HOWARD HAWKS - RIO BRAVO (1959)

 

Wayne's world ...

Trois mois après « Rio Bravo » sortirait « Hiroshima mon amour ». Pile poil un an plus tard, « A bout de souffle ». Et le cinéma n’allait pas seulement changer de décennie, il allait être totalement redéfini … En 1959, on était donc à une période charnière. Les gigantesques péplums, les productions Cecil B. DeMille, remplissaient les salles, trustaient les Oscars, mais une frange du public, de la critique, et des professionnels du cinéma (scénaristes, acteurs, réalisateurs, …), souhaitaient la fin de ce cinéma hollywoodien qui ne se faisait plus qu’à coups de dollars et de bons sentiments. Mais y’avait pas que les grosses machines dans l’œil du cyclone. Même le western, ce genre ô combien typiquement américain et hollywoodien, semblait destiné au déclin. Ses metteurs en scène et ses acteurs stars n’étaient plus de la première jeunesse. Le baroud d’honneur de ce genre à peu près aussi vieux que le cinéma était en route …

Hawks, Martin, Wayne & Dickinson

Sauf que l’art c’est pas une science exacte … rien ne se perd, rien ne se crée. Les novateurs, les révolutionnaires du jour sont les ringards de demain, et tout finit toujours par renaître de ses cendres. The best western ever, c’est (peut-être) « Il était une fois dans l’Ouest », et le plus grand péplum, c’est le « Cléopâtre » du maniaque Mankiewicz. Deux films sortis dans les années 60, alors que ce genre de productions était censé être définitivement ringardisé …

Fin des années cinquante, la légende du western, c’est John Wayne. Aucun autre acteur ne symbolise le genre autant que lui. Et encore plus quand il y a John Ford à la caméra. Mais là, pour « Rio Bravo », il délaisse son vieux complice pour Howard Hawks. Un boulimique de la caméra, passant d’un genre à l’autre, avec derrière lui au moins une douzaine de classiques du cinéma. Hawks et Wayne ont déjà fait un très bon film ensemble, « La rivière rouge ».

« Rio Bravo » sera pour John Wayne un règlement de comptes. Lui, c’est toujours le type droit dans ses bottes, le rustre qui ne fait pas concessions. Et encore moins lorsqu’il a une étoile de shérif sur le gilet. L’honneur et le devoir avant tout. Et on ne fait pas tourner n’importe quoi à John Wayne. Il refuse tout rôle qui ne convient pas à ses valeurs. Et y’a un film qui l’a fait enrager, « Le train sifflera trois fois », parce qu’à la fin, après avoir dégommé les méchants, Gary Cooper balance par terre son étoile et s’en va avec Grace Kelly. Et dans le monde de Wayne, on balance pas son étoile et on quitte pas la ville. Un avis partagé par Hawks, d’où leur collaboration pour « Rio Bravo ».

Nelson, Wayne & Martin

« Rio Bravo » est une sorte de remake « vertueux » du film de Zinnemann, les grandes lignes du scénario sont identiques. Le shérif face des types qui veulent sa peau parce qu’il a fait son job. Ça c’est le prérequis pour avoir Wayne au casting. Les discussions ont paraît-il été serrées pour le scénario et le casting. Hawks, pas exactement le premier venu, avait ses idées. Wayne ses certitudes. « Rio Bravo » fait une large place à la comédie. Et aussi à la romance, avec pour le coup, une femme qui mène la danse. Et deux chanteurs partageront l’affiche avec Wayne. En contrepartie, Wayne sera en terrain connu. Son rôle sera le plus archétypal de son personnage éternel, et ses potes, comme lui plus très jeunes seront de la partie. Wayne aurait imposé à Hawks ses amis Ward Bond et Walter Brennan.

« Rio Bravo » est a priori un western improbable. Amateurs de grands espaces et de cavalcades dans la poussière du désert, vous allez être déçus. « Rio Bravo » est à peu près un huis clos. Quasiment tout se passe dans trois lieux d’un petit bled : le bureau du shérif et la prison attenante, un hôtel-bar, et la rue principale. Le shérif, c’est évidemment John Wayne. Il vient de coffrer un type qui vient d’en buter un autre de sang-froid. Et qui auparavant, chambrait méchamment l’ancien shérif adjoint, défroqué pour cause d’histoire d’amour qui a mal fini, et de bouteilles elles bien finies consciencieusement. Ce poivrot, flingueur redoutable à jeun, c’est Dean Martin. Très à l’aise pour jouer les types bourrés, Rat Pack oblige, je sais pas à quel degré il faut prendre ce choix de casting … Autres choix aventureux (quoique) du casting, c’est des premiers rôles attribués à deux quasi débutants. Ricky Nelson, le rocker (enfin, pour faire simple) pour petites filles sages, beau gosse mais piètre acteur (nombre de ses dialogues seront réduits vu les piteux résultats des essais). Et puis Angie Dickinson, jeune et belle actrice expérimentée, mais jamais vue en haut de l’affiche jusque là …

Dickinson & Wayne

« Le train sifflera trois fois » durait moins d’une heure et demie. « Rio Bravo » fait quasiment une heure de plus. Pour en arriver à la même situation finale : l’affrontement du bon (et de ses rares soutiens) et des nombreux méchants. Alors, il y a du délayage dans « Rio Bravo », les scènes se répètent souvent, sans que l’intrigue avance vraiment. Sauf que, en vieux renard des tournages, Hawks utilise au maximum les possibilités de son casting hétéroclite.

