QUEEN - A NIGHT AT THE OPERA (1975)

 

Opéra comique ?

Bon, par où commencer cette affaire ?

Que d’après un sondage « Bohemian Rhapsody » est la chanson préférée des militaires anglais (oh putain, y’aurait tellement de choses à dire … la chanson d’une des plus grosses folles du rock plébiscitée par les hommes, les vrais, ceux qui défendent la Patrie …)

Que d’après un autre sondage, « Bohemian Rhapsody » est la chanson préférée des automobilistes qui roulent en Seat (ouais, je vous vois venir, en plus de rouler avec une caisse pourrie, ces gens-là écoutent de la musique de merde …)


Que d’après les plateformes de streaming (et suite au succès du très mauvais biopic sur Queen), « Bohemian Rhapsody » est la chanson la plus écoutée du vingtième siècle (et là, j’aimerais savoir quelle est la purge la plus écoutée de ce siècle actuel de malheur …). Et à l’attention de tous les Castex qui se croient mélomanes comme lui se croit Premier Ministre, rappelons que parmi les Anglais du XXème siècle, on trouve quelques noms comme Beatles, Rolling Stones, Who, Kinks, Led Zeppelin, Pink Floyd, Oasis, Blur, et autres David Bowie, Elton John, George Michael, tous ces individus ayant vendus du disque par containers entiers …

Vous l’aurez compris, beaucoup de choses tournent autour de « Bohemian Rhapsody », titre composé par Freddie Mercury et considéré comme le sommet de « A Night at the Opera ». Petite remarque, ce titre était un peu le serpent de mer du disque, toujours en « work in progress » et avait fini par foutre les nerfs aux trois autres du groupe, qui lors des séances d’enregistrement, l’avaient rebaptisé du peu amène « le machin à Freddie ». « Bohemian Rhapsody », tous les Anglais de sept à soixante-dix-sept ans et plus, connaissent les paroles (abracadabrantes) par cœur. « Bohemian Rhapsody » est l’arbre qui cache la forêt « A Night At The Opera » …

Bon, par où continuer ?

Et si on parlait de Queen, ou plutôt de l’image de Queen. Queen, c’est le groupe que tous les « connaisseurs » adorent détester. Accusés de grandiloquence, de mauvais goût (tant au niveau du look que de la musique), de faire du hard et du prog bas de gamme, d’avoir sorti des titres (« We will rock you », « We are the champions ») beuglés par des hordes avinées et basses du front dans tous les stades de la planète (ou dans les fins de banquet par les mêmes avinés bas du front). Et insulte suprême, d’avoir vendu du disque à coups de dizaines de millions …


Je vais vous dire comment je vois les choses. Vous avez déjà entendu parler de second degré ? Tous les gardiens du Temple pour qui le rock et ce qui en découle doit être régi par des règles immuables et codifiées par une bande d’idoles le plus souvent cafardeuses et sacrificielles (le Club des 27, « Hope I die before I get old », les yeux battus, la mine triste et les joues blêmes en cuir noir, la défonce, la technique du solo de guitare, ou pire de batterie, …) tous ces clichés mille fois rebattus qui te situent du bon « côté » (du sérieux, de la crédibilité, du cimetière,…). Queen, comme quelques rares autres (Zappa est le premier nom qui me vient à l’esprit) l’a très rapidement joué second degré, caricaturant tous les codes du rock-pop-machin. Et la caricature, ça fait pas rire les intégristes, c’est bien connu, ça donne des envies de décapitation … Et les Queen, plus souvent que tous les autres et qu’à leur tour, se sont retrouvés le cou sur le billot … Queen, ce serait n’importe quoi, du vulgaire et du racoleur à la tonne, les Bigard du rock … ouais, faut voir …

