A écouter ou à entendre ?
Brian Eno, c’est pas un blaireau (joke cycliste des années 80, désolé mais c’était trop facile). C’est tout le contraire, le gars a du sang bleu dans les veines, son vrai blaze étant Brian Peter George St. John le Baptiste de la Salle Eno, ça claque davantage sur une carte de visite que Robert Smith ou Duran Duran …
Moebius, Eno, Rodelius & Plank 1977 |
Le Brian a commencé à se faire
connaître par ses extravagances sonores et vestimentaires dans les deux
premiers Roxy Music, avant de faire son Clapton et de quitter la bande à Bryan
Ferry une fois le succès arrivé. Suivront une poignée d’albums solo hautement
recommandables (concepts plutôt cérébraux, mais musique sous forme de chansons
très accessibles). Parallèlement à sa carrière solo, Eno collaborera avec
quelques extravagants de son acabit genre John Cale ou Robert Fripp, avant de
devenir producteur – éminence grise sonore de Bowie dans sa trilogie dite
berlinoise. Ce qui renforcera notablement sinon sa célébrité, du moins sa
notoriété.
Eno a dès le départ souvent crié sur tous les toits son admiration entre autres pours ceux qu’on a parfois qualifiés comme faisant partie de l’école minimaliste américaine (Terry Riley, John Cage, Steve Reich, Philip Glass, …). Parallèlement, Eno a bossé avec deux types de Cluster (prog électronique) aux noms sortis des BD d’Astérix (Moebius et Rodelius), ainsi que leur producteur, Conny Plank. Ajoutez les plages instrumentales des albums de Bowie (elles aussi sous influences krautrock), et vous avez en gestation un cocktail sonore capable de faire fuir tout fan de Status Quo normalement constitué. Le déclic pour « Ambient 1 Music for airports » viendra lorsque Eno flippera sa race dans un terminal d’aéroport à cause de retards de vols et de l’atmosphère anxiogène qui s’ensuivra (mes correspondances, mes rendez-vous, …) parmi les passagers. Il imaginera donc une musique anti-stress qui conviendrait parfaitement à ce genre de situation dans les aéroports.
Musique pour salon de thé ? Eno 78 |
Bon, moi la musique d’aéroport,
ça m’évoque la première scène du « Lauréat », où la caméra suit un
Dustin Hoffman impassible sur un tapis-roulant électrique. Et le fond sonore c’est
« The sound of silence » de Simon & Garfunkel. Je suis pas un fan
acharné du nain et du grand bêta rouquin, mais autant être clair, je préfère
leur gentil folk baba au disque d’Eno. Qui n’est pas mauvais-mauvais, mais bon,
vous m’avez compris …
Et si vous avez pas compris,
je m’explique (brièvement, je vais pas passer cent ans à écrire sur cette
rondelle). « Music for airports », comme indiqué dans l’autre partie du
titre, c’est de l’ambient, c’est-à-dire un truc mélodiquement linéaire, pas de
structure rythmique, très peu d’instruments, très peu ou pas du tout de
paroles, et des claviers, de préférence électroniques … Eh, oh, il reste encore
quelqu’un ? …
Au cas où, continuons
vaillamment comme si de rien n’était la description de l’objet. Quatre morceaux
(pas de titres, numérotés dans l’ordre des pistes vinyles d’origine, à savoir « 1-1 »,
« 1-2 », « 2-1 », « 2-2 ») entre huit et seize
minutes, pour un total de trois-quarts d’heure. Et comme y’a davantage de place
sur le cd, 30 secondes de silence après chaque titre (même après le dernier)
celui-ci étant rallongé de trois minutes sur la rondelle argentée par rapport à
la parution originale.
« Ambient 1 … » deviendra la référence absolue du genre auquel il donnera son nom, et générera des multitudes de disques s’en inspirant (en gros tout ce qu’on peu regrouper sous le terme de muzak électronique, musique d’ascenseur, chill-out music, …). Sauf que tous ces papiers-peints sonores, ils sont là pour décorer, on les entend mais on les écoute pas. On peut faire pareil avec le disque d’Eno (mais alors, à quoi ça sert de jouer un disque qu’on écoute pas ? bonne question, gamin, t’as gagné l’intégrale de Motörhead), sauf que les quatre titres sont différents.
J'en ai une longue comme çà ... Vantard, Brian Eno ? |
« 1-1 », le plus
long, reçoit le renfort de notamment l’auto-défenestré Robert Wyatt, sorte de
Coluche pataphysique et communiste, entre autres fondateur de Soft Machine et
responsable du seul titre écoutable (« Moon in June ») de leur
bouillasse « Third ». Il joue ici du piano (rappelons qu’il est
batteur) façon Pascal Comelade par-dessus les synthés d’Eno, et c’est beau (et
chiant) comme du Keith Jarrett période « Koln Concert ». Sur « 1-2 »,
seulement des nappes de synthés planants, sur lesquels se superposent des
vocaux (râles liturgiques genre gospel ou chant grégorien par un trio de
trisomiques). Troisième titre (« 2-1 ») et nouvelle juxtaposition,
cette fois de ces chœurs avec les synthés d’Eno sonnant comme des pianos
robotiques. Le dernier titre viendra clore les possibilités du mélange acoustique/électronique,
vocal/instrumental, à savoir des accords plaqués sur des synthés qui pour le
coup donnent l’impression (mais juste l’impression, ça ressemble pas à du
Slayer) d’être violents.
Bon, pour moi, le meilleur des
quatre c’est le premier, et les autres (effet de répétition, lassitude, mais
tout ça est peut-être le but, « oublier » d’écouter pour juste
percevoir le fond sonore), au fur et à mesure qu’ils défilent, ils me gavent
quand même un peu beaucoup … bon, j’ai jamais écouté (ou entendu) ce disque
dans un aéroport, mais il paraît qu’il est parfois diffusé dans des salles de réveil
de bloc opératoire …
A noter que « Ambient 1 … »
est paru (et réédité) sur le label E.G. Records, label roi du prog (celui de
King Crimson, ELP, de quelques rondelles de Genesis) autant de gens très
exigeants en matière de son. Ben, même en version Cd remastérisée, y’a un
souffle de mammouth sur « Ambient 1 … », et j’ose pas imaginer ce que
ça peut donner sur un vinyle d’origine …
Ah, et puis, Eno il en sortira
d’autres des ambient (au moins trois de plus il me semble) avant de devenir un
producteur très successful dans les années 80.
Conclusion, c’est (quasiment par définition) pas franchement
insupportable, mais, bon, suivant …
Du même sur ce blog :