Il y a une anecdote fameuse sur
le film qui résume bien le résultat final. Brainstorming entre Hawks et les
scénaristes (dont William Faulkner, futur Prix Nobel de littérature, ce qui
prouve qu’il savait écrire, et on peut supposer qu’il savait aussi lire) sur un
personnage secondaire. Que devient-il dans l’histoire, il a disparu du
scénario ? Est-il mort (et si oui qui l’a tué), s’est-il suicidé (et si
oui pourquoi). Toute la bande sèche et en désespoir de cause, décide de
téléphoner à Raymond Chandler, l’auteur du roman éponyme adapté. Qui après
moultes hésitations et réponses invraisemblables, finit par avouer qu’il en
sait foutre rien de ce qu’est devenu ce type, il l’a « oublié » dans
le roman, au profit d’autres développements et intrigues …
Bacall, Bogard, ?, & Hawks
Autrement dit, si vous avez
tout compris à « Mulholland Drive » ou si le « Le faucon
maltais » (avec Bogart dans le rôle principal) n’a aucun secret pour vous,
tentez de suivre les intrigues de « The big sleep » (« Le grand
sommeil » en V.O.). Bon courage …
La première demi-heure, ça va,
on y arrive. Le quart d’heure suivant, on se gratte l’occiput en se demandant
mais ‘tain qui sont ces gens, qu’est-ce qu’ils foutent, et quel est le rapport avec
l’histoire initiale ? Au bout de trois-quarts d’heure (peu ou prou à la
moitié du film), on lâche l’affaire, on compte les morts, les clopes fumées par
Bogart, les pelles roulées à Bacall, en attendant que « The end »
s’affiche à l’écran …
Il n’empêche, « Le grand
sommeil » est un film qu’on peut voir et revoir. Parce qu’il y a un rythme
effréné, un feu d’artifices de répliques, plein de vamps qui allument Bogart,
et plein de petits et de grands truands qui veulent l’occire. Parce qu’il
réunit le couple à la ville Bogart-Bacall, et parce qu’il y a Howard Hawks à la
mise en scène.
Hawks, c’est le man next door,
le type à qui tu foutrais pas un coup de pompe quand tu le vois et l’entends et
qui a signé des chefs-d’œuvre d’un éclectisme qui laisse pantois (des polars,
des comédies avec Cary Grant un de ses acteurs fétiches, des films noirs, des
westerns, …).
Parenthèse : il y a une
édition Dvd du « Grand sommeil » dite collector, avec un Dvd de bonus
comprenant quasiment une heure d’interview de Hawks en 1973 où il revient sur
ses films, les acteurs qui l’ont accompagné, sa méthode de travail. Et une
biographie d’une heure et demie de Bogart par Lauren Bacall (et quelques autres
qui l’ont bien connu) tout à fait passionnante. Et comme personne a rien compris
au film et se débarrasse du Dvd, cette édition est facile à trouver pour le
prix d’une bière pression, et vaut largement l’acquisition …
Hawks, c’est la théorie du
remplissage maximum. Pas de temps morts, toujours du mouvement, de l’action,
des dialogues à vitesse supersonique, de l’humour, de la romance, et la
recherche perpétuelle de l’attitude ou de la réplique qui vont marquer la scène.
Et plus que tout, c’est lui qui le dit, l’indépendance (il n’a jamais été sous
contrat avec une major, il n’en a toujours fait qu’à sa tête, ce qui explique
son éclectisme, mais aussi le fait que « Le grand sommeil » ait été
amputé de plusieurs scènes et personnages, un couple homo, une histoire de
photos porno, le tout semble t-il disparu à jamais, autant d’éléments supprimés
qui faciliteraient – ou pas – la compréhension de l’ensemble ).
Pour « Le grand
sommeil », il a son histoire (le bouquin de Chandler, l’adaptation de son
pote Faulkner (et de deux autres co-scénaristes), et sa star, Humphrey Bogart.
Qui n’était pas son premier choix, mais surtout pas un mauvais choix. Bogey est
le détective Philip Marlowe, chargé d’une affaire par un vieux général
invalide, qui veut faire cesser un chantage sur sa fille cadette, une allumeuse
décérébrée. Marlowe s’occupera de cette affaire, mais aussi d’autres qui
concernent la sœur aînée, jouée par Lauren Bacall.
Bogart – Bacall, c’est un des
couples (à la ville et à la scène, ils se marieront trois ans plus tard) les
plus mythiques du cinéma. Lui, costaud, le regard noir, clope au bec et verre à
la main, qui s’éternise pas en discussions, balance une mandale ou sort un
flingue. Elle, vingt cinq ans de moins, longiligne au regard de velours et aux
répliques cinglantes. Cherchez une image de Bacall sur le web, vous obtiendrez
tout en haut de la liste celle où elle est avec son ensemble pied-de-poule noir
et blanc, tirée du « Grand sommeil ». En fait, si ce couple est
devenu mythique, c’est pas parce qu’ils ont beaucoup tourné ensemble (seulement
quatre films, « Le port de l’angoisse », « Le grand
sommeil », « Key Largo » et l’oubliable « Les passagers de
la nuit »), c’est plutôt à cause de l’alchimie qui se mettait en place
devant la caméra, surtout comme ici où ils jouent des personnages totalement
dissemblables. C’est cette opposition contrastée qui donne toute sa saveur au
film, et Bogart, souvent monolithique dans ses rôles, n’est vraiment excellent
que dans ces situations (comme avec Ingrid Bergmann dans
« Casablanca » ou Katherine Hepburn dans « African
Queen »).
Devinez qui va mourir à la fin de la scène et pourquoi ...
Hawks, en gentleman, ne dit pas
s’il connaissait leur liaison préalable, mais a surtout choisi Bacall parce
qu’elle était sous contrat exclusif avec lui (s’il ne voulait signer avec
personne, il ne rechignait pas à proposer des contrats que l’on peut supposer
léonins aux jeunes acteurs et actrices qu’il repérait). Le reste du casting
importe peu, et on voit dans le jeu des seconds rôles toutes les lacunes d’un
scénario auquel ils n’ont rien compris (celui qui est au centre de la scène y
va à fond, c’est son moment de gloire, les autres ont l’impression de se
demander ce qu’ils foutent là).
« Le grand sommeil »
(personne ayant participé à cette aventure n’est capable de dire ce que
signifie le titre par rapport à ce que l’on voit à l’écran) tout
incompréhensible qu’il soit, accumule tous les éléments (le détective, la femme
fatale, le fric, les truands, les affaires familiales, les intrigues
compliquées, les rebondissements, …) qui définissent le film noir.
C’est pour cela qu’il a une
belle réputation. Justifiée par la mise en scène de Hawks, et le beau numéro d’acteurs
de Bogart et Bacall. Pour le reste, l’intrigue palpitante qu’on se plaît à
suivre, vaut mieux aller voir ailleurs …
« L’homme de la
plaine » (« The man from Laramie » en V.O.), c’est le cinquième
et dernier film de la collaboration Anthony Mann / James Stewart. Qui ensemble
ou séparément, n’ont plus rien à prouver. Et qui « pèsent »
suffisamment pour ne pas avoir à faire la moindre compromission. C’est
peut-être le cœur du problème. Mann et Stewart sont devenus de vrais potes, une
amitié que leurs succès communs semblaient avoir cimentée.