La parole est à la défense … Techniquement, tant au niveau individuel que collectif, des arrangements et de la production, les Queen ont placé la barre plutôt haut. Combien de groupes peuvent aligner dans leur casting quatre types qui tous peuvent composer et chanter lead, placer des chœurs à rendre jaloux Beatles, Beach Boys et Byrds, hein, dites un peu … Ok, les Eagles, … tiens encore un autre groupe détesté par les auto-proclamées élites du rock … sauf que les Eagles, ils font peu ou prou toujours le même disque, voire le même morceau… ou encore Kiss, en mode Marvel meets Kiri le Clown version hard … Queen, ils partent dans tous les sens, et de préférence, ceux qui sont interdits …

Queen & Roy Thomas Baker

Déjà, baptiser un disque « A night at the Opera » (en référence bien évidemment au film des Marx Brothers, et non pas au repaire de toutes les Castafiore), montre bien que l’absurde et le second degré sont revendiqués. Et en évitant le côté potache (il arrivera parfois plus tard, à la joie des détracteurs du groupe). Ce disque, c’est une affaire on ne peut plus sérieuse et années 70 ou pas, la vénérable maison EMI qui finance, trouve l’addition plus que salée et le fait savoir au groupe. « A night at the Opera » quand il arrive dans les bacs est le disque le plus cher jamais enregistré. Et ce bien que les Queen fassent à ce moment-là tout juste partie de la seconde division du rock, très loin en termes de notoriété et de ventes des poids lourds de l’époque … Et le disque a coûté cher parce que les séances de studio se sont éternisées sous la houlette du cinquième Queen, le producteur Roy Thomas Baker, qui a bien failli y laisser sa santé mentale. Sur certains titres, dixit Brian May, les bandes étaient à la limite de la rupture et de la transparence, tant les parties instrumentales et surtout vocales, s’y bousculaient. Sans cesse sur le métier les Queen remettaient leur ouvrage.

Ce qui frappe sur le disque, c’est l’empilement des vocaux. Des chœurs surgis de partout et démultipliés par le re-recording, ce dont beaucoup se passeraient s’ils avaient un chanteur du niveau de Freddie Mercury. Un type qu’on a réduit trop facilement au gay exubérant, à sa navrante moustache, à ses marcels surmontés de capes royales démesurées, etc … en oubliant quel putain de grand chanteur il était (écoutez-le sur « You’re my best friend » ou « Love of my life » par exemple). Et un chanteur qui se contente des backing vocaux sur les compos des autres du groupe (« I’m in love with my car » chantée par Roger Taylor, « ‘39 » chantée par Bryan May »).

Même si le studio permet de démultiplier les parties instrumentales, Queen est musicalement un power trio guitare-basse-batterie. Et pas un trio de manchots, Bryan May étant régulièrement cité comme un meilleurs guitar-heroes, ce dont il doit se foutre royalement. Son truc, c’est pas l’esbrouffe, mais plutôt la technique pure (sa guitare, la Red Special, il l’a construite à l’origine lui-même, en « compilant » des pièces d’autres guitares). Brian May se retrouve donc avec un son unique, immédiatement reconnaissable (à noter pour ceux que ça intéresse, il n’utilise que très peu et très rarement des pédales d’effets, le son énorme est dû à trois amplis branchés en série avec un delay différent sur deux d’entre eux).


« Bohemian Rhapsody » a tiré « A night at the Opera » vers les sommets de la reconnaissance commerciale. A l’issue d’un bras de fer avec EMI, qui ne voulait pas d’un single de six minutes (injouable à la radio disaient-ils), qui avec ses six parties différentes faisait le pendant seventies du « Good vibrations » des Beach Boys. C’est l’obstination de Freddie Mercury qui finira par payer, le reste du groupe restant d’une neutralité toute diplomatique face à la maison de disques. En fait, ils n’y croyaient pas du tout au succès du « machin à Freddie ». Lequel succès fut considérable, entraînant l’album et l’autre single (« You’re my best friend », très bonne ballade lyrique) vers les sommets des charts.

