NICOLAS ROEG - L'HOMME QUI VENAIT D'AILLEURS (1976)

Cracked Actor ?
« L’homme qui venait d’ailleurs » (« The man who fell to Earth » en V.O). est un film qui s’est vautré lors de sa sortie en salles avant d’acquérir à la longue un statut de film culte. Essentiellement par la présence dans le rôle principal de David Robert Jones, plus connu sous le nom de David Bowie.
D’ailleurs aujourd’hui, le titre du film sert parfois de métaphore pour décrire le chanteur aux yeux vairons. Peu sont capables de citer d’autres acteurs du casting, rares ceux pour qui le nom du metteur en scène Nicolas Roeg évoque quelque chose. Les distributeurs ne s’y sont pas trompés, les bande-annonce et la promotion du film mettaient exagérément en avant le nom de Bowie. Même si c’est lui qui porte le film sur ses épaules. Frêles à l’époque. Bowie passe le plus clair de son temps dans une villa de Los Angeles, se nourrissant quasi exclusivement de lait et de cocaïne, et est d’une maigreur à faire envie à nos mannequins anorexiques d’aujourd’hui.
Vers 1975, quand le scénario du film lui est soumis, Bowie n’est pas au mieux, se cherche. Il a « suicidé » son personnage de Ziggy Stardust, s’est investi dans une multitude de collaborations musicales (Lou Reed, Iggy Pop, Mott The Hoople), certes appréciées, mais au détriment de sa propre carrière. Un album de reprises, « Pin ups » (qui a d’une certaine façon inventé le revivalisme dans le rock) plutôt boudé, une suite-renaissance du Ziggy Stardust sound (« Diamond dogs », qui ne vaut pas « Ziggy … » ou « Alladin Sane »), et dernier en date, un essai de disco-funk blanc (« Young americans »), descendu par la critique mais annonciateur de la déferlante disco imminente. Atout important de Bowie, c’est un curieux de tout, prêt à toutes les expérimentations artistiques. Alors du coup, le projet de Roeg lui offre un challenge inédit (il n’a jamais tourné), et satisfait quelque peu la mégalomanie (il a le premier rôle) inhérente à toutes les stars du rock.
Bowie & Roeg
Bowie n’aurait pris qu’une semaine de réflexion après avoir reçu le scénario pour donner son accord, s’envoler avec management, femme et enfant (Zowie, aujourd’hui Duncan Jones, ça fait moins crétin comme prénom tout de même) pour le Nouveau-Mexique, où doit être tourné le film.
Un film tiré d’un bouquin (largement réaménagé par le scénariste anglais Paul Mayersberg) de Walter Stone Tevis. Un panel de producteurs réunit un petit budget et un petit casting. Le tout confié à un réalisateur jugé plutôt bizarre (alors que l’époque comptait quand même pas mal de cramés notoires), l’américain Nicolas Roeg. Un « spécialiste » des rock-stars, puisqu’il avait déjà dirigé Mick Jagger (dans « Performance », lui aussi plus connu pour son acteur-vedette que pour sa qualité artistique), et venait de terminer ce qui reste son meilleur film « Don’t look now » (« Ne vous retournez pas » en français).
Il paraît (Bowie est absent des bonus du Dvd, ce qui fait un peu désordre et en dit long sur ce qu’il doit penser avec le recul du film) que le chanteur glam s’est beaucoup investi sur le tournage, suggérant plein de choses. Dans un climat curieux et vaudevillesque. Anecdote croquignolette, l’actrice principale, l’oubliée Candy Clark était la petite amie du producteur principal Michael Deelay, avant de devenir celle de Roeg qui l’a imposée dans le casting. Et dans le film, la maîtresse du richissime Newton finit dans les bras d’un de ses associés, si ça c’est pas de la private joke subliminale …
David Bowie & Candy Clark
L’histoire du film, c’est celle d’un alien (Thomas Jerome Newton / Bowie) venu sur Terre pour trouver le moyen d’aider et sauver sa famille victime de la désertification de sa planète d’origine. Doté de connaissances technologiques très supérieures aux nôtres, il va se lancer dans la construction d’un empire industrialo-financier qui lui permettra de mettre en chantier son voyage de retour et la résolution de ses problèmes lointains. Logiquement, cette étrange créature qui a pris forme humaine souffrira de quelques difficultés d’adaptation qui sont le cœur (et la conclusion) du film. « L’homme qui venait d’ailleurs » est un curieux mélange de fantastique et de  psychologique (une petite poignée de personnages évolue à peu près en vase clos, ce sont leurs relations étranges et ambiguës sur une longue période – non définie – qui sont montrées).
Dès le départ, « L’homme … » est un film perdu. Bowie est un chanteur, au mieux un performer, certainement pas un acteur. Roeg sauve un peu l’affaire en le faisant évoluer en « terrain connu ». Bowie, qui a chanté « Space odditty », « Life on Mars » et a été à la scène l’extra-terrestre Ziggy Stardust, n’est pas Thomas Jerome Newton. Il est Bowie, tout simplement, les similitudes entre son personnage à l’écran et sa vraie vie passée étant légion. Comme Bowie, Newton cultive une certaine dichotomie : le riche inadapté socialement se retrouve sous les feux de l’actualité quand il veut piloter le vaisseau spatial qu’il a fait construire ; à mettre en parallèle avec l’artiste introverti qui s’exhibe sur scène de la façon la plus choquante possible. L’incompréhension, la « chasse au sorcier » étranger est celle du créateur avant-gardiste. Newton, qui vivait dans une planète austère et vient sur Terre avec une mentalité d’écolo finit accro à la télévision, à la bibine et baise à couille rabattue. Newton ressemble beaucoup à Mick Jagger, Keith Richards, Steven Tyler, Joe Perry, Keith Moon, Alice Cooper (liste non exhaustive). Il y a même des fois où ça devient surréaliste (un des acteurs principaux du film va dans un magasin de disques plein d’affiches publicitaires pour « Young americans », oui, de Bowie, je vois que vous suivez, un Newton  démasqué et « étudié » par la CIA qui ne retournera jamais dans sa planète n’a rien trouvé de mieux que de sortir un disque pour que les siens puissent un jour avoir de ses nouvelles), où le mythe de la (rock) star éternelle devient un moteur même du scénario (Bowie / Newton ne vieillit pas, alors que tout son entourage met les cheveux blancs).
Loving the Alien ?
Le projet reposait tellement sur les épaules de celui qui allait revenir à la scène en Thin White Duke, qu’il devait même en écrire la partition musicale. Finalement c’est John Philips (l’ancien leader des Mamas & Papas) qui en sera chargé, les ébauches des titres écrits par Bowie durant le tournage seront ensuite améliorées pour figurer dans « Low », un disque qui comme « Station to station » reprend pour sa pochette des images issues du film de Roeg.

