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BRIAN ENO - AMBIENT1 MUSIC FOR AIRPORTS (1978)

 

A écouter ou à entendre ?

Brian Eno, c’est pas un blaireau (joke cycliste des années 80, désolé mais c’était trop facile). C’est tout le contraire, le gars a du sang bleu dans les veines, son vrai blaze étant Brian Peter George St. John le Baptiste de la Salle Eno, ça claque davantage sur une carte de visite que Robert Smith ou Duran Duran …

Moebius, Eno, Rodelius & Plank 1977

Le Brian a commencé à se faire connaître par ses extravagances sonores et vestimentaires dans les deux premiers Roxy Music, avant de faire son Clapton et de quitter la bande à Bryan Ferry une fois le succès arrivé. Suivront une poignée d’albums solo hautement recommandables (concepts plutôt cérébraux, mais musique sous forme de chansons très accessibles). Parallèlement à sa carrière solo, Eno collaborera avec quelques extravagants de son acabit genre John Cale ou Robert Fripp, avant de devenir producteur – éminence grise sonore de Bowie dans sa trilogie dite berlinoise. Ce qui renforcera notablement sinon sa célébrité, du moins sa notoriété.

Eno a dès le départ souvent crié sur tous les toits son admiration entre autres pours ceux qu’on a parfois qualifiés comme faisant partie de l’école minimaliste américaine (Terry Riley, John Cage, Steve Reich, Philip Glass, …). Parallèlement, Eno a bossé avec deux types de Cluster (prog électronique) aux noms sortis des BD d’Astérix (Moebius et Rodelius), ainsi que leur producteur, Conny Plank. Ajoutez les plages instrumentales des albums de Bowie (elles aussi sous influences krautrock), et vous avez en gestation un cocktail sonore capable de faire fuir tout fan de Status Quo normalement constitué. Le déclic pour « Ambient 1 Music for airports » viendra lorsque Eno flippera sa race dans un terminal d’aéroport à cause de retards de vols et de l’atmosphère anxiogène qui s’ensuivra (mes correspondances, mes rendez-vous, …) parmi les passagers. Il imaginera donc une musique anti-stress qui conviendrait parfaitement à ce genre de situation dans les aéroports.

Musique pour salon de thé ? Eno 78

Bon, moi la musique d’aéroport, ça m’évoque la première scène du « Lauréat », où la caméra suit un Dustin Hoffman impassible sur un tapis-roulant électrique. Et le fond sonore c’est « The sound of silence » de Simon & Garfunkel. Je suis pas un fan acharné du nain et du grand bêta rouquin, mais autant être clair, je préfère leur gentil folk baba au disque d’Eno. Qui n’est pas mauvais-mauvais, mais bon, vous m’avez compris …

Et si vous avez pas compris, je m’explique (brièvement, je vais pas passer cent ans à écrire sur cette rondelle). « Music for airports », comme indiqué dans l’autre partie du titre, c’est de l’ambient, c’est-à-dire un truc mélodiquement linéaire, pas de structure rythmique, très peu d’instruments, très peu ou pas du tout de paroles, et des claviers, de préférence électroniques … Eh, oh, il reste encore quelqu’un ? …

Au cas où, continuons vaillamment comme si de rien n’était la description de l’objet. Quatre morceaux (pas de titres, numérotés dans l’ordre des pistes vinyles d’origine, à savoir « 1-1 », « 1-2 », « 2-1 », « 2-2 ») entre huit et seize minutes, pour un total de trois-quarts d’heure. Et comme y’a davantage de place sur le cd, 30 secondes de silence après chaque titre (même après le dernier) celui-ci étant rallongé de trois minutes sur la rondelle argentée par rapport à la parution originale.

« Ambient 1 … » deviendra la référence absolue du genre auquel il donnera son nom, et générera des multitudes de disques s’en inspirant (en gros tout ce qu’on peu regrouper sous le terme de muzak électronique, musique d’ascenseur, chill-out music, …). Sauf que tous ces papiers-peints sonores, ils sont là pour décorer, on les entend mais on les écoute pas. On peut faire pareil avec le disque d’Eno (mais alors, à quoi ça sert de jouer un disque qu’on écoute pas ? bonne question, gamin, t’as gagné l’intégrale de Motörhead), sauf que les quatre titres sont différents.

J'en ai une longue comme çà ... Vantard, Brian Eno ?

« 1-1 », le plus long, reçoit le renfort de notamment l’auto-défenestré Robert Wyatt, sorte de Coluche pataphysique et communiste, entre autres fondateur de Soft Machine et responsable du seul titre écoutable (« Moon in June ») de leur bouillasse « Third ». Il joue ici du piano (rappelons qu’il est batteur) façon Pascal Comelade par-dessus les synthés d’Eno, et c’est beau (et chiant) comme du Keith Jarrett période « Koln Concert ». Sur « 1-2 », seulement des nappes de synthés planants, sur lesquels se superposent des vocaux (râles liturgiques genre gospel ou chant grégorien par un trio de trisomiques). Troisième titre (« 2-1 ») et nouvelle juxtaposition, cette fois de ces chœurs avec les synthés d’Eno sonnant comme des pianos robotiques. Le dernier titre viendra clore les possibilités du mélange acoustique/électronique, vocal/instrumental, à savoir des accords plaqués sur des synthés qui pour le coup donnent l’impression (mais juste l’impression, ça ressemble pas à du Slayer) d’être violents.

Bon, pour moi, le meilleur des quatre c’est le premier, et les autres (effet de répétition, lassitude, mais tout ça est peut-être le but, « oublier » d’écouter pour juste percevoir le fond sonore), au fur et à mesure qu’ils défilent, ils me gavent quand même un peu beaucoup … bon, j’ai jamais écouté (ou entendu) ce disque dans un aéroport, mais il paraît qu’il est parfois diffusé dans des salles de réveil de bloc opératoire …

A noter que « Ambient 1 … » est paru (et réédité) sur le label E.G. Records, label roi du prog (celui de King Crimson, ELP, de quelques rondelles de Genesis) autant de gens très exigeants en matière de son. Ben, même en version Cd remastérisée, y’a un souffle de mammouth sur « Ambient 1 … », et j’ose pas imaginer ce que ça peut donner sur un vinyle d’origine …

Ah, et puis, Eno il en sortira d’autres des ambient (au moins trois de plus il me semble) avant de devenir un producteur très successful dans les années 80.

Conclusion, c’est (quasiment par définition) pas franchement insupportable, mais, bon, suivant …


Du même sur ce blog : 

Before And After Science


PHOENIX - WOLFGANG AMADEUS PHOENIX (2009)

 

Qu'en aurait pensé Carmine ?

