JACK WHITE - BLUNDERBUSS (2012)

 

De l'essentiel à l'accessoire ...

 « Seven Nation Army », c’est certainement le titre le plus connu de la première décennie des années 2000. Avec un riff aussi bêta et aussi diaboliquement efficace que celui de « Smoke on the water ». « Seven Nation Army », c’est Jack White qui l’a écrit et popularisé avec sa fausse fratrie mais vrai ancien couple les White Stripes … Qui avec une mini-poignée d’autres (Strokes, Libertines, QOTSA, liste close) a atténué les nuisances sonores des pénibles Coldplay, Mumuse and so on …


Et Jack White, qui est loin d’être un con, recycle le riff fédérateur sur « Freedom of 21 », un des titres de « Blunderbuss », son premier disque solo après la fin des White Stripes. Parce que les Stripes, ça pouvait pas durer toute une vie. La formule guitare-batterie près de l’os, on a vite fait le tour, surtout quand derrière le kit il n’y a pas une grande technicienne (Meg White n’était pas Billy Cobham), et qu’en plus elle chante peu ou pas du tout et ne compose rien … et il fallait au fil du temps rajouter des pianos, des cuivres, des overdubs, pour pas sonner redite intégrale … Tandis que le Jack White, c’est un hyperactif. Comme s’il en avait pas assez d’être une star mondiale avec son duo, il montait et/ou participait à d’autres projets (Raconteurs, Dead Weather). Et puis, comme d’autres pervers font la sortie des écoles, lui faisait celle des hospices et ressuscitait de vieilles chanteuses oubliées, genre Loretta Lynn ou Wanda Jackson en co-écrivant et leur produisant un disque … Comme si ça ne suffisait ce maniaque du vintage en musique rachetait une bicoque à Nashville, en faisait un studio d’enregistrement, puis au fil du temps y rajoutait une salle de concert, le siège d’un label, des boutiques. Le tout sous le nom de Third Man, société dédiée au vinyle et à l’enregistrement analogique … Et comme il était dans le rock et riche, les top models lui tournaient autour. Il passera un temps la bague au doigt à Karen Elson, et la jouant à la Prince ou Gainsbarre, deviendra son Pygmalion musical, lui faisant enregistrer une rondelle (tout à fait dispensable).

Evidemment, à la première occasion, Jack White publiera des disques en solo. « Blunderbuss » est son premier. Pas pire que ceux de Mick Jagger, Keith Richards, Pete Townshend, Joe Strummer, … mais pas meilleur non plus. « Blunderbuss » est une carte de visite. Montrant ce que Jack White sait faire en se tenant à distance respectable de ce qu’avaient produit les White Stripes.


Les principes de base du bonhomme sont là. De l’enregistrement analogique, conçu pour le vinyle (d’où les quarante syndicales minutes), no synthés, ordinateurs et toute la quincaillerie numérique qui va avec, le tout fait à Third Man (le studio), écrit et produit par Jack White, et publié sur Third Man (le label). Pas de groupe à proprement parler, mais une équipe réduite (une dizaine de participants en tout, pas plus de quatre ou cinq par titre) … La rupture avec les Stripes se voit aussi dans la palette de couleurs utilisées tant sur la pochette que dans le livret : pas de rouge et de blanc, un bleu pixelisé (gothique ?) domine le visuel.

Musicalement, ça sonne comme du rock indie des années 80 sans les synthés. Et assez loin des obsessions revendiquées du bonhomme. Pas de blues séculaire, pas de punk’n’roll. Des gentils morceaux construits autour de mélodies centristes, une économie électrique parfois gênante (pas de murs de Marshall tous potards sur onze), et une très nette prédisposition pour le mid-tempo. Un cadre qui selon moi convient assez peu à la voix de tête aigue de White, à sa place quand ça déchire ou dans la ballade, un peu le maillon faible dans ces titres entre chèvre et chou … De plus le tracklisting me semble plutôt mal agencé, des blocs de morceau œuvrant dans le même sens se succèdent, puis on passe à autre chose, ça fait un peu décousu, sans ligne directrice, et finalement on voit pas très bien quelle est la tonalité d’ensemble.

