Le disque qui m’a fait gratter l’occiput. Jusque là, les
choses étaient simples. Les rockeux, folkeux et souleux d’un côté (le bon),
tout le reste (la pop à synthés, le prog, le disco, le rap) de la daube. Tu choisissais
ton camp, mettais des œillères triple épaisseur, te gavais de tes certitudes,
et t’avais ta ligne de conduite musicale pour la vie …
Bon, on avait déjà entendu partout « Walk this
way », le mega-hit fruit de l’improbable association Aerosmith – Run DMC.
Mais ça s’expliquait, les deux faisaient partie du monde des majors de la
musique, c’était un coup commercial réussi, mais un coup commercial quand même,
destiné à booster la carrière des uns et relancer celle des autres.
Mais là, avec « Licensed to Ill », les Beastie
Boys allaient plus loin. En gros, ils mélangeaient des guitares et des
rythmiques (hard) rock avec du rap sur un disque entier. Trois gosses de
Brooklyn, fils de bonnes voire de très bonnes familles blanches, punks dans
l’âme, se lançaient tête baissée dans un genre jusque-là ghettoïsé et réservé
aux Noirs du Queens ou du Bronx. So what ? des visages pâles dans un
joyeux foutoir vocal, fait d’invectives, de chœurs débiles, de refrains
hooliganesques … les niggaz criaient à l’imposture. De l’autre côté les hardeux
poussaient des cris d’orfraie en voyant tous leurs gimmicks utilisés pour faire
du fuckin’ rap …
Vous avez dit potaches ? |
Ce sont finalement les nerds américains white trash, qui
en achetant ce disque par millions, allaient mettre tout le monde d’accord et
faire un triomphe à « Licensed to Ill ». Cette rondelle promise au pilori
devenait la bande son de l’année. Les sceptiques ont eu beau jeu de railler les
apparitions live de Beastie Boys rétamés à la Bud tiède, scandant dans un
immense bordel potache leurs hymnes crétins, rien n’y ferait. Le rap naissant
venait déjà de rentrer dans une autre dimension, vivant sa première mutation,
brouillant toutes les cartes et idées reçues …
Les Beastie Boys, au départ, c’est l’arme secrète du
label Def Jam, tout juste porté sur les fonds baptismaux par Russell Simmons
(frère d’un des trois Run DMC) et le jeune producteur Rick Rubin, fan à la fois
de rap et de heavy metal. Les deux étaient dans le coup « Walk this
way ». « Licensed to Ill » va enfoncer le même clou. On sait
aujourd’hui ce que sont devenus les protagonistes de cette affaire. D’un côté
un groupe de rap qui allait devenir totalement novateur (« Paul’s
Boutique », le suivant se verra attribuer l’étiquette de « Sgt
Pepper’s » du rap, ce qui n’est pas rien) avec trois types impliqués dans
tout un tas de causes et de combats plus ou moins humanitaires, sociaux, etc ...
Quant à Rick Rubin, c’est tout simplement le Spector, Martin, Dr. Dre ou Perry
de sa génération, une sommité des consoles à l’éclectisme stupéfiant …
« Licensed to Ill », pour moi il ne vaut que
pour son concept. Ça suffit pour en faire un grand disque qui compte, mais faut
reconnaître que malgré son aspect plombé, il fait souvent un peu léger. Ce
n’est que l’esquisse assez rudimentaire de ce que feront plus tard les Beasties
ou Rubin. Et ça tourne vite en rond. Trois-quatre titres déchirent leur race, la
majorité des autres fait figure de copier-coller bâclés, et deux-trois pochades
assez problématiques ne semblent là que pour garnir à peu de frais et d’idées
les deux faces du vinyle.
Beastie Boys & Rick Rubin |
Recette de base, du gros riff qui tache. Pas moins de
quatre titres de Led Zeppelin sont samplés, ils y côtoient ceux de Black
Sabbath, AC/DC, Creedence ou le Clash. Sur tout un titre (« No sleep till
Brooklyn »), Rubin fait intervenir un dénommé Kerry King, guitariste des
jusque-là obscurs trasheux de Slayer, dont il est en train de produire un
certain « Reign in blood » … là aussi, on connaît la suite. L’attaque
de « Licensed to Ill » (« Rhymin’ and stealin’ ») prend
d’entrée à l’estomac. C’est brutal, syncopé, trash, avec ses slogans crétins
braillés à trois voix. « The new style » qui suit port bien son nom
et enfonce la même porte, le braillard
« She’s crafty » confirme.
