L'ancêtre de tous les bluesman
C’est un miracle, une révélation, qui dans l’histoire de
notre civilisation, n’a que peu d’équivalents (peut-être la découverte du site
Inca de Machu Pichu, ou celle du tombeau de Ramses II, et encore …). Alors que
l’on croyait tout savoir sur les origines du blues et ses plus anciennes
figures tutélaires, les Lonnie Johnson, Son House, Ma Rainey, Robert Johnson,
voici qu’en recoupant les archives du Smithsonian Institute et d’Alan Lomax
(ces dernières rendues publiques après une suite d’imbroglios juridiques entre
héritiers, à faire passer la succession de Liliane Bettancourt pour un vulgaire
bail à ferme), on s’est aperçu que bien avant tous ces précurseurs, un homme
déjà s’était réveillé le morning en se sentant so bad parce que sa baby était partie.
Little Blind Johnson a enregistré, aussi incroyable que
cela puisse paraître, au milieu du XIXéme siècle, vers 1840 semblent dire les
datations au Carbone 14 effectuées sur les acétates retrouvés. Une découverte
qui va, n’en doutons pas, obliger à réécrire tous les ouvrages dédiés à la
musique des djeunes (même si le blues n’est aujourd’hui plus écouté que par
quelques grabataires souffrant d’Alzheimer et placés sous assistance
respiratoire).
Une des rares photos supposées de l'Artiste (Little Blind Johnson est à gauche) |
Ces vestiges sonores inespérés, des bribes d’interviews
retranscrites sur de minuscules feuilles de chou locales et retrouvées après
des enquêtes journalistiques à faire passer la quête du Graal pour de vulgaires
courses au Prisu du coin, permettent d’en savoir plus sur ce pionnier.
Vingt-deuxième enfant d’un couple de cueilleurs de coton, le petit
Gustave-Edouard Johnson naquit en 1812. Aussi noir que ses parents. Dès lors, son
avenir sembla tout tracé, il serait esclave, perpétuant ainsi une longue
tradition familiale, évitant par là-même de longues et infructueuses recherches
dans les Pôle-Emploi du secteur. Ne possédant rien, le petit Johnson n’avait
pas grand-chose à perdre. Hormis la vue, suite à la vision d’un horrible
accident survenu à son frère, quelques doigts à la main droite à cause d’une
machine-outil, et le bras gauche, on ne sait en quelles circonstances,
vraisemblablement dans un accident de chariot. De tels traumatismes ne furent pas
sans conséquences sur son métabolisme, il arrêta très vite de grandir, ne
culminant qu’à une soixantaine de centimètres, ce qui en plus de faire de Gustave-Edouard Johnson le plus
ancien bluesman du monde, en fait aussi le plus petit.
Un miracle survint pourtant, une nuit qu’il croisa le
chemin d’une cérémonie du Ku-Klux-Klan. Les encagoulés lui laissèrent la vie
sauve, au prétexte qu’il était inutile de gâcher une bonne corde de chanvre
pour pendre cet humanoïde avorton, le premier teckel à poil ras venu qu’il
croiserait pouvant sans problème en faire son déjeuner … On le voit, des débuts
dans la vie assez difficiles pour Gustave-Edouard Johnson, vite rebaptisé à cause
de ses infirmités Little Blind Johnson.
Mais c’est dans l’adversité que se forgent les plus
grands destins. Ayant un jour trébuché à une guitare abandonnée à la hâte par
un folkeux dans un bar de Hell’s Angels, il se mit en tête d’apprendre à jouer
de cet instrument. Evidemment, ses membres incomplets ou manquants l'empêchèrent d’acquérir une technique classique, mais après quelques
tâtonnements, il mit en place sa patte tout personnelle. Cordes montées à
l’envers, bottleneck tenu de la main gauche, et jeu en picking avec les orteils
du pied droit, le gauche battant la mesure. Un phrasé unique, mettant en valeur suites d’accords inouïs et
arpèges enchanteresses.