Stewart & Mann
Mais pour ce film, leurs
« visions » vont sinon s’affronter, du moins être parfois
contradictoires. Mann veut en foutre plein les mirettes du spectateur. La
Columbia lui assure Technicolor et Cinémascope. Visuellement, parce que Mann
sait tenir une caméra, le résultat sera grandiose. Une bonne moitié du film est
tournée en extérieurs, et les paysages du Nouveau Mexique offriront un décor
magnifique. Mann, comme tous les « amuseurs » du cinéma, a envie de
« sérieux ». L’intrigue fournie par le scénariste Philip Yordan
(est-elle de lui, rien n’est moins sûr, on est en plein Maccarthysme et Yordan
a la réputation de faire siens des scénarios écrits par des blacklistés, un
genre de gagnant-gagnant - surtout pour lui) fait entrevoir à Mann qu’on peut en
faire une version western du « Roi Lear », classique du drame
shakespearien. Cette vision shakespearienne est basée sur les dissensions qui
vont aller crescendo dans la famille Waggoman sur fond de succession du
patriarche, famille qui fait la pluie et le beau temps dans une petite bourgade
(Coronado, imaginaire, alors que Laramie, existe bel et bien, au Sud du
Wyoming) paumée aux limites du territoire apache.
Les chariots de feu ?
Face à Mann et ses envies de
« grande » tragédie en Scope, Stewart. Qui examine méticuleusement
tout ce qui le concerne dans le film. Il ne veut pas faire et dire n’importe
quoi. Il affirme de plus en plus ses penchants républicains, et ne veut pas que
les valeurs des personnages qu’il interprète soient contraires aux siennes. Et
ce d’autant plus que dans le film, son personnage, Will Lockhart, est un
capitaine de l’armée (on ne le saura qu’à la fin, et de manière fugace, au
hasard d’une réplique plutôt anodine). Or Stewart a servi dans l’armée pendant
la Seconde Guerre Mondiale. Ses valeurs morales d’ancien militaire et de
Républicain entraîneront des ratiocinations interminables avec Mann pendant le
tournage et ils finiront sinon par se brouiller, du moins par distendre les
liens d’amitié qui les unissaient.
« L’homme de la
plaine » est un western, considéré comme majeur, de cette période (le
milieu des années 50), où ce genre typiquement américain est à son apogée (les
studios en sortent une dizaine par an, la moitié des films qui paraissent sont des
westerns. « L’homme de la plaine » est aussi un polar. Lockhart s’est
« défroqué », se faisant passer pour un patron convoyeur, afin de
trouver et les causes et les responsables du massacre aux environs de Coronado
d’une patrouille de soldats, dont on apprendra au cours du film que son jeune
frère faisait partie.
Baston en vue ...
Un western, un polar, une
revisitation du Roi Lear, quelques caprices de diva de sa star, un gros budget
permettant au casting quelques personnages secondaires auxquels on ne comprend
rien (voir plus bas), c’était peut-être un chantier trop compliqué à gérer et à
mener à terme en à peine plus d’une heure et demie.
L’aspect visuel irréprochable
du film n’arrive pas à cacher les lacunes et carences d’un scénario mal foutu.
Incohérences et points d’interrogation se multiplient. Qui est le vieux
compagnon de Lockhart, qui reste dans le coin quand ça commence à mal tourner,
qui réapparaît quasi miraculeusement porteur de précieuses infos, et disparaît
totalement dans la seconde partie du film ? Quel est l’intérêt dans
l’histoire de l’épicière nièce du patriarche Waggoman, de cette romance qui
semble s’installer entre elle et Lockhart, flirt qui s’estompe pour disparaitre
sans qu’on sache pourquoi ? A quoi sert le commis indien de l’épicerie,
ses regards suspicieux sur Lockhart, sa présence lors de la tentative
d’assassinat, et que devient-il ? Idem pour le poivrot qui croise souvent
la route de Lockhart avant d’essayer de le tuer, et d’être retrouvé mort, sans
qu’on sache vraiment qui avait commandité l’assassinat (le fils, le
régisseur ?) et qui l’a dessoudé …
L’histoire est labyrinthique. On
sait, je dirais presque par définition, que le gentil c’est Lockhart. Même si
ses motivations restent floues. Veut-il juste savoir pourquoi son jeune frère
est mort et à cause de qui ou de quoi, ou vient-il pour se venger ? On pourrait
pencher pour la seconde version, sauf que « L’homme de la plaine »
est le seul film avec Mann où Stewart ne tue personne. Des gentils, on en
trouve une paire d’autres. La nièce épicière Waggoman, même si son personnage
apporte très peu au scénario. Et la vieille rivale et ex-fiancée du patriarche
dont la contribution sera de soigner les éclopés du scénario.
Crisp & Stewart
Côté méchants, on en a trois de
principaux (faut zapper l’Indien et le poivrot qui veut poignarder Lockhart,
dont les personnages sont deux points d’interrogation, voir plus haut). Le
patriarche Alec Waggoman (belle prestation du vétéran Donald Crisp, des
dizaines de seconds rôles à son actif), son fils, brutasse dégénérée au point
qu’il laisse perplexe son paternel sur la façon d’organiser la succession, et
le régisseur du domaine, qui voyant ce foutoir familial, espère tirer profit de
la situation et les marrons du feu. Le seul intérêt de l’intrigue étant de révéler
que le plus terrible des trois n’est pas celui que l’on croit au départ.
Et si Stewart ne tue finalement
personne (« il n’est pas acteur des meurtres, il en est le catalyseur »
dixit Bertrand Tavernier), « L’homme de la plaine » est le film le
plus violent de sa collaboration avec Mann. Même si elle n’est pas toujours
montrée plein cadre, la violence, à la limite du sadisme, est partout présente.
La première rencontre entre Lockhart et le fils brutal Waggoman verra ce
dernier foutre le feu aux chariots de Lockhart, le traîner attaché à un cheval,
et dézinguer les mules du convoi … pas mal pour une première approche. Après
une bagarre homérique et bestiale en ville (ça finit en corps en corps au milieu
des chevaux), la troisième rencontre verra Lockhart maintenu par les hommes de
Waggoman se faire tirer une balle dans la main à bout portant (hors champ, ce
qui nécessite du jeu d’acteur, plutôt qu’un effet spécial sanguinolent, et
comptez sur Stewart pour rendre à l’écran la douleur).
En résumé, l’immense James
Stewart peut-il à lui seul sauver une histoire bancale ? Le Scope en
technicolor de Mann peut-il faire oublier un scénario mal ficelé ? La
réponse est oui dans les deux cas (« L’homme de la plaine » est
considéré comme un grand classique de la grande époque du western).
Mais perso, je préfère nettement
« Winchester 73 » et « L’appât » (je dirai rien sur « Les
affameurs » que je crois bien ne jamais avoir vu, ni sur « Je suis un
aventurier » pas vu non plus et qui n’a pas bonne presse), même si beaucoup
auraient bouffé les varices de leur grand-mère pour être au casting d’un film de
Mann avec Stewart …
Ou film
culte, comme on veut … Ou les deux … Ou pourrait aussi dire film de
blaxploitation, sauf que le héros n’est pas Black et qu’il gagne pas à la fin.
