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WALT DISNEY - FANTASIA (1940)

 

The Walt Disney Experience ... 

« Fantasia » est un projet totalement fou de la société Walt Disney Productions. Une société partagée entre deux frères, Walt Disney pour la partie artistique et Roy pour le business et la compta. Cette société est exclusivement basée sur l’animation. En 1937, son premier long métrage, « Blanche Neige et les sept nains » a été un gros succès populaire. Et un film d’animation révolutionnaire par sa qualité d’image (Technicolor) et sa durée (une heure vingt).

Ce qui ne va pas empêcher Walt Disney de s’entêter sur les « Silly Symphonies » ces courts-métrages d’animation d’une poignée de minutes sur fond musical, qui ont permis l’émergence des personnages historiques de Disney, Pluto, Dingo, Donald, Mickey, … mais ne sont plus rentables et mettent en péril la situation financière de l’affaire familiale.

Walt & Roy Disney

Entre-temps, Walt Disney Productions est devenue une fourmilière de talents (tous les spécialistes de l’animation viennent se faire engager, avec dans le lot quelques bricoleurs-inventeurs azimutés dont les trouvailles vont stupéfier le petit monde de l’animation). Tout ceci fait que les frangins Disney, qui envisageaient une autonomie totale, doivent se rapprocher des grosses firmes de distribution, la RKO en l’occurrence.

En 1938, deux projets de long-métrage sont mis en chantier : « Pinocchio » et « Fantasia ». Le premier sortira début 1940, et bien qu’il soit depuis devenu un incontournable emblématique des studios Walt Disney, ne sera pas une réussite financière. « Fantasia », c’est autre chose, une sorte de délire qui devient réalité.

Walt Disney rêve d’un concept, calqué sur ses « Silly Symphonies », animer avec les dernières techniques disponibles des pièces majeures de la musique classique. Une rencontre plus ou moins due au hasard avec un chef d’orchestre star controversé, Leopold Stokowski (critiqué pour sa morgue et jalousé pour ses conquêtes féminines, dont Greta Garbo) fera avancer de façon décisive le projet. Il va falloir choisir, comment dire, des classiques du classique et mettre de l’animation haut de gamme derrière. Le personnel de Walt Disney Productions est sur le coup, et comme la réalisation prendra quasiment deux ans, des renforts de première bourre affluent encore.


Si tout semble paré côté images (un contrat exclusif pour l’utilisation du technicolor a été signé), c’est la partition musicale qui va poser problème. L’Orchestre de Philadelphie est réquisitionné sous la conduite de Stokowski. Qui ne fera pas qu’agiter les bras (il présente l’assez rare particularité de ne pas utiliser la fameuse baguette de chef d’orchestre), il va réarranger un certain nombre de titres, en supprimant des mouvements, voire en réécrivant certaines partitions qui n’étaient pas prévues pour un grand orchestre (la Toccata de Bach qui débute le film n’était écrite que pour l’orgue). Stokie, comme on le surnommait, va aussi jeter les oreilles sur la dernière trouvaille des studios Disney, un système de sonorisation novateur baptisé Fantasound, duquel découlera en ligne directe le Dolby Surround des décennies plus tard. Walt Disney envisage même de doubler la taille de l’écran (esprit d’Abel Gance, es-tu là ?), mais y renoncera au dernier moment et « Fantasia » sortira dans un classique 1,37 :1.

Ce dont pas grand-monde (personne ?) ne s’était rendu compte, c’est que « Fantasia » était un projet pharaonique, un peu trop pour les moyens techniques de l’époque (les dernières bobines, retournées nuit et jour pendant une semaine, arriveront au Broadway Theatre de New York où a lieu la première, quatre heures avant le début de la projection). Contre l’avis de son frangin, Walt Disney veut faire de « Fantasia » autre chose et beaucoup plus qu’un film. Pour lui, « Fantasia » est un évènement et ne sera pas visible dans un premier temps dans les cinémas jugés trop « populaires », sera juste mis sur pied une tournée de salles de théâtre.