L'autre long titre de l’album (« The Prophet’s song ») est considéré comme la masterpiece de Brian May. Ouais … pour moi, c’est un truc qui a mal vieilli, enchevêtrant sans l’entrain et le drive de « Bohemian Rhapsody », passages a capella, hard, prog … Je suis par contre beaucoup plus preneur du « I’m in love with my car » du batteur Roger Taylor (entre Ziggy-Bowie et le Floyd crashé dans le Mur), des rigolos « vaudevilles » (ce genre typiquement british un peu beaucoup passé de mode au milieu des 70’s et dont les Kinks flânant dans « Muswell Hillbillies » avaient signé l’apogée du genre) comme « Lazing on a Sunday afternoon » ou « Seaside rendez-vous ».

En passant, les Queen règlent leurs comptes aux lourdauds du glam et du boogie simpliste (Sweet, Slade, Status Quo) avec l’épatant « Sweet Lady », s’en vont rendre visite à Lady Madonna en passant par les Strawberry Fields (« Good company »), font avec « ‘39 » un clin d’œil aux mêmes Beatles (et aussi au country-rock des Byrds).

La pochade ne serait pas complète sans l’ultime titre, une relecture (point trop extravagante cependant) du « God save the Queen », moins destroy que le titre des Pistols (ah, Freddie Mercury et les Sex Pistols dans le même studio deux ans tard, que d’anecdotes fabuleuses …) ou la pulvérisation de l’hymne américain par Jimi Hendrix.

Allez, disque incontournable des seventies …




ROBERT BENTON - KRAMER CONTRE KRAMER (1979)

 

And the winner is …

Kramer, forcément (un Oscar pour le film, un pour Hoffman, un autre pour Meryl Streep). Mais aussi le réalisateur Robert Benton (deux statuettes, meilleur film et meilleure adaptation). Et le producteur Stanley Jaffe qui a pas dû regretter d’avoir mis des dollars dans cette affaire, le film ayant cartonné en salles, et pas seulement aux Etats-Unis …

Lequel Stanley Jaffe, qui après avoir acheté les droits du bouquin d’un certain Avery Corman (aucun lien avec le Roger du même nom) dont sera tiré le film branche son pote Benton sur son adaptation au cinéma. Bon, soyons clair, on a affaire là à des seconds couteaux de l’industrie du cinéma, Benton n’ayant comme titre de gloire à son CV qu’une participation au scénario de « Bonnie & Clyde », et Jaffe rien de notable (et guère mieux par la suite, à l’exception du gentiment scandaleux « Liaison fatale »).

Hoffman, Streep & Benton


Les deux compères veulent une star pour le premier rôle, et se mettent vite d’accord sur le nom de Dustin Hoffman, qu’ils vont démarcher illico. Problème, le film est centré sur une histoire de divorce et Hoffman est justement en train de divorcer, et n’a pas spécialement envie de jouer devant une caméra ce qu’il vit au quotidien. Il finit par accepter, moyennant un droit de regard et de réaménagement du scénario, ce dont il ne se privera pas quelques fois, improvisant quelques scènes … L’autre moitié sera Meryl Streep, remarquée pour un second rôle chez Cimino (l’extraordinaire « Voyage au bout de l’enfer »). Boulimique de travail, elle joue en même temps au théâtre, tourne pour Woody Allen (« Manhattan »), et donc aux côtés de Dustin Hoffman, qui fidèle à ses habitudes, la regarde de haut, même si en l’occurrence elle est plus grande que lui. 

Scénario construit autour d’un divorce donc. Et pour que la fête soit complète, il fallait un enfant (de six ans au début du film, presque huit à la fin). Le choix se portera sur un certain Justin Henry (seul rôle majeur de sa carrière qu’il poursuivra pour quelques nanars direct to Dvd), dont Hoffman s’occupera vraiment. Un peu normal, le film tourne autour de leur relation.

Une famille en or ...


Par tradition, le cinéma américain est peu friand de mélos familiaux, Douglas Sirk et Cassavettes étant à peu près les seuls à avoir construit une filmographie sur ce genre. « Kramer vs Kramer » est à mi-chemin entre les deux, un peu de la mièvrerie de Sirk et quelques pétages de pétages de plombs hystériques à la Cassavettes, témoin la scène des « retrouvailles » entre Hoffman et Streep, conclue par un verre fracassé sur un mur de restaurant (personne à part le chef opérateur n’était au courant que la scène finirait ainsi, Hoffman l’ayant improvisée sans en avertir Benton et Streep). En fait « Kramer … » s’apparente plutôt au cinéma français, champion du monde de l’observation d’histoires d’amour intimistes qui finissent mal en général (on peut penser à toute la filmo de Claude Sautet par exemple).


