Victime de la mode ...
Tel pourrait être son nom de code à Deee-Lite. Parce
que trois petits (33) tours et puis s’en vont …
Ils furent pourtant les rois des airplays radio de l’année 90. Parce que ce qu’ils produisaient était ce que le public attendait (ou on leur a fait croire, au public, que ce qu’on leur faisait écouter était ce qu’ils avaient envie d’entendre).
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A cette époque-là, la demi-décennie charnière fin
80’s – début 90’s où ce qu’on pourrait qualifier du vocable généraliste grand
public de musiques dansantes électroniques passait de l’underground (les
vinyles white labels à destination des DJ’s pressés à quelques dizaines
d’exemplaires) au succès de masse (les bien nommés Massive Attack par exemple),
ce qu’il fallait c’est se faire remarquer, sortir du troupeau d’anonymes. Et
quoi de mieux que d’avoir une chanson qui passe à la radio et un clip à la télé ?
En 1988,
ce fut Lisa Stansfield avec « All around the world ». Qu’on ne peut taxer
d’opportuniste, c’était une vraie bonne chanteuse, qui grouillotait depuis
quelques temps avec des joueurs de disquettes (Coldcut en l’occurrence). 1989
consacra Yazz, longiligne peroxydée amatrice de fringues fluo en plastoc qui
fit la farce avec « The only way is up ». Yazz et Stansfield, deux
Anglaises, et le continent apprécia.
Les Américains, jamais les derniers lorsqu’il s’agit de faire tinter le tiroir-caisse, obtinrent leur revanche en 1990 avec Deee-Lite et « Groove is in the heart ». Deee-Lite, c’est censé être un groupe (ils sont plus de deux). Dont la figure de proue est Lady Miss Kier (Kierin Magenta Kirby pour l’état-civil). Look Kate Pierson (la rousse à choucroute des B-52’s) revisitée par un couturier psychédélique (les fringues à motifs bucoliques). Fréquentant assidument les clubs dance newyorkais et s’acoquinant avec des DJ’s pour essayer de se faire remarquer. Au début des 80’s, ça avait donné Madonna. Lady Miss Kier est bien des tons en dessous, aujourd’hui on la qualifierait d’influenceuse, avec tout le côté péjoratif accolé au vocable.
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Lady Miss Kier, toute en discrétion ... |
Son « groupe », c’est elle et deux DJ’s.
Exotiques. Un Russe, Dmitry et un Japonais, Towa Tei. Qui pour ne pas être en
reste avec leur chanteuse, s’habillaient bariolé et fluo, avec un mauvais goût
que les camions portugais devaient leur envier. Deee-Lite, c’est avant tout la
réunion de trois fashionistas. Bo Diddley chantait deux points ouvrez les
guillemets « don’t judge a book by its cover ». Ben y’a des fois que
si. Livrés à eux-mêmes, les trois Deee-Lite accouchent de quelques machins sans
le moindre intérêt, vaguement dans l’air du temps electro-dance-house-etc …,
qui constituent la matière première de « World Clique », leur premier
disque.
Et dans cette mélasse, on se surprend parfois à
dresser l’oreille, et clignote quelque part le nom de James Brown (oui, on
parle bien du même). Alors on feuillette le livret du Cd pour voir si le
Godfather of Soul est crédité quelque part. Que nenni. Mais par contre, dans
les intervenants de quelques titres, on voit apparaître le nom de Bootsy
Collins. Et aussi ceux de Fred Wesley et Maceo Parker. Soit un tiers des
mythiques JB’s, excusez du peu. Pourquoi traînent-ils là ? Apparemment
Bootsy Collins fréquentait beaucoup les clubs newyorkais et comme
vestimentairement (sans parler des binocles) il passe pas lui non plus vraiment
inaperçu, la Kier l’a sollicité, il a dit banco et a amené ses deux vieux
poteaux … Alors on se repasse la rondelle et bingo, c’est bien ça.
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Deee-Lite, Bootsy Collins et un DJ |
Les trois ex-JB’s sont pas très souvent présent,
unfortunately. Ils contribuent, et pas qu’un peu au hit « Groove is in the
heart » (pour ceux que ça intéresse, le passage en rap dans le titre est
de Q-Tip, le leader des concernés et militants A Tribe Called Quest, vous savez
ceux qui avaient samplé la ligne de basse de « Walk on the wild
side » pour leur hit « Can I kick it »). Collins, Wesley et
Parker sont aussi présents sur « Try me on », le vrai meilleur titre
du disque.
Sinon, pour être juste, faut reconnaître que les
Deee-Lite ont fait tout seuls comme des grands « Power of love », un
truc dance bêtement efficace quoiqu’un peu longuet. Et qu’ils se sont inspirés
(pour pas les accuser de plagiat) de Kid Creole & The Coconuts pour
« Smile on ». Le reste mérite pas qu’on s’y attarde …
Sur la lancée du méga-succès de « Groove is in
the heart », ce « World Clique » se vendra bien. La suite
confirmera les vides artistiques qu’il contient. Deux successeurs suivront,
dont tout le monde a oublié le titre. Avant la débandade finale (quand Kier et
Dmitry ne feront plus chambre commune disent ceux qui s’y connaissent en potins
de plumard). On ne sait ce que les DJ’s sont devenus, Kier a elle continué un
peu dans la musique (Djette), et évidemment, on l’a beaucoup aperçue dans les
gradins des défilés de mode. Mission accomplie ?