Les premières réactions seront glaciales, les amateurs de musique classique n’ayant pas de mots assez durs pour qualifier les libertés sonores prises avec leurs œuvres chéries, et ne parlons même pas des caricatures animées grotesques qui étaient leur pendant visuel. Le grand-œuvre des studios Disney prenait des allures de naufrage, les huissiers préparaient leurs sommations. Quand on parle fric, on parle comptabilité. C’est le frangin Roy, au grand dam de Walt, qui va trouver la solution : un deal de distribution avec la RKO pour que le film soit présenté partout en salles. Avec juste un bémol : d’une durée initiale de deux heures dix, il sera ramené à une heure vingt. Autrement dit, un sacré charcutage. Quelques jours après sa sortie, « Fantasia » et peut-être même Disney Studios avec, semblent bon pour un enterrement first class.

C’est une petite souris qui va sauver l’affaire. Mickey de son nom. Personnage secondaire de l’univers Disney, maintes fois retouché les années précédentes, il est au centre du segment le plus accessible du film, celui consacré à « L’apprenti sorcier » de l’à peu près oublié Paul Dukas. La séquence des balais porteurs de seaux d’eau est devenue mythique dans le cinéma d’animation et le cinéma tout court. Et petit à petit, les autres séquences seront appréciées à leur juste valeur, à savoir des prouesses visuelles, techniques, humoristiques, poétiques. Les partitions musicales de « Fantasia » deviendront plus célèbres que celles d’origine quand elles ont été modifiées.

Le film ressortira un nombre impressionnant de fois, jusqu’à sa version définitive (?) restaurée de 2010. Chaque fois dans sa version originale de plus de deux heures (le générique de fin a maintenant disparu, mais a subsisté l’annonce de l’entracte au milieu du film). A noter que dans les années 60, un personnage « discriminant » pour ne pas dire aux relents racistes a disparu. Il s’agit d’une « centaurette » noire qui lustrait les sabots de ses copines (blanches) et déroulait le tapis rouge lors de l’arrivée de Bacchus pour le segment consacré à la « Symphonie pastorale » de Ludwig von Beethoven. Elle faisait quand même un peu beaucoup « mauvais genre » au moment des luttes de la communauté noire pour les droits civiques …


Il faut reconnaître que le projet « Fantasia » n’a rien de facile malgré un sentiment de premier degré lié à l’animation. La musique classique (la Grande Musique comme disent les trois pelés qui en écoutent) n’a jamais été un genre populaire, et les parties animées nécessitaient une certaine culture de base (sur l’art abstrait, la mythologie gréco-romaine, la danse classique, les théories de l’évolution des espèces, …) peu répandue dans les classes populaires qui remplissaient les salles obscures des années 40. Et de toutes façons, les classes populaires des années 40, avec les bruits de bottes et de canons qui arrivaient d’Europe avaient largement de quoi s’occuper l’esprit ailleurs.

« Fantasia » reste un projet unique. Les spécialistes qu’on peut entendre dans les différents bonus des dernières éditions Dvd ou Blu-ray estiment que « Fantasia » est resté d’un niveau inaccessible en termes d’animation jusqu’à l’arrivée de la conception assistée par ordinateur dans les années 90. Les savants fous de chez Disney ont fabriqué de toutes pièces (souvent avec trois bouts de bois ou de ficelle) les supports visuels (à base d’engrenages, de surfaces concaves ou convexes, de cylindres) et le matériel pour filmer tout ça (les caméras multiplanes avec plusieurs filtres superposés). Le résultat est souvent magique (les flocons de neige, les coulées de lave, la rosée sur la toile d’araignée, les spectres qui sortent du cimetière, …). « Fantasia » est généralement attribué à Walt Disney. Il a certes conçu et supervisé le projet mais n’a pas touché un crayon ou une caméra (tout juste est-il la voix de Mickey dans la V.O.). Une dizaine de réalisateurs (la plupart restés anonymes) ont tourné « Fantasia ».

