Parce que là, mes biens chers frères, mes biens chère
sœurs, c’est du lourd. Du très très lourd. Une box de 4 Cds, 104 titres, plus
de quatre heures de musique.
Et le tout signé Rhino, le label haut de gamme de la
réédition. Ce qui veut dire, un son dantesque à partir des masters d’origine
nettoyés et boostés, et quand la compile est parue à la fin du siècle dernier,
personne n’avait mis sur le marché quoi que ce soit qui ressemble à çà. Ajoutez
un livret épais comme l’annuaire de Mexico City, et un casting où sont présents
… ben tous en fait, c’est contenu dans le titre du coffret, tous les pionniers
dans leurs titres les plus agités du rock’n’roll des années 50. Le tracklisting
est impressionnant et intelligent. Pour la première (et la seule fois) avec un
son (rigoureuse mono droit entre les yeux évidemment) pareil, se côtoient
toutes les légendes (oui, oui, fait rarissime dans ce genre d’entreprises, les
ayants droit de Presley ont donné leur accord pour deux titres, dont le
nucléaire « Jailhouse rock »), mais aussi une multitude de seconds
couteaux, voire d’anonymes qui un jour d’inspiration ont sorti le titre qui tue,
celui que de plus célèbres ont repris, celui qui retrouvé dans une brocante des
années après, a donné des idées au nerd qui l’avait acheté. Un exemple :
The Phantom ( ? ), pseudo d’un certain Jerry Lott à la discographie plus
que rachitique, mais qui, en 1’30 chrono a sorti un titre (« Love
me »), qui contient toute la carrière des Cramps. Un autre ? Kid
Thomas avec son « Rockin’ this joint tonight » a fait dix ans plus
tôt aussi fort qu’Alvin Lee à Woodstock, la rythmique de son titre étant la
même que celle de « I’m goin’ home », et la guitare supersonique
étant ici remplacé par une … trompette ultra-speed. Encore un ? Pas
de problème, écoutez le « Stagger Lee » de Lloyd Price, c’est lui qui
a créé en musique ce personnage de souteneur filou, que l’on retrouvera dans
multitudes de reprises (Wilson Pickett, Dr John, Clash, …).
Cette compile c’est la revanche des sans-grades, des
oubliés de l’Histoire. Traités ici avec tous les honneurs qu’ils n’ont pas eus
à l’époque. Le coffret a la lumineuse idée de ne pas être une juxtaposition de
mini-compiles des grands noms. Même les plus illustres, les Presley, Chuck
Berry, Little Richard, Jerry Lee Lewis, Gene Vincent, Eddie Cochran, Buddy
Holly, Carl Perkins, …, n’ont droit qu’à deux ou trois titres. Ce qui permet de
réévaluer la carrière de quelques-uns. Des noms ? Allez, OK, c’est jour de
fête. Le Johnny Burnette Trio est essentiel, ils ont créé le premier sous-genre
répertorié du rock’n’roll des origines, à savoir le rockabilly et leur
« Train kept-a-rollin’ » a été repris des millions de fois. Fats
Domino, cet encombrant (par la corpulence) pianiste de La Nouvelle-Orléans a eu
par son sens du swing et du groove inné, une influence énorme. Et last but not
least, l’égal des très plus grands (trois de ses titres ont été repris par les
Beatles sur leurs premiers 33T, personne n’a eu droit à autant d’honneur il me
semble), le sieur Larry Williams, seul concurrent valable de Little Richard (le
cureton est pour moi LE plus grand chanteur de rock’n’roll des tente derniers
siècles), qui a eu le malheur d’être signé sur le même label que lui (Ace /
Specialty) et qui a été plus ou moins maintenu au second plan pour ne pas faire
de l’ombre à la diva embagouzée …
Cette compile maousse aurait pu avoir un côté pensum
anthropologique. Les types derrière tout çà ont évité cet écueil. En
construisant un tracklisting thématique plutôt que chronologique. On a des
suites d’une poignée de titres entrecoupés de quelques méga-classiques,
explorant tantôt des gens ayant les mêmes influences et produisant le même
genre de titres, d’autres fois c’est le thème des chansons (des morceaux
parlant du diable, d’autres des animaux de la jungle, des titres rigolos,
d’autres salaces, …).