Le piano est beaucoup utilisé et souvent mis en avant dans la construction des titres. On lorgne quelquefois vers le Randy Newman des mauvais jours (« Hip (eponymous) poor boy »), ou l’Elton John en panne d’inspiration (« Hypocritical kiss »), d’autres fois on reste sur sa faim (l’introductif « Missing pieces » et son joli début, mais le titre ne décolle pas). Parfois ça fonctionne beaucoup mieux (le Wurlitzer de « Love interruption », enjolivé par le renfort vocal de la ghanéenne d’origine Ruby Amanfu.


Mais en fait, là où Jack White reste le meilleur, c’est quand il fait ce qu’on attend le plus de lui. Du White Stripes, du Dead Weather, du Raconteurs en solo, du rock, accessoirement ‘roll. Des machins dont on connaît tous les trucs, tous les tics … Et de ce côté-là, on en a pour son argent avec « Sixteen salteens » qui envoie du bois avec ses très très grosses guitares, le rockabilly d’avant le rockabilly « I’m shakin’ », ou « Trash tongue talker » qu’on pourrait croire enregistré par les Stones en 72 dans la cave pisseuse d’humidité de Nellcote.

Parce que quelques fois, il se laisse un peu aller …Exemple le plus marquant (enfin, façon de parler …) le dernier titre « Take me with you », dans lequel sa douce Karen susurre de façon dispensable dans les chœurs sur ce titre qui démarre façon ballade psyché 60’s avant qu’arrive un saugrenu riff à la « Whole lotta love » à côté de la plaque … Sans trop s’étendre sur « Freedom of 21 », qui recycle en version acoustique le riff de « Seven Nation Army », on dira que l’inspiration n’est pas toujours au rendez-vous …

A côté de la plaque, c’est malheureusement l’impression dominante de ce disque. Les suivant du Jack en solo ne seront malheureusement guère plus marquants, malgré la réputation irréprochable du bonhomme …


STEVEN SPIELBERG & PETER JACKSON - LE SECRET DE LA LICORNE (2011)

 

Tout ça pour ça ?

Spielberg et Jackson qui font un film sur Tintin, c’est un truc qui parle aux Européens en général et aux francophones en particulier. Ses meilleurs résultats d’exploitation, c’est en France que le film les a faits. Pas un hasard …

A côté de P Jackson, Spielberg en train de filmer

« Le secret de la Licorne » est un film infaisable même en rêve pour au moins 99% des réalisateurs. Parce qu’il faut bénéficier du crédit illimité de ses banquiers pour se lancer dans pareil chantier. La preuve, Spielberg tout seul n’aurait pas pu le faire. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé.

Lorsque sort « Les aventuriers de l’Arche Perdue » (en l’an de grâce mitterrandien 1981, ce qui ne rajeunit personne), Spielberg se tient au courant personnellement de la réception de son film auprès de la critique internationale. Il tombe sur un article en français où le mot « Tintin » revient à plusieurs reprises, il ne connaît pas ce mot, il pense à un effet de style du journaleux, mais intrigué se fait traduire le texte. Et donc remonte l’écheveau … ce qui signifie pour le moins que Spielberg ne connaissait pas la BD (et que donc Tintin n’est pour rien dans le personnage d’Indiana Jones … contrairement à « L’homme de Rio » de Philippe de Broca dont Spielberg a reconnu l’influence). Spielberg lit les BD, visionne les quelques (mauvais) films et (tout aussi mauvais) dessins animés sortis sur Tintin, et se dit qu’il y a de quoi en faire une adaptation un peu mieux foutue …

Spielberg contacte Hergé qui lui donne (moyennant une encyclopédie de conditions) l’autorisation d’adapter son petit reporter au cinéma. Avant même que quoi que ce soit débute, Hergé a la malencontreuse idée de passer l’arme à gauche (en 1983). Les discussions pour une adaptation doivent reprendre avec sa veuve et ses ayant-droits … je vous laisse imaginer le nombre de réunions d’avocats … Et les années passent, mais Spielberg a toujours son projet de film sur Tintin en tête, malgré des imbroglios juridiques sur l’exploitation des droits (il les a obtenus, les a rétrocédés, les a obtenus à nouveau, à la grande joie des avocats qui s’enrichissent …). Dans le courant des années 2000, des rumeurs « officielles » font état d’une trilogie de films sur Tintin dont au moins le premier serait réalisé par Spielberg.

Quand t'es dans le désert ...