« L’homme qui venait d’ailleurs » est assez dispensable, bâti sur et pour le seul Bowie, multipliant les clichés plus ou moins bienvenus sur ce que doit (ou devait) être le quotidien d’une idole « décadente » des jeunes. Le montage façon puzzle (bien que chronologique) de l’histoire a occasionné de multiples versions du film (plus ou moins de fantastique, de face-à-face des acteurs, de scènes de cul, …). Aucune d’entre elles n’a convaincu grand-monde au-delà du fan-club de Bowie … Me semble t-il pourtant son meilleur rôle, c'est dire le niveau du reste ...



4 commentaires:

  1. Pas vu ce film qui m'a l'air un peu nanardesque, mais enfin pour ce qui est de Bowie, il a quand même joué le premier rôle dans le fantastique Furyo de Nagisa Oshima.

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  2. Jamais vu en entier, et pourtant, sur une petite chaine du câble ("FX") il passe souvent ! La bande annonce est assez risible, j'imagine que le reste aussi... Bowie était pas mal dans "les Prédateurs" de Tony Scott, en vieux vampire qui bécotaient Catherine Deneuve et Susan Sarandon. Et oui, dans Furyo, il tient le coup tout de même. Je crois qu'il a joué "Elephant Man" au théâtre...

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  3. Il a fait plein de films Bowie. Soit mauvais soit très mauvais. Après celui-ci, il en a tourné un où il avait aussi le rôle principal, avec Sydne Rome (il la baisait à temps perdu, paraît-il), Kim Novak (oui, Luc, LA Kim Novak), et Marlene Dietrich (qui n'aurait accepté d’apparaître dans ce film que parce que Bowie y jouait !). Je l'ai jamais vu, et je désespère pas de trouver un jour quelqu'un qui l'ait vu, mais ce genre de fans détraqués doit pas courir les rues. Ce truc s'appelle "Just a gigolo" et Bowie aurait déclaré quelque chose du genre "j'ai fait aussi fort avec ce film qu'Elvis Presley dans toute sa carrière d'acteur" ... J'avais vu (pas jusqu'à la fin, faut rester digne tout de même) Labyrinth où il tient le rôle principal au milieu des marionnettes de Jim Henson, et Bowie est coiffé quelque part entre Mylène Farmer et le chanteur de Kajagoogoo (vous connaissez pas Kajagoogoo, allez voir la tronche du mec sur Google images...).
    Plein d'autres trucs assez risibles (Basquiat, Absolute beginners). Meilleur au théâtre semble t-il, mais les images courent pas les rues ... ça correspond mieux à un chanteur, la prise de risque de l'instant, et en plus sa première femme Hermione Je-sais-plus-qui était mime et l'avait initié à ce genre ... Il a fait Elephant man au théâtre (représentations vite arrêtées à cause de ses fans qui braillaient comme de putois dès qu'il apparaissait), il a aussi joué une pièce de Bretch (Baal) filmée par la BBC ...

    Furyo ? J'ai toujours vu ça comme "Un pont de la rivière Kwaï" version Arte ...

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  4. "Absolute beginners" je viens de le prendre à la bibliothèque, jamais vu, ça me tente bien, j'en connais l'univers mais jamais vu en entier (je me rends compte de ce que je viens d'écrire... j'aurais pu dire que je l'avais téléchargé, mais non !!).

    Tu m'étonnes qu'il devait se taper Sydne Rome ! Gironde la p'tite blonde ! A c't'époque mon brave monsieur, elles z'étaient pas farouches !

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