Le début ...
Il était attendu ce disque … mais pas plus que
d’autres. En 1964, les Rolling Stones n’étaient qu’un des noms de cette scène
anglaise luxuriante obnubilée par les pionniers du rock’n’roll américain et les
bluesmen de Chicago.
Les Stones n’ont jamais été les « Elus »,
ceux dont le succès était écrit d’avance. La concurrence était rude, Animals,
Pretty Things et Them en tête. Les Beatles étaient déjà hors concours, avaient
déjà sorti des disques, eu des 45T en haut des charts. Et puis le rock, c’était
pas un métier. Peut-être une mode qui durerait avec un peu de chance une
poignée d’années, autant que le skiffle, mais c’était pas
« sérieux », pas « raisonnable », et le centriste Cliff
Richard faisait déjà figure d’ancêtre. Le rock, c’était pour des jeunes un peu
sauvages, un peu rebelles, ça ne durerait pas, et encore moins dans un pays
aussi traditionaliste que l’Angleterre.
On peut rêver mieux comme fonds baptismaux. Sauf que
les Stones, autant par hasard que par géniale anticipation, ont mené leur
barque totalement à contre-courant pour finalement être ceux qui allaient
réussir (si, si, un peu quand même …).
Une bande hétéroclite, ces Rolling Stones. Un
batteur (Charlie Watts) déjà fan de jazz, un bassiste (Bill Wyman) obsédé
sexuel et beaucoup plus vieux que les autres, deux ados (Jagger et Richard) qui
avaient fait connaissance dans les transports en commun parce qu’ils se
trimballaient avec les disques de blues qu’ils venaient d’acheter. Et puis deux
cas à part, un beau gosse (Brian Jones), petite frappe, déjà marié et père de
famille qui tapera dans l’œil du manager (Andrew Loog Oldham) de cette équipe
hésitante, et un moche gosse (Ian Stewart), au physique jugé peu avenant pour
les photographies et qui ne sera que jusqu’à sa mort le « sixième »
Stones.
Hé là, pourquoi parler de photos, on parle de
musique là, non ? Pas seulement, parce que, très vite, les Stones vont
comprendre qu’il y a des choses au moins aussi importantes que les disques, que
l’image, la réputation (ancêtre du buzz), sont également primordiaux. La
pochette de ce 1er 33T est révélatrice. Seul Brian Jones, le beau
gosse, est vêtu avec du blanc, est dans la lumière. C’est lui le leader, le
point vers lequel doivent converger les regards. Mick Jagger est un peu avant
aussi, c’est le chanteur, et Oldham pense que son côté lippu sympa pourrait
également faire son effet… les trois autres sont dans l’ombre, trop communs.
Les Stones du tout début doivent tout à Oldham,
c’est lui qui rédige les notes de pochette du disque, et sur celle-ci la
fameuse sentence : « Les Rolling Stones sont plus qu’un simple groupe
… ils sont une façon de vivre ». Une façon de dire « les enfants, la
révolution est en marche, choisissez votre camp ». les Stones, qui dans la
vraie vie ne le sont pas encore vraiment, seront les bad boys, les voyous de
l’affaire.
Ce premier disque éponyme n’a rien d’exceptionnel,
la concurrence fait au moins aussi bien. Tout au plus peut-on noter au niveau
sonore ce fatras bordélique, ce bourdonnement crasseux qui les fera se
distinguer puis s’émanciper de la meute. Les Stones jouent sale, primitif. Des
reprises chaotiques, brinquebalantes de ces titres qu’ils ont écouté en boucle.
Venant de l’autre côté de l’Atlantique. Les Stones ne sonneront jamais autant
« américain » que sur cet opus inaugural. Leurs idoles sont de la
revue, Muddy Waters, Jimmy Reed, Chuck Berry, Bo Diddley, Rufus Thomas, Bobby
Troup, … Le groupe est en surchauffe, parfois à la peine (flagrant sur « I
need you baby », « I just want ot make love to you », ou
« Walking the dog », les versions originales sont meilleures),
compense ses lacunes en jouant vite (« Route 66 »,
« Carol », ce dernier pour moi le meilleur titre du disque). Brian
Jones bâcle ses tentatives de solo, Mick Jagger braille avec conviction,
soufflant parfois dans un harmonica. Seule composition originale, « Tell
me », signée Jagger-Richard, est une ballade un peu bancale, annonciatrice
de leur bien meilleure « The last time », mais loin de laisser apercevoir
les merveilles que ses auteurs écriront plus tard.
Le succès ne sera guère au rendez-vous, malgré une
flatteuse et très éphémère première place au Top albums anglais. Le groupe et
Oldham s’entêteront, Jagger et Richard s’efforceront d’écrire des titres, les
Stones seront ambitieux en allant tourner aux Etats-Unis alors qu’ils ne sont
même pas plébiscités chez eux. Cette volonté de mener une carrière
« américaine », fera que jusqu’à « Beggars banquet »
(1968), tous leurs disques sortiront sous deux versions différentes, « l’anglaise »
et « l’américaine ». Au pays d’Elvis, ce « The Rolling
Stones » se nommera « England’s newest hit makers », le
« Not fade away » (qui deviendra leur premier hit en Angleterre) de
Buddy Holly remplaçant dans le tracklisting le « I need you baby » de
Bo Diddley.
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