Sooner or later ...
Ils étaient pas forcément au bon endroit (le Colorado, c’est pas l’Etat qui a fourni le plus de musiciens célébrissimes), mais surtout ils étaient pas là au bon moment. Flash Cadillac & The Continental Kids (joke on ne peut plus ricaine, nom à base de bagnoles, la marque Cadillac et la Lincoln Continental, j’y connais pas grand-chose, mais je crois que c’est un mix des deux sur la pochette), ils ont commencé dans les seventies et ont eu leurs cinq minutes de gloire en tant que Herby and the Heartbeats (le groupe de la scène de bal dans « American Graffiti » le film de George Lucas).
Flash Cadillac, déjà en 72, ils regardent dans le rétroviseur.
A peu près pile poil dix ans en arrière, soit vers 1962, époque, on nous l’a
appris à l’école, où la musique américaine était pas au mieux. Les antiques
pionniers de la fin des 50’s étaient soit morts physiquement soit, pire,
artistiquement. Bob Dylan, les Byrds, la Tamla, Spector, … n’en étaient au
mieux qu’à leurs premiers vagissements. Les charts étaient occupés par de
jeunes (voire très jeunes) gens (blancs) BCBG, mêlant avec une précision d’experts
comptables relents de doo-wop et restes de rock, et généralement prénommés Frankie
(Avalon, Valli, voire Lymon bien que ce dernier soit – ô scandale – noir). C’est
cette génération et cette époque qu’on voit dans au cinéma « American
graffiti », et un peu plus tard dans « Grease ».
Donc Flash Cadillac etc … ils sont un peu dans un no man’s land revival, coincés entre Sha Na Na (sorte d’ancêtres américains de Au Bonheur des Dames, célèbres pour s’être égarés au milieu des hippies à Woodstock), et le revival rockab initié à partir de 75 par Robert Gordon et jackpotisé au début des 80’s par les Stray Cats. Les six Flash Cadillac sont soit des attardés musicaux, soit des précurseurs, en tout cas totalement hors sujet et à peu près sans équivalents dans l’Amérique du début des 70’s.
La descendance des teen idols est clairement
affichée au verso de la pochette de ce disque, leur premier, avec une dédicace encadrée
d’Annette Funicello, toute jeune star maison de Disney des années cinquante (en
72 en grosse perte de vitesse sinon oubliée), sorte de grand-mère virtuelle des
Britney Spears ou Zendaya … Assez étrangement, alors que le décorum renvoie à
de l’hyper consensuel, c’est beaucoup moins évident à l’écoute de « Flash
Cadillac … ».
Quand ils donnent dans le rockabilly, ils font pas
penser au gentil Ricky Nelson, mais plutôt au Johnny Burnette Trio (« Reputation »),
voire à Eddie Cochran (« Nothin’ for me », étonnante de similitudes).
Mieux, sur un titre comme « Endless sleep », Flash Cadillac etc …
sonne en 72 comme les Cramps de 82. Faut fouiner dans les crédits (maigres, sur
certaines rééditions, dont la mienne, y’a même pas les auteurs des chansons) pour
trouver écrit en petit que le producteur de « Flash … », c’est nul
autre que cette grande asperge déjantée de Kim Fowley, grand amateur de « coups »
musicaux qui verra son obstination à truster le haut des charts par groupes
(manipulés) interposés, obtenir le jackpot avec les gamines trashy et rock’n’roll
des Runaways (Joan Jett, Lita Ford et consorts …). Pourquoi le groupe ou Epic,
leur label, sont-ils allés chercher Fowley, mystère et boule d’opium …
Les Flash Cadillac ont beau être six, ils écrivent
peu (à eux deux, le claviers et le guitariste ont signé trois titres sur douze).
« Flash … » est donc surtout un disque de reprises. Et l’on s’aperçoit
vite que c’est pas « l’authenticité » qui compte, mais plutôt la
façon de sonner, de jouer qui importe. C’est léger, ludique, parfois trop, mais
ça fait partie du concept. Les Flash Cadillac sont au rock’n’roll des origines
ce que Madness des débuts sera à la musique jamaïcaine.
Côté loufoquerie, ça commence d’entrée avec la reprise de l’antique « Muleskinner blues (Blue yodel # 8) » vieille scie du countryman Jimmie Rodgers, reprise déjà de multiples fois (de Woody Guthrie à Dolly Parton qui venait d’en faire un hit national). Après le « Reputation » évoqué plus haut, les Flash Cadillac font un mauvais, très mauvais sort à « Crying in the rain », une des plus belles chansons du monde créée par les Everly Brothers. La filiation gaguesque avec Sha Na Na frappe les oreilles avec le sautillant « Betty Lou », que les au Bonheur des Dames ont dû écouter, tant leur « Oh les filles » va lui ressembler … Une reprise instrumentale (comme l’original) de « Pipeline » des Chantays n’apporte rien à ce classique de la surf music.
La face B (oui, on cause bien 33 RPM, ce disque n’a
jamais été réédité en Cd) débute avec « She’s so fine », un des deux « classiques »
de Flash Cadillac, qui figurera l’année suivante sur la B.O. de « American
graffiti » (en compagnie de « At the Hop », autre titre du
groupe et leur plus gros succès, qui sera sur l’album suivant, ces deux morceaux
étant il me semble bien les deux seuls à être postérieurs à 1962, année où se
déroule l’action du film). A propos de « At the hop », le dernier titre
du disque « Up on the mountain » semble en être le brouillon avec son
rythme doo-wop accéléré. Le reste de la face, hormis le plagiat ? - hommage ?
de Cochran déjà évoqué ne mérite pas de passer à la postérité …
Et tant qu’on parle de postérité, celle de Flash Cadillac
& the Continental Kids n’a pas traversé les décennies. Certes cet album et
le suivant, boostés par « American graffiti » se vendront un peu, un
troisième paraîtra (en fait une compilation des deux précédents), un autre fera
un four monumental, et vers 75, le groupe se dispersera (avant des tentatives
avortées de reformation à destination du marché nostalgia pendant des
décennies). Aucun membre du groupe ne connaîtra par ailleurs succès et gloire.
Pire, quand le revival rockab initié par les Stray Cats explosera, ils ne
seront jamais cités comme influence par quelque porteur à banane de blouson de
cuir.
Les Flash Cadillac ont joué la carte du gag sonore,
ils n’auront jamais aucune reconnaissance ni crédibilité. Une page anecdotique
du rock américain des 70’s …
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