L’ensemble permet de s’apercevoir de plusieurs choses,
qui vont plus loin que le résumé à la hache souvent de mise pour la musique de
ces roaring fifties. La première, c’est que si « That’s alright,
Mama » de l’Elvis a tout déclenché, bien des choses depuis des années lui
ressemblaient. Certes, le rock’n’roll est né du mélange du blues et du
rhythm’n’blues noir avec la country et le hillbilly blanc, les exemples après
Presley sont innombrables, mais d’autres avant lui avaient effleuré le genre
(Jackie Brenston et son guitariste un certain Ike Turner avec « Rocket
88 », « Big Joe Turner avec « Shake, ratlle & roll »,
…) la liste est longue et ces titres sont présents en nombre dans le coffret.
Curieusement, et un paquet de titres le démontrent, certains venus du jazz
façon big bands festifs et jovials arrivaient à peu près au même résultat
(Louis Prima, Amos Milburn,…). Plus curieux encore, un gars comme Thurston
Harris était parti du gospel pour arriver à quelque chose de très très proche
du rock’n’roll.
Tiens, le rock’nroll, puisqu’on en parle, qu’on le met à
toutes les sauces, et qu’on a un peu trop tendance à le réduire et le confondre
à des chevelus énergiques à guitares électriques s’appuyant sur des batteries
éléphantesques, et ben aux origines, la guitare et la batterie, elles étaient
tout au fond du mix, le son reposait sur la basse (ou la contrebasse) et plus
encore sur le piano omniprésent ou le sax, plus rarement sur l’harmonica.
L’heure de la guitare électrique viendra au tournant de la décennie, avec les
premiers guitar-heroes et leurs instrumentaux (Link Wray, Duane Eddy).
Et puis, le rock’n’roll est encore à ce jour le seul
genre musical répertorié dont les plus grandes vedettes étaient indifféremment
blanches ou noires.
Pas chiens, les gars de Rhino ont ouvert (enfin un peu
entrouvert) la porte aux Rosbifs (Vince Taylor, Johnny Kidd), l’ont
heureusement refermée aux honteux français fournis en textes réacs par Vian
(Jean Yanne, Henri Salvador, et leurs pastiches crétins qui nous vaudront un
retard musical pas encore rattrappé à ce jour). Les femmes, peu nombreuses à
rocker et roller, même si au centre de bien des préoccupations des textes,
n’ont pas été oubliées (Janis Martin, LaVern Baker et l’immense Wanda Jackson).
Un seul regret, mais vu la somme affichée, on va pas
faire la fine bouche, il manque Hank Williams (si « Move it on over »
en – mais oui – 1947, c’est pas du rock’n’roll je veux bien changer d’oreilles)
et aussi Johnny Cash (‘tain, Johnny Cash quand même, l’écurie Sun, le Million
Dollar Quartet, …).
Y’a juste un problème, ceux qui étaient passés à côté de
la parution de ce mausolée du binaire, peuvent pleurer toutes les larmes de
leur corps. Fidèle à sa stratégie d’alors (avant le rachat par Warner), Rhino
sortait des rééditions mirifiques, mais en assez petites quantités, et ne les
repressait pas. Donc aujourd’hui, à moins de cent euros d’occase, vous le
trouverez pas ce « Loud, fast & out of control ». Logiquement, vu
la qualité de ce pavé, le juge devrait vous acquitter si vous avez piqué le sac
à une vieille pour vous l’offrir …
Le Clash cause de Stagger Lee dans Wrong'Em Boyo et la mélodie de Jimmy Jazz est calquée sur sur celle de Stagger Lee!...Sacré bazar!...
