Pour le meilleur et pour le pire
Dr Dre a tout inventé ou presque du rap des années
90. Issu des NWA dont le « Straight outta Compton » avait crucifié le
rap old-school des 80’s, il va consacrer après la dissolution du collectif
légendaire l’essentiel de son temps à la production. Ne sortant que très
rarement des disques sous son nom, dont ce « Chronic », son premier
effort solo en 1992.
Andre Young aka Dr. Dre : the Man Machine ? |
Andre Young (son vrai nom) a une culture musicale
phénoménale, encyclopédique en ce qui concerne la Black Music américaine, et un
sens de la trouvaille sonore qui en font sans problème un des plus grands
pousseurs de manettes en studio, l’égal d’un George Martin, Phil Spector ou Lee
Perry …
Tout ce qui fera les grands disques de rap des deux
décennies suivantes est dans « The Chronic ». Le son est drivé par
des basses rondes et funky, les boîtes à rythme sont discrètes, les chœurs soul
féminins très présents, les arrangements jazzy … tout l’habillage sonore qui
assurera la fortune des Snoop Doggy Dogg, Nate Dogg, Kurupt (tous encore
inconnus mais très présents sur ce disque) et de leurs clones. Cette musique
que l’on appellera G-Funk est ici codifiée de façon définitive. Dre peut aussi
utiliser la musique « blanche » témoin cette rythmique très Led
Zeppelin sur « Lyrical Gangbang » …
Les textes mettent en place tous les thèmes devenus
récurrents du rap : la fumette (« chronic », c’est l’herbe en
argot) et la baise, mais aussi tout un tas de concept douteux comme le
gangsta-rap, (avec dans l’ombre le truand Suge Knight, réputé pour ses méthodes
maffieuses et ses aller-retours en prison, patron du label Death Row sur lequel
paraît le disque). Surenchère verbale aidant (« The Chronic » est
aussi un règlement de comptes avec Easy-E, ancien pote de Dre au sein des NWA),
les flingues seront bientôt de sortie et les cadavres s’accumuleront… Le
machisme rance arrive aussi avec ses gros sabots (les femmes ne sont que des
« byatches ») …
« The Chronic » est un disque d’une
qualité sonore exceptionnelle, mais les rappeurs caricaturaux et les pantins
bling-bling ne vont pas tarder à récupérer tout ce qui est défini ici, pour
aboutir à toutes ces daubes mainstream des années 2000 et suivantes que
certains persistent encore aujourd’hui à appeler rap.
Je suis dans la minorité, je trouve que 2001 est encore meilleure musicalement parlant (je dit bien musicalement parlant, parce que les paroles, 6 ans après, c'était encore pire...). Enfin, un incontournable de toute façon.
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