Rien n’a été laissé au hasard. Des acteurs de Hollywood sont venus jouer des scènes devant les dessinateurs, un corps de ballet est venu danser sur la « Danse des heures » afin que puissent être reproduits leurs entrechats à l’écran par des autruches, des hippopotames, des éléphants et des alligators, sur ce qui qui est la séquence la plus drôle du film. Parmi les huit séquences musicales (dont les deux dernières « Une nuit sur le Mont Chauve » de Moussorgski et l’« Ave Maria » de Schubert ont été mixées ensemble), certaines ont servi de support à des animations qui ont même dépassé les imaginations de leurs créateurs. La doublette « Mont Chauve – Ave Maria » a inventé l’univers gothique en général et celui de Tim Burton en particulier. Le plus étonnant sera le sort réservé à l’animation abstraite qui ouvre le film sur la « Toccata … » de Bach. Il paraît que tous les freaks du flower power gobaient quelques acides avant d’aller voir « Fantasia » au ciné et se projetaient dans son univers psychédélique digne des soirées du Club UFO à Londres quand les jeunes Pink Floyd s’y produisaient …


Des personnages, anonymes au départ, se sont même vus « baptisés », comme le vieux magicien de « L’apprenti sorcier » qui deviendra Yen Sid (anagramme transparente, à cause d’une facétie des dessinateurs qui ont intégré à son personnage le jeu de sourcils de Walt Disney), le chef-danseur étoile des alligators (Ben Ali Gator), le démon du Mont Chauve Chernobog, sans compter les prénoms donnés aux couples de centaures, …

Des décennies plus tard, certaines choses ont mal traversé le temps. Le plus pénible, c’est le présentateur des séquences, un certain Deems Taylor (compositeur raté, et animateur d’une émission télé sur la musique classique), guindé, hautain, et qui explique genre professeur qui s’adresse à un public d’abrutis ce qui va suivre à l’écran.

Pour finir, une anecdote (assez connue) concernant Stravinski, seul musicien vivant à l’époque du film et dont le « Sacre du printemps » est utilisé. Invité par Walt Disney à venir voir son équipe travailler en studio, il n’a pas sur le moment tari d’éloges sur le travail accompli. Las, le temps passant, il a fini par ne pas avoir de mots assez durs pour qualifier l’insulte faite à son œuvre. L’éternelle querelle arts (prétendus) majeurs – arts (supposés) mineurs …

L’insuccès initial de « Fantasia » aurait pu être fatal pour les Disney Brothers et leur studio. Heureusement pour eux (et pour nous) les deux films suivants seront « Dumbo » et « Bambi », et les dollars vont affluer par millions.

Reste que « Fantasia » est le plus beau, le plus novateur, le plus fou de la centaine (série en cours) de productions sorties des studios Disney.

P.S. Il y a eu une « suite » décevante soixante ans plus tard (« Fantasia 2000 » of course), piètre copie sans imagination (et bien plus courte), à tel point qu’elle incluait en intégralité la fameuse séquence de « L’Apprenti sorcier » du « Fantasia » original …




LEE UNKRICH - TOY STORY 3

 

Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?

« Toy Story 3 » est un film qui était censé ne jamais voir le jour. Par rapport aux deux précédents, la boucle était bouclée. Le propriétaire des jouets, Andy, était censé grandir, et le temps passait, pas de troisième volet à l’horizon … Sauf que chez Pixar, lucrative entreprise du géant Disney, il a dû y avoir un comptable ou un banquier qui dise que finalement, donner une suite à la franchise, ça pourrait mettre encore plus de beurre dans les épinards au caviar du résultat de fin d’année.

Poubelle direct ?

