Et je sais pas s’il y avait un aigle sur le dos… Vince
Taylor, c’est le rocker tout de cuir noir vêtu, un look pompé sur Gene Vincent…
Qui a dit Dick Rivers ? Tu sors, mais sache que tu n’as pas tout faux, le
Niçois a souvent fait les premières parties du Vince et s’est fringué comme
lui. Même si sur la pochette de ce « Vince .. ! », Taylor est
plutôt en chemise à jabot de Prisunic, genre farfadet psychédélique fauché (on
est en 1965, les cheveux et les fleurs commencent à pousser).
Vince Taylor |
Vince Taylor est Anglais. Il fait partie de ces pionniers
du wockanwoll, mais joue médiatiquement en seconde division. Son seul titre de
gloire est un demi-classique « Brand new Cadillac » publié en 1959
comme face B d’un 45T dont on a oublié la face A. Vince Taylor (Brian Maurice Holden
pour l’état-civil) est au moins bizarre, voire un peu cinglé. Allez savoir
pourquoi, il est un des premiers à bénéficier d’un culte en France, alors qu’il
est quasi inconnu dans le reste du monde (avant Johnny Thunders, Alan Vega,
Pete Doherty, et autres bizarros du même acabit). Faut dire qu’il s’est fait remarquer
au début des 60’s dans des « galas » (on appelait les concerts comme
ça à l’époque) qui finissaient souvent en vrille (le saccage du Palais des
Sports en 1961). A la rue chez lui, il sera signé en France par Eddie Barclay
qui essaiera de l’imposer dans des styles assez disparates, n’ayant souvent que
peu de choses à voir avec le rock’n’roll des origines.
Après avoir eu comme backing band les Play Boys, Taylor
engage (merci Barclay) le Bobby Clark Noise, groupe du batteur Bobby Clark
(qu’on retrouvera un peu plus tard chez Johnny). Bobby Clark s’étant fait
remarquer de ses contemporains en étant soi-disant le premier dans le rock à
utiliser un kit de batterie à double grosse caisse. Les types donnent de bons
concerts, et Barclay voit tout l’intérêt de sortir un disque en public. Mais
manière d’assurer le coup, le disque en public sera enregistré … en studio …
comme tant d’autres. Bon, même en ces temps antédiluviens, les ingés son
faisaient bien le boulot, et on a droit sur ce « Vince ..! » à une
vraie fausse présentation d’un certain Mike « Rosco » Prescot, à des applaudissements
du public qui vont croissant, et des demandes de rappel hystériques. Bref on
s’y croirait …
Son nom est écrit sur la batterie ... |
On s’y croirait d’autant plus que les types même en
studio ont joué et chanté tous ensemble en même temps, et puis qu’ils se sont
lâchés. Ce « Vince.. ! » a une grosse réputation. Et aussi une
certaine valeur chez les collectionneurs, parce que peu souvent réédité (la
dernière fois en 2008 en quantités limitées) et jamais en Cd. Question :
faut-il lâcher une trentaine d’euros pour la demi-heure de « concert »
en vinyle état mint ? Faut voir …
Déjà, il est quand même conseillé de connaître un peu
Vince Taylor, qui a grosso modo alterné des bas et des moins bas (si un
grabataire fan du bonhomme passe par là, qu’il économise le post d’insultes, je
m’en tape et j’y répondrai pas). Vince Taylor n’est pas un grand chanteur,
compose peu (ici sur neuf titres, il en cosigne un seul « The men from El
Paso » avec son guitariste Ralph Danks) et passe du coq à l’âne au niveau
des reprises (entre « Jezebel » d’Aznavour, « Summertime »
de Gershwin, « Trouble » d’Elvis, enfin de Leiber & Stoller, on
dira pour être gentil que ça ratisse large …).
En gros, la première face est dispensable, et les deux
cuivres du groupe n’ont pas trop à se fouler niveau imagination, les titres
sont abordés soit façon rhythm’n’blues, soit jazzy, soit (tocade toute
personnelle du Vince) façon mariachi. Témoin du quasi naufrage, la reprise de « Long
Tall Sally » de Little Richard. Putain, ça fait combien de fois que je l’écris
que faut faire très gaffe avec Petit Richard, faut avoir le coffre et l’hystérie
pour le reprendre, et c’est pas donné à grand monde …
Vince Taylor & Bobby Clark Noise |
La face B de la rondelle est heureusement bien meilleure.
Une version énervée (c’est bien le moins, le Vince sait de quoi il parle en
terme de baston) de « Trouble » avant la masterpiece du disque. Ça s’appelle
« Clank Pt 1 & 2 », et pas de bol pour Vince, c’est un solo de
plus de cinq minutes de Bobby Clark, un solo et physique et technique qui met
en valeur sa double grosse caisse. Ce titre a fait son petit effet chez les
batteurs et les musiciens de l’époque, bien que les grincheux argueront qu’un
solo de batterie, c’est généralement aussi intéressant que la lecture d’un
annuaire téléphonique … Mais après ça, le Vince se lâche sur « High Heel
Sneakers » et « My Baby left me » qui concluent le disque. Il rentre
dans le lard des deux classiques, préfère la rage à la justesse, et entraîne le
reste de sa troupe qui doit y aller à fond pour suivre la cadence infernale du
leader, toute en accélération permanente. Et là, on est plus dans les fuckin’ fanfares
mexicaines, on est dans le rock’n’roll brut, sauvage, et qui se pose pas de
questions …
Bon, l’impact de ce « Vince .. ! » restera
confidentiel. De toute façon, vu l’état assez erratique de Taylor, même un gros
succès n’aurait pas changé grand-chose pour lui. Toujours proche de son armoire
à pharmacie, il va aller vers des drogues de plus en plus dures qui le
tiendront pendant des lustres dans un état de clochardisation quasi permanent,
ses rares apparitions publiques ou discographiques à partir des années 70 ne faisant
rien pour arranger sa réputation …
La légende était déjà imprimée, Vince Taylor serait l’ange
noir du rock’n’roll … en France …