TALKING HEADS - FEAR OF MUSIC (1979)

Le OK Computer des années 70 …
Squelettique et sautillant, le 1er Talking Heads avait fait l’effet d’une bombe deux ans plus tôt. « Talking Heads 77 », c’était un disque martial d’épileptique sous Tranxène, un disque de punk pour ceux qui aimaient pas çà. Le groupe avait eu beau partager la scène miteuse du CBGB avec les Ramones, ils avaient rien de sniffeurs de colle en Perfecto, et leur musique était loin du binaire « 1,2,3,4, Hey ho, let’s go ». Les Talking Heads, c’était un déjà vieux de la vieille (Jerry Harrison, un ancien des Modern Lovers de Jonathan Richman), une rythmique funky (le couple à la ville comme à la scène Chris Frantz – Tina Weymouth), et tête pensante des Têtes Parlantes, le sieur David Byrne. Lequel Byrne s’entiche très vite de l’œuvre d’une autre tête très pensante, Brian Eno.
Brian Eno & David Byrne
Eno, je connais. Ses débuts dans les deux premiers Roxy Music, quelques-uns de ses disques solos (dont je raffole pas au-delà), et pas mal de disques des autres qu’il a produit (dont je suis plutôt preneur), et là la liste est longue, son « client » le plus célèbre en cette fin des seventies étant David Bowie pour ses disques dits « berlinois ». Et il me semble avoir compris quelque chose au travail de producteur d’Eno. Il aime pas vraiment le rock au sens large (ouh, le vilain !) et veut faire « autre chose » quand il bosse sur un disque. En instaurant une sorte de rapport de forces psychologique avec les gens qu’il produit. Et là, si t’as pas du caractère, et des idées bien arrêtées, t’es mort, tu te retrouves avec un disque de Eno. Faut instaurer un combat artistique avec lui. Ce que n’a pas fait David Byrne en allant le chercher. Byrne est trop fan de Eno, et Eno a bouffé les Talking Heads. Non sans que Weymouth et Frantz résistent, ils reprendront la main le coup d’après (le superbe « Remain in light », toujours avec Eno, mais il a été obligé de lâcher du lest), dernier éclat de ce groupe qui s’appelait Talking Heads, avant qu’il devienne la chose du seul David Byrne.
« Fear of music » donc. La tarte à la crème de ceux pour qui le rock doit être mûrement pensé, pesé, intello et cérébral. La référence suprême de la disco des Talking Heads pour ceux qui n’aiment pas le rock. La matrice de tous les groupes d’Anglais torturés et leur descendance qui vont faire leurs les années 80, tous les Joy Division, OMD, Cabaret Voltaire et consorts … « Fear of music » est un virage radical pour les Talking Heads. Sur onze titres, seuls une paire (« Paper » et « Animals ») se situent en terrain connu. Tous le reste est une plongée vers l’inédit sonore, et on sent que Eno et Byrne ont pris leur pied en utilisant un nouvel état d’esprit (le punk-new wave-machin chose) pour triturer la carcasse du bon vieux old rock.
1979, les Talking Heads prennent l'eau
Le résultat d’ensemble, désolé, mais je vois là-dedans rien qui puisse ressembler au chef-d’œuvre indiscutable qu’on tente de nous refourguer depuis plus de trente ans. Y’a de bonnes choses, d’accord, et aussi des machins pénibles qui me gavent. Genre « Cities », funk robotique syncopé en totale roue libre, « Drugs », anecdotique machin barré-psyché-krautrock … Au hasard, deux des titres jugés « fabuleux » par ceux qui aiment ce disque. Par contre, j’aime bien l’inaugural « I Zimbra », avec son texte en kobaïen africanisant, et la guitare mathématique de Robert Fripp reconnaissable entre mille, « Mind » comme du Roxy Music des débuts (période Eno donc) repris par les Talking Heads, « Life during wartime », rhythm’n’blues quasi méconnaissable et pour moi meilleur titre du disque. et puis une grosse partie du skeud qui me laisse à peu près indifférent (« Heaven », toutes les recettes du Bowie période berlinoise mais mieux vaut l’original, le sombre « Memories can wait » très joydivisionnesque mais là aussi c’est mieux avec Ian Curtis et sa bande de tristos).

En fait, l’histoire l’a montré, deux tendances commençaient à s’affronter au sein des Talking Heads. Pour faire simple, on dira la tendance intello (Byrne et son nouveau pote Eno, quasiment cinquième membre du groupe), et la tendance funky (Weymouth et Frantz, au final rejoints par Harrison). « Remain in light » sera un compromis étonnamment réussi, avant que le groupe n’implose, la bassiste et le batteur fondant le rigolo et dansant Tom Tom Club, mais continuant de participer aux disques des Talking Heads, désormais sous la tutelle entière de Byrne.

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4 commentaires:

  1. Jugement un peu dur mais pas infondé, pour apprécier le groupe dans toute sa splendeur il faut voir sans tarder le dvd Stop making sense offrant un concert démentiel débordant d'une énergie qui cette fois là n'a rien de cérébrale.
    Hugo

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    1. J'ai que le Cd de "Stop making sense" ... pas écouté depuis une éternité ... Je me souviens mieux du live "The name of this band ..." qui mélange deux tournées, une du quatuor de base, l'autre avec le big band de la tournée "Remain in light" ... Un bon live ...

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  2. Un groupe qui reste vraiment à creuser pour moi les Talking Heads, je ne connais que l'excellent Remain in Lights (et encore, jamais vraiment écouté avec toute l'attention qu'il mérite). Et puis j'aime bien le côté cérébral du rock moi, ah ah.

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  3. Pour le suivant Remain in Light, Byrne avait eu l'audace de créditer dans un premier temps tous les titres avec uniquement son nom mais le reste du groupe lui a fait rectifier le tir par la suite.

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