En tout cas « The King of New York » est avec son successeur « Bad
Lieutenant » ce que Ferrara a fait de mieux.
Abel Ferrara 1990
Ferrara est
un cas social hors du commun. Très marqué, pour pas dire traumatisé par
l’éducation religieuse (comme Almodovar ou Scorsese), il va s’en éloigner le
plus possible dans ses films (le premier sous pseudo est un porno), sans pour
autant en renier les fondamentaux symboliques (péché-expiation-rédemption,
cette sorte de choses). Les films de Ferrara sont là pour faire flipper le catho
de base. Dans « The King of New York » le héros est un ex-taulard,
dealer de coke qui assassine de sang-froid concurrents et flics dans une
surenchère cataclysmique.
Les histoires
de truands qui construisent un empire et finissent par crever de leur orgueil,
c’est pas ça qui manque, du « Little Caesar » de Mervyn LeRoy, au
« Scarface » de De Palma. Sauf que c’est pas ce genre de films que
cite Ferrara pour son inspiration. Il a « vu » son film en sortant
d’une projection de … « Terminator ». Même si c’est dit en termes
diplomatiques, il pense que si pareille couillonade cartonne (l’obsession
d’atteindre son but en dégommant tout ce qui s’y oppose), il peut faire aussi
bien, voire mieux. Sauf qu’avec son pote depuis le lycée, le scénariste
Nicholas St-John, il sont pas vraiment dans le trip post-apocalyptique de
Cameron (ou de George Miller). Leur monde, c’est le New York contemporain. Pas
le New York de Broadway et de Wall Street, le New York des quartiers glauques
(le Bronx), des trafiquants en tout genres, et avec son ascendance italienne,
celui du « milieu ».
Christopher Walken
Le Terminator
de Ferrara sera Blanc (à double titre, il s’appelle Jack White, inutile de
faire une disgression pour la symbolique catho liée au blanc), vient de
s’endurcir en zonzon, et entend dès sa sortie devenir le roi de la dope sur la
ville. Jack White, c’est Christopher Walken, qui deviendra après ce film un des
acteurs fétiches de Ferrara. Plus ou moins dans le trip Brando quand Ferrara le
rencontre (empâté, manteaux de fourrure, et jamais loin d’une quille de vin
rouge), Walken va perdre vingt kilos avant le tournage pour jouer cette brute
émaciée au regard fou et glaçant. Si Ferrara a son premier rôle, il a pas le
fric pour tourner, les circuits de financement « classiques »
américains lui ayant tous répondu quand il les a sollicités par un niet aussi
poli que ferme et définitif. Ce sont ses connexions italo-américaines qui le
mettront en relation avec des Italiens qui aligneront les lires pour que le
film se fasse.
Et donc une
fois considéré que Walken sera la star du générique, faut compléter avec des
seconds couteaux. Et force est de reconnaître que l’Abel a eu le nez plutôt
creux. Des seconds rôles seront notamment tenus par Wesley Snipes, Laurence
Fishburne, et ont droit à quelques scènes Steve Buscemi ou Harold Perrineau. Bon
y’a aussi eu des ratés, qui se souvient et a vu ailleurs Janet Julian (Jennifer,
l’avocate et maîtresse de White), répondez pas tous en même temps.
Weley Snipes
Le scénario
est ultra basique, ascension et chute d’un caïd de la drogue. Et Ferrara a beau
jeu de dire que rien n’est crédible dans son film, les choses ne se passent pas
comme ça dans la réalité (les « parrains » ne règlent pas leurs
comptes eux-mêmes, ne participent pas aux gunfights punitifs, et un réseau
mafieux ne s’écroule pas et ne se contrôle pas avec trois rafales de pistolet
mitrailleur).
Ce qui compte
pour Ferrara, c’est montrer « sa » ville, New York. Sous son prisme à
lui. Walken est à peu près en roue libre, esquisse même quelques pas de danse
(sa marotte dès qu’il peut glisser quelques entrechats dans ses films, il
aurait préféré être danseur professionnel plutôt qu’acteur), tout le monde en
fait des tonnes. N’empêche qu’il y a bel et bien dans « The King … »
une « patte » Ferrara. L’art de susciter la tension avant les montées
de violence froide (la scène aves Snipes et Buscemi venus conclure un deal avec
les Hispanos, le règlement de comptes chez les mafieux ritals, …). L’envie de
donner du spectacle (la baston lors de la party-partouze chez White, la course
poursuite à la « Bullit » dans les grandes artères newyorkaises, …).
La mise en scène d’une esthétique froide (tout ce bleu métallique qui domine dans
la gamme chromatique), mais avec des partis-pris visuels forts (les très gros
plans sur les visages lors des discussions). Et pourtant Ferrara n’a quasiment
pas touché à la caméra. Il « visualisait » les scènes, donnait les
ordres aux acteurs et à son caméraman, et partait surveiller tout ça dans le
studio vidéo. D’où il ne s’extirpait pas souvent, montant, assemblant,
sonorisant quasiment à la volée. D’où une séquence qui a marqué les
participants au film, lors de la fête organisée le dernier jour de tournage,
des écrans télé diffusaient quasiment dans sa version définitive « The
King of New York » dont les dernières prises avaient eu lieu quelques
heures auparavant.
Laurence Fishburne
Ferrara n’oublie
pas de développer son postulat Bien / Mal. White est totalement amoral, sans
aucune pitié ni scrupule (l’assassinat du flic lors de l’enterrement), veut
devenir le King d’un monde où règnent luxure et dope. Et en même temps il patronne
une soirée de bienfaisance pour récolter des fonds en vue de construire un hôpital
pour les enfants. Séquence qui donne l’occasion d’une chanson par le second
couteau soul Freddie Jackson. Alors que la bande-son est quasiment
exclusivement composée de titres rap ou hip hop (Ferrara est très pote avec le
rappeur Schooly D, omniprésent sur la B.O. et dont les connexions avec les
bandes des quartiers mal famés où a été tourné le film ont permis à toute l’équipe
d’évoluer sans encombre). De ce point de vue, Ferrara innove. Premier Blanc à
donner une telle place au rap dans la bande-son, « The King of New York »
est sorti moins d’un an après « Do the right thing » (Spike Lee /
Public Enemy) et un an avant « Boyz in the hood » (John Singleton / Ice
Cube).
Alors il faut voir « The King
of New York ». Au moins parce que les dernières scènes (un Walken blessé
à mort marchant tel un zombie dans les rues de « sa » ville avant d’aller
agoniser à l’arrière d’un taxi cerné par les gyrophares des voitures de police
et les flics qui le traquent), doivent rassembler toutes les chapelles de
cinéphiles …
Le Dvd que j’ai fait partie
d’une collection Warner « L’âge d’or du cinéma américain – Les grands
classiques du film noir ». J’ai aucune idée des autres titres (vu le
lettrage sur la tranche et le numéro de celui-ci – 12 – il doit y en avoir une
quinzaine sous cet intitulé) mais en ce qui concerne « Quand la ville
dort » je valide tout à fait le titre ronflant de la série. C’est un film
à voir et revoir, on ne s’en lasse pas.
