DAVID BOWIE - THE RISE AND FALL OF ZIGGY STARDUST AND THE SPIDERS FROM MARS (1972)

 

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1972 … David Jones rebaptisé Bowie essaie depuis huit ans (« Liza Jane », 1964) de capter la lumière des projecteurs de la célébrité. Il s’est beaucoup dépensé, a suivi beaucoup de courants musicaux, seul ou avec des groupes. Il a même eu un hit, « Space Oddity », surfant sur la vague « 2001, Odyssée de l’Espace ». Il vient de signer un grand disque (« Hunky Dory ») accueilli favorablement par la critique, nettement moins par le public … La preuve, le titre imparable qu'il contenait (« Life on Mars ») a fait un bide en single (ce titre ressortira en 73 et il finira cette fois en haut des charts). Et pire pour l’amour-propre de Bowie, son pote Marc Bolan avec qui il rêvait de conquérir les charts, est devenu l’idole des jeunes anglais (et des très jeunes anglaises) avec ses chansons pour lesquelles on a créé le terme de glam-rock …

David Bowie début 1972

Rétrospectivement, on peut dire que Bowie va tenter un coup de poker fabuleux, de ceux qui peuvent à jamais te ridiculiser ou faire de toi une superstar. Parce que, réfléchissons cinq secondes, comment faire gober a priori un concept fumeux aussi con que celui de Ziggy Poussière d’Etoile et ses Araignées de Mars, à un public anglo-saxon qui a connu les Beatles et voit les Stones au sommet de leur art (pour ne citer que les deux grands groupes de la perfide Albion) ? Bonne question, camarade, j’ai bien peur qu’elle reste à jamais sans réponse … C’est peut-être à ce genre d’intuitions géniales qu’on reconnaît les meilleurs, les plus grands … renverser la table et repartir de zéro …

« Concept » et musique chemineront de pair. Ziggy Stardust est l’antithèse du Major Tom de « Space oddity ». Major Tom partait vers les étoiles dans sa fusée, Ziggy est un alien qui arrive sur Terre. Bon, je vous l’accorde, faut avoir cinq ans ou pris les bonnes drogues pour trouver le concept intelligent voire intéressant (et je vous fais cadeau des paroles des chansons (de l’alligator bisexuel de « Moonage daydream » au temps qui prend une cigarette dans « Rock’n’roll suicide », y’a de quoi se gratter l’occiput …). Le personnage de Ziggy Stardust est un mix improbable de Vince Taylor, (forcément) Iggy Pop, et de l’excentrique countryman Legendary Stardust Cowboy. Bowie se coupe les cheveux, les teint en jaune citron, commence à rechercher des tenues extravagantes en suivant de près les créateurs de mode japonais. C’est ce look qu’il arbore sur la pochette de « … Ziggy Stardust … » (si le pèlerinage londonien des pochettes de disques vous intéresse, après le passage clouté devant les studios au 3 d’Abbey Road, rendez-vous au 23 Heddon Street pour celle de « … Ziggy Stardust … »). Ne pas s’y tromper, le meilleur est quand même ce qu’il y a à l’intérieur de la pochette …

Le même, quelques mois plus tard

« … Ziggy Stardust … » a été enregistré dans la foulée de « Hunky Dory ». Six mois jour pour jour séparent les deux disques (Décembre 71 pour le premier et Juin 72 pour le second, ça on peut pas l’ignorer, tellement les célébrations du cinquantenaire de la parution ont été médiatisées). Et la tournée qui suit la parution de « Hunky Dory » qui débute en Février 72 sera basée sur les titres à paraître … Imagine-t’on de nos jours une quelconque « vedette » issue des télécrochets sortir un disque tous les six mois et tourner avec un tiers d’inédits au répertoire ? Répondez pas tous en même temps, mais quelque part on a les idoles qu’on mérite …

« … Ziggy Stardust … » a une place particulière dans la discographie de Bowie. Tout en haut … alors que la période Ziggy n’a duré que de Février 72 au 3 Juillet 73 (« mort » officielle de Ziggy Stardust lors du concert documenté par un live au Hammersmith Odeon). La raison est toute simple, ce disque est incontournable parce qu’il est excellent, un des marqueurs essentiels du rock seventies et du rock tout court.