Et donc tout le monde au boulot … pendant quatre ans. Pour trouver un fil conducteur, une histoire, et comment la mettre en images. Les personnages-jouets de base (ceux d’Andy) sont évidemment tous là, menés par les deux « stars » Woody et Buzz. Recréés de A à Z, avancée des images de synthèse oblige, car la franchise a toujours été à la pointe de la technologie en matière d’animation. Les expressions de visage, les mouvements, tout est fait pour supporter la résolution du Blu-ray (et de la 3D).

Le cœur de cible est toujours le même, les chères têtes blondes et les parents qui les accompagnent au cinéma. Ou ailleurs … parce que pour ce que l’on appelle en langage marketing « produits dérivés », la nébuleuse multinationale Disney-Pixar a fait fort. Au moment de la sortie de « Toy Story 3 », 35 millions de jouets de Buzz l’Eclair ont déjà été vendus, un espace Toy Story a été mis en place dans plusieurs Disneyland, de lucratifs contrats ont été signés avec de grandes marques de jouets (Fisher Price pour le téléphone, Mattel pour Ken et Barbie, …), les supports vidéo (Dvd, Blu-ray, B.O. avec le thème par Randy Newman et les Gipsy Kings sur le générique final, …). Après un an d’exploitation mondiale, « Toy Story 3 » est devenu de très loin le film d’animation le plus rentable de tous les temps …

Lotso & Big Baby

Mais toutes ces architectures financières, plans comptables et calculs de banquiers ne marchent pas si la matière première (le film) ne tient pas la route. « Toy Story 3 » n’est pas forcément le meilleur de la série, en tout cas il ne procure pas le choc initial du premier volet de la saga qui inventait le concept qu’il suffisait de dérouler. Les jouets parlent et agissent, et ça tous ceux qui ont été enfants un jour (certains sont nés vieux et cons, on ne peut rien pour eux) le savent.

Le dilemme qui se posait aux scénaristes était simple : soit on prend les mêmes (le gosse Andy et ses jouets) et on recommence une nouvelle aventure, soit on fait grandir Andy et on voit les conséquences pour les jouets. C’est cette seconde hypothèse de départ qui a été choisie (et avec toujours les voix d’origine, Tom Hanks, Tim Allen, Joan Cusack, … plus Michael Keaton entre autres pour les nouveaux personnages), Andy a son permis de conduire, et va rentrer en fac. Avant de quitter le cocon familial, un tri s’impose : poubelle, grenier, ou voiture. Ses jouets n’échappent pas au choix, avec des fortunes diverses. C’est le point de départ du film … enfin, après une intro, démonstration tour de force technique, dans lequel les jouets se la jouent à un rythme effréné en mode western, James Bond, et super-héros … Dans la majeure partie du film, ils seront tous réunis dans une garderie – école maternelle …

Ken version disco

Le monde de « Toy Story 3 », est plus oppressant (le camion-benne est un des « personnages » centraux du film, revient plusieurs fois, avant la déchetterie qui est au bout et le but de sa tournée), plus psychologique aussi (l’histoire de Lotso, l’ours en peluche, abandonné au bord d’une aire de pique-nique, et qui finit par régner de façon tyrannique à la Gandolfini-Corleone dans la garderie, est le grand moment « adulte » du film) …

Et puis il y a quelques clins d’œil dans des scènes (hommages ? parodies ? plagiats ? détournements ?), et on se transpose dans l’univers de « Evil Dead » (quand Lotso attrape la jambe de Woody et l’entraîne dans le container, selon l’aveu même du réalisateur), dans celui de « Alien 3 » et « Le Seigneur des anneaux » (le cheminement vers l’incinérateur), ou celui de Star Wars (le sauvetage de l’incinérateur ressemble beaucoup au sauvetage dans le concasseur dans « L’Empire contre-attaque »). La référence suprême restant « La Grande Evasion », sous-titre et accroche sur certaines affiches.