Ou Mozart …

Phoenix, c’est un des très rares machins musicaux français exportables. Des gens qui vendent de la rondelle argentée (ou du streaming) all around the world. Qui sous leur seul nom, sont capables de remplir le Madison Square Garden (les premiers, avant le tour de piste final d’Aznavour) …


Phoenix, c’est un beau gosse qui chante, trois moches derrière, dont deux à lunettes (exactement comme Blur, musicalement la comparaison s’arrête là). Le beau gosse, Thomas Mars (un pseudo, ça claque mieux que Thomas Pablo Croquet, son état-civil officiel), est en plus le mari et le père des deux enfants de la très people Sofia Coppola, fille de Francis Ford et petite-fille du Carmine du même nom …

Phoenix, c’est la connexion versaillaise de ce qu’on a appelé la French Touch, avec Air et Daft Punk, des types qui se connaissent depuis le collège. Phoenix, c’est les plus accessibles, grand-public, du lot (même si les deux autres, c’est pas férocement expérimental). Phoenix, c’est du pop-rock pour ados, farci de machines, de programmations, de boucles, de synthés. Ils sont quatre (chant, deux guitares, basse) plus deux en studio et sur scène (un batteur, un clavier), plus leur producteur Philippe Zdar (du duo electro Cassius) devenu à l’époque de ce « Wolfgang … » à peu près le cinquième membre « officiel » du groupe.

« Wolfgang … » comme tous leurs disques, compte dix titres. Bien souvent, ça sonne comme les Strokes du début (les mid-tempo enlevés et sautillants de leur premier album), mais comme tous les sons sont repassés par des bécanes électroniques, c’est du Strokes désincarné, déshumanisé. Définitivement pas ma tasse de thé.


Ce « Wolfgang … » je l’ai acheté d’occase (pour le prix d’un demi-pression, port compris) dans une version comprenant le Cd plus un Dvd. Avantage (?) du Dvd, on peut l’écouter en 5.1 (y’a une version vidéo, enfin un gros plan sur le disque qui tourne sur une platine), on a droit à une autre version avec paroles en version karaoké. Ce qui est intéressant (enfin, intéressant, je me comprends), ce sont les trois autres versions du disque. Une présentant Phoenix « at work », une avec les commentaires de Phoenix et une avec ceux de Zdar à mesure que défile la musique.

La première, sur les moins de quarante minutes que dure « Wolfgang … », nous montre le groupe écouter le mix des morceaux, battre la mesure, jouer de la air guitar, essayer des trucs à un doigt aux claviers, commenter le poussage de boutons sur la table de mixage … ouais, super, mais ils jouent quand ? On les voit jamais jammer, répéter. Ils sont comme Chuck Berry ou Robert Johnson, ils veulent pas révéler les secrets de leur jeu ? Ah et on les voit boire des canettes de soda, parce que jamais une bouteille d’alcool ou un paquet de clopes dans le décor. Les Phoenix en studio, c’est pas exactement les Stones à Nellcote, si vous voyez ce que je veux dire. Ils sont amish ou quoi, ces types ?


Concernant les commentaires du groupe et ceux de Zdar, ce sont ces derniers les plus intéressants, il s’implique un peu à décortiquer les titres et leurs enchaînements de séquences. Par contre, les Phoenix, manifestement, ils ont pas grand-chose à dire (ou ne veulent pas dire grand-chose) sur leur disque. Mais quelques réflexions incitent à se gratter l’occiput d’un doigt dubitatif. Je cite. A propos de « Litzomania » (principal single, en tout cas titre le plus connu) : « Les Beatles transposés dans la musique classique », rien que ça (pourquoi pas mieux que « Norvegian wood », tant qu’on y est), également « (titre) beau et élégant » (hum …). A propos de « 1901 » (l’autre gros single) : « inspirée par « 1999 » de Prince » (vraiment ? y’a davantage d’idées dans le seul titre de Prince que dans tout « Wolfgang … »). Lequel « Wolfgang … » serait une « quête mystique » (non, les gars, juste de la variét’ dansante). Plus belle pour la fin : « Countdown » est inspirée par le Bryan Ferry de « Avalon » et de « Smoke gets in your eyes », sauf que cette dernière est déjà une reprise d’un traditionnel popularisé par les Platters, faudrait réviser vos classiques, les enfants … Les commentaires de Zdar sont moins prétentieux, il cite juste une fois Neil Young (?) et Prince, une autre fois une partie de banjo « à la Délivrance », le film, et un pont de (fausse ?) batterie « à la AC/DC » (en fait un pompage de la rythmique de « Thunderstruck » sur « Girlfriend »).

Au final, si on s’en tient juste à la musique, il en reste quoi, de ce « Wolfgang … » ? Des singles très « pensés », efficaces et commerciaux (« Litzomania », « 1901 »), des titres surchargés d’arrangements synthétiques (ça passe mieux sur l’instrumental « Love like a sunset Pt I »). Dans le lot, je sauve « Rome » (sauf la voix de Mars, toujours trafiquée dans les aigus, c’est un gimmick qui finit par être pénible) et sa jolie intro.

Retour à Carmine (Coppola), le grand-père de Sofia (Coppola) et compositeur de musique de films pour Francis Ford (Coppola). Qu’est-ce qu’il en aurait pensé du disque du mari de sa petite-fille ? Je vais pas faire parler les morts, mais enfin, j’ai ma petite idée …

Quant à moi, ce que j’en pense, c’est vous qui avez aussi une petite idée …


MINISTRY - THE LAND OF RAPE AND HONEY (1988)

 

Métal urbain …

J’ai une tendresse toute particulière pour Ministry … parce que je suis bien cinglé ? ouais, certainement …

Situons le machin. Ministry est un faux vrai groupe. Le leader, c’est Al Jourgensen. Un type dont le CV et le way of life sont plutôt croquignolets. En gros, du punk et du métal dans leurs versions les plus radicales, et une addiction à l’héroïne à faire passer tous les déglingos du music business pour des amish … Keith Richards et Lemmy Motörhead, et tous leurs disciples, c’est petit bras à côté … Evidemment, ça peut donner lieu à quelques, comment dire, errements, tant musicaux que mentaux …