Autre photo supposée du bluesman manchot |
Blind Little Johnson, ayant sans doute entendu parler de Sacha Distel, se rêva d’abord guitariste jazzman de charme, avant que son physique tout particulier lui fasse changer de style. La Révélation définitive lui vint lors d’une de ces transhumances que les musiciens noirs accomplissaient parfois, partant des rives du Mississippi, obéissant à on ne sait quel instinct primitif, pour aller finir leur migration à Chicago. Ses soi-disant compagnons de périple, sans doute jaloux de son art, profitèrent des nombreux handicaps de Little Blind pour l’abandonner en chemin, le laissant seul face à son triste sort. Affamé et malade, hésitant sur la direction à emprunter au premier carrefour venu, il aurait dû finir dévoré par les coyotes. Nul ne sait comment, après une marche de 500 miles, il put atteindre Indianapolis (il est maintenant d’ailleurs question, que pour lui rendre hommage, une course d’endurance soit organisée dans cette ville). Little Blind Johnson raconta qu’à un croisement, une présence qu’il avait perçue comme diabolique lui avait proposé de le guider, et vu son état, ne lui aurait même rien demandé en échange. Une histoire légendaire, transmise de bouche à oreille par des générations de bluesmen, certains n’hésitant pas par la suite à se l’accaparer et à prétendre qu’il avaient rencontré le Malin à quelque crossroad …
La fin de sa vie est mal connue, mais on pense que
Johnson n’a pas fait de vieux os. Certaines rumeurs invérifiables prétendent
que lors d’une rixe dans un club d’Indianapolis, Little Blind Johnson aurait été
jeté dans la cuvette des toilettes et que quelqu’un, profitant de sa petite
taille, aurait tiré la chasse pour s’en débarrasser, Johnson ayant
vraisemblablement péri noyé dans les égouts de la ville …
Evidemment, pareille histoire semblerait abracadabrantesque,
s’il n’y avait pas ce coffret paru sur ISF Records, réunissant tous ses
enregistrements retrouvés. Un digipack cartonné à la présentation luxueuse,
deux Cds présentant l’intégrale à ce jour de Little Blind Johnson, plus un
BluRay avec une interview exclusive d’Eric Clapton (grand fan de Johnson), de dix-sept secondes en mono
5.1 sous-titrée en braille. Mais les deux Cds de la partie musicale valent ces
décennies d’attente et d’ignorance. Le premier Cd, sous-titré « The
complete recordings », contient un morceau de deux minutes quarante cinq
secondes, seul vestige de la carrière de Johnson, restauré à partir du
flexidisc d’origine. Le second Cd, « Greatest Hits remixed », nous
offre une relecture en dix-huit versions de ce titre mythique par les plus éminents spécialistes de
la scène electro comme DJ Gle Bells ou DJ Rondin (de Bordeaux), avec notamment
un « Petrucciani Piano A Capella Dubstep Heavy Dance Mix » d’anthologie. Mais bon, ces remix, quand bien même sont-ils de Little Blind Johnson, sont comme tout les remix, n'ont aucun intérêt et ne servent strictement à rien. Par contre le morceau retrouvé de Little Blind Johnson, le
fabuleux « Life is beautiful », mériterait à lui seul plusieurs
feuillets. S’inspirant avec une bonne humeur déconcertante de son existence, ce qui atteste tout de même d'un sacré sens de l'humour, il
jette toutes les bases du blues du XXème siècle. Le rythme, les obligatoires
douze mesures, le phrasé, tout est déjà là. Et que dire de la partie centrale
du titre, dans laquelle Johnson dévoile une technique invraisemblable, jetant
en quelques improvisations géniales les bases de ce qui aurait pu faire
d’autres titres d’anthologie. Face à l’immensité de ce morceau, on oublie tout,
même le prix un peu élevé du coffret (799 dollars hors taxes et frais de
douanes).
Un disque essentiel, une pièce incontournable de la
culture de notre humanité …
Rappelons que Little Blind Johnson, né le 1er
Avril 1812, aurait 200 ans aujourd’hui.
Un grand merci pour leur participation involontaire à Little Walter, Blind Willie McTell, Robert Johnson, Ray Charles, Django Reinhart et Tommy Iommi, Rick Allen, Albert
King, Muddy Waters et tant d’autres, les frères Coen, Gaspar Noé.
Merci aussi aux photos de Skip James et Son House.
Very special thanks à Robert Johnson (encore), et quelques
zozos qui donnent des cours de guitare via YouTube en se prenant pour Ritchie Blackmore, Angus Young ou Keith Richards …
Un disque essentiel, une pièce incontournable de la
culture de notre humanité …
Rappelons que Little Blind Johnson, né le 1er
Avril 1812, aurait 200 ans aujourd’hui.
Un grand merci pour leur participation involontaire à Little Walter, Blind Willie McTell, Robert Johnson, Ray Charles, Django Reinhart et Tommy Iommi, Rick Allen, Albert
King, Muddy Waters et tant d’autres, les frères Coen, Gaspar Noé.
Merci aussi aux photos de Skip James et Son House.
Very special thanks à Robert Johnson (encore), et quelques
zozos qui donnent des cours de guitare via YouTube en se prenant pour Ritchie Blackmore, Angus Young ou Keith Richards …
L'accumulation d'associations d'idées ( excellentes) m'ont interloqué.
RépondreSupprimerAprès c'est le gros délire!
Pleine forme Lester!!
Alors, elle est jolie?...
"m'a" pas "m'ont"...!
SupprimerVoila pourquoi j'écris rien sur mon blog... pour faire une moyenne avec tes tartines. La date du jour semble toutefois indiquer qu'il s'agirait d'un "fake"...
RépondreSupprimerComment ça, un fake ?
SupprimerTu mets en doute mes connaissances encyclopédiques sur le blues du XIXème siècle ?
Excellent !
RépondreSupprimerMais...
Tu peux réussir à tromper des types qui écoutent du WARP, mais pas des gars comme moi... J'ai étudié la question : les canalisations de toilettes à la fin du XIXème siècle, celle de Tubar's & Smith la principale fabrique située à Minéapolis, avaient une circonférence de 68 millimètres. Donc, Little Blid Johnson, tout petit qu'il était, ne pouvait pas y passer. CQFD.
La photo du milieu, c'est Son House ??
68 millimètres ... il serait donc mort étouffé avant de se noyer ? Voilà qui apporte des informations cruciales sur les derniers instants de ce pauvre Little Blind! Thanks, Luc ...
SupprimerSon House c'est celle du fond, celle du milieu c'est Skip James
T'aurais pu faire une chro positive de Boards of Canada aussi. Mais c'est quand même bon !
RépondreSupprimer