Sur la plage abandonnée ...
Coquillages et crustacés …
Et les Beach Boys piquent du nez …
A l’image du Don Quichotte et de sa Rossinante fourbus
sur la peinture de la pochette.
« Surf’s up » est un disque étrange, irréel. A
replacer dans la saga des Garçons de la Plage, commencée au début des sixties
par une longue série de singles fabuleux, révélant peu à peu le génie de Brian
Wilson. Qui, alors que l’acide commence à faire des trous qui ne se refermeront
plus dans son cerveau, vit dans l’obsession de réaliser le 33 T parfait, encore
meilleur que « Revolver » et « Sgt Pepper’s » réunis. Ce
qu’il réussira avec « Pet sounds », avant d’exploser psychiquement
dans la réalisation avortée de sa grande œuvre, le projet « Smile » …
Dès lors, sans maître à bord, le vaisseau Beach Boys va prendre l’eau de toutes
parts, entre disques studio foirés, luttes d’influences dans le groupe, et
compilations de fonds de tiroir mises sur le marché par Capitol.
Beach Boys 1971, ils sont velus, ils sont tous là ... |
Jusqu’à ce les Beach Boys signent chez Caribou, se
recomposent quelque peu, avec un « Sunflower » très pop, perçu comme
une renaissance, et un Brian Wilson à nouveau un semblant impliqué.
« Don’t go near the water », chanson écolo avant l’heure, ouvre
« Surf’s up », et l’on y retrouve tout ce qui fait la patte Beach
Boys, la mélodie entraînante, les harmonies vocales. Mais au lieu du rythme
enjoué des 60’s, il y a maintenant un mid-tempo triste. « Long promised
road », chantée par Carl Wilson, est bâtie de la même façon et confirme
l’impression de tristesse désabusée qui va dominer tout l’album. « Take a
load off your feet » est co-signée par Brian Wilson et ce folk s’enlumine dès
lors d’incroyables arrangements baroques où s’enchevêtrent cors anglais,
trompettes, marimbas, cordes … « Disney girls (1957) » est une
touchante ballade nostalgique tout de guinguois, dans une ambiance de fête
foraine déserte.
« Student demonstration time » est un titre a
priori invraisemblable dans l’œuvre du groupe, un boogie rustique signé de Mike
Love et de l’antique duo d’auteurs Leiber / Stoller, boogie à faire passer Canned
Heat pour du rock progressif, avec riffs de cuivres reprenant ceux de « I
just want to make love to you » de Muddy Waters, et voix filtée de Love.
Pas forcément le meilleur titre du disque, mais sûrement le plus inattendu.
Les cinq derniers titres (face B du 33 T d’époque) sont
dominés par des ambiances psychédéliques, reprenant les choses là où « Pet
sounds » les avait laissées. Le problème c’est qu’en 1971, plus personne
ne fait de titres comme cela, comme le titubant « Feel flows », le
folk barré de « Look at tomorrow » (genre Donovan sous acide).
Impression psychédélique renforcé par les trois derniers titres, tous signés
Brian Wilson à commencer par l’halluciné requiem « A day in the life of a
tree », et dont on peut supposer qu’il faut voir dans son intitulé une
référence aux Beatles. « ‘Til I die », avec sa mélodie presque
joyeuse sur son thème macabre est devenu un de ces rares classiques tardifs du
groupe. Et pour clore l’album en beauté, « Surf’s up » est une chute
du projet avorté « Smile » retraivaillée pour l’occasion, avec
arrangements de cordes signés de l’ancien collaborateur attitré de Brian, Van
Dyke Parks. Comme si les quelques années passées depuis 1967 n’avaient été
qu’une vague parenthèse, comme si tout allait pouvoir reprendre comme avant…
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