Ministry

Al Jourgensen a créé Ministry au début des 80’s. Avec les moyens du bord, c’est-à-dire pas grand-chose. Lui et quelques synthés d’occase. Dans ses débuts (pas écoutés), Ministry se situait dans la mouvance sonore de la pop synthétique anglaise. Petit à petit, des types viendront rejoindre Jourgensen (quelques fois des passages éclair), Ministry ressemblera au moins sur scène à un groupe de rock « classique », et parallèlement le son évoluera. La radicalité à tous les niveaux va s’imposer, et de ritournelles au synthé, on va passer à des choses beaucoup plus excessives, dans une surenchère sonore et comportementale apparemment sans limite. En une demi-décennie, Ministry va devenir la figure de proue (et plus ou moins l’inventeur) de ce que l’on appelle communément le métal industriel. Tout en végétant sur de micro-labels indépendants, et en voyant Jourgensen s’impliquer dans d’autres projets (Revolting Cocks) à peu près similaires et tout autant radicaux. Musique et prestations scéniques apocalyptiques généreront le buzz, les gros labels et les majors pointeront leur nez. Généralement, quand les gros cigares se pointent, la folie s’estompe. Chez Ministry, c’est le contraire. Plus il y a de fric, plus il y a de la coke et de l’héro, et plus il y a de boucan. Radicalisation totale …

« The land of rape and honey » (en voilà un titre qui claque, mais ne me demandez pas le pourquoi du comment, j’en sais rien) est le disque qui a fait passer Jourgensen et Ministry à l’étage supérieur, question notoriété. Il y a le nez creux de Seymour Stein le patron de Sire (filiale de la Warner, ça aide à diffuser de la rondelle argentée) qui vient de les signer, Sire est un label capable de dénicher les grosses ventes de demain (Pretenders, Cure, Madonna, Alanis Morissette, …) tout en gardant une certaine crédibilité artistique.

Al Jourgensen

Bon, classiquement comme tous les toxicos forcenés, Jourgensen a claqué la thune avancée pour le studio en substances chimiques diverses, et il a fallu faire du remplissage. Une paire de titres sont vite expédiés (« I prefer », « Flashback », tempo punk bourrin pour le premier, bouillasse sursaturée pour le second). Les trois premiers (et les trois meilleurs, on y reviendra) proviennent de singles et d’Eps déjà parus. Un fonds de tiroir est rajouté, c’est le dernier titre « Abortive », résultat de sessions antérieures londoniennes, produit sous pseudo par le célèbre remixeur Adrian Sherwood, et très différent du reste de la rondelle (basses slappées funky, sonorités très synthpop, et dialogues samplés de films qui remplacent le chant).

Tiens, j’ai cité le mot chant. J’aurais pas dû. Parce que ce qui tient lieu de ramage à Jourgensen ferait passer le chanteur de Rammstein pour Roberto Alagna. Et qui plus est, le raclement de gosier qui lui tient lieu de voix, est passé soit par un mégaphone, soit par tellement de consoles d’effets qu’on distingue pas un traître mot de ce qu’il gueule … ce qui est peut-être dommage (Jourgensen a passé huit ans à baver en interview sur W. Bush, c’est donc a priori un type intéressant) … ou pas (l’héro, l’alcool à doses monumentales, ça donne pas toujours des propos sensés…).

Pour ce disque, Ministry c’est Jourgensen et Paul Barker (on a longtemps pensé que Ministry était un duo, jusqu’à ce que Barker finisse par mettre les voiles après des années de bons et loyaux services), qui composent et produisent, sous les pseudos de Hypo Luxa (Jourgensen) et Hermes Pan (!) (Barker). Deux musiciens additionnels complètent l’attelage de base.

Ministry live

L’essentiel des titres, ou du moins les plus intéressants, balance un punk rock porté par des programmations tachycardiques, des riffs de guitare dévastateurs, et le râle scandé de Jourgensen. Il y a des trucs terrifiants d’efficacité, le single (afin, façon de parler, le titre a pas fini en haut des charts) « Stigmata » qui ouvre le disque, et les extraits de l’EP « Deity » (le morceau du même nom et « The missing »). « Deity » c’est aussi efficace que du Motörhead de la bonne époque, et « The missing », on dirait bien que la mélodie (si, si, y’en a une) est repiquée sur le jeu d’arcade « Space Invaders » (les grabataires sauront de quoi je parle, ceux qui connaissent le 1er Pretenders aussi).

En gros, la première partie du disque repose sur les titres les plus frénétiques, ensuite ça se calme un peu, il y a même quelques mid-tempo, certes énergiques. « Destruction » on dirait de la synthpop jouée par des zombies, « Golden Dawn », lourd, menaçant et atmosphérique (?), parle certainement de la secte du même nom. « Hizbollah » (je préfère pas savoir de quoi ça cause en détail, ce que Jourgensen a à raconter sur les islamistes libanais), c’est le « Kashmir » de Ministry avec son ambiance forcément arabisante. Le morceau-titre est lui un truc très martial, et me semble une référence musicale évidente aux assez équivoques belges de Front 242, influence revendiquée de Ministry (Jourgensen bossera pour un projet parallèle avec l’un des membres du groupe).

Musicalement, outre Front 242, on pense à Métal Urbain ou aux Bérurier Noir (la boîte à rythmes frénétique), ou au hard-rock le plus extrémiste (les riffs monstrueux, la voix glapie). Avec « The land of rape and honey », Ministry se met en route pour la reconnaissance « grand public », un des fers de lance américain de la scène indé américaine (participation au festival Lollapalooza). Leur chef-d’œuvre reste à venir (« Psalm 69 » en 92), et leur « enfants » les plus évidents seront Nine Inch Nails, Marilyn Manson, tout le métal indus …

Pas mal pour un défoncé sans aucun plan de carrière …


RONI SIZE REPRAZENT - NEW FORMS (1997)

 

Petites formes ...

Quasiment deux heures et quart sur deux Cds … ça ferait combien de vinyles ? Trois, quatre, cinq ? Sérieusement, qui peut raisonnablement avoir envie de se fader un truc pareil ? Au moins le jury du Mercury Prize, qui a décerné son glorieux prix millésime 1997 à ce « New Forms », au nez et à la barbe de Radiohead, Primal Scream, Suede, Chemical Brothers (tous avec des rondelles passées à la postérité, genre « OK Computer »), … ou les Spice Girls … Même si on sait que ce genre de récompenses n’engagent que ceux qui les décernent et les reçoivent …

Roni Size

Mais de quoi dont est-ce qu’il retourne avec « New Forms » ? L’on vous dira que c’est la référence en matière de drums & bass, sous-genre de ces musiques électroniques fort en vogue dans la dernière décennie du siècle dernier … Oui, mais encore ? Euh, pas grand-chose, je vais essayer de faire aussi court que ce disque est long …

Derrière tout ça, il y a un vrai type et un plus ou moins faux groupe. Le type c’est Roni Size, DJ electro d’origine jamaïcaine, considéré comme underground mais défricheur de sons. Le « groupe », c’est Reprazent, en gros les types ou nanas présents sur ces rondelles (par intermittence, il peut faire des morceaux tout seul comme un grand), l’accompagnant à la production, à la programmation, au chant, au rap, parfois s’escrimant sur de vrais instruments. Parce qu’il y a quand même quelque chose de drôle d’appeler un genre musical drums & bass, quand il n’y a ni batteur ni bassiste qui joue (pour être tout à fait honnête, il y a un bassiste sur quelques titres, tout le reste de la rythmique c’est de la programmation, des boucles, des samples, …).

