rendue par Ted Tally (son seul vrai fait de gloire), d’après une série de bouquins de Thomas Harris, centrés sur le personnage (fictif) d’Hannibal Lecter, éminent psychiatre et serial killer cannibale.

Le film se resserre sur l’histoire qui est narrée. On n’a jamais droit, et c’est assez rare pour être souligné, à l’exposition familiale des héros. Pas de petit ami qui a des états d’âme, pas de parents larmoyants ou qui justifient les actes de leur progéniture. Les trois personnages principaux sont des solitaires, tout repose sur leur interaction dans les faits et leur déroulement, pas de digression … Clarice Starling a-t-elle un mec (ou une nana) ? Hannibal Lecter était-il battu par sa mère ? Buffalo Bill a-t-il été marié et a-t-il des gosses dépressifs ? On n’en sait rien et c’est tant mieux, les deux heures du « Silence … » racontent une histoire et pas ses à-côtés …

Et pour le même prix, on a deux thrillers pour le prix d’un … la confrontation Starling – Lecter et la traque de Buffalo Bill, Lecter étant le point d’articulation des deux histoires.

Clarice de l'autre côté du miroir ...

Jodie Foster (Clarice Starling) est la plus cotée du casting. A même pas trente ans, elle a déjà vingt ans de métier, un second rôle très remarqué dans « Taxi driver », et un Oscar pour l’oublié « Les accusés ». Anthony Hopkins est un type connu dans le monde des acteurs (surtout au théâtre), beaucoup moins du grand public. Son interprétation du terrifique Hannibal Lecter en fera une star du grand écran. Ted Levine (Buffalo Bill), Scott Glenn (le supérieur de Starling), ou Anthony Heald (le toubib responsable de l’hôpital-prison où est enfermé Lecter), n’auront pas cette chance, ils resteront à peu près confinés au seconds rôles …

Ce qui impressionne dans « Le silence … », c’est la limpidité des histoires racontées. Alors que l’analyse, la psychanalyse et la psychiatrie en sont le moteur, c’est accessible pour le blaireau lambda comme moi (ceux qui ont essayé de suivre les arcanes des « héros » de Night Shyamalan après « Sixième sens » savent de quoi je parle …). Clarice Starling, diplômée en psychologie et criminologie, est une stagiaire du FBI qui ne ménage pas sa peine (Jodie Foster n’est pas doublée dans la scène d’introduction, l’entraînement dans la forêt) et attire l’attention de son supérieur qui lui confie une mission-bizutage : aller essayer d’obtenir d’Hannibal Lecter des indices qui pourraient mener sur la piste de Buffalo Bill, sérial killer qui enlève, tue et dépèce des jeunes femmes bien en chair. Sauf que Lecter a envoyé sur les roses et ridiculisé tous les spécialistes qui ont essayé d’établir un dialogue avec lui …

La jeune stagiaire est une proie facile pour l’intelligence supérieure de Lecter. Il n’a pas besoin de la déstabiliser, elle est dans ses petits souliers lors de la première rencontre. Lecter va jouer avec elle, se servir de son « innocence », lui donner quelques indices sous forme de jeu de pistes pour trouver Buffalo Bill (il fut un de ses patients qu’il a identifié grâce à son « mode opératoire »), avoir toujours un ou plusieurs coups d’avance psychologiques avec un but : s’évader … ce qu’il réussira d’une façon aussi spectaculaire et angoissante (pour le spectateur) que morbide … Et Clarice, grâce aux indices de Lecter, va traquer seule le psychopathe, pendant que ses collègues du FBI sont sur une fausse piste …

David Lee Roth ? Non, Buffalo Bill ...

Starling, comme tous les héros sympathiques, est courageuse par défaut, donc une trouillarde refoulée. Forcément mal à l’aise devant l’esprit très supérieur de Lecter, elle n’en mène pas large lorsqu’elle doit affronter dans l’obscurité un Buffalo Bill équipé de lunettes infrarouges. Ce sont ses faiblesses et la somme de ses peurs qui en font une héroïne populaire dans le bon sens  du terme. Hopkins est magistral dans le rôle de Lecter, une des plus grandes interprétations de serial killer portées à l’écran. Il domine tout ceux qui lui sont confrontés (la rencontre de Lecter, sanglé et muselé, des dizaines de flics arme au poing autour de lui, sur le tarmac d’un aéroport avec une sénatrice, mère de la dernière fille kidnappée par Buffalo Bill, résume assez bien le personnage). Il s’amuse avec Clarice, proie trop facile pour lui, (elle essaye de le piéger en lui promettant une amélioration de ses conditions de détention, il lui fait raconter son enfance, fille d’un flic descendu par un petit braqueur et ensuite élevée chez un oncle à la campagne, qui explique ses angoisses récurrentes et le titre du film). Ajoutez quelques répliques culte (« j’ai dégusté son foie avec des fèves au beurre et un excellent chianti », « j’ai un vieil ami pour le dîner ») et pas étonnant que Hannibal Lecter se soit retrouvé au centre de suites ou de préquels de son personnage (loin cependant d’égaler la qualité du « Silence … »).

Même Jonathan Demme qu’on n’attendait pas à un tel niveau se surpasse, jouant à la perfection avec les nerfs des spectateurs, insistant sur la fausse piste du cocon de papillon trouvé dans la gorge des victimes (qui donne lieu à la seule scène légère dans le labo de deux entomologistes) et réussissant un génial montage alterné sur des troupes du FBI s’apprêtant à lancer un assaut contre la supposée maison de Buffalo Bill, pendant que celui-ci effectue un numéro de danse transsexuelle. Les robocops du FBI sonnent à la porte, Buffalo Bill va ouvrir, et là, surprise garantie …

On a rarement l’occasion de voir un film où pas une scène n’est de trop, dans lequel toutes les pièces du puzzle mis en place s’imbriquent de façon parfaite … j’envie ceux qui le visionnent pour la première fois …