Hero to Zero ?
Que voilà un disque qui a priori fait plaisir. Le premier
de Bowie depuis dix ans (l’oubliable « Reality »). Un Bowie, dont
hormis une chronique nécrologique (depuis des années, le Net bruissait de
rumeurs de fin prochaine, rumeurs se répandant encore plus vite que les
supposées métastases qui étaient censées l’emporter sous peu), je n’attendais
rien de bon, discographiquement parlant. Et donc ce disque est une bonne
nouvelle inattendue.
Mais à la réflexion, que peut-on attendre d’un type de
soixante-six ans, qui semblait avoir mis un terme à sa carrière depuis que son
cœur avait failli lâcher ? Qu’attendre en 2013 d’un gars qui n’a pas sorti
un bon disque depuis, allez, « Scary monsters » en 1980 ? Et que
des fans énamourés ne viennent pas me dire que Tin Machine était un concept
intéressant, qu’il y avait des choses à sauver dans « Tonight », ou
que ses disques « électro » traduisaient une remarquable ouverture
d’esprit caractéristique de ce grand artiste vers des sons nouveaux qui …
bla-bla bla, bla-bla-bla, … De la daube, toutes ces rondelles, qui merci à
tous, se sont très bien vendues (beaucoup mieux que ses vrais bons disques) et
l’ont mis, lui, sa jolie jeune femme et sa famille, à l’abri du besoin …
Parce que, je vais vous dire, Bowie, j’ai un peu écouté
(vite fait, des centaines de fois chacun) pas mal de ses skeuds, et il a été
fabuleux dans les rugissantes seventies quand il avait deux ou trois disques
d’avance sur toute la concurrence, quand « Ziggy Stardust » annonçait
le punk, quand « Young Americans » annonçait le disco, « Station
to station » la cold wave, « Low », « Heroes » et
« Lodger » l’avènement de l’ambient et de la musique faite par des
machines, et « Pin Ups »
toutes les nostalgia à venir. Tout ça en moins de dix ans, avec au moins deux
douzaines de titres officiels par an, dont la moitié dignes de figurer sur un
Best of. Et Bowie a fait comme les autres, a décliné, est peu à peu descendu de
son inaccessible Olympe. Dans les années 80, il a fait du fric avec de mauvais
disques, se contentant de coller à l’époque, ayant perdu toutes ses longueurs
d’avance sur la meute. La décennie suivante, on l’a vu courir après tous ces
djeunes et leurs drôles de machines qui inventaient chaque année une tendance
électronique nouvelle alors que lui essayait de copier celle de l’année
d’avant. Un Bowie artistiquement has-been, se contentant de son vieux
répertoire pour allumer l’étincelle dans les yeux du public lors de ses
concerts …
Bowie est un malin. Le premier de cette génération de
dinosaures grisonnants à avoir compris tout l’intérêt qu’il y avait dans
l’internet (Bowienet, son site perso, a été créé en 1998), et maîtrisant cet
outil de communication mieux que quiconque. Alors que tous les autres
s’acharnent à créer un buzz par définition éphémère, silence radio total de
Bowie depuis des années. Et puis, comme ça, sans prévenir, sans que le moindre
fouille-merde numérique ait vu venir quoi que ce soit, il sort le 8 Janvier, jour de son anniversaire, un
clip d’une nouvelle chanson et annonce la parution d’un nouvel album sous les
deux mois. Onde de choc médiatique, tout le monde y va de son couplet sur la
merveille à venir du dernier des géants du rock. Et arrive « The next
day », qui s’écoule instantanément comme des petits pains. De la belle ouvrage, plan marketing génial …
Bowie a toujours été un vampire, se délectant du sang de
prédécesseurs et précurseurs inconnus ou oubliés pour créer sa propre musique
et renaître artistiquement à chaque fois, Phénix musical sans équivalent.
Maintenant, malgré son âge avancé, au lieu de s’inspirer des autres, il veut
prouver qu’il bande encore, et se livre à un grand numéro d’auto-fellation contorsionniste en recrachant au final (il avale pas, c’est so vulgaire) ses
propres idées. Ça commence avec la pochette, caviardage de celle de
« Heroes », la réunion en studio de vieux potes (Tony Visconti, Earl
Slick, Gail Ann Dorsey, …) obligés par contrat de garder le secret le plus
absolu jusqu’à la sortie du disque. Bowie, lui, comme dans le sketch des
Guignols il parle pas à toi, et a juste fait savoir qu’il ne défendrait pas ce
disque sur scène. Ne parlons même pas d’envie, le pourrait-il d’ailleurs ?
Il suffit de voir les rares photos récentes de lui pour s’apercevoir qu’il est
encore plus maquillé que du temps de la pochette de « Aladdin Sane »,
mais maintenant juste pour avoir apparence humaine. C’est pas Dorian Gray,
juste un sexagénaire bien abîmé par ses excès passés … La voix, on s’en rend
vite compte, a morflé. Certes Bowie est resté un grand interprète, chante bien
et juste, mais se cantonne dans un registre medium, évitant les descentes dans
les graves, et s’interdisant toute montée dans les aigus.