On a un crooner et un rocker, ben tant qu’à faire on leur fera une paire de chansonnettes, et même Walter Brennan les accompagnera à l’harmonica. Mais pas John Wayne. Hawks l’a déjà fait tomber, voire sombrer, lui le shérif solitaire et renfrogné, sous le charme de la sorte d’aventurière en jupons jouée par Angie Dickinson, alors faut pas lui demander en plus de chanter …

Tous les rôles principaux ont droit à de nombreuse scènes (Dean Martin face à ses démons alcoolisés, Walter Brennan en gardien de prison boiteux et sempiternel râleur, Ricky Nelson en as de la gâchette maussade et hésitant, Angie Dickinson et ses numéros de vamp puis de femme amoureuse). Et John Wayne fait évidemment du John Wayne, il dépasse déjà tout le reste du casting d’une tête, et il est le pivot de l’histoire. C’est pas un acteur qu’il viendrait à quiconque l’idée de qualifier de grand acteur, mais dans son registre limité d’honnête redresseur de torts, y’a pas foule de rivaux …

Wayne & Brennan

Alors, même si « Rio Bravo » tourne parfois un peu en rond, on se laisse entraîner par le rythme de ce qui est autant une comédie qu’un western pur et dur. D’ailleurs la baston finale est un peu traitée par-dessus la jambe, la horde de méchants sort assez vite de sa tanière les bras levés. Parce qu’inutile de vous dire que tous les gentils finissent sans une égratignure …

Il n’empêche qu’en mettant l’accent sur la comédie, en faisant de malins choix « commerciaux » pour le casting, tandis que Wayne assure la crédibilité western, « Rio Bravo » remplit son office. Gros succès critique et commercial mérité … Pas mal pour un baroud d’honneur. Qui n’en est pas un, Wayne et Hawks vont continuer de tourner ensemble (des westerns, est-il utile de le préciser) dans les années 60. Sans retrouver cette magie particulière de « Rio Bravo » …


Du même sur ce blog : 

Les Hommes Préfèrent Les Blondes



WES CRAVEN - SCREAM (1996)

 

Slasher 2.0 ... ou la somme de toutes les peurs ...

Wes Craven est déjà une star avant même qu’il réalise « Scream ». Tous les fans de films un peu tordus et glauques, de genre, d’horreur, enfin quel que soit l’épithète dont on les qualifie, le connaissent depuis ses débuts dans les années 70 et sa doublette déjà marquante « La dernière maison sur la gauche » et « La colline a des yeux ». Sa notoriété et sa reconnaissance ont encore fait un bond en avant dans les années 80 avec « Les griffes de la nuit » qui met en scène le croquemitaine Freddy Krueger, qui vient tuer ses victimes dans leurs rêves. Tout ça a un peu rempli le portefeuille de Craven, mais qui voudrait faire autre chose, marquer son temps par un film indiscutable, qui soit à la fois un sommet et un renouvellement d’un sous-genre du cinéma d’horreur dont il est déjà le maître, le slasher.

Wes Craven & Drew Barrymore

Il a bien essayé, mais sans succès, beaucoup de ses films n’ont pas, comme on le dit pudiquement, rencontré leur public, et il en a été réduit (obligé ?) à tourner des suites guère convaincantes de « La colline … » et des « Griffes … ». Et au milieu des années 90, Wes Craven est un peu au fond du trou. Il a bien reçu en primeur et exclusivité un scénario d’un certain Kevin Williamson, débutant fauché, intitulé « Scary Movie ». Il a accroché mais ne sait pas trop quoi en faire, et surtout où trouver du pognon pour ce film. C’est sans compter sur l’obstination de Williamson, qui balance son scénar chez tous les producteurs susceptibles d’être intéressés. Deux manifestent leur intérêt, la Miramax et une de ses sous-divisions, Dimension Films. C’est cette dernière qui emportera l’enchère (à la baisse, le temps presse pour les finances de Williamson).

Parenthèse. Dimension Films est dirigée par les frères Weinstein. Qui avec le succès mondial phénoménal de « Scream » vont entamer la constitution de leur empire, qui une vingtaine d’années plus tard s’effondrera avec « l’affaire » Harvey Weinstein (une quarantaine d’années de taule à ce jour, plus des dizaines d’affaires à suivre, pour harcèlement sexuel sur des actrices). Fin de la parenthèse.