Lee Unkrich
Hormis l’intro, il y a d’autres moments d’anthologie (qui reviennent façon running-gag) : l’histoire d’amour entre Ken et Barbie (mention spéciale au défilé de mode de Ken sur « Le freak » de Chic) et un Buzz l’Eclair rebooté en mode hispanique – danseur de flamenco (de vrais danseurs professionnels de flamenco ont été filmés pendant des heures pour que les ordis puissent recréer les mouvements).

Le réalisateur de « Toy Story 3 » est Lee Unkrich, qui n’a cessé de monter dans l’organigramme de Pixar (monteur pour le 1, coréalisateur pour le 2). Bien évidemment, John Lasseter, le créateur de la série et rouage essentiel des studios Disney-Pixar a tout supervisé et est le producteur exécutif du film.

« Toy Story 3 » est à ranger pas très loin de la télé, pour agrémenter les longues soirées d’hiver et/ou de confinement …


STEVEN SPIELBERG & PETER JACKSON - LE SECRET DE LA LICORNE (2011)

 

Tout ça pour ça ?

Spielberg et Jackson qui font un film sur Tintin, c’est un truc qui parle aux Européens en général et aux francophones en particulier. Ses meilleurs résultats d’exploitation, c’est en France que le film les a faits. Pas un hasard …

A côté de P Jackson, Spielberg en train de filmer

« Le secret de la Licorne » est un film infaisable même en rêve pour au moins 99% des réalisateurs. Parce qu’il faut bénéficier du crédit illimité de ses banquiers pour se lancer dans pareil chantier. La preuve, Spielberg tout seul n’aurait pas pu le faire. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé.

Lorsque sort « Les aventuriers de l’Arche Perdue » (en l’an de grâce mitterrandien 1981, ce qui ne rajeunit personne), Spielberg se tient au courant personnellement de la réception de son film auprès de la critique internationale. Il tombe sur un article en français où le mot « Tintin » revient à plusieurs reprises, il ne connaît pas ce mot, il pense à un effet de style du journaleux, mais intrigué se fait traduire le texte. Et donc remonte l’écheveau … ce qui signifie pour le moins que Spielberg ne connaissait pas la BD (et que donc Tintin n’est pour rien dans le personnage d’Indiana Jones … contrairement à « L’homme de Rio » de Philippe de Broca dont Spielberg a reconnu l’influence). Spielberg lit les BD, visionne les quelques (mauvais) films et (tout aussi mauvais) dessins animés sortis sur Tintin, et se dit qu’il y a de quoi en faire une adaptation un peu mieux foutue …

Spielberg contacte Hergé qui lui donne (moyennant une encyclopédie de conditions) l’autorisation d’adapter son petit reporter au cinéma. Avant même que quoi que ce soit débute, Hergé a la malencontreuse idée de passer l’arme à gauche (en 1983). Les discussions pour une adaptation doivent reprendre avec sa veuve et ses ayant-droits … je vous laisse imaginer le nombre de réunions d’avocats … Et les années passent, mais Spielberg a toujours son projet de film sur Tintin en tête, malgré des imbroglios juridiques sur l’exploitation des droits (il les a obtenus, les a rétrocédés, les a obtenus à nouveau, à la grande joie des avocats qui s’enrichissent …). Dans le courant des années 2000, des rumeurs « officielles » font état d’une trilogie de films sur Tintin dont au moins le premier serait réalisé par Spielberg.

Quand t'es dans le désert ...

Scénario et préproduction se mettent en route, les millions de dollars commencent à s’envoler, sans que rien de concret ne soit envisagé. Vers la fin des années 2000 les choses se précisent. C’est « Le secret de la Licorne » qui sera adapté, avec des éléments scénaristiques piochant dans « Le crabe aux pinces d’or », dans le final du « Trésor de Rackham le Rouge », et des références et allusions picorées dans les autres BD de la série … Sauf que Universal qui devait financer, tape en touche, les idées de réalisation de Spielberg paraissant tout bonnement infaisables (en gros, il voulait transformer des acteurs en personnages de dessin animé). Spielberg perd un partenaire, il va en trouver deux. Un petit gros néo-zélandais du nom de Peter Jackson qui en ce début de siècle multiplie les records au box-office, les Oscars, et a créé une boîte d’effets spéciaux (WETA) considérée comme la meilleure du monde, va co-réaliser le film, et flairant la bonne affaire, la Paramount rapplique avec le chéquier … Spielberg a le scénario et filmera les acteurs, Jackson et son armée d’ordinateurs feront le reste …