A priori, rien de
révolutionnaire dans « Quand la ville dort ». L’histoire d’un casse
qui tourne mal. Et au cœur de l’histoire, une poignée de petits malfrats dans
une petit bled du Midwest jamais nommé pendant la prohibition (Angelica Huston,
dans une courte présentation du film de son père, situe l’action en 1929).
John Huston & Marilyn Monroe
A la réalisation, John Huston
donc. Pas vraiment un débutant, et pas un manchot derrière une caméra, en plus
d’être scénariste, producteur, et de se lancer à partir des années 50 dans une
carrière d’acteur. Quand il s’attelle à « Quand la ville dort »
(« The asphalt jungle » en V.O., pour une fois un titre qui claque,
que ce soit en français ou en anglais), il a remporté deux ans plus tôt une
statuette pour un film monumental, « Le trésor de la Sierra Madre »,
et il avait commencé sa carrière de réalisateur avec « Le faucon
maltais », classique de chez classique, malgré une intrigue aussi claire
que celle de « Mulholland Drive » du regretté David Lynch.
« Quand la ville dort » est tiré
d’une nouvelle de l’écrivain W.R. Burnett et grave dans le marbre les codes du
film noir, comme « Little Caesar » du même Burnett avait
« inventé » par son adaptation au cinéma le film de gangsters.
« Quand la ville dort », c’est l’histoire d’une bande de petites
frappes, avec cinquante nuances de loose. Tout se passe la nuit, sauf la scène
finale. Le pitch est simple, un prétendu as du braquage « Doc »
Riedenschneider (un immigré allemand ou autrichien, voir ou plutôt écouter son
accent teuton en VO) sort de cabane et tente illico de monter « le
coup » de sa vie (le braquage d’une bijouterie) grâce à des infos
recueillies auprès d’un autre taulard. Il se rend chez Cobby, le gérant d’un
tripot clandestin spécialisé dans les paris sur les canassons pour lui
expliquer ses besoins en logistique et en personnel. Une fine équipe locale est
recrutée (un chauffeur barman et bossu, une brute locale qui fera le ménage si
besoin, un as du perçage de coffres), et l’avocat Emmerich (Louis Calhern),
patron de fait du tripot, s’occupera du recel et de la vente du butin. Entre
« imprévus » pendant le casse (une alarme qui se déclenche dans un
immeuble voisin et va faire se rappliquer tous les flics du bled, et un vigile
qui anticipe l’heure de sa ronde) et l’avocat véreux, forcément véreux, qui va
essayer de doubler tout le monde, l’aventure se terminera mal et le plus
souvent très mal pour tous les protagonistes de l’affaire. Des films avec ce
genre de scénario, il doit en sortir trois douzaines par mois, aussitôt vus,
aussitôt oubliés. Sauf qu’avec « Quand la ville dort », on a une
œuvre majeure.
Jaffe, Hagen & Hayden
Dans le film noir, y’a toujours
une ou des nanas qui entraînent les héros vers leur perte. Ici, il y en a deux.
La première c’est la cocotte entretenue par Emmerich, jouée par la quasi
débutante devant les caméras, une certaine Marilyn Monroe (Angela). Ecervelée pas
méchante pour deux sous, mais d’une frivolité emplie de rêves qui coûtent cher
(un voyage sentimental à Cuba, en ces temps-là villégiature de vacances des
riches américains), elle provoquera l’irréparable chez Emmerich. Monroe n’est
présente que pour deux scènes, la première vêtue d’un ensemble écossais informe
à gros carreaux mais qui laisse apercevoir quand elle fait demi-tour une
silhouette callipyge promise à un bel avenir. Dans la seconde scène elle
minaude en longue robe bustier et laisse apercevoir son nucléaire potentiel
érotique. L’autre femme « tragique », c’est une jeunette qui se
trémousse sur du jazz endiablé craché par un juke-box, tout Playtex en avant
devant le Doc qui ne peut s’arracher à ce spectacle, a même remis une pièce
dans la machine, et les trois minutes que durent le titre lui seront fatales. Dans
le casting, il y a aussi deux autres femmes. May, l’épouse d’Emmerich (malade ?
infirme ?) toujours alitée, qui malgré son état de dépendance physique,
garde une emprise sur son mari, démontrant que derrière le vieux beau
affairiste et malhonnête, il n’y a qu’une lopette sans caractère. Doll (Jean Hagen),
qui semble davantage tirer ses revenus de son corps que d’un travail « honnête »,
en pince pour Dix (grandiose Sterling Hayden), voit bien qu’il file un mauvais
coton, et fera tout pour l’aider à s’en sortir.
Calhern & Monroe
Ce sont les hommes (ceux qui n’agissent
que la nuit, quand la ville dort) et leurs interactions qui sont le cœur de l’intrigue.
Huston prend du temps (indispensable, pour nous préparer à la tragédie
inéluctable qui les guide) pour nous les présenter. Un peu comme dans « Seven »,
il nous les décrit avec en filigrane leurs péchés capitaux. Le Doc (Sam Jaffe, grand
pote à Huston), c’est le besoin de luxure. Il suffit de le voir feuilleter d’un
œil gourmand, un calendrier de pinups, pour comprendre que ce besoin de chair
jeune et fraîche va être un sacré grain de sable dans sa trajectoire. Dix, c’est
le jeu. Il est redevable à Cobby (et donc Emmerich) d’un gros paquet de dollars
parce qu’il est fou de courses hippiques sur lesquelles il joue gros. Il
avouera à Doll que son rêve c’est de revenir plein aux as au pays (le Kentucky)
pour racheter la ferme de son paternel éleveur de chevaux. Un rêve qu’il
exaucera très fugacement (magnifique dernière scène, pour une fois en plein
jour, qui le verra s’effondrer au milieu de chevaux dans un enclos). Emmerich,
lui, est cupide. Il a installé Angela comme une princesse, a toujours besoin de
grosses sommes pour l’entretenir, se retrouve en faillite quand tout le monde
le croit très riche, et en vient donc à essayer de doubler les braqueurs qu’il « sponsorise ».
Cobby, c’est la lâcheté qui le perdra. Quand Dix lui demande un délai pour rembourser,
il s’écrase, et quand un flic, pourtant véreux et corrompu jusqu’à la moelle
lui file une paire de baffes, il se met à chialer comme un gosse et balance les
braqueurs. Effet domino, tomberont avec lui le chauffeur (un barman solitaire qui
préfère la compagnie des chats à celle des hommes), le perceur de coffres (rangé
des voitures, mais qui fait ce dernier coup pour pouvoir soigner son gosse
malade), Emmerich, Dix, le Doc, le flic ripou …
Ripoux contre ripoux ?
La présentation des personnages
pourrait paraître longue (le braquage intervient peu ou prou au milieu du film)
mais est essentielle pour comprendre la mécanique infernale guidée par leurs
pulsions qui va s’enclencher et les perdre. Chef-d’œuvre de mise en scène d’entrée,
la présentation de Dix. La pénombre, de grandes avenues miséreuses et désertes,
une voiture de police qui patrouille, et Dix qui se cache dans des encoignures
obscures, derrière des piliers pour ne pas se faire repérer. Sans la moindre
parole prononcée, on voit tout de suite à qui l’on va voir affaire. Cette nuit,
c’est le décor intangible du film. C’est le biotope des malfrats, alors que le
jour appartient aux honnêtes gens.