Ulrich, Barrymore, Campbell, McGowan, Lillard, Cox & Arquette 

Le scénario de Williamson va être étoffé, rebaptisé « Scream » (le titre « Scary Movie » ne sera pas perdu pour tout le monde) et confié à Wes Craven qui retrouve quasi miraculeusement cette histoire qui l’avait séduite quelques mois auparavant. Ce n’est pas pour autant qu’il se retrouve avec un budget sans limites. Et il va faire des choix a priori déroutants. Une oubliée des castings depuis ses débuts dans « E.T. » va trouver dans « Scream » un second rôle qui va relancer sa carrière. Drew Barrymore, à peu près disparue des radars, mais pas des tabloïds (son amitié avec Courtney Love et Linda Perry, dans une sorte de version féminine cocaïnée et alcoolisée du Rat Pack), va retrouver une crédibilité cinématographique (et encore plus de fric pour picoler férocement). Autre choix « étrange » de Craven, Courteney Cox qui commence à être très connue pour son rôle dans la série pour ados attardés « Friends », et qui va jouer une journaliste envahissante et déterminée. Le rôle principal sera donné à une quasi inconnue, Neve Campbell, tout comme la plupart des rôles secondaires (Rose McGowan, David Arquette, Skitt Ulrich, Matthew Lillard, Jamie Kennedy). Un ami de Craven, le Fonzy de « Happy days » (Henry Winkler), jouera le proviseur du lycée, et une autre disparue des radars, Linda Blair (la gamine possédée de « L’Exorciste ») fera une paire de caméos (une journaliste). Tout comme sa référence Hitchcock, Wes Craven fera aussi une apparition (l’agent d’entretien du lycée, habillé avec la tenue de Freddy Krueger).

Tiens, j’ai placé le nom d’Hitchcock. De toutes façons, il aurait été difficile de ne pas le citer. D’abord par qu’il fait des caméos dans ses films. Ensuite parce qu’on y retrouve souvent du comique qui vient se greffer au suspense. Et ensuite parce qu’il a tourné « Psychose », dont le début de « Scream » sera très inspiré.

En effet les premières scènes de « Scream » sont fabuleuses. On y voit celle qu’on suppose être l’héroïne (Drew Barrymore) se faire harceler au téléphone pendant qu’elle est seule chez elle, avant qu’elle se fasse étriper et pendre à un arbre. Une douzaine de minutes d’abord amusantes, puis glaçantes … A peu près le même sort que Marion Crane (Janet Leigh) dans « Psychose » (pas le seul point commun, le copain de Neve Campbell – choisi pour une vague ressemblance avec Johnny Depp – dans « Scream » s’appelle Loomis, comme John Gavin dans le film d’Hitchcock).


On l’aura compris (enfin, ceux qui ne l’ont pas vu, mais qui ne l’a pas vu) « Scream » est placé sous les signes de l’hommage, de la comédie et du slasher. Niveau slasher, Craven a dû faire face à la censure (plusieurs scènes ont dû être raccourcies ou certains plans retirés, sous peine d’interdiction aux mineurs), ça y va fort dans « Scream », les coups de couteau et les giclées de sang pullulent. Le tout sur fond de vengeance et de malédiction familiale (pas le meilleur aspect du scénario, on s’en fout un peu de l’histoire de la mère de Sydney Prescott – Neve Campbell). Mais « Scream », c’est aussi une comédie genre college movie (et les réalisateurs ricains font pas dans la demi-mesure quand ils traitent le sujet, à grands coups de gags et de personnages lourdauds). Là aussi quelques débutants (y compris Rose McGowan) en rajoutent me semble-t-il maladroitement des tonnes. Et puis, et surtout, « Scream » s’adresse aux amateurs « du genre », multipliant références, commentaires, et allusions à des films marqueurs de leur temps (ceux entre autres de Craven, mais surtout à « Halloween », diffusé et commenté lors de la party sanglante finale, et à Jamie Lee Curtis et sa poitrine généreuse). Avec dissertations orales (la plupart des jeunes protagonistes sont des fans d’horror movies et théorisent à la moindre occasion sur ce qu’il convient de faire et surtout de ne pas faire : no sex, ne jamais ouvrir les portes, ne jamais dire qu’on va revenir, …) en fonction des situations …

Le début de « Scream » est exceptionnel, et le final d’anthologie (vingt minutes avec un twist scénaristique et des jump scares toutes les minutes). Le cœur du film est traité façon enquête policière (un coupable est démasqué d’entrée, mais n’est-il pas innocent ?), avec fausses pistes (le gros plan sur les chaussures du shériff, les mêmes que celles du tueur dans les toilettes du lycée, la piste du père disparu, l’air louche du cameraman de Courteney Cox, voire David Arquette), pendant que Neve Campbell passe son temps à s’échapper des griffes du tueur qui la poursuit partout où elle va (le plus souvent en dépit du bon sens et de la prudence la plus élémentaire).

Ce tueur mystérieux deviendra iconique, avec son masque de fantôme (Ghostface) et sa grande cape noire. A noter que ce masque, après bien des essais non convaincants de bien d’autres, était fabriqué en quantités artisanales par une petite boîte pour les fêtes d’Halloween. Ils en ont vendu des millions dans le monde depuis, merci « Scream » …

Cox, Kennedy & Campbell : If you want blood ...