Les titres reposent sur un machin tellement simple que beaucoup ont dû bouffer les varices de leur grand-mère et se demander pourquoi ils y avaient pas pensé avant. L’essentiel des morceaux repose sur des rythmes tachycardiques sur lesquels se superposent des lignes de basse très down tempo. Suffit ensuite de rajouter des « ambiances », et là, le trip-hop se taille la part du lion (« New forms » le morceau, « Heroes », « Watching windows », …). Un peu normal, Roni Size est de Bristol et le trip-hop vient d’y cartonner (Massive Attack, Portishead, Tricky, et autres joyeux lurons du même tonneau). Y’a aussi du jazz ou des trucs qui y ressemblent (« Brown paper bag »), parce que le jazz, ça fait musicien sérieux, et que la crédibilité, c’est un peu le problème de toute la scène electro, les types planqués derrière leur Mac et leurs platines. D’où très certainement le « groupe » Reprazent, conçu pour jouer live et si possible dans les festivals « rock », où y’a de la thune à se faire (contrairement aux free partys, où par définition t’es bénévole ou quasi …). A noter que le coup d’éclat des lascars sera à peu près sans suite, deux ou trois disques en vingt-cinq ans, et peut-être que tous ces gens-là se sont retirés du circuit (imprimé) …

Roni Size Reprazent

Le premier disque est le meilleur (et il y a un titre avec les deux Everything But The Girl qui aurait pu être excellent si seulement ils avaient laissé chanter Tracey Thorn au lieu d’un strict instrumental) le second disque me semble être du pur remplissage, un alignement de gimmicks guère travaillés. Au final, si tout ce bazar avait duré juste une heure, ça aurait été assez sympa … Y’a des titres qui font sourire, ou alors le Roni a un humour king size. « Heroes » n’a rien à voir avec Bowie, « Morse code » rien à voir avec « Lust for life » de Bowie-Iggy Pop, « Jazz » rien à voir avec le jazz, « Hot stuff » rien à voir avec les Stones ou Donna Summer … Et puis le truc le plus pénible, c’est une police de caractères microscopique blanche sur fond gris, qui fait que t’arrives pas à lire quoi que soit sur le livret (bon, y’a pas grand-chose à lire non plus …).

Bon, j’avais dit que moi je ferais court. Promesse tenue …


PRODIGY - THE FAT OF THE LAND (1997)

 

Fury Road ?

« The fat of the land », c’est un cas d’école. Celui d’une surenchère appliquée à un genre musical. Aujourd’hui, les genres musicaux sont marioupolisés. Détruits jusqu’au trognon par la dématérialisation (le peer to peer), et pire encore par le streaming musical (les ignobles Deezer, Spotify et leur semblables), les tarifs exorbitants de la musique live d’après Covid, et j’en passe …

Au premier plan, Howlett, Flint & Maxim

Dans les années 90, c’était très différent. L’offre était pléthorique, les genres, sous-genres et chapelles diverses se multipliaient, chacun voulant sa part du (gros) gâteau. Et contre toute attente, au sortir d’années 80 dominées par les synthés (techno-pop puis electro pour schématiser), les années nonante voyaient le retour de ces machins en bois avec six cordes, comment on appelait ça, déjà … ça me revient, … les guitares. Les groupes à guitare cartonnaient (ventes de disques à a tonne, têtes d’affiche et cachets qui vont avec dans les festivals) dans le sillage de Nirvana d’abord (le grunge) et au mitan de la décennie dans celui d’Oasis (la britpop). Les joueurs de disquette en avaient pris un gros coup derrière le casque. Mais ils lâchaient pas l’affaire pour autant (les labels pullulaient, les raves étaient la version péquenot-punk à chiens des gros festivals bourgeois) … Mais les free parties, comme leur nom l’indique, ça rapporte à quelque dealer chelou, mais pas à ceux qui font de la musique … et les ventes de disques, chez ces gens-là, c’était misère … Même si quelques-uns venus de la mouvance electro, avaient su « commercialiser » leur truc (Massive Attack, Portishead, …). Dès lors, la porte de sortie de la précarité underground était grande ouverte : la musique électronique s’approprierait les codes du rock pour être « visible » … et tant qu’à faire, aller voir du côté du rock à guitares qui avait le vent en poupe. Et tant pis s’il n’y avait pas de guitares ou de batterie, on récupérerait les codes, on ferait de gros riffs avec des synthés et des breaks de batterie avec des boîtes à rythmes … Au grand dam des autoproclamés puristes de la chose electro, des gens comme Fatboy Slim, Chemical Brothers ou Prodigy allaient se ruer dans la brèche, et écouler du Cd par millions.

Prodigy donc. Qui présentait jusque-là parfois une version electro « musclée » (le très hendrixien « Voodoo people » sur « Music for the jilted generation »), commençait à vendre du disque, était invité dans les festivals « rock ». Le trio de base Liam Howlett (cerveau, synthés et compos), Keith Flint (chant, arpenteur de scène), Maxim (bouche-trou) s’adjoint un guitariste (siège éjectable, plusieurs seront utilisés), et veut mettre en avant ses influences punk, indus, hard, … en gros toute la partie « violente » du rock. Et pour se faire une nouvelle place au soleil, durcit outrageusement son propos. Tous les potards sur onze, des tenues très Mad Max – Fury Road, et la recherche du buzz, sinon de la polémique (Victor) …


A cet égard, le titre inaugural de cette période sorti en single éclaireur sera « Smack my bitch up » (tabasse ta salope de meuf en gros), accompagné d’un clip Rated R comme disent les anglo-saxons. Scandales, mini bataille d’Hernani, le tour est joué, Prodigy devient incontournable. Bizarrement, ce titre controversé qui ouvre « The fat of the land » est contrebalancé par le dernier du disque, une reprise avec synthés à la place des guitares du « Fuel my fire » des L7. En gros le manifeste beauf cogneur opposé au groupe féministe leader du mouvement « riot grrl ». La boucle est bouclée, tout le monde (?) est content (?). La provo de mauvais goût ne s’arrête pas à « Smack … ». Eparpillée tout au long du livret, on trouve une citation (non créditée) de Hermann Goering (cette fascination glauque de quelques musiciens Anglais pour la symbolique nazie, de Sid Vicious à Lemmy, en passant par Siouxsie et Bowie, beaucoup plus coupables de mauvais goût provocateur que d’approbation idéologique).