Passe encore, mais le plus grave, c’est qu’il n’a pas été
foutu de composer en une décennie de quoi remplir dignement un disque. Les
titres à sauver, maintenant que le vinyle devient so branché, rempliraient tout
juste un maxi 45T, c’est dire l’ampleur des dégâts.
« The next day » commence pourtant plutôt pas
mal. La chanson-titre, intéressant pop-rock, renvoie instantanément au son de
« Scary monsters », et peut passer pour un exercice de style amusant.
Les deux singles éclaireurs « Where are we now » et « The stars
(are out tonight) », bénéficiant de clips chiadés renvoient pour le
premier à ses antiques ballades crépusculaires (« Word on a wing »,
ce genre), le second à ses années 80 (son film de vampires « The
hunger », sa musique indigente période « Never let me down »).
Sans les images, ces morceaux sont tout à fait anodins.
Le tour du proprio est vite fait. A sauver de cette
auto-parodie, des choses comme « Valentine’s day » furieusement
réminiscent « Aladdin Sane – Diamond dogs » avec son solo de guitare
calqué sur celui de « Panic in Detroit ». Ou l’amusant « Dancing
out in space » (clin d’oeil à une époque où il dansait dans les rues avec
Mick Jagger), titre reposant sur une rythmique Motown revisitée electro façon
Kraftwerk meets Aphex Twin.
Les titres restants, une bonne dizaine tout de même, sans
compter les trois « bonus » de la DeLuxe Edition (DeLuxe pour trois
titres, faut pas déconner, à une époque ce label DeLuxe voulait dire que l’on
doublait voire triplait la durée du disque initial), faudra beaucoup de pouvoir
de persuasion au fan-club pour me convaincre qu’ils présentent le moindre
intérêt. Et comme y’a vraiment pas grand-chose à sauver, Bowie et Visconti qui
sont pas tombés de la dernière pluie, ont mis la batterie et les
claviers-synthés très en avant, pour masquer un assortiment de rengaines
fadasses, d’arrangements centristes, de mélodies bancales, enrobés d’effets
sonores BCBG. Et qui toutes renvoient à des choses déjà entendues chez lui, et
pas celles qu’il a faites de mieux. Le funeste « Never let me down »
est souvent évoqué, des sonorités très « Lodger » (pas de bol, c’est
le moins bon de la trilogie berlinoise) apparaissent ici où là, on n’évite pas
la chanson pompeuse à la Scott Walker « You feel so lonely … »,
assortie de chœurs à la « Rock’n’roll suicide » …
« The next day » a rempli à merveille son
office, faire parler de son auteur alors qu’il n’a plus rien à dire (ni à
prouver d’ailleurs). Peut-être pour préparer le terrain à d’autres sorties de
disques (des rééditions, des inédits, des machins remastérisés, remixés ou que
sais-je encore, …). On se retrouve avec l’équivalent du tapage médiatique qui
avait entouré la sortie du dernier disque des Stones (« A bigger
band » en 2005), lui aussi présenté comme un retour à ce que les Stones
avaient fait de meilleur, et dont je mets quiconque au défi de me citer un seul
titre… Et rendez-vous dans un lustre pour discuter des chansons de ce « Next
day » qui auront marqué leur époque … j’ai bien peur que le compte soit
vite fait …
Non, on ne jette pas les disques de Bowie à la poubelle.
Il y a des choses qui ne se font pas … Mais c’est pas l’envie qui manque …
Du même sur ce blog :
The Man Who Sold The World
Du même sur ce blog :
The Man Who Sold The World
Et beh...Je ne garderais que Love Is Lost dont la rythmique est un pompage ralenti de celle de Perfect World sur l'ignoble dernier Gossip...
RépondreSupprimerY'a qu'a canarder les CD de The Next Day au dessus de la Corée du nord, je vois plus que ça pour nous sauver!...
ps: Looking For Water et Days étaient très bien sur Reality..
Plus aucun souvenir de Reality ... y'avait peut-être quelques bons morceaux ... sur celui-ci aussi, tout n'est pas ignoble, mais c'est tellement quelconque ...
SupprimerAucun avis là-dessus. D'abord parce que je ne l'ai pas écouté (comme si ça m'empêchait d'avis un avis sur plein d'autres trucs), et ensuite parce que je ne fais pas partie du culte de Bowie, même si certains de ses albums 70's sont en effet formidables. Certaines chansons plus qu'albums d'ailleurs peut-être, enfin bon je sais pas, j'ai pas creusé plus que ça en fait (oui je sais, j'écoute du heavy psych japonais mais je connais pas la moitié des albums culte de Bowie, y a un problème ?). Intéressant d'avoir un autre son de cloche que la prosternation officielle de la critique et l'enthousiasme bien réel aussi de certains fans en tout cas.
RépondreSupprimer(et puis le (il avale pas, c’est so vulgaire) me dit que tu mériterais d'être sur Guts, j'ai bien ri! Mais faut avoir sa carte de membre du fan-club de Zorn, sinon tu rentres pas.;) Et puis faut inventer des noms de groupe aussi, c'est fatiguant).
Vous êtes mignons chez Guts ... capables de chroniquer des pirates live du Belarus des Eviscerated Children from the Grave, et avouer écouter pour la 1ère fois "Electric warrior" de T.Rex en 2013 ...
SupprimerZorn, désolé, ça va pas être possible ...