D’une certaine façon, « Quand
la ville dort » est un film moral. Les mal intentionnés finissent mal, la
loi et l’ordre peuvent triompher (voir le chef de la police qui plastronne
devant une meute de journalistes). « Quand la ville dort », j’en ai
causé au-dessus, est un film psychologique, qui dissèque ces mécaniques de l’âme
compliquées qui font dérailler les entreprises méticuleusement élaborées. Mais c’est
aussi (surtout) un vrai polar tragique, avec ses scènes pleines de suspens (les
braqueurs vont-ils s’en sortir quand les sirènes des alarmes mugissent ? comment
va se terminer le face-à-face à quatre entre Emmerich, son homme de main d’un
côté, Dix et le Doc de l’autre, et un sac plein de bijoux entre eux ? Doll
réussira t-elle à sauver Dix ? le Doc échappera t-il aux flics et atteindra-t-il
Cleveland ? …)
« Heat » est
un film comme on n’en a pas fait beaucoup et comme on n’en fera plus.
Quand il est
sorti (avant les fêtes de Noel 1995, carton commercial certifié), il réunissait
les deux plus grosses stars de l’époque, Pacino et DeNiro. Une première, même
si oui, je sais, ils avaient été à l’affiche sur « Le Parrain 2 » de
Coppola, mais l’un jouant le père de l’autre grâce à un montage tout en
flashbacks, ils n’avaient aucune scène en commun. Dans « Heat », ils
en ont une (enfin deux, avec la scène finale) au milieu du film, qui a fait
couler beaucoup d’encre et entretenu les supputations les plus folles, j’en
recauserai forcément plus bas.
Mann, Pacino & DeNiro
Mais ce n’est
pas ce tête-à-tête qui a le plus marqué les esprits. Il y a dans
« Heat » une scène de braquage suivie d’une fusillade (en tout douze
minutes) qui a scotché les spectateurs sur leurs fauteuils, fusillade à faire
passer celles de Peckinpah (dans « La horde sauvage » notamment) pour
un diner aux chandelles.
Et surtout,
parce que « Heat » est, entre autres, un film à grand spectacle,
absolument toutes les scènes sont tournées en extérieurs. Enfin, toutes sauf
une, pour des raisons visuelles. C’est la scène ou DeNiro et sa copine Eady
(Amy Brenneman) sont appuyés la nuit sur la rambarde d’une terrasse qui domine
Los Angeles. Mann explique (j’ai pas tout compris) que pour des histoires
techniques (profondeur de champ, focales, nombre d’images par seconde, …), les
acteurs avaient joué devant un rideau vert, l’immense étendue illuminée de la
ville avait été filmée du même endroit, les deux images étant ensuite
superposées au montage. Inimaginable aujourd’hui après l’affaire Alec Baldwin
que des acteurs se tirent dessus pendant dix jours (durée de la mise en boîte de
la scène de la fusillade) avec de vraies armes de guerre chargées à blanc, en
centre ville avec des dizaines de figurants et des centaines de badauds hors
champ. Inimaginable après le 11 Septembre de passer des nuits à filmer la scène
finale dans un aéroport (et pas n’importe lequel, le plus grand de L.A.), avec
des types qui jouent au chat et à la souris au milieu de vrais avions qui décollent
et atterrissent.
« Heat »
vient de loin. Du début des années 60 à Chicago. Où un flic, le chef de la
brigade criminelle de la ville, y traque le gangster number one.De tentatives ratées de flagrant délit, en
rencontre autour d’un café, où les deux se promettent un take no prisoners
s’ils se retrouvent face à face, jusqu’à un affrontement final à la sortie d’un
casse. Le truand a quarante neuf ans, dont vingt cinq passés en taule. Le flic
s’appelle Charlie Adamson, c’est devenu un pote à Michael Mann. Le truand
s’appelle Neil McCauley. Neil McCauley ? Ben oui, comme le personnage joué
par DeNiro dans le film.
Les voleurs
« Heat »
est quasiment un biopic, transposé dans le Los Angeles des années nonante. Je
devine la question du type qui suit, mais alors pourquoi le flic s’appelle
Vincent Hanna et pas Charlie Adamson ? Parce que son personnage dans
« Heat » est une compilation de trois flics qu’a côtoyés Michael
Mann. « Heat », pour Mann, c’est le film d’une vie. En pré-projet
depuis des années, il reste sa masterpiece, malgré une filmo où il n’y a pas
que de furieux navets (« Le sixième sens » « Le dernier des
Mohicans », « Collatéral », « Ali », « Miami
Vice », …). Dans « Heat », Mann produit, réalise et a écrit le
scénario, rien que ça … Et on parle pas de griffonner une histoire sur un coin
de nappe de restaurant, de sortir le chéquier, et de laisser deux stars en roue
libre jouer comme elles le sentent. La pré-production et les repérages (95
endroits ont été utilisés dans Los Angeles, certains sont quasiment devenus des
lieux de pèlerinage touristique comme le diner où a lieu la discussion
Pacino-DeNiro) ont pris des mois, Mann a passé des semaines avec le chef de la
police du LAPD (qui est présent dans une scène, c’est lui le réceptionniste de
l’hôtel où McCauley vient traquer Waingro à la fin), tout le casting a été
envoyé au contact de vrais taulards (notamment à San Quentin et Folsom, la pire
de toutes les prisons californiennes, c’est là que Mann a rencontré un dur de
dur, Eddy Bunker, devenu depuis écrivain et conférencier, et à l’origine du
personnage joué dans le film par John Voight), et entraîné au tir à balles réelles
par des instructeurs militaires (anecdote, le superviseur montrait aux bidasses
d’élite en formation le passage où en pleine baston, Val Kilmer recharge son
fusil mitrailleur, manière de montrer les bons gestes et la vitesse à
acquérir). Aussi fort, l’identification criminelle et les légistes sur la scène
du braquage du fourgon blindé sont de vrais flics spécialisés, l’infirmière aux
urgences quand la belle-fille de Hanna (la toute jeune Natalie Portman) a tenté
de se suicider est la vraie chef infirmière du service des urgences … Et la
plupart des personnages du film, s’ils n’appartiennent pas à l’histoire
initiale Adamson – McCauley sont issus de gens ayant réellement existé (les
personnages de Val Kilmer, Ashley Judd, Waingro, …). Encore plus fort (ou plus
fou), Mann pour les acteurs principaux (une bonne dizaine), a rédigé leur
biographie (d’où ils viennent, leur « palmarès », combien d’années de
taule, comment ils se sont connus, combien de mariages, de divorces, d’enfants,
etc …), ce qui sera en partie l’objet du bouquin « Heat 2 » qu’il
écrira, en même temps prequel et sequel (narrant par exemple ce qu’est devenu
Chris Shiherlis, le personnage joué par Val Kilmer) de l’histoire racontée dans
le film …
Willie Nelson ? Non, John Voight
Quand sur le
générique qui défile, on entend Moby,ce qui entre parenthèses est une partie
d’un choix musical pointu à l’époque, où le technoïde chauve vegan côtoie Brian
Eno, le Kronos Quartet, Lisa Gerrard, William Orbit…, (et parmi les petits
rôles, on a le punker hardcore Henri Rollins et le rappeur Tone-Loc…), on est
devant l’écran depuis deux heures cinquante. « Heat » est un
film-somme, et surtout pas un affrontement à réduire à celui de ses deux
acteurs principaux. Tous les seconds rôles ont leur histoire, et pas pour
meubler. « Heat » est affaire de détails. La somme de tous ces
détails, tous ces grains de sable qui à un moment viennent enrayer une
mécanique imparable (un surnom lâché par le dingue Waingro lors du premier
braquage sanglant permettra à Hanna de remonter la filière, un mouvement brusque
d’un flic en planque dans un fourgon fera avorter une opération de flagrant
délit, …).