Contrairement à la plupart de ses « concurrents » (les films avec Freddy, les Vendredi 13, Halloween) « Scream » ne laisse pas une fin « ouverte », l’histoire est terminée. Ce qui n’empêchera pas « Scream », comme les autres déjà cités de devenir une franchise et d’avoir des suites (avec les rescapés du film, et aussi quelques morts qui réapparaîtront). J’ai un jour essayé le 2 ou le 3, je sais plus, c’était tellement con que je suis pas arrivé seulement au milieu … En cela « Scream » a suivi la rhétorique numérotée de tous ces films de slasher, sans s’en démarquer qualitativement …

« Scream » a aussi une autre particularité. C’est selon Wes Craven le premier film à ouvrir dans son générique final une section de « non-remerciements ». Ces non-remerciements sont adressés à un collège et une municipalité (Santa Rosa en Californie), où devait se tourner le film. Apprenant que c’était un film violent avec beaucoup de meurtres qui allait être mis en boîte, et par peur de « contamination » de la jeunesse locale, toutes les autorités locales sont revenues sur leurs autorisations et ont contraint toute l’équipe à déménager vers des contrées plus accueillantes, mettant par là en danger le timing du film et son financement. Epilogue assez connu et que Wes Craven ne manque pas ironiquement de rappeler à toute occasion : le principal opposant au tournage de « Scream », un prof, a quelques temps après sa « croisade » été condamné lourdement pour violences conjugales …

Bon, et ton avis ferme, définitif et incontestable, il vient ou quoi ? Voilà, voilà …

« Scream » est un film culte, pas de problème, avec son alternance entre comique et ultra violence gore. La partie slasher, avec son scénario malin, est très réussie, par contre ces blagues d’ados surjouées (surtout les rôles tenus par Matthew Lillard et Jamie Kennedy) empestent trop cette surenchère grassement comique et typiquement américaine des college movies …

Pour moi, le must du slasher, ça reste « Halloween » (le premier, évidemment), le film qui a réellement établi tous les codes du genre. Ne restait plus pour avancer qu’à transgresser ces codes, ce que Craven (et Williamson) ont malignement su faire …


PHOENIX - WOLFGANG AMADEUS PHOENIX (2009)

 

Qu'en aurait pensé Carmine ?

Ou Mozart …

Phoenix, c’est un des très rares machins musicaux français exportables. Des gens qui vendent de la rondelle argentée (ou du streaming) all around the world. Qui sous leur seul nom, sont capables de remplir le Madison Square Garden (les premiers, avant le tour de piste final d’Aznavour) …


Phoenix, c’est un beau gosse qui chante, trois moches derrière, dont deux à lunettes (exactement comme Blur, musicalement la comparaison s’arrête là). Le beau gosse, Thomas Mars (un pseudo, ça claque mieux que Thomas Pablo Croquet, son état-civil officiel), est en plus le mari et le père des deux enfants de la très people Sofia Coppola, fille de Francis Ford et petite-fille du Carmine du même nom …

Phoenix, c’est la connexion versaillaise de ce qu’on a appelé la French Touch, avec Air et Daft Punk, des types qui se connaissent depuis le collège. Phoenix, c’est les plus accessibles, grand-public, du lot (même si les deux autres, c’est pas férocement expérimental). Phoenix, c’est du pop-rock pour ados, farci de machines, de programmations, de boucles, de synthés. Ils sont quatre (chant, deux guitares, basse) plus deux en studio et sur scène (un batteur, un clavier), plus leur producteur Philippe Zdar (du duo electro Cassius) devenu à l’époque de ce « Wolfgang … » à peu près le cinquième membre « officiel » du groupe.

« Wolfgang … » comme tous leurs disques, compte dix titres. Bien souvent, ça sonne comme les Strokes du début (les mid-tempo enlevés et sautillants de leur premier album), mais comme tous les sons sont repassés par des bécanes électroniques, c’est du Strokes désincarné, déshumanisé. Définitivement pas ma tasse de thé.


Ce « Wolfgang … » je l’ai acheté d’occase (pour le prix d’un demi-pression, port compris) dans une version comprenant le Cd plus un Dvd. Avantage (?) du Dvd, on peut l’écouter en 5.1 (y’a une version vidéo, enfin un gros plan sur le disque qui tourne sur une platine), on a droit à une autre version avec paroles en version karaoké. Ce qui est intéressant (enfin, intéressant, je me comprends), ce sont les trois autres versions du disque. Une présentant Phoenix « at work », une avec les commentaires de Phoenix et une avec ceux de Zdar à mesure que défile la musique.

La première, sur les moins de quarante minutes que dure « Wolfgang … », nous montre le groupe écouter le mix des morceaux, battre la mesure, jouer de la air guitar, essayer des trucs à un doigt aux claviers, commenter le poussage de boutons sur la table de mixage … ouais, super, mais ils jouent quand ? On les voit jamais jammer, répéter. Ils sont comme Chuck Berry ou Robert Johnson, ils veulent pas révéler les secrets de leur jeu ? Ah et on les voit boire des canettes de soda, parce que jamais une bouteille d’alcool ou un paquet de clopes dans le décor. Les Phoenix en studio, c’est pas exactement les Stones à Nellcote, si vous voyez ce que je veux dire. Ils sont amish ou quoi, ces types ?