Je ne sais même pas si les deux se sont rencontrés pendant le « tournage » et le « montage » (hormis pour des séances photos), on les voit dans les bonus communiquer à travers des écrans d’ordinateurs, s’envoyer des fichiers entre Los Angeles et Wellington. Le tournage durera trente et un jours dans un studio de la taille d’un terrain de basket. Le reste (effets spéciaux, animations, …) deux ans. John Williams rajoutera la musique (certainement pas son meilleur thème), et un étudiant en PAO (vu le résultat, je suppose) le générique (genre celui de la « Panthère Rose » en beaucoup plus mauvais, près de cinquante ans plus tard, fallait le faire …).

Spielberg filme les vrais acteurs en motion capture, recouverts d’une combinaison en plastoc, un masque troué sur le museau avec de la peinture verte dans les trous, une caméra fixée à leur harnachement en permanence trente centimètres devant le visage, le tout relié par câbles numériques à la console à joysticks portable de Spielberg. Parce que durant tout le tournage, ni Spielberg ni qui que soit sur le plateau n’a tenu une caméra …

Daniel Craig

Et les acteurs, dans tout ça, ils servent à quoi ? Ben ne subsistent dans le film que leurs mouvements et leurs expressions de visage, vu que quand ils jouent, c’est devant des armatures de décor et en utilisant des objets, le tout en fil de fer. Milou (enfin Snowy pour les anglo-saxons) est totalement virtuel, aucun clebs ou autre animal n’a été utilisé. Et le casting ? Jackson a amené son Gollum (Andy Serkis) qui est le Capitaine Haddock, l’oublié (depuis « Billy Elliott ») Jamie Bell sera Tintin, quelques nigauds de seconde zone les Thompson Twins (les Dupont en VF) et les autres personnages du film et de la BD … ah, au fait, ils ont oublié Tournesol, erreur assez funeste quand on veut adapter Tintin au cinéma. Pourtant, tous les intervenants (Spielberg, Jackson, jusqu’au type chargé d’éteindre la lumière à la fin de la journée) se déclarent fans absolus de Tintin. Le seul qui est peu loquace, et qui donne l’impression de s’emmerder ferme qu’il tourne ou apparaisse dans les bonus, c’est la seule star du casting, Daniel Craig (dans le rôle de Sakharine, personnage très secondaire de la BD, mais méchant principal du film).

Le résultat visuel est assez bluffant, une qualité d’expressions de visage qu’on ne peut pas retrouver sur un dessin animé, et des séquences d’action totalement folles, tout l’environnement étant numérique, les seules limites étant l’imagination de Spielberg, de Jackson et de sa bande de geeks de la WETA. Il y a juste un gros problème, c’est que quand on a lu les BD (ce qui fait pas mal de monde sur cette planète), on connaît quasiment la fin de toutes les scènes à l’avance, y compris le dénouement, ce qui est pas top, même au premier visionnage, on a l’impression d’avoir vu le film dix fois… ce qui fait que l’on a plutôt tendance à regarder dans les coins de l’écran, le détail ou l’allusion tirés de la série de BD, et qui n’apportent en l’occurrence rien au film lui-même. Par exemple dans la première scène le peintre de trottoir qui fait le portrait de Tintin, ils lui ont refait la tête d’Hergé …