Même si « Kramer … » offre une histoire un peu abrupte que l’on prend en chemin. Les trois premières scènes montrent Joanna Kramer faire ses valises et ses adieux à son fils endormi, Ted Kramer obtenir une belle promotion dans son agence de pub, et lorsqu’il rentre chez lui partager cette bonne nouvelle avec sa femme, c’est pour assister à son départ. On ne saura pas grand-chose de ce qui a pu conduire à cette désagrégation du couple. Tout juste se rendra-t-on compte que le mari ne s’est jamais occupé de tâches domestiques et paternelles (quelques scènes plutôt drôles où on le voit préparer et rater pitoyablement le petit-déjeuner, ou arriver au boulot les bras chargés de courses), et que sa femme est psychologiquement tourmentée (elle fait allusion à une thérapie qu’elle a suivie, et le twist final est certes spectaculaire mais assez incompréhensible). Et ce final laisse aussi le spectateur sur sa faim (ah bon, c’est fini, et il se passe quoi maintenant ?). Entretemps, on aura vu une mère qui a abandonné mari et enfant (se contentant pendant des mois d’envoyer de rares cartes postales à son fils), revenir demander sa garde au tribunal, ce qui revient à dire qu’on lui fait quand même jouer le sale rôle d’un scénario quelque peu macho …

L’essentiel du film nous montre cet apprentissage de paternité solitaire de Dustin Hoffman, qui doit apprendre à connaître et apprivoiser son fils. Hoffman, archétype des acteurs de l’Actors Studio, trouve là un rôle sur mesure, évolutif, celui d’un père qui doit tout gérer seul (il tente bien de draguouiller voisine ou collègues de bureau, mais ne refait pas vie avec une autre femme), et doit élever son fils (l’histoire se déroule sur un an et demi). Et le petit Justin Henry s’en sort ma foi plutôt bien, certaines scènes reposant beaucoup sur lui (celles de la crème glacée, ou de son passage aux urgences de l’hôpital). A noter une similitude physique évidente du jeune Justin Henry (les mignonnes chères têtes blondes) avec le gosse qui joue le petit Anakin Skywalker dans le premier (ou le quatrième, ça dépend comment on compte) épisode de la saga Star Wars …

Un verre ça va, deux verres bonjour les dégâts ...


Et comme toujours, Meryl Streep crève l’écran. De toutes façons, qu’est-ce qu’il y à dire sur Meryl Streep ? C’est une sinon la meilleure des actrices en activité, elle pourrait rendre intéressant un personnage dans un film Marvel … Et preuve que le Benton, c’est pas un cador, elle avoue dans les bonus, alors qu’elle n’était qu’une quasi-débutante, qu’elle l’avait poussé à lui laisser réécrire ses réponses lors de la scène du tribunal, pour qu’elles sonnent féminines …

« Kramer contre Kramer » s’apparente souvent à du théâtre filmé, l’action se déroule quasiment toute dans l’appart des Kramer, dans la boîte de pub de Ted, dans un jardin public et dans une salle d’audience de tribunal. Perso, ce que je trouve le plus intéressant, c’est pas l’histoire en elle-même, vague machin larmoyant sur une cellule familiale qui vole en éclats, mais ce qui est évoqué au second plan. A savoir le monde impitoyable de l’entreprise (« on est super-potes, vachement contents de toi, mais tu passes trop de temps à t’occuper de ton mouflet, ça gêne le bon fonctionnement de la boîte, alors t’es viré »), et celui guère plus reluisant de la justice qui se monnaye très cher aux States (les avocats, machines procédurières sans âme et leurs questions, embarrassantes même pour ceux qu’ils défendent).