Scénario et préproduction se mettent en route, les millions de dollars commencent à s’envoler, sans que rien de concret ne soit envisagé. Vers la fin des années 2000 les choses se précisent. C’est « Le secret de la Licorne » qui sera adapté, avec des éléments scénaristiques piochant dans « Le crabe aux pinces d’or », dans le final du « Trésor de Rackham le Rouge », et des références et allusions picorées dans les autres BD de la série … Sauf que Universal qui devait financer, tape en touche, les idées de réalisation de Spielberg paraissant tout bonnement infaisables (en gros, il voulait transformer des acteurs en personnages de dessin animé). Spielberg perd un partenaire, il va en trouver deux. Un petit gros néo-zélandais du nom de Peter Jackson qui en ce début de siècle multiplie les records au box-office, les Oscars, et a créé une boîte d’effets spéciaux (WETA) considérée comme la meilleure du monde, va co-réaliser le film, et flairant la bonne affaire, la Paramount rapplique avec le chéquier … Spielberg a le scénario et filmera les acteurs, Jackson et son armée d’ordinateurs feront le reste …

Je ne sais même pas si les deux se sont rencontrés pendant le « tournage » et le « montage » (hormis pour des séances photos), on les voit dans les bonus communiquer à travers des écrans d’ordinateurs, s’envoyer des fichiers entre Los Angeles et Wellington. Le tournage durera trente et un jours dans un studio de la taille d’un terrain de basket. Le reste (effets spéciaux, animations, …) deux ans. John Williams rajoutera la musique (certainement pas son meilleur thème), et un étudiant en PAO (vu le résultat, je suppose) le générique (genre celui de la « Panthère Rose » en beaucoup plus mauvais, près de cinquante ans plus tard, fallait le faire …).

Spielberg filme les vrais acteurs en motion capture, recouverts d’une combinaison en plastoc, un masque troué sur le museau avec de la peinture verte dans les trous, une caméra fixée à leur harnachement en permanence trente centimètres devant le visage, le tout relié par câbles numériques à la console à joysticks portable de Spielberg. Parce que durant tout le tournage, ni Spielberg ni qui que soit sur le plateau n’a tenu une caméra …

Daniel Craig

Et les acteurs, dans tout ça, ils servent à quoi ? Ben ne subsistent dans le film que leurs mouvements et leurs expressions de visage, vu que quand ils jouent, c’est devant des armatures de décor et en utilisant des objets, le tout en fil de fer. Milou (enfin Snowy pour les anglo-saxons) est totalement virtuel, aucun clebs ou autre animal n’a été utilisé. Et le casting ? Jackson a amené son Gollum (Andy Serkis) qui est le Capitaine Haddock, l’oublié (depuis « Billy Elliott ») Jamie Bell sera Tintin, quelques nigauds de seconde zone les Thompson Twins (les Dupont en VF) et les autres personnages du film et de la BD … ah, au fait, ils ont oublié Tournesol, erreur assez funeste quand on veut adapter Tintin au cinéma. Pourtant, tous les intervenants (Spielberg, Jackson, jusqu’au type chargé d’éteindre la lumière à la fin de la journée) se déclarent fans absolus de Tintin. Le seul qui est peu loquace, et qui donne l’impression de s’emmerder ferme qu’il tourne ou apparaisse dans les bonus, c’est la seule star du casting, Daniel Craig (dans le rôle de Sakharine, personnage très secondaire de la BD, mais méchant principal du film).

Le résultat visuel est assez bluffant, une qualité d’expressions de visage qu’on ne peut pas retrouver sur un dessin animé, et des séquences d’action totalement folles, tout l’environnement étant numérique, les seules limites étant l’imagination de Spielberg, de Jackson et de sa bande de geeks de la WETA. Il y a juste un gros problème, c’est que quand on a lu les BD (ce qui fait pas mal de monde sur cette planète), on connaît quasiment la fin de toutes les scènes à l’avance, y compris le dénouement, ce qui est pas top, même au premier visionnage, on a l’impression d’avoir vu le film dix fois… ce qui fait que l’on a plutôt tendance à regarder dans les coins de l’écran, le détail ou l’allusion tirés de la série de BD, et qui n’apportent en l’occurrence rien au film lui-même. Par exemple dans la première scène le peintre de trottoir qui fait le portrait de Tintin, ils lui ont refait la tête d’Hergé …