« The fat … » enverra deux autres singles en haut des charts. « Breathe », rythmique très rock, cousin du metal rap de Rage Against The Machine, avec break central anxiogène, ouais bof ... ; et l’excellent « Firestarter », le plus « classique » du lot et accessoirement meilleur titre de la rondelle … Et le reste ? Ben, du bruit et de la fureur sur disque. Et de la surenchère sonore, sur des choses qui rappellent furieusement … les riffs du « Andy » de Rita Mitsouko sur « Diesel power », la rythmique du « The Rover » de Led Zep sur « Serial thrilla », la folie fusionnelle de Magma sur « Narayan » (près de dix minutes, pas toujours passionnantes), Massive Attack sur l’intro de « Climbatize » (instrumental plutôt intéressant, contrairement à « Funky shit » au titre trop long, bon, ça c’est fait …). Sans compter tous le samples recensés dans le livret …


Sur scène aussi, les Prodigy envoyaient (déraisonnablement ?) le bois, les types partaient de temps en temps se foutre un masque à oxygène sur le museau pour éviter la syncope … comme à peu près au même moment les Leatherface de carnaval de Slipknot …

« The fat of the land » est tellement too much que ça n’a finalement pas tant vieilli que ce que l’on pourrait croire, et ça tient par exemple plus la route que le troisième Oasis (« Be here now ») paru simultanément et lui aussi porté sur la démesure à tous les étages …

« The fat of the land » sera en tout cas l’apogée commerciale de Prodigy. Depuis, le groupe a essayé un temps de faire aussi bien (ou aussi fort) sans vraiment y parvenir, avant de disparaître peu à peu des radars, et la mort il y a quelques années de Keith Flint devrait mettre un point final à leur carrière …


FEVER RAY - PLUNGE (2017)

Sister Ray ?

Comme son nom ne l’indique pas, Fever Ray n’est pas un groupe. C’est le nom de scène d’une allumée suédoise, répondant au patronyme de Karin Dreijer, connue (?) comme étant la partie chantante d’un duo fraternel The Knife (jamais entendu, ou pire, aucun souvenir).


Donc la Karin à travers son avatar Fever Ray se la joue perso. Pas de manière boulimique, quasiment dix ans séparent son premier disque (qui contient son titre le plus connu « If I had a heart » qu’on trouve dans plein de séries et de films), de celui-ci. Elle fait ses rondelles toute seule, c’est-à-dire en empilant des couches de programmations, de synthés et de bidules bruyants divers. Comme pas mal de monde aujourd’hui… Et quand par hasard il y a un être humain qui se pointe (oh, pas souvent, un peu de flûte sur un titre, de violon sur un autre), on voit pas franchement la différence.

Ce qui saute par contre aux oreilles, c’est la voix de la demoiselle (enfin demoiselle qui a dépassé la quarantaine quand paraît ce « Plunge »), pitchée au-delà du raisonnable. En gros, le pitch, c’est pousser des boutons sur une console ou un plug-in pour changer la tonalité de la voix, généralement pour la monter dans les aigus. Comme Major Lazer ou DJ Snake qu’ils disent sur Internet. Comme si quelqu’un doté d’une paire d’oreilles en état de fonctionner savait qui sont ces deux types … D’autres plus cultivés (?) citent un titre de Rihanna dans les 90’s comme exemple de voix pitchée… Tant qu’à faire … Il n’est venu à l’idée de personne apparemment de se référer à Camille, le faux double féminin de Prince sur le fantastique album « Sign the times » (en 1987). Comme quoi ceux qui vous balancent des noms récents n’ont jamais écouté un bon disque de leur vie, CQFD …

Et pour être sûre de pas passer inaperçue, la Karin a le crâne rasé (esprit de Sinead O’Connor, es-tu là ?) et se tartine le museau de peintures baveuses diverses et peu variées (en gros du rouge, du blanc et du noir), comme si elle allait tourner un film de zombies péruvien, et fringuée comme si elle sortait d’un sarcophage … ceci étant, les goûts et les couleurs, hein … précision, c’est elle sur la pochette du disque, maquillée (?) sobrement (?) avec du chocolat. A moins que ce soit du caramel ou du Nutella …

Macron, on t'a reconnu ...

Une voix suraiguë sur des machines, ça fait de suite penser à Björk (et un peu à Kate Bush). Evident sur quelques titres (« Wanna sip », « Red trails »), et toujours en filigrane. J’ai décelé aussi de forts relents du Depeche Mode « dark » des débuts (« Mustn’t hurry », « An itch », « This country »). La demoiselle cite fréquemment Aphex Twin (les synthés chelous sans aucune mélodie), grand bien lui fasse. Moi je pousse le vice à citer Phil Collins, ou au moins la mélodie de la scie « In the air tonight » sur « Falling ».

Parce que des mélodies, ben y’en a pas trop. Un peu plus sur la seconde partie (seconde face vinyle ?) du disque, où elle force un moins sur le pitch de la voix (le morceau-titre qui casse pas des briques est pas trop mal, normal c’est un instrumental), « To the moon and black » est le titre le plus facile, évident de la rondelle, « Mama’s hand » très typé techno 90’s se laisse écouter les soirs de déprime …

Je vais encore passer pour un blaireau rétrograde, mais je vois pas grand intérêt à ce « Plunge ». C’est pas infect, mais bon … C’est de l’art, c’est une performeuse, me souffle-t-on … sans rire ? D’après quelques vidéos live, elle bouge autant que Bob Dylan sur scène, toujours dans l’obscurité (merci Tricky) d’où ne ressort que la trace blafarde de son visage maquillé …

Comme je vois pas grand-chose d’agréable à dire sur ce machin, on va en rester là … Who’s next ?


KAREN O & DANGER MOUSE - LUX PRIMA (2019)

Fiat lux ...