« Kramer contre Kramer », bien que servi par deux énormes interprètes, se situe quand même un peu en deçà de toutes les louanges qu’on lui a tressées … juste un bon film pour soirée confinée …


METALLICA - GARAGE, INC. (1998)

Karaoké de métal ?

Les Metallica, comment dire … bon, je dis rien, vous avez compris … que dans leur période tignasse folle, jeans sales, trash-speed-machin métal à fond, je m’en foutais complet … et qu’ensuite (après le très successful « Metallica – The Black Album »), avec leur look tout en cuir destroy genre figurants de « Mad Max – Fury Road »), j’ai trouvé leur musique pas trop moche, mais bon …
Il y a un truc commun à tous les chevelus qui jouent vite et fort, c’est que ce sont des bosseurs (les masses laborieuses du rock), t’es fan et t’en as pour ton argent (sur skeud, en live, on sabote pas le taf) et des types qui aiment bien rendre hommage à leur héros. Alors après les millions de dollars et une paire de disques siamois de classic rock lourd (« Load / Reload ») ayant laissé quelques franges de leur public dubitatif, les Metallica payent leurs dettes. A tous ceux qu’ils aiment. Et sortent donc un disque entier de reprises, ce « Garage, Inc. ». Et pour que la fête (?) soit complète, rajoutent une autre rondelle argentée regroupant les reprises déjà commises depuis leurs débuts …

Bonjour le pavé. Deux fois plus d’une heure de Metallica qui joue autre chose que du Metallica. Quoique … ceux qui attendaient un medley Etienne Daho ou Culture Club seront déçus, mais ils doivent pas être nombreux … Le « Garage, Inc. » stricto sensu (la première rondelle) c’est du Metallica « d’avant ». Tous les potards sur onze et à fond la caisse, de quoi ravir les fans des débuts. Surtout qu’on peut subodorer vu les groupes de quatrième zone repris, que les versions des quatre de la Bay Area sont supérieures aux originaux. Qui hormis quelques malentendants bas du front en a quelque chose à cirer des punks crétins de Discharge, ou des hardeux de fond de tiroir comme Mercyful Fate ou Diamond Head ? Groupes moqués à l’époque par leurs congénères, alors, presque vingt ans après … Quand Metallica s’attaque à des références autrement moins comiques, la situation se complique. Reprendre du Black Sabbath ou du Blue Öyster Cult de la « grande époque » (« Sabbra Cadabra », « Astronomy »), c’est prendre le risque de se frotter à la comparaison avec les originaux. Et la comparaison n’est pas flatteuse pour Metallica. Manque évident de comment dire, finesse ? Surtout à cause de Lars Ulrich, bourrin comme c’est pas possible derrière ses peaux, qui envoie un tempo systématiquement frénétique que les autres doivent suivre. Mais comme c’est lui le boss, ça moufte pas derrière. Hetfield, lorsqu’il ne braille pas de façon gutturale montre des lacunes vocales béantes (moduler c’est pas son fort) …

