C'était mieux avant ...
« Songs from a room » est le deuxième
disque de Leonard Cohen et rien qu’à voir la pochette, sinistre, on se doute
bien qu’il n’y a pas là des chansons de fin de banquet. Cohen ne réfléchissait
pas encore en terme de carrière, il avait des textes, des bribes de mélodie,
fallait que ça sorte, et c’était livré comme ça, sèchement, brutalement.
Alors évidemment, pour écouter ce genre de galettes,
il faut un certain nombre de pré-requis. Ne pas être allergique à un folk tout
ce qu’il y a de plus austère, à faire passer Woody Guthrie pour la Bande à
Basile. Supporter les chanteurs sans voix, et de toutes façons, manière
d’aggraver son cas, Cohen ne chante pas, il parle dans le meilleur des cas,
mais généralement marmonne ou bredouille.
Il n’empêche que ce Canadien venu sur le tard (la
trentaine largement sonnée lors de la parution de son premier « Songs of
Leonard Cohen ») à la musique, après des débuts de poète et d’écrivain,
sera étrangement, lui, le jésuite du folk, assimilé au Rock’n’Roll Circus de
cette fin des années 60, et on le retrouvera
tête d’affiche au festival de l’Ile de Wight en 70.
Je vais vous faire une confidence, il me gonfle
passablement aujourd’hui Cohen, pathétique vieillard s’accrochant à sa
réputation de séducteur moche, et sortant depuis une éternité des disques dont
je me contrefous. Pleins à la nausée de chœurs angéliques, boursouflés de
claviers et de cette langueur monotone, violons compris, qui semble être sa
trademark, depuis quasiment le « Songs of love and hate » de 1974,
c’est dire si ça fait un bail.
Mais là, avec ces deux premiers disques, il avait
fait fort, avec son folk en noir et blanc, alors que tous les autres essayaient
de le colorier façon psychédélique, ou le mélanger à de la country, du rock, ou
que sais-je encore. « Songs from a room », c’est back to
the roots et take no prisoners. Aucune concession aux modes ou à l’air du temps. Et
ce n’est pas un hasard si la moitié des titres de ce disque, comme du
précédent, d’ailleurs, se retrouvent sur les compilations de Cohen. C’est de
très loin ce qu’il a produit de mieux, quand bien même la tendance serait à
considérer « Songs of Leonard Cohen » comme son meilleur. Pour moi,
ces deux premiers disques sont indissociables, siamois et complémentaires. Des
titres comme « Bird on a wire », qui a traumatisé le clown triste
Murat, « The story of
Isaac », océan de tristesse, « The Partisan » avec son
passage chanté en français sur les Résistants, « The butcher »,
voyage au bout de la nuit musicale, la superbe mélodie austère de « You
know who I am », et l’éclaircie finale limite enjouée dans pareil contexte
de « Tonight will be fine », il faut faire l’effort de les
apprivoiser, de les dompter, pour que derrière ce Mur des Lamentations musical,
apparaisse la beauté de ces textes et de ces orchestrations (oui, il y en a,
des orchestrations, planquées au fin fond du mix).
« Songs from a room » est un beau disque
de Leonard Cohen. Ceux qui suivront, dans le meilleur des cas, ne seront plus
que jolis …
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69 année érotique. Mais pas avec lui.
RépondreSupprimerC'est bien de défendre des petits-jeunes qui n'en veulent en tout cas.