Putain d’étrange affaire que ce disque, né d’une collaboration inattendue, mais pas improbable. Les deux ont depuis une vingtaine d’années que leur carrière a commencé abordé tellement de genres, tenté (avec plus ou moins de bonheur) tellement d’expériences, que retrouver leurs deux noms accolés sur la pochette d’un disque n’est pas a priori une bizarrerie.
Elle, Karen O (O pour un nom polonais imprononçable hérité de son père, sa mère est sud-coréenne, ce doit pas être mieux pour nous occidentaux francophones) est surtout connue pour être la chanteuse des Yeah Yeah Yeahs, groupe new yorkais post rock-punk-new wave, enfin post tout ce que vous voulez… Look garçon manqué à la Chrissie Hynde, présence scénique détonante, des premiers disques au début de ce siècle remarqués sinon remarquables, et une relative disparition des radars depuis quelques années.
Karen O & Danger Mouse font la gueule
Lui, difficile de passer à côté. Des débuts comme Dj, avec une polémique initiale, des procès pour un mix osé (« The Grey album ») entre Jay-Z (« Black album ») et les Beatles (« White album »), avant que les collaborations prestigieuses et les montagnes de dollars s’enchaînent à une cadence infernale (le gros carton de son « groupe » Gnarls Barkley, des productions pour Gorillaz, Adele, U2, Red Hot Chili Machin, Norah Jones, sans parler de son travail avec les Black Keys dont il est de fait le troisième membre depuis le virage sinon commercial, du moins radio friendly du duo barbu).
Généralement, quand deux célébrités travaillent ensemble, on a droit à un partage poli et diplomatique du territoire sonore, pour ne pas décontenancer et perturber le fan de l’un des deux qui passerait par là. Sans être un exégète des œuvres de la demoiselle et du monsieur, il me semble bien qu’ils n’avaient pas fait grand-chose qui ressemble à ce « Lux Prima ».
Qui, autant le dire d’entrée, est un disque fantastique, comme il n’en sortira certainement pas une poignée cette année. Parce que « Lux Prima » est un disque pour les vieux plutôt que pour la génération Spotify - Kendji Girac. Ca tombe bien, je suis vieux, et j’ai jamais écouté plus de dix secondes un putain de morceau de Kendji Truc, et j’ai détalé au premier streaming attrapé sur Spotify (ou Deezer ou iTunes ou tout ce que voulez dans le genre), ces minables mp3 qui sont à la musique (et accessoirement au rock) ce que François de Rugy est à la conviction politique … Donc je suis vieux et j’emmerde la jeunesse (et l’affront national) et j’ai trouvé génial « Lux Prima ».
Karen O & Danger Mouse sont heureux
Parce que cette rondelle brillante fourmille de références. Sans que ça sonne une seule seconde passéiste ou revivaliste. Normal, le Danger Mouse doit passer trente heures par jour en studio, il a dépassé le stade d’essayer de sonner comme les 13th Floor Elevators de 1966. Le type est capable de sortir des mélodies atmosphériques (on disait planantes il y a quarante ans) et le titre d’après d’envoyer un rock minimaliste sur fond de percussions tribales. En utilisant des claviers high tech, certes, mais au fil des morceaux on le retrouve à la batterie, à la basse, aux guitares (acoustiques et électriques), au Wurlitzer, au mellotron,… Lui et la Karen (aux vocaux évidemment, mais aussi épisodiquement aux guitares et aux synthés) se sont même adjoint les services d’une section de cuivres et de cordes. Toutes ces possibilités sonores utilisées avec parcimonie, un bon goût et une classe jamais démentis (on est plus proche de Nick Drake que de Berlioz, if you know what I mean …).
Alors par ordre d’apparition dans la stéréo on a droit à « Prima Lux » (le morceau), quasi instrumental, lent, doucereux, découpé en quatre parties évoquant Pink Floyd, Cocteau Twins, Dead Can Dance … Totalement improbable mais captivant. Suit « Ministry », le genre de titres que Kate Bush (ou son avatar polaire Björk) n’a plus écrit depuis une éternité. Précision, on est dans l’inspiration pas dans la copie, la voix de Karen O et de la Babooshka  n’ont rien en commun, hormis une sensualité insidieuse. On semble parti après ces deux titres vers une atmosphère contemplative, genre new age haut de gamme.
Ben pas du tout. Se pointe un funk discoïde  au ralenti (« Turn the light »), qui marche sur des terres jadis foulées par des gens comme Chic ou Donna Summer. Arrive ensuite un rock primaire (« Woman », rien à voir avec le titre de Lennon), pour ne pas dire primitif, rempli de percus tribales, un peu comme si les White Stripes en leur âge d’or avaient trouvé des synthés dans leur studio et s’en étaient servis, ou si les Black Keys étaient retournés vers leurs trucs rêches et abrasifs.
Et tout le reste du disque multiplie les idées originales, les arrangements malins, les mélodies éthérées, la seconde partie du disque est plus calme, pas forcément moins intéressante. « Redeemer » mélange rythme rock et refrain raggamuffin, « Down » part dans tous les sens et réussit à garder une cohérence et un fil conducteur remarquables, la Karen O susurre à la façon de Debbie Harry une pop étincelante (« Leopard’s tongue »). « Rêveries » est un titre qu’aurait aimé trouver Patti Smith même si finalement dans l’ambiance et la partie vocale il y a des faux airs du « Working class Hero » repris par Marianne Faithfull. Le dernier titre « Nox Lumina » est le contrepoint du premier, manière de boucler la boucle, et que le grand cric me croque si la partie chantée n’emprunte pas la mélodie (ralentie) de « Comment te dire adieu ».
Danger Mouse par sa polyvalence instrumentale et son apparente facilité à aligner sons et mélodies qui s’incrustent en deux écoutes au plus profond du cerveau place la barre très haut, rejoignant dans l’excellence les quelques rares sorciers de studio ayant réussi à sortir sous leur nom des disques audibles (comme au hasard le Brian Eno des seventies avant qu’il vire gourou conceptuel pénible). Karen O surprend par l’étendue de son registre vocal, s’adaptant à quantité de styles, toute en émotion sensuelle, à l’opposé de toutes ces Castafiore sans âme qui encombrent le marché …
Grand et beau disque …



LCD SOUNDSYSTEM - LCD SOUNDSYSTEM (2005)

Boule à facettes ou miroir aux alouettes ?