Concernant les commentaires du groupe et ceux de Zdar, ce sont ces derniers les plus intéressants, il s’implique un peu à décortiquer les titres et leurs enchaînements de séquences. Par contre, les Phoenix, manifestement, ils ont pas grand-chose à dire (ou ne veulent pas dire grand-chose) sur leur disque. Mais quelques réflexions incitent à se gratter l’occiput d’un doigt dubitatif. Je cite. A propos de « Litzomania » (principal single, en tout cas titre le plus connu) : « Les Beatles transposés dans la musique classique », rien que ça (pourquoi pas mieux que « Norvegian wood », tant qu’on y est), également « (titre) beau et élégant » (hum …). A propos de « 1901 » (l’autre gros single) : « inspirée par « 1999 » de Prince » (vraiment ? y’a davantage d’idées dans le seul titre de Prince que dans tout « Wolfgang … »). Lequel « Wolfgang … » serait une « quête mystique » (non, les gars, juste de la variét’ dansante). Plus belle pour la fin : « Countdown » est inspirée par le Bryan Ferry de « Avalon » et de « Smoke gets in your eyes », sauf que cette dernière est déjà une reprise d’un traditionnel popularisé par les Platters, faudrait réviser vos classiques, les enfants … Les commentaires de Zdar sont moins prétentieux, il cite juste une fois Neil Young (?) et Prince, une autre fois une partie de banjo « à la Délivrance », le film, et un pont de (fausse ?) batterie « à la AC/DC » (en fait un pompage de la rythmique de « Thunderstruck » sur « Girlfriend »).

Au final, si on s’en tient juste à la musique, il en reste quoi, de ce « Wolfgang … » ? Des singles très « pensés », efficaces et commerciaux (« Litzomania », « 1901 »), des titres surchargés d’arrangements synthétiques (ça passe mieux sur l’instrumental « Love like a sunset Pt I »). Dans le lot, je sauve « Rome » (sauf la voix de Mars, toujours trafiquée dans les aigus, c’est un gimmick qui finit par être pénible) et sa jolie intro.

Retour à Carmine (Coppola), le grand-père de Sofia (Coppola) et compositeur de musique de films pour Francis Ford (Coppola). Qu’est-ce qu’il en aurait pensé du disque du mari de sa petite-fille ? Je vais pas faire parler les morts, mais enfin, j’ai ma petite idée …

Quant à moi, ce que j’en pense, c’est vous qui avez aussi une petite idée …


THE BAND - THE BAND (1969)

 

Les profs d'Histoire ...

Le Groupe, l’Orchestre … Traduisez ça comme vous voulez en français, en aucun cas ça va sonner flashy ou sexy … un des patronymes les plus neuneus de la longue aventure du wockandwoll. Pour tout arranger, une des pochettes les plus moches de l’histoire du vinyle. Monochrome vaguement sépia, pas de titre, juste « The Band » au milieu en haut, et une photo des types en bas. Et je vous assure c’est bien eux en 1969, ils se sont pas déguisés, ils étaient vraiment comme ça, avec leur look de Mormons du XIXème siècle, voire de méchant de Tintin (Garth Hudson, le plus barbu du lot, de toutes façons ils sont tous barbus ou moustachus). Pour ne rien arranger, ils sont même pas des U.S.A. (à part Levon Helm, le barbu blond), mais Canadiens, et on sait bien que les Ricains, ils peuvent être bien ouverts d’esprit, mais poussent généralement pas cette ouverture jusqu’à faire entrer dans leur Panthéon des étrangers … et pour finir, The Band a eu droit à une épitaphe cinématographique (pourtant signée par un fan et un pote – de défonce – de Robertson, Martin Scorsese), aussi longue qu’indigeste, pleine d’amis guère concernés invités, « The last waltz » …

Ceci posé, il n’en reste pas moins que cette rondelle sans titre est une des meilleures et des plus cruciales de tous les temps. Et comme dirait Macron, je vais vous le démontrer, et interdit de ne pas être de mon avis …


Faut commencer par remonter dans le temps. Les types du Band ne sont pas nés de la dernière pluie quand ils font paraître ce disque, leur second, à l’automne 69. Les Canadiens du lot ont commencé par accompagner un expatrié américain, Ronnie Hawkins (dont il n’est pas stupide de ne rien savoir) sous le nom de The Hawks (déjà un nom très imaginatif, Hawkins – The Hawks). Cela leur permit de se faire remarquer par Bob Dylan qui en prit une paire en studio, puis tout le reste par copinage. C’est dans le foutoir qu’étaient les séances studio de Dylan qu’ils rencontreront Levon Helm, et l’accompagneront notamment sur la fameuse tournée « électrique » de 65-66. Ils le suivront dans sa convalescence après l’accident de moto du côté de Woodstock, où ils emménageront communautairement dans une ferme, Big Pink. Les types retranchés dans cette ferme (les Hawks + Helm) deviendront The Band, jammeront avec Dylan (les « Basement Tapes » parues en 75), et commenceront à enregistrer leur propre disque.