On peut quand même reconnaître aux Metallica d’avoir des cojones quand ils vont baguenauder en dehors de leurs sentiers battus et rebattus. Se frotter à du Bob Seger, du Thin Lizzy, du Lynyrd Skynyrd ou plus improbable encore, du Nick Cave, si c’est pas de la prise de risque, je veux bien rejoindre le fan club d’André Rieu … et qui dit prise de risque dit aussi sortie de route. Reprendre Seger sans avoir rien de soul ou de bluesy dans le buffet, ça le fait pas … Reprendre Thin Lizzy sans un minimum de groove dans la besace, ça le fait pas non plus, d’autant plus qu’il s’agit de l’ultra classique de Lynott et ses boys (« Whiskey in the jar »). Pour le morceau des Lynyrd, y’a de la triche, les quatre de Metallica étant rejoints (la reprise a été faite pour les besoins d’une émission de radio) par une cohorte de potes plus ou moins hardeux (venus de Alice in Chains, Primus, Corrosion of Conformity, …) auxquels se rajoute le vétéran survivant de Skynyrd, le guitariste originel Gary Rossington. Du coup, avec des claviers, des chœurs et des types qui essayent pas de jouer plus vite que leur ombre, la farce prend et ce « Tuesday’s gone » revisité, il est pas mal du tout …Reste à débattre du cas du « Loverman » de Nick Cave. Titre anecdotique d’un disque anecdotique (« Let love in ») de l’Australien, il est traité façon Nick Cave des débuts quand il foutait les jetons à son public par son extrémisme du temps de Birthday Party. Et même s’il n’y a pas cette folie hurlante, (la reprise des Metallica se contente d’un quiet / loud braillé), je trouve ce traitement réussi et ce titre est pour moi le meilleur de ces deux rondelles …
Le second Cd, c’est du déjà vu (et entendu). Se trouvent compilés toutes les reprises déjà parues depuis leurs débuts. En commençant par le sympathique « Garage days re-revisited » de 87 (dont le recto de pochette sert de verso à « Garage, Inc. »), à une époque où les Metallica fonçaient d’abord et réfléchissaient ensuite s’ils avaient le temps. Suivent une litanie de titres disséminés sur des faces B, titres sur lesquels on (re)trouve les références habituelles du groupe, les catastrophiques punks 80’s anglais (Anti-Nowhere League), la seconde division du hard 70’s (Budgie), et la troisième du hard 80’s (les inévitables lourdauds de Diamond Head).
Qui a dit que les Metallica n'avaient aucun humour ?
Restent (j’en zappe volontairement quelques-uns) une reprise de Queen et quatre de Motörhead. Bon, Queen. Faudra que les gens comprennent une bonne fois que Queen c’est un des très rares groupes à prendre au second degré (comme les Mothers de Zappa et peut-être les vingt dernières années de Bob Dylan). C’est du mauvais goût poussé dans ses derniers retranchements (mais sans le dire, ce qui permet le malentendu). Donc livrer une version métal bourrin de « Stone cold crazy », c’est totalement crétin et totalement à côté de la plaque … Quant aux titres de Motörhead, ils sont révélateurs de l’écart qui peut exister entre un maître et des élèves appliqués mais pas très doués. Première victime sur « Overkill », le Lars Ulrich, incapable de reproduire le tir de barrage de la double grosse caisse de Philty. Pourtant il nous les avait bien brisé depuis deux heures avec sa frappe de mammouth en rut. Passons sur le bassiste (de toutes façons la pièce rapportée de Metallica depuis la mort de Burton) qui n’arrive pas à la cheville de Lemmy (et on ne parle là que du jeu de basse). Hetfield a beau essayer de grogner et Hammett de mitrailler des solos bruyants, ça le fait pas … trop tendres, les Metallica …
Arrive dès lors la question cruciale : à quoi peut bien servir cette double galette ? A mon humble avis à pas grand-chose, les fans retrouveront le Metallica « perdu » depuis le « Black Album » (« Garage, Inc. » s’est bien vendu, leur banquier a été ravi), et les autres auront la démonstration qu’en plus de faire généralement des disques insupportables, les Metallica aiment des trucs tout autant insupportables … CQFD ?



JACKSON BROWNE - LATE FOR THE SKY (1974)

Going to (Hotel) California ...

Donc Jackson Browne fut le gendre seventies idéal. Le beau gosse tombeur des filles de rêve (de Nico qui l’a paraît-il dépucelé à Darryl Hannah en passant par beaucoup d’autres de moindre renommée …). Beau gosse aux Etats-Unis, parce qu’ailleurs il était quand même un secret bien gardé. Beau gosse certes, mais en plus auteur de chansons (re)connues, que ce soit ses compositions pour d’autres (« Take it easy », premier gros succès des Eagles) ou pour ses disques à lui (« Doctor My Eyes », « Jamaica Say You Will »). Le genre de type qui a dû en rendre pas mal d’autres jaloux … Parce qu’en plus il était propre sur lui, bien élevé, et partie prenante pour plein de causes généralement bonnes (il sera la figure de proue du mouvement pacifiste No Nukes lorsque fin 70’s – début 80’s le risque de guerre nucléaire ressurgira …) et il a certainement pas voté Trump ...