Une remarque pour finir. Tant qu’à faire dans le numérique, le film a été tourné pour être également exploité dans sa version 3D. J’ai eu une télé compatible 3D et les binocles qui allaient avec il y a longtemps. La 3D à la télé, c’est amusant cinq minutes et tu passes ensuite des heures avec un mal de tête carabiné. A mon avis (ça vaut pour ce film et tous ceux en 3D) à la maison, les versions Blu-ray ou DVD suffisent …

En conclusion, même signé Spielberg et Jackson, « Le secret de la Licorne » au cinéma, ça vaut pas « Le secret de la Licorne » en BD …


Du même sur ce blog : 

Les Aventuriers de l'Arche Perdue

Lincoln



THE SMITHS - THE SMITHS (1984)

 

So British ...

Ouais, parce que plus anglais tu peux pas … déjà le nom du groupe. Choisi parce que Smith est le nom de famille le plus répandu du bon côté de la Manche (si l’on cause musique) … Mais c’est pas le tout d’avoir un nom qui va causer à ses concitoyens… Les Smiths, le temps de leur courte existence (une poignée d’années) furent chaque fois désignés par les lecteurs de la presse musicale (anglaise, évidemment) comme le meilleur groupe de l’année, voire du siècle. Une popularité mesurée à l’aune des Beatles et des Jam avant eux, et d’Oasis la décennie suivante.


Hors de la perfide Albion, que dalle … à tel point que le fan-club français du groupe, pour que l’on parle des Smiths dans les mags musicaux hexagonaux, n’eurent que la possibilité de créer le leur, de magazine musical. Ils le baptisèrent les Inrockuptibles, et bon an mal an, le mag persista dans une ligne éditoriale branchée, s’éloignant autant que les contraintes économiques le permettent, du mainstream, quitte à s’extasier pour des tocards terminaux … mais ceci est une autre histoire …

Les Smiths, donc … une curieuse entité bicéphale. A Johnny Marr la partie musicale. Le type est guitariste, jeune, et capable de fulgurances mélodiques remarquables. Il est considéré par ses pairs comme le guitariste le plus talentueux des 80’s, alors qu’il n’a strictement rien d’un virtuose qui s’expose et ne fait pas rugir des empilements de Marshall. Ce serait plutôt un taiseux discret.

Morrissey & Marr

Le contraire du chanteur et auteur des textes, le dénommé Steven Patrick Morrissey, dont le nom de famille lui servira de nom de scène. Lui, il cherche depuis quelque temps (il a vingt-trois ans, quatre ans de plus que Marr au début des Smiths) son quart d’heure de gloire dans l’underground artistique et musical (il a été président du fan-club anglais des New York Dolls, a fondé celui des Cramps, et se fait publier dans la presse anglaise grâce à de multiples lettres qu’il envoie aux rubriques « Courrier des lecteurs »). Il écrit des textes plutôt sombres et tordus. C’est un ami des deux (Billy Duffy, guitariste des hardeux steppenwolfiens The Cult) qui fera se rencontrer Marr et Morrissey. Leur alliage sera celui du feu et de la glace, Morrissey l’extraverti et Marr l’introverti. L’un cherche l’ombre, l’autre fait un numéro assez étrange sur scène, chante et danse lascivement comme un pantin désarticulé. Signe décoratif notoire des premiers temps, Morrissey est grand consommateur de glaïeuls, glissés dans son dos dans la ceinture du pantalon. Les fleuristes de Manchester seront en rupture de stock les soirs de concert, les filles du public inondant la scène de glaïeuls… Morrissey apparaît comme un sex symbol … las, les groupies doivent déchanter, le chanteur revendique une activité sexuelle quasi nulle (il se prétend tour à tour vierge, homo, bi) et ses fréquentations amoureuses et ses goûts sexuels resteront mystérieux longtemps (il est très occasionnellement gay) malgré une nuée de paparazzi qui le traquent … Par contre, il gardera un sens de la communication exacerbé, parfois acéré et direct (intituler une chanson sur Thatcher « Margaret on the guillotine » est plutôt explicite), parfois beaucoup plus abscons (« Suffer little children », on en recausera plus bas de celle-là), voire navrant (de multiples prises de position certes alambiquées mais tellement souvent répétées qui ont montré dès la fin des 80’s une certaine affinité avec les théories du National Front anglais, copie conforme du parti de la Le Pen family)…