LCD Soundsystem (le « groupe » et le disque) est (comme de bien entendu ?) la chose d’un type tout seul (même si sur scène il y a un vrai groupe qui joue), le dénommé James Murphy. Un Américain de trente cinq ans au moment des (mé)faits qui tente désespérément depuis des lustres de se faire un nom dans le milieu de la musique. Durant sa jeunesse folle orientée punk hardcore, il est touché par la grâce en entendant Daft Punk ( ??? ) et en allant gober des cachets multicolores dans des raves parties qui commencent à passer de mode. Comme il cachetonne et grouillotte dans un studio d’enregistrement, il monte son propre label DFA et commence à sortir des maxis. Assortis de déclarations plus ou moins stupides entendues depuis 50 ans … c’est avec les plus grosses ficelles qu’on arrive à enfumer le plus de gens, c’est bien connu.
James Murphy : airborne to be wild ?
LCD Soundsystem sera donc l’avatar artistique de Murphy. Qui déclare en 2005 la mort du rock (bonne blague, depuis des décennies des puristes font remonter cette mort au départ d’Elvis à l’armée, la fin de l’innocence, etc …), la mort de la techno (il y bien presque dix ans que les survets à capuche orange sont passés de mode, et que tous les grands noms de la chose électronique sont discographiquement aux abonnés absents), et tant qu’à faire du rap (dont l’âge d’or était au début des 90’s, tu parles d’une révélation en 2005 …). Ne reculant devant aucune déclaration péremptoire et ne se sentant aucune limite, Murphy va donc inventer la nouvelle musique du XXIème siècle. Habile plan com ou crétin persuadé de sa bonne étoile ? Le temps et l’envie me manquent pour me pencher sur la question …
Ce « LCD Soundsystem » est son premier Cd. Coup de bol (ou pas), j’ai l’édition avec en plus un Cd supplémentaire compilant ses singles et maxis sortis auparavant. Soit plus d’une heure et demie de … euh, musique. Autant être clair d’entrée, les points communs de ces 16 titres sont l’incapacité de Murphy à composer quelque chose avec un début, un milieu et une fin, et accessoirement à chanter plus ou moins correctement sur le résultat obtenu. Aux oubliettes la construction d’une intro, d’un final, et des cordes vocales aux abonnés absents (du rap atone ou des mélodies chantonnées linéairement). Murphy a bénéficié d’entrée d’une hype assez conséquente, peut-être justifiée par la suite (il me semble de mémoire que son second disque « Sound of silver » est bien meilleur), mais démesurée pour cette rondelle.
Il y a quelques titres assez bien torchés sans qu’il y ait lieu de s’extasier outre mesure à leur sujet. L’introductif « Daft Punk is playing at my house » ou quand ses fantasmes deviennent réalité sonore. Rien à voir avec les Daft, mais pas mal avec les Chemical Brothers qui auraient fait chanter un de leurs titres par David Byrne avec sa voix d’épileptique electrochoqué. Amusant … Surnage aussi de la mélasse « Movement » aux sons de synthés entièrement pompés sur ceux de Martin Rev dans Suicide (1978 quand même, ça ne nous rajeunit pas), avec un refrain ( ? ) braillé comme les slogans alterno-punks des 80’s. Pourquoi pas … Le reste de la rondelle « officielle » combine grosse artillerie électronique (des empilages démesurés de séquences rythmiques), boucan guitaristique hardos avec grattes hyper saturées (comme chez Prodigy ou les Chemical dix ans plus tôt, où est la nouveauté révolutionnaire ?). On se retrouve parfois assez près des déflagrations des débuts du PIL de Rotten mais des déflagrations linéaires, convenues, sans l’aspect mon poing dans la gueule et je t’emmerde de l’ex-Pistols. Sinon la plupart des titres auraient pu être écrits en dix minutes par des Pet Shop Boys comateux (« Tribulations »), un Prince des très mauvais jours (« Disco infiltrator »), ou un Arcade Fire en roue libre (la grandiloquence de « Great release »). Pour un Cd enrobé d’une pochette incitation à la danse (la boule à facettes disco du visuel), on est assez loin du but recherché (faire danser les filles …).
LCD Soundsystem live
Et l’autre cd avec les premiers titres s’interroge le curieux de passage ? Bof, pas mieux, ou en tout cas pas plus mal … « Losing my edge » fait dans l’autobiographique et constitue un bon résumé de ce que fait le Murphy, de gros riffs de guitare sur des séquenceurs qui moulinent, et l’autre qui nous sort la liste de tous les groupes ou artistes qui l’ont marqué tout ça pendant dix minutes … Eh oh, t’avais qu’à faire un blog, t’étais pas obligé de sortir un disque pour nous dire que t’étais fan de Can et de Père Ubu … Sinon, j’ai repéré quoi, ah si, une intro disco (la boule à facettes dont au sujet de laquelle je causais plus haut) qui se dilue très vite dans un empilage de synthés sur " Yeah (pretentious version) " (si, si il s’appelle comme ça le morceau) ; aussi une guitare vaguement hendrixienne sursaturée (la marque de fabrique du big beat dix ans plus tôt, bonjour l’innovation) sur une rythmique robotique et métronomique à la Can, ouais, bof …
Ce qui peut nous amener à une autre loi de Murphy : quand t’as pas assez de titres valables pour remplir un double Cd, fais juste un maxi …




GNARLS BARKLEY - ST. ELSEWHERE (2006)

Does that make me crazy ?
Euh, pas vraiment … Et plus le temps passe, plus le temps passe, quoi, si vous voyez ce que je veux dire. Aujourd’hui, ce « St. Elsewhere », on le trouve à 1 centime (moins les frais de port) d’occase n’importe où sur le web. La loi de l’offre et de la demande, vous me direz. Certes, mais y’a pas trop de demandeurs dans ce cas. Ou il y en a à vendre à la pelle de ce « Rue Quelque Part » …
CeeLo green & Danger Mouse : Gnarls Barkley au complet (veston)
Pourtant Gnarls Barkley, au milieu des années 2000, c’était le truc dans l’air du temps. La réunion conjonction de deux types dont on voyait le nom partout, les dénommés Thomas DeCarlo Callaway et Brian Joseph Burton. Comme leurs vrais blazes étaient pas très sexy, ils avaient eu la bonne ( ? ) idée de se rebaptiser CeeLo Green et Danger Mouse (ce qui était pas forcément mieux). Les deux officiant avec succès, le premier dans un rap soul et cuivré, l’autre dans la production de trucs furieusement tendance, chacun récoltant de son côté de gros paquets de billets verts.
Gnarls Barkley, personne a jamais pris ça au sérieux, et certainement pas les deux principaux intéressés. Plutôt un truc du genre, quand on a bossé toute la journée dans un studio d’enregistrement, si on y revenait juste pour s’amuser ? Aussitôt dit, aussitôt fait. « St. Elsewhere » sent la récréation, on trouve une mélodie, un gimmick, quelques samples, Danger Mouse cale tout ça sur ses ordis, et le CeeLo Green chante ou rappe là-dessus. On se prend pas trop le chou, à quoi ça sert, on est connus et malins, il se trouvera toujours quelques couillons pour acheter notre rondelle.
Au bal masqué oh hé oh hé ...
Coup de bol, les deux compères ont sorti une tuerie, un single hyper malin, frais et bien foutu, qui a rythmé 2006 et 2007, ça s’appelle « Crazy », c’est bête comme chou, avec un sample d’une B.O. de western italien pour attirer l’oreille, et ça a fonctionné. Heureusement, parce que le reste, c’est soupe à la grimace. On sent les deux types qui avaient écrit sur un tableau tous les genres musicaux auxquels ils avaient d’accommoder leur electro rap de base et qui à mesure piochaient dans la liste. Tiens et si on mettait du gospel (« Go-go gadget gospel »), du rock garage (« Gone daddy gone »), un zeste de boogie (« The boogie monster »), de la soul lascive (« Online »), une mélodie pop (« Smiley faces »), … Dans tout ce bazar, qui fait penser dans l’esprit et le résultat à Moby (voir le « Natural blues » du chauve vegan qui n’avait rien de naturel ni de blues), ne surnagent, outre « Crazy », que deux morceaux qui dépassent tout le reste de la tête et des épaules, « Just a thought », et « Who cares » bonnes chansons aux arrangements originaux.
A noter qu’un titre s’appelle « Transformer » et n’a rien à voir avec Lou Reed, un autre « The last time » sans rapport avec les Stones. Ah, et pour être exhaustif et descriptif, rendons grâce à CeeLo Green et Danger Mouse de ne pas s’être éternisés et vautrés dans un double Cd indécent. « St. Elsewhere » aligne quatorze titres en moins de quarante minutes, comme quoi, quitte à faire des plaisanteries plus ou moins douteuses, autant les faire courtes.