Et donc en plus de tout ça, Jackson Browne a fait des disques et les a bien vendus, merci pour lui … Certes, pas dans le genre le plus risqué de l’époque. On parle là du style West Coast, celui qui ravagea les radios californiennes une décennie durant, avant que les Eagles et leur fameux hôtel de désintoxication n’en fassent la bande-son de la planète entière … D’ailleurs le visuel avec son bâtiment en clair-obscur de « Late for the sky » présente quelques similitudes avec celui prétendument hanté par Anton LaVey sur la pochette des Eagles … et la similitude avec la troupe à Glen Frey ne s’arrête pas là. Musicalement, c’est à peu près blanc bonnet et bonnet blanc. D’après cette signature sonore trouvant ses gènes chez Gram Parsons (avec les Byrds, les Flying Burrito Bros ou en solo), et tous ses descendants, disciples et autres enfants spirituels (Poco, Doobie Bros, Eagles, …). Et même s’il a jamais connu le risque de clochardisation, Browne est aujourd’hui (comme à l’époque d’ailleurs) le moins cité du lot. Parce qu’il a eu moins de succès commerciaux que les autres, et aussi parce qu’il a un trop bien stylisé un genre pas forcément décoiffant en ça. Browne, j’ai déjà écrit et je persiste, c’est le centriste du genre musical le plus centriste qui soit …
Inutile de chercher dans « Late for the sky » des guitares saturées, des fûts martelés, des arrangements décoiffants. Il y a derrière chaque instrument de solides mais conventionnels requins de studio californiens, emmenés par l’inamovible pote David Lindley, guitariste mais aussi (malheureusement) violoniste, ce qui fait qu’on entend un peu trop son foutu crincrin tout au long des titres. Jackson Browne n’est pas non plus une des grandes voix du rock, loin de là, il assure sans plus, et sans aucun dérapage …
Jackson Browne & David Lindley
« Late for the sky » se partage entre ballades et country-rocks pépères. Seuls deux titres sont un peu plus enlevés, le rockant « The road and the sky » (comme si l’Elton John de « Yellow Brick Road » reprenait le « Suffragette City » de Bowie), et « Walking slow », qui sort quelque peu des sentiers battus avec sa rythmique quasi reggae.
Des six autres compositions de « Late … », on notera le titre éponyme qui résume à lui seul parfaitement l’affaire, « The late show » ballade qui bien que (sur)chargée passe bien hormis son final encombré de violon et de chœurs de tous les potes West Coast (Henley, Shouter, Fogelberg, la femme à Lindley, …). Méritent aussi la citation « For a dancer » (dans un blind-test, tout le monde va dire que c’est les Eagles), ou l’ultime « Before the deluge » le seul ou Browne force un peu sa voix …
« Late for the sky » est un joli disque … Un peu beaucoup trop joli même …

Du même sur ce blog : 



WILCO - ODE TO JOY (2019)