Leur premier, « Music from the Big Pink », sera sous forte influence Dylan (trois titres écrits ou co-écrits par le Maître) plus un single, « The Weight » devenu d’autant plus culte qu’il sera intégré au soundtrack du road movie hippie « Easy Rider ». Un bon disque, voire plus, mais rien de comparable à « The Band ».

Le principal pourvoyeur de titres est le guitariste Robbie Robertson. Parenthèse. C’est lui qui est crédité des douze titres du disque, ne partageant les crédits que sur quatre (trois avec Richard Manuel, un avec Levon Helm). Aux dires des autres protagonistes, la réalité ne serait pas aussi simple, si Robertson amenait bien l’ossature des morceaux, tout le monde participait à l’écriture. Et donc fatalement, une fois les liens humains quelque peu distendus (assez vite, vers 73-74), les rancœurs et inimitiés sur fond de droits d’auteur vont apparaître, entraîner la dissolution du groupe et de nombreuses tensions lors des tentatives (plutôt bien foirées artistiquement) de reformations. Fin de la parenthèse. Et si on sait pas trop qui a écrit quoi, c’est un peu la même énigme sur qui joue quoi (ils sont à peu près tous multi-instrumentistes et laissent volontiers leur instrument de prédilection à un collègue). Ils chantent aussi (ou font des chœurs) tous, mais là, c’est un peu plus facile à identifier (Manuel, Helm et Danko se partagent à peu près équitablement les voix lead).


S’il fallait définir rapidement « The Band », et pour prendre un point de repère archi-connu, il convient de citer « Déjà Vu » de Crosby, Stills, Nash & Young paru l’année suivante. « Déjà Vu » est un classique incontestable et indépassable. « The Band » est aussi bon, mais va plus loin dans le passé, ne se contentant pas de raccrocher la culture hippie aux racines folk et country. Le Band va y rajouter des sources d’inspiration beaucoup plus antiques, qui remontent à la musique que jouaient les premiers colons non hispaniques du continent. Le Band, c’est pas des types nés vieux qui jouent de la musique pour des vieux, c’est des types nés vieux qui jouent de la musique pour des morts depuis des siècles … Le premier disque de synthèse de toutes les musiques nées sur le continent américain, ce genre passéiste et nostalgique qu’on appellera vingt ans plus tard americana c’est celui-là.

« The Band » est un disque rustique, campagnard. Même s’il a été écrit dans la cambrousse de l’Etat de New York, le disque a été enregistré dans une villa d’Hollywood, ayant eu comme locataires ou propriétaires Sammy Davis et Judy Garland, pas les plus sobres du show-biz. En cela la tradition a perduré avec le Band, qui derrière leur look de prêcheurs baptistes d’un autre siècle, étaient de furieux alcoolos et toxicos.

Le disque commence par un contre-pied, un titre léger, joyeux et festif (« Across the great divide ») qui tranche avec l’aspect tristos de ses auteurs et de la pochette. « Across … » comme à peu près tout ce qui va suivre, est un foutoir total, où le groupe a jeté des bribes de rock, de folk, de funk, de country. Quiconque s’essaie à ce genre de mix finit généralement avec une bouillasse inaudible. Sauf que les types du Band sont des musiciens accomplis et « sérieux » (Hawkins, mais surtout Dylan ne toléraient pas les médiocres et étaient des chefs d’orchestre, savaient ce qu’ils voulaient et attendaient de chacun). Tous les titres de « The Band » sont évidents, on a l’impression de les avoir entendus mille fois, alors que ce sont tous des compositions originales. « Rag mama rag » arrive ensuite, c’est comme son titre l’indique basé sur du ragtime, cet ancêtre du jazz, tout juste actualisé par un accompagnement électrique discret. Titre « difficile » pour l’époque (et ne parlons pas d’aujourd’hui), qui fut étrangement choisi comme single, à croire que les gens de Capitol, qui finançaient la rondelle, voulaient pas gagner d’argent avec …


Cette doublette introductive est d’un très bon niveau, mais pas de quoi sauter au plafond non plus. Et là, tout à coup, sans crier gare, le Band va aligner à la suite une demi-douzaine de titres stupéfiants, parfaits … « The night they drove Old Dixie down » a été perçue comme la chanson « engagée » du Band. Ouais … sauf qu’au lieu de parler comme tout le monde à l’époque de la guerre du Vietnam, elle met en scène un soldat sudiste lors de la fin de la Guerre de Sécession, qui en même temps que la défaite voyait la fin d’un monde, de son monde. Chantée par un Américain du Sud et fier de l’être (Levon Helm), certains ont voulu y voir ce qui n’y était pas (un regret des « valeurs » sudistes, notamment l’esclavagisme). Rarement mélancolie et tristesse de la musique ont été aussi raccords avec les paroles. « When you’re awake » semble tout bancal, tout de guingois, hésitant, se mettant progressiveemnt en place. Mélodie géniale que n’aurait pas renié un McCartney de la même époque … « Up on cripple creek », un mid-tempo pépère, déconcertant de simplicité, avec un affolant gimmick d’un prototype de clavinet (cf « Superstition » de Stevie Wonder). Ce titre, bien qu’imparable, ne fera qu’une modeste carrière en single (25 au Billboard). « Whispering pines » clôture la première face vinyle. C’est la ballade sixties en apesanteur, dans la lignée de « Nights in white satin » et « A whiter shade of pale », le côté légèrement pompier des Moody Blues et de Procol Harum en moins. La voix lead aigue est celle de Richard Manuel, tout comme dans « Jemina surrender » chanson triste et nostalgique (les forêts de conifères du Canada) qui louche vers le country & western. « Rockin’ chair » conclut cet enchaînement de titres parfaits, c’est du country folk qui aurait pu figurer sans problème chez C, S, N &Y …