« Heat »
fonctionne à tous les niveaux. On peut se contenter du basique, le polar
énergique où le gendarme course le voleur, si on veut aller plus loin mater le
jeu en parallèle des deux stars du générique, ou encore aller au tréfonds des
personnages secondaires. Avec un personnage principal non cité au générique, la
mégalopole de Los Angeles de tous les plans, surtout de nuit, avec des moyens
conséquents pour la filmer (trois hélicos).
Les gendarmes
L’histoire
de « Heat », c’est celle d’une bande de braqueurs
« expérimentés » multirécidivistes et multi-emprisonnés aussi. Leur
cerveau, c’est Neil McCauley, maniaque de l’organisation détaillée et qui a
construit sa vie de façon quasi philosophique par rapport à son métier. Il
habite un superbe appart, mais juste meublé avec le minimum vital, un lit, une
table, une paire de chaises, une cafetière, un frigo, parce qu’il a théorisé
son métier en fonction des risques qu’il prend (aucune relation affective, aucune
liaison féminine durable, et il se fait fort en trente secondes de tout lâcher
et fuir hors de portée des flics). Le seul pour qui il témoigne un peu
d’affection, est le plus jeune de la bande (excellement joué par Val Kilmer,
plus crédible là qu’en chanteur des Doors), dont il essaye tant bien que mal de
sauver le couple (Ashley Judd joue sa femme, ils ont un bambin) plus ou moins à
la dérive (ils s’engueulent souvent, elle a des amants). Manque de bol, un de
la bande se retrouve en fauteuil roulant au moment de faire un gros coup (le
braquage de titres au porteur dans un convoi de fonds), et un fêlé impulsif
(Waingro) est recruté au pied-levé. Le nouvel arrivant de la bande ne va rien
trouver de mieux que de buter sans raison un convoyeur, entraînant un carnage
(deux autres morts). Ce sont ces trois macchabées qui vont faire que le chef de
la brigade criminelle, l’inspecteur Vincent Hanna va se retrouver sur
l’affaire. Dès lors, il va tout mettre en œuvre pour retrouver la bande de
braqueurs et la mettre hors d’état de nuire, aidé malgré eux par le
narcotrafiquant à qui on a piqué les titres au porteur et le taré suprématiste
Waingro (là, faut avoir l’œil, on l’aperçoit bedaine à l’air dans une chambre
d’hôtel, il a parmi de nombreux tatouages une croix gammée sur le nombril,
quand je vous disais que Mann est un maniaque …).
Waingro
« Heat »,
en plus de proposer une traque flic-délinquant classique, va se centrer sur les
personnalités du flic et du braqueur. Là où dans l’immense majorité des films
la vie personnelle des protagonistes ne sert qu’à remplir des bobines entre deux
scènes d’action, elle est ici le cœur de l’histoire. McCauley va tomber
amoureux d’une provinciale venue bosser dans une bibliothèque où il se rend
souvent, s’informant en permanence des dernières nouveautés en matière
d’explosifs, de métaux, etc … Dès lors, le solitaire va se retrouver
« attaché » et la rigueur de son raisonnement va s’en trouver
affecté. De son côté Hanna en est à son troisième mariage (sa femme aussi) et
il doit gérer sa belle-fille, une gamine à tendance dépressive, déboussolée par
le mode de vie du couple.
A première
vue, dans « Heat », DeNiro et Pacino, c’est le ying et le yang, l’un
est d’une austérité rigide, l’autre un excité impulsif fonctionnant à
l’instinct (l’interrogatoire des indics, l’extraordinaire scène quand rentrant
chez lui à pas d’heure il trouve l’amant de sa femme affalé sur le canapé et
matant « sa » télé). DeNiro est sobre comme rarement, ce qui en soi
est un exploit et Pacino crève par contraste l’écran. Ce n’est suggéré nulle
part dans le film, mais quand il a lu le script et « visionné » son
personnage, il est allé trouver Mann et lui a dit que Hanna serait le plus
souvent sous coke. En fait, McCauley et Hanna fonctionnent de la même façon,
avec un professionnalisme à toute épreuve et des principes stricts. Ce que l’on
voit lors de la fameuse scène où ils prennent un café ensemble. On a beaucoup
écrit sur cette scène. Invraisemblable, oui, mais elle a réellement eu lieu
dans l’histoire originelle à Chicago, à peu près dans les mêmes conditions et
les mêmes termes. Certains (qui n’ont pas compris grand-chose aux personnages)
ont même dit qu’elle avait été rajoutée in extremis, Mann voulant un dialogue
entre les deux stars, le premier de leur carrière face caméra. Ridicule, cette
scène est le cœur du film, explique ce qui précède et ce qui va suivre. Une
autre rumeur a été plus insistante et plus plausible. Durant tout le dialogue,
il y a deux caméras, une derrière chaque acteur, et on n’a que des champs –
contre-champs, beaucoup en ont déduit que pour des raisons mystérieuses, Pacino
et DeNiro n’avaient pas joué ensemble. Faux, il y avait une troisième caméra
qui les prenait ensemble de profil, mais au montage, Mann a décidé de ne pas
utiliser ces images. De nombreuses photos en témoignent, il y en avait plein le
mur du (vrai) restau où la scène a été tournée, les gens réservant la mythique
table des semaines à l’avance, et conséquence qu’ils ne prévoyaient pas,
passaient tout le repas à se faire photographier par les autres clients … A
noter que Mann, Pacino et DeNiro, d’un commun accord, ont décidé de ne pas
répéter la scène, l’essentiel de ce qui a été monté venant de la onzième prise
(selon les différents participants, treize, dix-huit ou dix-neuf prises
auraient été mises en boîte).
