C’est Chatiliez lui-même qui le dit. Réalisateur de
publicités, « La vie … » est son premier long métrage. Pour lequel il
a eu pas mal de problèmes pour trouver un financement (y’en a quelques-uns qui
ont du s’en mordre les doigts jusqu’aux coudes, vu le carton commercial
réalisé). Alors c’est fait avec les moyens du bord. Low budget, en décors
naturels, et pas de mouvements sophistiqués de caméra.
Gélin & Hiegel |
« La vie … » est une comédie tout public
certes. Mais d’une férocité et d’une finesse jubilatoires. Tout le monde
morfle, les prolos, les bourges, les jeunes, les vieux, les cathos, les
notables, … Car avant d’être un film, « La vie … » est un scénario
longtemps peaufiné par Chatiliez et Florence Quentin, et une minutieuse
préparation du tournage. Débutant peut-être Chatiliez, mais pas dilettante, la
moindre réplique, le moindre vêtement ou accessoire ne sont pas là par hasard.
Et alors que dans la plupart des comédies grand public, tout le monde cabotine
ou improvise, toute la gestuelle, toutes les répliques, étaient écrites.
Il y a dans « La vie … » une galerie de
portraits exceptionnelle, tellement caricaturaux qu’ils ont l’air plus vrais
que nature. Bien sûr, on peut trouver des similitudes avec le style Hara-Kiri
(le côté foune-scato dans lequel se vautraient souvent complaisamment Choron et
sa clique en moins), ou certaines BD « sociales » de Reiser, Wolinski
(toujours la connexion Hara-Kiri), les Bidochon de Binet. En plus, dans
« La vie … », il n’y a pas vraiment de héros ou de personnage
principal. Trop difficile selon Chatiliez de tout faire reposer sur les épaules
des enfants (en plus ils sont tous absolument débutants), même s’il sont le
cœur de l’histoire. Il y a donc beaucoup de personnages secondaires, mais tous
participent à la comédie globale.
Famille Groseille |
C’est d’ailleurs
une relation extra-conjugale entre une infirmière (Catherine Hiegel) et
un gynécologue (un énorme numéro de Daniel Gélin) qui est le point de départ de
toute la mécanique du film, les deux ne sont présents que dans le premier quart
du film (et dans la dernière scène, sur fond de « Paris en colère »
par la très improbable Mireille Mathieu). Après une humiliation par son amant
odieux, l’infirmière échange les berceaux de deux nouveaux-nés. L’un est de la
famille Groseille (prolos, chômeurs, fainéants, alcoolos et vulgaires entre
autres), l’autre de la famille Le Quesnoy (lui directeur régional EDF, aristo
consanguin fin de race perclus de tics, elle grenouille de bénitier, les deux
se vouvoient). Une dizaine d’années plus tard, et une énième humiliation plus
tard, l’infirmière balance tout, à son amant, et aux deux familles. Les Le
Quesnoy décident d’acheter aux Groseille leur véritable fils (Benoît Magimel),
tout en gardant celle qui n’est pas leur vraie fille. L’occasion pour les
Groseille (ils en sont pas à un gosse près, tout comme les Le Quesnoy, c’est
une famille nombreuse) de flamber quelque temps avec ce pactole inespéré, qui
les rend plus fainéants, plus alcoolos et plus vulgaires. Et chez les Le
Quesnoy, la situation va vite se dégrader, sous l’impulsion du nouvel enfant
arrivant, qui n’oublie pas d’où il vient …
Bouchitey, Vincent & Wilms |
L’histoire, on s’en fout un peu, d’ailleurs dans le
film, on ne peut pas dire qu’il y ait vraiment d’épilogue. C’est avant tout
l’occasion de voir des tranches de vie des différents protagonistes, des
dialogues fantastiques, lunaires, des mimiques désopilantes. Des répliques sont
devenues cultes (l’enjoué « Le lundi, c’est raviolis », les fameux
« La salope, la salope, … » de Daniel Gélin, l’inattendu
« Vous me faites bander, Marielle » tout en haussements d’épaules
incontrôlés de Le Quesnoy à sa femme totalement à l’ouest, ayant viré
dépressive et poivrote, …). Les enfants sont plutôt bons (seul Magimel fera
carrière par la suite, et dans une moindre mesure Tara Römer, son
« frère » Groseille), leurs parents hilarants (André Wilms venu du
théâtre subventionné et Hélène Vincent sont parfaits dans le couple Le Quesnoy,
Christine Pignet – Mme Groseille truculente à souhait). Les seconds rôles ne
sont pas en reste, avec mention particulière à Catherine Jacob (Marie-Thérèse,
servante-Immaculée Conception des Le Quesnoy) et Patrick Bouchitey (le père
Aubergé, curé obséquieux, et interprète de l’impérissable « Jésus
reviens »).
Le film est fait avec des bouts de ficelle, la
plupart des fringues vintage ayant été amenées par l’équipe, les figurants ou
ceux qui n’ont qu’une brève réplique sont des techniciens du plateau ou des
potes de Chatiliez. « La vie … » a été tourné dans le Nord (comme
quoi, on peut y tourner des comédies autrement plus drôles que « Bienvenue
chez les Ch’tis »), région d’où est originaire Chatiliez, pour ne pas
ajouter au stress du premier film celui du dépaysement.
Et il est quand même réjouissant de constater, que
même dans la fiction, des fils de bourges et de prolos peuvent se retrouver
pour une séance de piscine (et de descente de bières) sauvage, ou dans un
garage pour sniffer de la colle à rustines …
« Oh putain, Dédée elle en tient une bonne,
elle va aller mettre la viande dans le torchon … ».
Film culte … et vraiment drôle …
Hé ben, enfin un point commun, tu vois quand tu veux... Et celles-là, elles sont pas bonnes ?
RépondreSupprimer"Mais j'vous jure Madame que je n'ai jamais été avec un garçon" - "Ne jurez pas, Marie-Thérèse !"
"Celle-là, j'me la mettrais bien sur le bout" (un frère Groseille, à propos d'une speakerine)
C'est quand même mieux qu'un Jabac, hein ?
SupprimerC'est aussi bien qu'un Jabac et qu'un Kikouine... et cent fois mieux qu'un Dardenne, un Kechiche ou un "bâtards inglorieux"...
SupprimerIl est certain que Chatillez et les Dardennes boxant dans la même catégorie, on peut aisément comparer la qualité de leur travail... Tant qu'à Tarantino/Chatillez, même combat !!
SupprimerIl est de 1988, le film... De quoi faire fonctionner la "séquence nostalgie" et le "c'était mieux avant"...
RépondreSupprimerMôôôôôssieur est tâtillon je vois ... bon ça va, je corrige ...
SupprimerJusqu'à il y a quelques années, il avait la forme, le Chatillez. Avec TATIE DANIELLE, LE BONHEUR EST DANS LE PRE, TANGUY, quatre comédies, des sujets originaux, et totalement intemporels, puisque finalement, on les renvoie toujours avec plaisir.
RépondreSupprimerHein ??!! T'es debout à 6h26 pour bosser sur ton blog ?
6h26, et alors ? J'ai pas le droit de faire la grasse matinée ? C'est les vacances, quand même !
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