Les deux compères ont tenté une suite deux ans plus tard qui n’a intéressé personne, le Green est revenu à son fonds de commerce rap habituel, le Danger Mouse a continué de coller son nom sur tout un tas de disques, devenant ces derniers temps l’officieux troisième Black Keys …



MGMT - ORACULAR SPECTACULAR

Des ans l’irréparable outrage ...
Quand il est sorti ce disque, je l’avais trouvé excellent. Aujourd’hui, dans un moment d’égarement, de désœuvrement, il a fini sur la platine. Et là, hum, soupe à la grimace…
Même s’il y a des trucs qui n’ont pas changé. Et surtout la qualité étonnante des trois titres phares : « Time to pretend », « Electric feel », « Kids ». Trois singles, comme on disait il y a des décennies lorsque les gens qui faisaient des disques savaient aussi écrire des chansons. Trois insubmersibles bombes electro-rock-indie-disco-machin… Le genre de morceaux sur lesquels les traders qui achetaient à prix d’or et à crédit des dettes immobilières à des types qui pouvaient pas les rembourser devaient danser, les naseaux blanchis par la coke, un verre de mojito dans une main, une top model dans l’autre, dans les boîtes chicos de Manhattan … Et puis la crise des subprimes est venue, et maintenant les nouveaux traders dansent sur d’autres titres les naseaux blanchis par la coke, un verre de mojito dans une main, une top model dans l’autre, dans les boîtes chicos de Manhattan … le cynisme du fric-roi et de ceux qui s’évertuent à piquer le peu qu’ils ont aux pauvres pour le refiler à ceux qui sont pleins aux as …
Plutôt voyants ...
Les MGMT se sont fait salement allumer pour leur côté désinvolte, hédoniste, branleurs bobos (j’en ai rien à foutre de rien, je te fais un disque dans l’air du temps, j’en vends des camions, et comme les traders je m’en vais danser les naseaux blanchis par la coke, un verre de mojito dans une main, une top model dans l’autre, dans les boîtes chicos de Manhattan …). Faut dire qu’ils l’avaient cherché… rien que leur nom déjà, MGMT pour ManaGeMenT, ça empestait les grandes écoles de commerce et toute la méprisable faune qui les fréquentent. Et puis ils étaient jeunes, beaux gosses bronzés, et la Columbia mettait le paquet pour soutenir leur carrière. Pas exactement une naissance artistique sur les mêmes fonds baptismaux que les Ramones …
Avec leur look de surfeurs Comanches fluo sur le sentier la discothèque branchée, leurs bonnets péruviens commerce équitable-bobo, les susnommés Andrew VanWyngarden et Ben Goldwasser sortent un disque dans l’air du temps (tous ces groupes plus ou moins dansants de Brooklyn, les MGMT sont du Connecticut, c’est pas très loin, juste de l’autre côté de la Baie de Long Island). Vraisemblablement, si les deux chérubins avaient été livrés à eux-mêmes, on n’en aurait jamais entendu parler. Une bonne fée s’est penchée sur leur berceau sonore, et croyez-moi, ça s’entend. La bonne fée, elle s’appelle Dave Fridman. Le type du son de Mercury Rev et des Flaming Lips, entre autres. Expérimentateur pop forcené et créateur de gimmicks d’une putasserie sans nom mais qui te remplissent les oreilles de guimauve dont il est difficile de se débarrasser.
Là, sur ce « Oracular spectacular », il s’en donne à cœur-joie. Quand en plus il a des bonnes compos au départ (les trois citées quelque part plus haut), ça fait mouche. « Time to pretend », c’est du niveau de Prince (la rondelle « Around the worls in a day » plus précisément) quand il se prenait pour les Beatles de 67. « Electric feel », c’est comme les Bee Gees de la B.O. de « Saturday Night Fever », ça réveille le côté disco ringard qui sommeille chez tout un chacun. « Kids », c’est en gros le meilleur titre d’ABBA que les Suédois ont pas écrit.
Ou pas vraiment discrets, comme on veut ...
C’est ensuite, pour les sept titres restant (ah ouais, sept, quand même, ça fait beaucoup), que ça se complique. Des machins informes, inconsistants, écrits avec les pieds, qui essayent de tirer sur quelques grosses ficelles sonores, tellement grosses que ça en devient gênant. Derrière ces artefacts branchouilles, rien, que dalle, et tout le génie de Fridman aux manettes n’y peut rien …
Et là, ressortent de façon exacerbée les machins qui coincent. La voix du chanteur lead (VanMachin), insupportable quand elle ne s’appuie pas sur un grand morceau. Voix de tête maniérée avec falsetto à la Prince (un modèle évident, mais Prince avait d’autres arguments, enfin, quand il délayait pas son génie dans des saletés innommables). Ces sons qui veulent tellement coller à l’air du temps qu’ils sonnent une décennie plus tard totalement ringards et suffisants. Cette manie à vouloir en foutre plein la vue et les oreilles à grand coups de changements de tempo sur des mélodies tellement tarabiscotées que t’y comprends plus rien, les (trop) grosses ficelles de Fridman que l’on a connu sinon plus discret, du moins plus efficace … Un seul exemple, « 4th Dimension transition » (rien que le titre …), c’est une sorte de musique indienne (esprit de Ravi Shankar, m’entends-tu ?) sur une rythmique épileptique, avec le gars qui essaie d’imiter la voix de baryton du Bowie des mauvais jours … qu’est-ce vous voulez faire d’un machin pareil, à quoi ça peut bien servir pareille bouillabaisse sonore ?
Malgré une litanie de critiques élogieuses, « Oracular spectacular » n’a pas vraiment eu le succès que beaucoup prédisaient. MGMT est devenu assez rapidement un « vrai » groupe avec trois ou quatre types rajoutés au casting initial. Ils ont sorti une paire de disques en dix ans, dans une relative indifférence. Et à peu près tout le monde se fout de savoir ce qu’ils deviennent.

N’empêche, ils auront sorti trois très bons titres. Combien de sensations du moment peuvent en dire autant ?