Les quatre derniers titres ne sont pas fabuleux, ils sont juste excellents. « Look out Cleveland » est un rock’n’roll hurlé par Rick Danko, à mi-chemin entre ceux des pionniers et ceux qui sont en train d’être revisités par les premiers groupes de hard à grands coups de Gibson reliées aux amplis Marshall. « Jawbone », parce qu’il en faut toujours un, on dira que c’est le maillon faible de la rondelle, malgré l’originalité du mix sonore entre pop et rhythm’n’blues. « The unfaithful servant », c’est le morceau ensoleillé du disque (écrit par Robertson à Hawaï, ça sent les vacances), chez lequel certains musicologues ont décelé l’influence du jazz de Bill Evans (si les musicologues le disent, amen …). Last but not least, « King Harvest » (has surely come) » est une ruade rock & soul, le seul titre où Robbie Robertson balance des accords et des solos de guitare stridents. Le titre serait inspiré d’un obscur machin des débuts de Stevie Wonder, du temps où la Motown mettait en avant son petit prodige Little Stevie.

Dylan & The Band Isle of Wight 1969

« The Band » ne va pas vraiment conquérir les foules. A sa parution, le groupe vient de jouer en voisin à Woodstock dans l’indifférence générale, tous les hippies présents croyant dur comme fer qu’ils assisteraient à un concert de Dylan accompagné du Band. Evidemment, Dylan, en roi de la pirouette inattendue, n’est pas venu … La suite sera une lente et sûre dégringolade jusqu’au concert d’adieu de 76, pour la dispensable dernière valse …

Forcément, ce disque hors de son temps sera réhabilité et plus tard considéré comme une pierre angulaire du rock américain. Une sorte de disque maudit, que tout le monde cite, mais que peu ont un jour écouté ou acheté …

Belle réédition en 2000, avec un inédit, plus des versions alternatives des meilleurs titres.

Bon, voilà on a fait le tour. On fait quoi, maintenant ? Ben on se repasse le disque, encore et encore …





TIM BURTON - EDWARD AUX MAINS D'ARGENT (1990)

 

Tout l'univers ...

Non, il ne sera pas question de l’encyclopédie pour ados vendue au porte à porte et qui eut son heure de gloire dans les 70’s, mais de l’univers de Tim Burton dont « Edward aux mains d’argent » est le film le plus emblématique, voire son meilleur …

Même si le film commence par suivre les pérégrinations d’une vendeuse (excellente Dianne Wiest) à domicile des produits Avon. Elle bosse dans une banlieue et essaye de refourguer sa came à ses voisines. Sans succès. De dépit, alors qu’elle vient de se prendre un nouveau râteau, elle aperçoit dans le rétroviseur le château gothique qui surplombe le quartier et dans lequel personne ne va jamais. Elle décide d’y tenter sa chance, se fraye à pied un passage dans un maquis broussailleux, puis traverse un petit parc magnifique, avec des arbustes en forme d’oiseaux, de dinosaures, de mains, … au milieu de parterres de fleurs. Un aspect paradisiaque qui contraste avec celui délabré et menaçant (ses gargouilles aux sculptures infernales) de la bâtisse. Elle frappe à la lourde porte, personne ne répond, la porte n’est pas fermée, la commerciale s’enhardit, pénètre dans une sorte de ruine emplie de poussière et de toiles d’araignée, arrive jusqu’aux combles éventrés, pour apercevoir une étrange créature apeurée qui semble vivre sur une paillasse. Là, magnifique silhouette filmée à contre-jour, qui s’avance lentement et à son grand effroi la Miss Tupperware voit que cet humain a des lames de ciseaux à la place des mains. Prise de pitié, elle lui propose de l’emmener dans sa maison familiale, et la créature la suit … Le film va nous raconter la vie et les aventures de cet Edward Scissorhands (son nom et le titre du film en V.O.) dans cette famille et cette riante banlieue …

Burton, Ryder, Depp & Elfman

« Edward … » est un conte. C’est pas moi qui le dit, c’est Tim Burton lui-même lors de son commentaire du film … l’occasion de signaler que Tim Burton est pas volubile, il doit parler en tout et pour tout dix minutes sur l’heure trois-quarts que dure le film, et pour dire des banalités sans grand intérêt ... enfin il s’en sort mieux dans le même exercice que Danny Elfman, auteur de la bande musicale, encore plus taiseux sur une version amputée de tous les dialogues, on a l’impression de voir un film muet en couleurs … Bon, revenons-en au conte de Burton. Tim Burton, c’est le sosie officiel de Robert Smith, sans le rouge à lèvres. Et comme le Curiste en chef, il cultive dans son art un aspect gothique. Le château d’Edward, où se conclura le film est un « vrai » château construit par l’équipe des décorateurs. Il contraste avec la banlieue pavillonnaire qu’il surplombe, et me semble grandement inspiré par celui de Dracula (dans les versions de Todd Browning, de la Hammer ou de Coppola). Et tant qu’à parler des héros de l’imagerie gothique, le Frankenstein interprété par Boris Karloff a, par ses cicatrices sur le visage, servi d’inspiration au look balafré en tous sens d’Edward.