DeNiro & Kilmer
« Heat »
est sorti en 1995. Sacré millésime pour les polars, puisque sont sortis la même
« Usual suspects », « Casino » et « Seven ». Rien
que ça …
Je conseille
la version 2 Blu-ray du film, qui présente of course des heures de suppléments
bien utiles pour écrire cette chronique, avec notamment à l’occasion du
vingtième anniversaire de la sortie du film, une discussion réunissant Mann,
DeNiro et Pacino animée par Christopher Nolan. C’est pas la partie des bonus la
plus intéressante par les propos, mais avouez que c’est un sacré casting autour
de la table …
Une dernière
anecdote qui montre à quel point ce film est mythique et rentré dans la culture
populaire. Dans la villa sur immenses pilotis où se fait tabasser et laisser
pour mort par Waingro et les hommes de main du narcotrafiquant le chicano
chauffeur de la bande de braqueurs, McCauley-DeNiro retrouve son pote baignant
dans une mare de sang. La villa avait été mise en vente et louée pour tourner
la scène. Faut croire que les petites mains de l’équipe étaient moins
méticuleuses que Mann, quand les nouveaux propriétaires sont arrivés (l’agent
immobilier les ayant évidemment avertis qu’elle avait servi au tournage du
film, ce qui constituait un sacré argument commercial) ils ont retrouvé sur le
parquet la tache de faux sang très mal nettoyée. Cette tache est maintenant
planquée sous un tapis et conservée comme une relique …
« Le point de
non-retour » (« Point Blank » en V.O.) est le second film de
John Boorman. Avec derrière la MGM. Ce qui est quand même un assez remarquable
coup de bol. Parce que son premier film était plus ou moins une commande
publicitaire sur l’oublié groupe anglais du Dave Clark Five (rivaux des Beatles
pendant bien trois jours). Bon, les types de la MGM sont pas des misanthropes,
ça se saurait. Ils ont un script, un budget (pas colossal), et l’acteur
principal, Lee Marvin.
Boorman & Marvin
Lee Marvin est une
« gueule » du cinéma américain, roi des seconds rôles de méchants,
voire pire (la sadique défiguration au café bouillant dans « The big
heat »), avant la consécration, toujours dans un registre
« musclé » dans « Les douze salopards ». C’est sur le
tournage de ce dernier que lui et Boorman se rencontrent, et Marvin va aider
l’Anglais à peaufiner le scénario et à imposer Angie Dickinson comme premier
rôle féminin.
Comme souvent (toujours ?)
chez Boorman, le résultat est assez comment dire … décousu (picole ? drogues ?
les deux ?). Mais force est de reconnaître que le gars qui n’a même pas
trente cinq ans n’a pas froid aux yeux. Certains plans dénotent une originalité
certaine (une contre-plongée à travers une grille, bien joué), le montage est
vif, même si parfois brouillon (mais c’est fait exprès, témoin les deux
flashbacks entremêlés du début, on change d’histoire toutes les dix secondes). Meilleure
scène : une baston sauvage dans la pénombre des coulisses d’un club,
pendant que sur scène un groupe balance du heavy-psyché-soul (?).Boorman l’a
reconnu plus tard, il voulait filmer Lee Marvin à la manière d’un peintre
filmant son modèle, ce qui fait que l’histoire est parfois confuse (dans la
grande tradition des films noirs des années quarante et cinquante), et tous les
autres rôles sous-employés. Même si ça fait parfois un peu trop démonstratif,
genre « t’as vu les images que je peux amener sur l’écran », Boorman
se montre brillant caméra au poing, et son sens de la mise en scène éclipse
souvent l’histoire et ses acteurs.
Lee Marvin est Walker (pas de
prénom, on sait pas si c’est son nom ou un surnom). Petit délinquant branché par
un pote sur un gros coup, braquer une transaction de dope pour récupérer le
pognon. Mais tout dérape. Il devait pas y avoir de violence, mais le pote
allume (« neutralise » comme dirait Gégé Darmanin) deux types.
Ensuite du pognon, y’en a moins que prévu. Et pour couronner le tout, le
« copain » tire sur Walker, le laisse pour mort, et se casse avec le
pognon et la fiancée de Walker. La meuf, Walker qui n’a rien d’un romantique,
s’en fout un peu beaucoup. Par contre, son obsession sera de se venger et de
récupérer quatre vingt treize mille dollars, sa part du butin.
Le braquage s’est passé dans la
cour de la prison d’Alcatraz. Alcatraz (The Rock dans la langue de Dos Passos),
est un mythe de la culture policière américaine. Sur ce caillou de la baie de
San Francisco, a été construit et mis en service au début des années 30 un
centre pénitentiaire d’où l’on ne s’évadait pas (certains ont essayé, mais les
eaux glaciales de la Baie ont fait qu’ils n’ont jamais atteint la terre ferme),
et qui recevait les prisonniers les plus « compliqués » (grands
mafieux, serial killers, ce genre). La prison sera désaffectée en 1963, et les
bâtiments laissés à l’abandon. « Point Blank » sera le premier film
qui y sera (en partie) tourné avant que Clint Eastwood s’en évade et que Sean
Connery y reprenne (sans le dire évidemment) son rôle de James Bond
(« Rock » avec Nicolas Cage et Ed Harris). A noter que pour « Point
Blank », la MGM a beaucoup communiqué, invitant des équipes de télé sur le
tournage, et organisant une séance de shooting de mode pour les deux rôles
féminins principaux (Dickinson et l’oubliée Sharon Acker) qui dans le film ne
mettent pas les pieds sur l’île (Dickinson) ou n'y ont qu’une courte scène
(Acker).
Bon, revenons à Walker-Marvin.
Laissé pour mort dans une cellule, il regagne San Francisco à la nage, et
quelques mois plus tard, on le retrouve sur la trace de son ex (et donc de son
pote ripou) à Los Angeles. Il trouve d’abord la femme (Sharon Acker) qui se
suicide illico aux barbituriques, et avec l’aide d’un mystérieux indic toujours
là au bon moment, se lance à la recherche du pognon et de son ex-pote. Il sera
aussi aidé par sa belle-sœur (Angie Dickinson) et s’apercevra vite que son pote
n’était qu’un sous-fifre d’une vaste bande de voyous (certains en col blanc),
l’Organisation. Méthodiquement, Walker remontera sa hiérarchie, entassant
derrière lui les cadavres et toujours dans l’espoir que quelqu’un va lui
refiler son pactole. L’épilogue, avec le chef suprême de l’Organisation, aura
lieu lui aussi dans la cour de la prison d’Alcatraz.
Angie Dickinson & Lee Marvin
Walker, qui n’est pas vraiment
un « bon », est confronté à une galerie de personnages plus retors ou
violents les uns que les autres (gros bras, snipers, …, sans compter le
triumvirat hiérarchisé des chefs), peine à se laisser séduire par Angie
Dickinson (faut le faire, en plus elle est vraiment de son côté), mais est
toujours prêt à l’affrontement violent. Le film est concis, ramassé (moins
d’une heure et demie), on a parfois du mal à suivre, il y a quelques
incohérences (plus les types sont haut placés dans l’Organisation, moins ils
sont gardés et protégés, par contre son ancien pote est constamment entouré par
une bonne demi-douzaine de gardes du corps – flingueurs).
« Point Blank », au
final, c’est quelque part entre la série B et le classique. Lee Marvin (c’était
le but du jeu) crève l’écran, et tant son personnage que le film se révèlent
être cousins de « Get Carter » (avec le toujours excellent Michael
Caine), de quasiment toute la filmo de Bronson, et de quelques-uns de celle de
Clint Eastwood.