Last American band …
Parce que le combat cessera faute de combattants … A l’attention de ceux qui avaient pris l’option « musiques du monde » ou « musiques électroniques » ou toute autre forme de soupe sonore, rappel des faits …
Wilco
Il existe des gens, dans un autre continent, qui depuis des décennies, enregistrent des disques en puisant leurs sources dans des genres aussi désuets mais vivaces que la country, le blues, le rock’n’roll, leurs croisements et dérivés. Un jour, dans les 80’s, un type a eu l’idée d’appeler ça « americana ». Particularité du machin : depuis les inventeurs du genre, en gros Dylan et le Band, les noms en haut de l’affiche ont été ceux de types accompagnés par un groupe. On citera donc en se signant et en levant les yeux au ciel (euh, non, pas à ce point ...) Neil Young & Crazy Horse, Bob Seger & The Silver Bullet Band, Bruce Springsteen & The E. Street Band, Tom Petty & The Heartbreakers, Christine & The Queens ...
Ils en sont où aujourd’hui, tous ces gens ? Les leaders sont morts ou peu s’en manque, et dans leurs orchestres, ça a aussi rempli les cimetières. Et les grabataires survivants, ils s’appuient sur leur légende et un certain savoir-faire (comme auraient dit les Mink DeVille qui ont leur place dans la liste du dessus) pour remplir quelques arenas et sortir tous les trois ans des rondelles plus ou moins écoutables (le Boss version symphonique, qui a envie d’écouter ça quand t’as passé des heures et des heures à essayer de comprendre de quoi parlaient les chansons de « Nebraska », non mais franchement, …). Ne reste donc que Wilco. Ouais, je sais, c’est pas compliqué, la plupart des types de Wilco étaient tout juste nés quand les autres sortaient leurs premiers disques.
Jeff Tweedy
Même s’ils ont depuis longtemps une approche parfois étrange du genre, liée à la personnalité de celui sans qui Wilco ne serait pas, le sieur Jeff Tweedy. D’une nature oscillant entre neurasthénie et dépression, grand amateur de bouteilles et de poudres blanches, son comportement parfois erratique (c’est lui qui compose, « suggère » la production, les autres dans le groupe étant libres (?) d’apporter leur touche personnelle aux titres) a même fait fleurir un temps par quelques déficients auditifs un parallèle avec Radiohead (bâillements …). Tweedy a pourtant des cadors (certains vont et viennent, parfois ne reviennent pas, leur nombre varie) derrière lui, et a (trop ?) souvent tendance à les sous-utiliser. Et c’est pas cette rondelle qui va faire changer d’avis les tenants de cette théorie …
Au bout de quelques secondes de « Ode to Joy » (hymne à la joie, tu parles, le titre est à prendre au moins au millième degré) y’a un truc qui saute aux oreilles : le son de batterie. Très (mais vraiment très) en avant, mais très mat, comme si on l’avait enregistrée en plaçant le micro dans une baignoire. L’exact contraire-négatif d’un autre fameux son de batterie, celui du « Born in the USA » de … (que ceux qui savent pas retournent écouter Magic System).

J’aime bien Wilco, et j’avoue que j’ai été très décontenancé à la première écoute. Il émane des premiers titres un minimalisme plombant au niveau sonore (cette batterie étrange et métronomique, quasi robotique, qui écrase tout, juste quelques sons d’autres instruments derrière) que vient renforcer le chant monocorde de Tweedy très loureedien. « Ode to Joy » est construit suivant un crescendo ou une progression. Petit à petit les titres bénéficient de mélodies plus chaloupées, Tweedy chantonne voire chante carrément, les arrangements de claviers et synthés accrochent l’oreille, les guitares commencent à rugir. Un disque qui commence dépressif total et qui finit par être sinon jovial, du moins juste (mo)rose. Avant de se terminer très dépouillé et down tempo, contrepoint-miroir du début, à l’image d’une boucle infinie.
Après quelques écoutes, il apparaît que « Ode to Joy » est un tout (on touche surtout pas au bouton « random » pendant la lecture), et est à prendre ou à rejeter en bloc. Je suis preneur. Parce que Tweedy est un type qui sait composer (y’a de la mélodie, certes pas aguicheuse, mais bien présente), sait écrire des textes (ça semble plus sophistiqué que, au hasard, Bob Seger). Et puis derrière, les Wilco sont tous capables avec trois bouts de ficelle et un espace d’intervention souvent réduit au minimum, de faire des merveilles instrumentales …
Pièces choisies : les inauguraux « Bright leaves » et « Before us », mélodies à faire pleurer feu Tom Petty, ambiance pluvieuse et mortifère, « Everyone hides » première éclaircie avec guitare rageuse, « We were lucky » (rien à voir avec Pharell Williams, mais beaucoup avec le Neil Young moissonneur, et des arrangements comme plus personne n’en ose depuis quarante ans), « Love is everywhere » (comme du Dylan des 70’s en état de grâce, ce qui lui est arrivé quelquefois), ou « Hold me anyway » que l’on peut qualifier d’exubérant dans le contexte …
Néanmoins, il me surprendrait fort que Tweedy batte les records de « Thriller » avec cette rondelle … Pour public averti …


Des mêmes sur ce blog :
The Whole Love