La préhistoire des Smiths, c’est le parcours classique dans le total anonymat, de multiples groupes avec de multiples comparses, avant que la bonne formule se mette en place, et que les Smiths viennent au monde. Détail géographique plus qu’important, les Smiths sont de la scène de Manchester et fortement influencés par les « stars » locales récentes (Buzzcocks, Joy Division, The Fall). Bien que d’emblée les Smiths aient un succès aussi conséquent qu’imprévisible, et ce dès leurs trois premiers singles, « Hand in glove », « This charming man » et « What difference does it make », qui se comporteront fort honorablement dans les charts nationaux.


Ces trois titres sont présents dans leur première rondelle dont au sujet de laquelle il est question ici, ce qui ne sera pas toujours le cas (comme au hasard les Beatles, nombreux seront les singles des Smiths qui ne figureront pas dans leurs albums).

« Hand in glove », un de leurs titres les plus évidents, aura une vie après les Smiths. Morrissey assiègera quasiment le staff de Sandie Shaw (une de ses idoles, chanteuse pieds nus des sixties, qui avait touché le firmament avec « Puppet on a string », scie gagnante de l’Eurovision en 1967, et tombée aux oubliettes depuis), la quadragénaire diva reprendra la chanson pour un numéro un anglais. « This charming man » sera un des classiques absolus des Smiths, typique du Smiths sounds, et introduit par un riff qui me semble repiqué sur celui de « Souvenirs, souvenirs » de feu le mari de Laeticia Boudou.  « What difference … » j’ai beaucoup de mal avec celle-là parce que Morrissey, encore à la recherche de son style vocal, passe la moitié du titre à se forcer à piailler dans les suraigus, et putain ça fait trop mal aux oreilles …

Mêmes tics vocaux, mêmes causes et mêmes effets pour « Miserable lie ». Tout ça pour dire que « The Smiths », s’il constituera pour certains une révélation et se vendra très très bien, n’est pas pour moi un indispensable, ni même pas un de ces début albums qui marquent leur époque. Les Smiths se cherchent encore et ne se trouvent pas toujours. Il se dégage de ce premier disque une certaine uniformité qui vire parfois à la monotonie. Marr ne se lâche pas encore aux compositions, et Morrissey cherche encore sa voix. Avant d’être totalement originaux par la suite, les Smiths piochent leurs musiques aux frontières du rock (« You’ve got everything now », « What difference … »), ou même du ska (« Pretty girls make graves »).


Mais surtout les Smiths sont à l’opposé de ce qui marche, qui se vent par camions. Inutile de chercher chez eux le gros son de batterie à la « Born in the USA », les démonstrations virtuoses d’un Prince, le racolage commercial d’une Madonna, … Les Smiths seront les rois de la mélodie mid-tempo (« Still ill »), de la ballade cabossée de crooner (« I don’t owe you anything »). Avec des paroles qui claquent et font réagir. Ici, la controverse viendra de « Suffer little children », qui fait allusion à des meurtres d’enfants par un serial killer dans la région de Manchester. Les faits sont récents, et les prénoms des victimes sont cités. Polémique (Victor), des familles seront offusquées, d’autres reconnaissantes, les textes de Morrissey, toujours impersonnels, laissent la porte ouverte à toutes les interprétations, et cette ambiguïté littéraire sera sa marque de fabrique.

Et les Smiths feront aussi causer avec leurs pochettes. Ils mettront souvent en photo des icônes masculines ou gay (voire les deux). Ici, c’est Joe d’Alessandro (photo extraite du film « Flesh » d’Andy Warhol), il y aura Jean Marais sur un single en 87, et Alain Delon sur leur chef-d’œuvre « The Queen is dead » en 86.

Les Smiths, vu leur succès, seront souvent cités comme références (enfin, Morrissey et Marr, tout le monde a oublié le nom de la section rythmique), leur style sera vite reconnaissable aux premières mesures, mais musicalement, peu se réclameront de leur influence. Ont-ils placé la barre trop haute, ou ne sont-ils que des étoiles filantes au cœur d’une décennie musicale souvent décriée ?

Vous avez deux heures pour répondre …


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