Bon, il a pas fini sur l’échafaud, Mesrine (puisque « L’instinct
de mort » est le premier d’un diptyque de films biographiques qui lui sont
consacrés), mais il aurait pu, pour peu que les cowboys du commissaire
Broussard aient tenté de l’arrêter au lieu de le cribler de balles Porte de
Clignancourt. Mais c’est une autre histoire et un autre débat … un autre jour
peut-être, si j’en viens à causer de « L’ennemi public n°1 » la suite
(et fin) de « L’instinct de mort ».
Cassel, Richet & Cécile de France
Quand « L’instinct de mort » est mis en
chantier vers la fin de la première décennie des années 2000, il y a presque
trente ans que Mesrine est mort, et que ses (mé)faits font figure de babioles
face à des pervers serial killers (les Heaulme, Fourniret, Louis, …), ou les
futurs djihadistes à kalach … Il n’empêche que surtout durant les 70’s, le
Jacquot Mesrine à défrayé la chronique, et pas qu’une fois … Roi du braquage,
de l’évasion, de la com, mettant en scène sa propre histoire et légende …
L’histoire de Mesrine transposée sur grand écran, c’est
l’affaire de deux hommes (quoique, on y reviendra), Jean-François Richet et
Vincent Cassel. Le premier est un banlieusard militant, le self made man venu
des cités, le second est un fils de ... venu des beaux quartiers et qui se la
surjoue rebelle (sa fascination moultes fois étalée pour le gangsta-rap et les
délinquants d’une façon générale). Alors quand le premier est venu trouver le
second pour lui proposer le rôle de Mesrine, pensez si le fils de Jean-Pierre
Cassel a été d’accord. L’occasion de jouer un dur autrement plus consistant et
célèbre que le Vince de « La haine ». Et on sent le metteur en
scène et l’acteur principal fascinés par le truand le plus célèbre de son
époque. Et Cassel va y aller à fond, dans une performance digne de l’Actor’s
Studio genre De Niro dans « Raging Bull ». Cassel prendra au long du
tournage une vingtaine de kilos pour suivre les transformations physiques de
son personnage.
Le scénario pour tourner un biopic de Mesrine, c’est
pas mission impossible pour l’écrire. La documentation ne manque pas, que ce
soit l’autobiographie de Mesrine (« L’instinct de mort »), et tous
les entretiens qu’il a donnés à la presse dans les 70’s. Richet choisit la
chronologie (sauf pendant le générique de début, qui en split screen, nous
montre l’embuscade finale en 1979), procédant par bonds dans le temps, des
incrustations sur l'image situant la date et le pays.
Depardieu, Cassel & Lellouche
Toute sa vie, Mesrine a été un solitaire, mais qui
cherchait la compagnie, des femmes, mais aussi ponctuellement ou pour quelques
mois d’autres truands avec lesquels il sévissait, au hasard de rencontres,
notamment en prison où il a passé pas mal de temps. On commence donc avec la
violence des tortures et des assassinats lors de la guerre d’Algérie où il était
bidasse, avant la démobilisation et le retour chez papa-maman. La maison
familiale est juste un point d’ancrage, car un de ses vieux copains (joué par
Gilles Lellouche, son personnage est quasiment le seul inventé pour les besoins
du film), le met en relation et l’intègre aux hommes de main et à tout-faire d’un
caïd de la mafia parisienne membre de l’OAS, Guido. Ce dernier est joué par un
Depardieu pour une fois tout en retenue, alors que son personnage pourrait donner
lieu au jeu outré et expressif dont il est coutumier. Depardieu, Lellouche, les
parents Mesrine (Michel Duchaussoy et Myriam Boyer), ses premières maîtresses, sa
première femme, sa compagne braqueuse (Cécile de France à contre-emploi, brune
en cuir et darkshades), ne sont là que pour quelques scènes. Cassel, lui, est
quasiment toujours à l’image. Certainement le rôle de sa vie, sa fascination
pour la truandaille (comme avant lui Melville et Delon) trouve un exutoire en
la personne de l’exubérant Mesrine.
Cassel, que j’apprécie pas particulièrement, joue
juste, rendant bien la faconde et la démesure violente et égomaniaque du
personnage. Mesrine n’était pas le Robin des Bois moderne que certains ont cru (ou
voulaient) voir en lui (et lui-même a toujours démenti cette image d’Epinal).
Mesrine prenait du fric aux riches (les grosses entreprises, les banques, les
casinos, les milliardaires qu’il kidnappait, …), mais ne le refilait pas aux
pauvres, il le claquait en babioles pour ses femmes et/ou maîtresses, flambait (et
perdait gros) aux tables de poker, et finançait son quotidien (vivre caché
entouré d’un luxe de précautions quand toute la flicaille de France essaye de
te serrer coûte cher).
Il y a quand même un problème avec « L’instinct
de mort ». Pour moi, il s’appelle Richet. Le gars (qui a pourtant réussi
comme d’autres expatriés européens avec de gros budgets aux States) assure tout
juste. Le making-of du film est révélateur. Le metteur en scène, c’est Cassel,
qui suggère, propose (ou plutôt impose), remanie parfois le script, place les
caméras, les autres acteurs. Problème, Cassel n’est pas un réalisateur, et
Richet, on l’aperçoit tout juste assis dans un coin, observant et écoutant son acteur
principal diriger le tournage. Encore plus flagrant quand Depardieu et Cassel
ont des scènes ensemble, Richet disparaît totalement de la circulation, attendant
que les deux aient arrangé les scènes … Richet filme sobrement, et parfois trop
sobrement. Son montage est très académique. Et quand il s’essaye à une « fantaisie »
(dont il semble très fier), un effet tournoyant de caméra quand Cassel-Mesrine
est enfermé au cachot dans un QHS de prison canadienne, ça dénote totalement
avec le reste des prises de vue. Problématiques aussi, les scènes de gunfights.
Outre une paire de ralentis accélérés sur les balles de revolver à la « Matrix »
dispensables, il manque cruellement de rythme. On est loin des gunfights de
Michael Mann dans « Heat » ou de la folie furieuse de Ridley Scott dans
« La chute du Faucon Noir ». Flagrant notamment lors de l’attaque par
Mesrine et son complice québécois de la prison où ils ont été enfermés et où
ils reviennent après s’être évadés pour libérer les autres détenus. Plus gros
foirage à mon sens, le face à face de Mesrine et son pote avec les gardes-chasse
canadiens, qui manque singulièrement de tension, alors que c’est la dernière
scène du film.
M. et Mme Mesrine
Il me semble que Richet a été dépassé par l’enjeu
(et le budget conséquent de 45 millions pour le diptyque). Il a eu les moyens
(tournage en France, en Espagne, au Canada, et même à Monument Valley alors que
Mesrine n’a jamais foutu les pieds en Utah, il a été arrêté avant d’y arriver en
Arizona). A son crédit, il a bien rendu la violence (souvent générée par lui-même)
dans laquelle baignait Mesrine.
Conclusion, « L’instinct de mort » est un
bon film, quand même en dessous de ce qu’aurait pu donner la démesure du
personnage hors norme (quoi qu’on pense de lui) dont il raconte les premiers
faits d’armes. Le second volet (« L’ennemi public n° 1 ») c’est
encore plus un one-man show de Cassel … après, verre à moitié vide ou à moitié
plein, chacun est libre de choisir son camp …