Une remarque pour finir. Tant qu’à faire dans le numérique, le film a été tourné pour être également exploité dans sa version 3D. J’ai eu une télé compatible 3D et les binocles qui allaient avec il y a longtemps. La 3D à la télé, c’est amusant cinq minutes et tu passes ensuite des heures avec un mal de tête carabiné. A mon avis (ça vaut pour ce film et tous ceux en 3D) à la maison, les versions Blu-ray ou DVD suffisent …

En conclusion, même signé Spielberg et Jackson, « Le secret de la Licorne » au cinéma, ça vaut pas « Le secret de la Licorne » en BD …


Du même sur ce blog : 

Les Aventuriers de l'Arche Perdue

Lincoln



CHRIS NOONAN - BABE, LE COCHON DEVENU BERGER (1995)

Film cochon ...
Y’a des soirées comme ça, où on hésite … Soit l’intégrale Bergman des années 70, soit un coffret Ozu au ralenti. Et puis, manière d’accorder un peu de RTT aux quelques neurones encore en état marche mais déjà bien fatigués qui restent, on revient vers des fondamentaux simples mais efficaces. Une comédie sans prétention, ou un film d’animation … Avec « Babe, … » premier de la série, on a les deux.

« Babe … » est un conte pour enfants. Au premier degré. Pas de message retors ou sournois, pas de message subliminal ou caché. Tout au plus peut-on y trouver quelques allusions à une vie campagnarde idyllique et allégorique (le retour aux fondamentaux de la nature, l’écologie bon enfant), et un militantisme végétarien qui ne mange pas de pain …
Vieux fermier et jeune premier
« Babe … » est une fable animale. Les animaux « humains » au milieu des vrais « humains ». Et comme toujours dans ce genre de films, c’est chez les animaux qu’on trouve le plus d’humanité, d’autant plus qu’ils « parlent » entre eux (par ici on connaissait, Patrick Bouchitey faisait ça depuis des années). L’intrigue est contenue dans le titre, un porcelet « au cœur pur » gagné à une tombola par un vieux fermier sympa, finit par devenir plus doué que les chiens de berger pour garder les troupeaux de brebis. En ayant failli passer à la casserole à plusieurs reprises, fait quelques bêtises, s’être conduit innocemment et héroïquement, avant l’apothéose et la consécration finales.
On passe une petite heure et demie sympa, au milieu de ces animaux qui parlent, d’un duo d’acteurs « typés » (le fermier, grand, sec et peu bavard, sa femme, petite, ronde et joviale, qui envisage les cochons uniquement du point de vue alimentaire), d’un trio de souris (de synthèse) qui commentent les intertitres annonçant les grands « chapitres » de l’intrigue (on les entend même chanter « Jingle bells » ou « Blue moon »), d’une silhouette nocturne de la ferme qu’on croirait dessinée par Tim Burton, de quelques mimiques caricaturales des humains …
Derrière tout çà, George Miller, le producteur et réalisateur de « Mad Max », film perçu lors de sa sortie comme un sommet de violence, le changement de style est ici radical. Le réalisateur de « Babe … » est un dénommé Chris Noonan, qui a oublié de faire parler de lui depuis. Mais le plus gros boulot concerne l’animation, qui fait cohabiter vrais animaux (18 porcelets « jouent » Babe) et animaux numériques dus à la société créée par le génial marionnettiste Jim Henson. Ce film a presque vingt ans, et bien difficile de faire la différence entre vrais et faux habitants de basse-cour. D’ailleurs cette adaptation d’un conte pour enfants australien à succès était envisagée depuis des années, et n’a été mise en chantier que lorsque les effets numériques ont été à la hauteur du résultat escompté.
Résultat sympa, même si on ne s’approche pas de la lecture à plusieurs niveaux de films comme la fabuleuse « Ferme des animaux », l’adaptation animée du féroce pamphlet anti-totalitaire d’Orwell.
Qualité du Dvd correcte, contenu plus que chiche, aucun bonus …
Bon c’est pas le tout je bavarde, je bavarde … serait temps de passer à table. Au menu, charcuterie et rôti de porc … Impeccable.