RépondreSupprimerPar les temps qui courent vaut mieux pas tenter de chouraver le sac à une vieille car c'est elle qui sera acquittée quand elle t'aura collé un pruneau dans le dos...
Je soupçonne le Clash et plus particulièrement le camarade Strummer d'avoir pas mal écouté de genre de vieilleries ...
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RépondreSupprimerL'article le plus honteux de ta carrière, qui fait saliver dès la première ligne, pour te foutre en rogne à la fin, quand tu annonces qu'il faut le compte en banque de Céline Dion pour s'offrir cette merveille. Je suis à deux doigts de traiter l'auteur de ces lignes de salauds, mais j'ai été élevé chez les soeurs... Tiens, je vais aller voir sur le site russe, des fois que...
RépondreSupprimerJe rebondis sur Elvis (oui, enfin... bref...). C'est rare effectivement qu'il soit là, il est toujours absent des compil pour cause de droit, ou parce qu'on ne mélange le Roi et les serviettes. Tu dis que bien de choses couvaient avant l'apparition d'Elvis et de "That's allright mama". Vrai. En fait, plus je lis de bouquins sur le rock, sur la 2ème génération, celle qui a eu l'illumination en découvrant Elvis, je m'aperçois que c'est moins le chant, la chanson, qui fascinait, mais le mec en lui-même. Même si Elvis avait une voix et une technique vocale irréprochable (si Little Dick est le plus grand chanteur de rock'n'roll, Elvis, lui, et le plus grand chanteur... toutes catégories confondues !!), même si les compositions étaient bonnes ("jailhouse" est tout de même une merveille, mais son son dépouillement "Heartbreak hotel" écrase toute la concurrence) j'ai l'impression que c'est davantage sa présence, ses déhanchements, son comportement ouvertement sexué qui a déclenché autant de carrières futures. C'est moins ce qu'il chantait, que comment il le chantait.
Elvis le plus grand chanteur ? Ouais, mais ça se discute ... le plus grand par l'aura, l'image, l'agitation qu'il générait ... Mais pour chanter, Roy Orbison, Petit Richard, Jackie Wilson, James Brown, Otis Redding et une petite poignée d'autres avaient quelques arguments supérieurs ...
SupprimerJe vénère ceux que tu cites, et suis à deux doigts de penser que James Brown est LE plus grand. C'est dire. N'oublions pas Sinatra, certes dans un autre genre, mais il se pose là. Le truc, c'est que les gens que tu cites, sont généralement restés cantonnés dans un style. Mis à part Orbison. L'avantage d'Elvis presley, c'est qu'il était aussi à l'aise dans le rock, le blues, le gospel... et toutes ces tas de merdes qu'il a enregistrés. Le grand chanteur, c'est celui qui te fait chialer de bonheur même en interprétant une daube. Je pense à une chanson qui s'appelle je crois "Castle in Spane", un truc improbable, que j'ai sur un live, vers 1973. Une horreur. Ben même dans ce registre, Elvis est impérial (et conscient en plus de chanter de la merde, j'aime chez lui son second degré, la facilité qu'il a d'aborder toutes les styles).
SupprimerTu le crois ça ? J'ai trouvé les 4 cd sur le site de Youri Gagarine !!! l'ADSL va chauffer ce week end !! Je retire immédiatement ce que j'ai dit plus haut !!!
RépondreSupprimerIl y a plein de choses étonnantes sur ce site, et pas seulement musicales, où là c'est le haut du panier ... la traduction de la page d'accueil vaut son pesant de sandwiches au beurre de cacahuètes, genre on met plein de trucs gratos (sous-entendu qu'on a chouravé) pour vous, téléchargez-les, mais ne les écoutez pas et ne les partagez pas avec d'autres (suivi de :))).
SupprimerQui a dit que les mafieux russes manquaient d'humour ?