« Sunrise over sea », c’est le genre de disques
qu’on a l’impression d’avoir entendu mille fois avant de l’écouter. Rien qu’en
regardant la pochette. Oh, bonne mère, tous les clichetons des trucs pénibles …
design des rondelles ancestrales
Vanguard ou Chess, teintes sépia, retouche Photoshop pour donner l’illusion
d’un 33T aux coins cornés et à l’usure de l’empreinte du vinyle, et un type,
acoustique en bandoulière et banjo à côté … Si ça c’est pas du clin d’œil
adressé aux amateurs de bruit rustique … Et la formule trio, le mètre-étalon de
la culture blues-rock, passage obligé de tous ces tocards / ringards qui
s’imaginent marcher sur les traces de Cream ou du Jimi Hendrix Experience …
Sauf que … si le dénommé John Butler et ses deux
acolytes (formule de scène, là en studio, il y a parfois des apports
« extérieurs » dont même sur un titre une section de cordes)
n’évitent pas sur la durée le pataugeage et l’embourbage dans les stéréotypes
de la formule, ils se passe un truc … Ceux dont la kulture musicale se limite
au visionnage de Taratata ressortent systématiquement le nom de Ben Harper,
preuve qu’ils n’ont rien compris (ni au centriste Harper, ni à Butler).
John Butler |
John Butler est australien. Un pays dont l’histoire
internationale se limite à une paire de siècles et dont le seul apport culturel
à notre humanité est l’opéra biscornu de Sydney. En gros des Etats-Unis qui
n’auraient pas inventé le jazz, la country, le folk, le blues et la soul … Ce
qui n’empêche pas les Australiens de faire du rock. Et l’île continent a légué
au monde quelques furieux gueulards dont AC/DC, Rose Tattoo ou Angel City ne
constituent que la partie visible du brûlant iceberg. Butler (pas pour rien que
le trio porte son nom, les deux autres n’y font pas de vieux os, les
changements de line-up sont innombrables), comme la plupart de ses congénères,
s’est abreuvé de musiques venues d’ailleurs. Fait notable qui le différencie,
il ne s’est pas contenté des sempiternels anglo-saxons (ou américains, ce qui
revient au même). Rien qu’à voir ses dreadlocks, on imagine que le reggae ne
l’a pas laissé indifférent. Les machins celtiques non plus.
Le résultat est surprenant. Mais surtout
intéressant, voire par moments captivant. Pour deux raisons : le spectre
musical de Butler est beaucoup plus étendu que ce à quoi l’on pourrait
s’attendre. Et le type à un putain de charisme qui manquera toujours à …
(complétez vous-mêmes, la liste est trop longue). Et s’il fallait se lancer
dans des comparaisons, je citerai en vrac Tracy Chapman et Counting Crows (pour
le folk « concerné »), Manu Chao (le côté bohème alter-mondialiste),
Jon Spencer et Wraygunn (les accélérations électriques mystiques), Midnight Oil
(l’aspect aussie politico-écolo), les Chieftains et Led Zep (les relents
celtiques) … et on pourrait en rajouter bien d’autres, tant le patchwork
concocté tire son essence de genres variés, parfois antinomiques …
On l’aura compris (enfin j’espère), on n’a pas avec « Sunrise
… » le même morceau décalqué sur toute la durée du disque. Tiens, à propos
de durée, c’est là que le bât blesse un peu, on en prend pour une heure dix, ce
qui fait quand même un peu beaucoup, certains titres auraient pu rester dans les
armoires, quelques autres n’auraient rien perdu à être raccourcis …
Le John Butler Trio |
Il y a des trucs bluffants, assemblages étonnants de
choses entendues pourtant des millions de fois séparément, mais qui passées
dans la moulinette John Butler en ressortent immaculées. Ces étranges mixtures
où peuvent cohabiter folk, blues, rock, reggae, sonorités celtiques, traversées
de montées d’adrénaline violente ou au contraire d’une intimité doucereuse,
sont littéralement transcendées par la voix de Butler, une des plus
expressives, au feeling et à l’arrache, qu’on puisse trouver dans ces genres
pourtant très fréquentés. Butler joue toutes sortes de guitares acoustiques
amplifiées (surtout une onze-cordes, et ne me demandez pourquoi onze au lieu de
douze), ne tombe jamais dans le piège du solo démonstratif (thanks). Ces
chansons sonnent comme des voyages émotionnels (peu importe si on entrave pas
les paroles), vous prennent par la main et ne vous lâchent pas.
Tout n’est pas parfait, et logiquement les titres
convenus, prévisibles (archétype le morceau final « Sometimes » de
plus de dix minutes, on « sent » tout ce qui va arriver dès l’intro)
font retomber l’intérêt. Mais c’est au détour de l’adrénalisant « Treat
your Mama », du chaloupé « Company sin » avec sa bas(s)e reggae,
du court instrumental au banjo (« Damned to hell » qui renvoie
instantanément au « Duelling banjos » du début du film
« Délivrance »), du celtisant « Mist » (le « Gallow’s
Pole » des années 2000 ? et putain me dites pas que vous connaissez
pas « Gallow’s Pole »), ou du (petit) hit « Zebra », le
titre qui a fait connaître Butler sur les autres continents, que les trois sont
à leur zénith …
Ce « Sunrise over sea » est à peu près le
seul disque du John Butler Trio disponible par ici. Fidèle à une certaine
éthique passant évidemment par les labels indépendants, Butler était un secret
bien gardé hors de l’Australie. Il semblerait que le garçon, voulant assurer
ses arrières en Australie, ait cédé là-bas aux sirènes commerciales, et que ses
parutions suivantes seraient (pas faciles non plus à dénicher) apparemment un
ou plusieurs tons en dessous…
« Sunrise over sea » est un disque de
vieux fait pour tout le monde par un jeunot. Respect…
Ah ouais, je me souviens de Zebra, ça passait partout ce truc à l'époque (y compris à Taratata). T'es sur que c'est si loin que ça de Ben Harper, franchement ? (c'est pas une insulte d'ailleurs, c'est tout à fait écoutable, un peu centriste mais pas dégueux, l'un comme l'autre). Ou Keziah Jones ? Ca sonne très rock alternatif années 90 en fait.
RépondreSupprimerC'est pas très éloigné de Ben Harper, mais pour moi il y a une différence de taille, Ben Harper c'est très propre, très lisse, ... aucune surprise, aucune aspérité ... Butler, c'est moins parfait, il me semble plus "vivant" ...
SupprimerCeci dit, j'ai rien contre Ben Harper ... personne a rien contre Ben Harper, il a l'air tellement gentil et mignon ...
Et en plus il a épousé Laura Dern. Et encore mieux, ils ont divorcé, ce qui signifie que Laura Dern est libre.
SupprimerLaura Terne ? A te lire récemment, je te croyais plutôt énamouré de la strip-teaseuse Cristina, celle qui est mariée à l'Elvis en carton des années 90 ...
SupprimerTerne Lula ? T'es fou toi. Grande actrice Dern, Inland Empire comme bande-démo de trois heures, c'est génial.
RépondreSupprimerJe cracherais pas sur Cristina, mais Spencer me fait peur… Ah quand un comeback d'ailleurs ? C'est à la mode.