Dianne Wiest & Winona Ryder

Bien sûr, Edward va détonner dans cette famille d’adoption : le père, col bleu à tendance alcoolo, la vendeuse Avon, le petit minot, et sa grande sœur, maquée par un débile baraqué … Dans ce quartier, un vrai quartier de Floride aux maisons repeintes de couleurs pastel par l’équipe de Burton, et aux personnages caricaturaux (la quinqua sexy et allumeuse, la chrétienne fondamentaliste, la commère obèse, sans oublier maris et marmaille dans la lignée), Edward va susciter une énorme curiosité. Et fera finalement disjoncter tout le monde, élément perturbateur dans ce monde formaté et réglé comme du papier à musique (il me semble bien que ces baraques sans âme et la chorégraphie des voitures qui amènent ou ramènent du boulot doivent pas mal au grand Jacques Tati). Il n’aura d’autre choix que de revenir dans son manoir, la populace (hors sa famille d’adoption) à ses trousses, dans une parabole anti-raciste assez évidente …

Bon, tout ça pourrait ne servir que de trame à un bon dessin animé (genre auquel Burton s’attaquera avec « L’étrange Noel de Monsieur Jack » et « Coraline »), mais on a affaire à un grand film. Grâce à Tim Burton et à ses deux acteurs principaux, Johnny Depp et Winona Ryder.


Burton avec « Edward … » s’attaque à son quatrième long métrage. Une comédie inspirée par « Le voleur de bicyclette », le navet loufoque « Beetlejuice », une adaptation de Batman foirée malgré un gros casting (Nicholson, Keaton, Basinger) et une B.O. signée Prince, tout cela n’avait pas convaincu grand monde (même si pas mal de gens les ont vus). Burton n’est considéré par personne comme « the next big thing » (à preuve, après les premiers jours d’exploitation, Avon ne mouftera pas, alors que la marque est citée plusieurs fois et ses produits guère à leur avantage, estimant qu’il n’y a pas matière à engager une procédure avec un type catalogué looser). Avec « Edward … » il va placer la barre beaucoup plus haut, faire un bon succès au box-office et devenir un réalisateur culte, certes à l’œuvre assez difficile d’accès, mais un réalisateur bankable. « Edward … » est un film qui multiplie clins d’œil et références. Celles évoquées quelque part plus haut, auxquelles il faut rajouter le second rôle tenu par Vincent Price (le dernier rescapé des vieux de la vieille des antiques films d’horreur, ce sera sa dernière apparition devant une caméra) qui joue « l’inventeur » d’Edward, humanoïde inachevé …


Edward, c’est Johnny Depp, qui porte quasiment le film à bout de bras (ou de ciseaux, comme on veut). Pas un choix évident, le Johnny était jusqu’alors surtout connu comme une vedette de série télévisée (« 21 Jump Street »), seul le barré John Waters venant de lui donner sa chance en tête de distribution dans « Cry-Baby ». Depp crève l’écran chez Burton, et deviendra d’ailleurs un de ses acteurs fétiches. Totalement décalé par rapport au monde qui l’entoure, beaucoup de sentiments, de réactions passent par ses yeux le plus souvent ahuris. Johnny Depp montre dans ce film qu’il est un grand acteur, perception parasitée par ses multiples digressions people qui en ont fait pour beaucoup de la chair à tabloïd.

Lesquels tabloïds vont se délecter de la liaison qui sera officialisée pendant le tournage avec sa partenaire Winona Ryder qui joue, comme d’hab, la gentille fille de famille (celle qui a « recueilli » Edward), nunuche diaphane et transparente, belle-fille idéale d’une Amérique aseptisée. Pour être franc, la Winona ne m’a guère convaincu dans ses films … En tout cas, ce couple improbable réuni par Burton va se retrouver dans la presse people, qui surtout avec Depp va trouver un sacré client porteur. Pour l’anecdote, archi-connue, il se fera tatouer sur le biceps un « Winona forever », qu’il transformera quelques années plus tard une fois leur séparation actée en un « Wino forever » (poivrot pour toujours) …

A mon sens toute la réussite du tient dans ses changements de tons. On passe fluidement de scènes comiques (le braquage raté, le matelas à eau, la drague lourde des femmes du quartier, …), à des séquences gothiques (celles tournées dans le manoir) chargées de drames (le final plutôt gore, la mort de Vincent Price, …).

C’est cet équilibre a priori détonnant qui fait la qualité et la réussite du film …