Et puis, le disque semble partir en vrille, le gag
( ? ) du truc salsa-rap (« Slow ride »), la pitrerie de
« Girls » et son Farfisa à un doigt. On n’en est pas à la moitié du
disque, on commence déjà à regarder sa montre et à trouver la farce douteuse.
Et puis, blam, sans prévenir, deux tueries totales
enchaînés, « Fight for your right » l’hymne majuscule des Beastie
Boys, appel à l’hédonisme forcené (« Fight for your right … to
party », vous vous attendiez à quoi, à un pensum johnlennonesque ?),
et le « No sleep … » déjà évoqué. Logiquement, après ces deux
déflagrations, le final du disque fait quelque peu anodin, tout juste faut-il
signaler un arrangement de cuivres sur le bien ( ? ) nommé « Brass
monkey » ; tout le reste reproduit des gimmicks déjà entendus
auparavant, on s’en cogne un peu.
Malgré son aspect (volontairement) imbécile et enfantin,
ce disque se pose là et pas qu’un peu en terme d’influence sonore pour les
années suivantes.
Toute la cohorte des nu-metalleux du mitan des années 90
(tous ces Korn, Blink Truc, Sum Machin) a tout piqué à « Licensed to
Ill », les marxistes d’opérette RATM aussi, du moins pour la partie
musicale. En faisant ça de façon ultra-sérieuse, concernée … Alors que pour les
Beastie Boys (du moins à cette époque-là), leur musique n’était qu’une vaste
rigolade, une façon de boire des coups à l’œil, et de mater les nibards des
gonzesses …
Des mêmes sur ce blog :
"Les rockeux, folkeux et souleux d’un côté (le bon), tout le reste (la pop à synthés, le prog, le disco, le rap) de la daube."
RépondreSupprimerIl y a une certaine logique : pour moi c'est rigoureusement l'inverse. Sauf pour le rap justement, qui a pour moi toujours appartenu au "mauvais camp", même si son influence se fait grandement sentir dans le trip-hop, la jungle ou le "big beat"...
Ben oui, faut abandonner les œillères et les certitudes, faire des efforts ... bon, c'est pas gagné, effort et marseillais, ça rime pas ...
SupprimerDans cette optique, veux-tu que je t'offre le coffret de Naked City pour Noël ? Sinon, je le veux bien moi.....
SupprimerEt bonne chance pour ton intégrale John Zorn. Le gars sort dix disques par an depuis 20 ans... Pas sûr que tu l'ait terminé avant ton "heure dernière"... Pour les Boards, c'est jouable (4 albums)...
RépondreSupprimerAh ouais comment il nous a trollé ce sur coup !
SupprimerJe vais faire mon pinailleur, mais dans Blink truc et Sum machin y a pas un poil de hip-hop, c'est juste des gamins qui faisait du punk-rock popisant. Et puis Korn c'est quand même plus inspiré (à leur corps défendant) par Faith No More, qui avaient comencé à faire une concoction étrange à peu près en même temps que les Beasties. Et puis RATM musicalement, ça rapelle quand même plus un certain Zeppelin, côté hip-hop mis à part. Voilà, c'était la minute du chieur.
RépondreSupprimerEuh, le corps défendant c'est FNM hein, me suis mal exprimé.
SupprimerJ'aurais peut-être du dire Limp Bizkit, c'est pas eux qui faisaient un espèce de rap à cette époque-là ?... je les confonds tous, ces pantins ...
SupprimerAh, Limp Bizkit... Rien que le nom... Ouais, le groupe emblématique du néo-métal bien beauf et raz-du-front. Ca n'a duré qu'un temps cette daube...
SupprimerEt puis les Beastie Boys et Rick Rubin, ce sont des sionistes au service des élites mondialistes de la finance apatride et maçonnique. C'était la minute Soralienne :D
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