Bolder, Woodmansey, Bowie & Ronson : Spiders from Mars

Des points faibles ? En cherchant bien, une paire. Le cœur du disque, « It ain’t easy » et « Lady Stardust » (sur le vinyle dernier titre première face et premier seconde face) est constitué par les deux morceaux qualitativement en retrait par rapport aux autres. Le premier, une reprise du peu connu Ron Davies (compositeur américain « tout-terrain » venu de la country) dénote avec la tonalité générale de l’album et la seconde, ballade bien dans le concept du disque, mais composition prévisible. Ces deux titres ne seront quasiment jamais joués sur scène tout du long de la carrière de Bowie. Autre point discutable, le choix délibéré de Bowie de chanter très haut dans les aigus, alors qu’il a une palette vocale beaucoup plus étendue … bon, fin de la rubrique « cherchons des poils sur les œufs » …

Alors, il y a les compositions dont un bon paquet font partie de ce que Bowie a fait de mieux. Une mise en place sonore qui est un modèle du genre. Captation d’un quatuor « basique » (basse-batterie-guitare-chant) sur lequel les ajouts (sax, piano, orchestre à cordes) semblent couler de source. Le tout en glorieuse stéréo seventies (des effets très clairs entre droite et gauche), une voix de Bowie souvent doublée sur les refrains, et des mises en avant de la guitare de Ronson quand celle-ci prend le jeu à son compte, qu’il s’agisse de riffs ou de solos. Aux manettes, Ken Scott, venu des studios Abbey Road qui a fait ses premières armes comme assistant de George Martin sur les disques des Beatles, ce qui donne quand même quelques idées sur la façon d’utiliser du matériel d’enregistrement. Et nul doute que si officiellement ce sont Bowie et Ronson qui sont crédités aux arrangements, Ken Scott y est aussi pour quelque chose. Quelques exemples, le fade-in de batterie sur l’intro de « Five years », les riffs colossaux de Ronson sur « Soul love », ceux de « Moonage daydream » qui shuntent le fading de « Soul love », le crescendo à apprendre dans les livres d’histoire de « Rock’n’roll suicide ».



Bowie & Ronson live at Santa Monica

« … Ziggy Stardust … » est le disque qui a fait de Mick Ronson un des guitaristes marquants des années 70. Capable de s’effacer, de se faire rythmique et discret, et puis d’exploser dans les tweeters pour des riffs d’anthologie (« Soul love », « Moonage daydream », « Star », « Suffragette City »), ou de solos marquants (le final de « Moonage daydream », celui de « Hang on to yourself »).

Avec ce disque, Bowie règle définitivement son compte à Bolan. Certes, T. Rex sera en Angleterre et en Europe un plus gros vendeur. Mais Bolan se verra dépassé sur son aile gauche. A grands coups de déclarations tapageuses so shocking pour la société de l’époque (« je suis bisexuel »), de maquillages peu discrets, et d’excentricités capillaires et vestimentaires en tout genre, Bowie va pousser le bouchon beaucoup plus loin que son ami-rival. Mais là où Bowie fera la différence, c’est qu’il va aller (alors que commercialement il n’y est rien) « démarcher » le public américain, multipliant les tournées Outre-Atlantique. En une paire d’années, il y deviendra, sinon une superstar (trop clivant, imaginez l’effet du look Ziggy – Diamond Dogs dans le Midwest et le Sud profond), en tout cas quelqu’un de connu …

Comme c’est écrit au verso de la pochette, « to be played at maximum volume » … et le plus souvent possible …


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2 commentaires:

  1. Un must, rien à redire. Je me demande si Bowie n'a pas été ces années-là le plus aventureux et créatifs de ses contemporains musiciens anglais post-Beatles. Les Stones ? Comme l'a si aimablement rappelé McCartney il y a quelques temps, ils ne jouaient que des reprises de blues... Bon, pas que. Led Zep ? Sur la deuxième marche, ils ont creusé leur filon quand Bowie en changeait tous les deux disques.

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    1. Post-Beatles ? je sais pas, depuis cinquante ans, y'a eu du monde ...
      Pour les années 70, y'a pas grand-monde, voire personne au niveau de Bowie. D'abord parce qu'il a couvert toute la décennie de bons disques, de Hunky Dory (71) à Scary Monsters (80) en passant par tous les autres, et que tous ses "concurrents" ils ont pas été bons tout du long ... Les Stones ? Jusqu'à Exile (72), à la limite It's only rock'n'roll (74), Led Zep jusqu'à Physical grafiti (75) ... La plus mauvaise décennie de Dylan (sauf Blood on the tracks), quelques-uns juste là au début (Creedence, Doors, ...), d'autres à la fin (Springsteen, Clash, ...), et tous les autres qui ont pas été au même niveau (Eagles, Deep Purple, Santana, ...) tout du long des 70's ...
      Sans parler de tous ceux dont le nom ne mérite pas d'être évoqué quand on parle des tous grands...

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