Venu d'ailleurs ...
Le Bowie période Los Angeles est une épave, un
taudis humain, et à l’époque de leur parution, que ce soit le funk blanchi de
« Young Americans » ou ce « Station to station », les deux
disques avaient déçu le gros de ses troupes de fans, encore sous l'effet de l'electrochoc glam Ziggy Stardust. Bowie vit reclus, ne se
nourrissant que de lait et de cocaïne, vient de tourner la science-fiction
écolo-nihiliste « The man to fell to Earth » (« L’homme qui
venait d’ailleurs » dans la langue de Calogero) de Nicholas Roeg.
Le Thin White Duke |
Bowie, junkie-zombie (il doit peser quarante kilos
tout mouillé à cette époque-là), s’enferme en studio avec ses
« fidèles », le guitariste Alomar, la rythmique Davis et Murray (Tony
Visconti n’est pas libre à ce moment-là, c’est Harry Maslin qui produira), plus
des musiciens de séances (Bittan du E-Street Band et Earl Slick, qu’il
retrouvera eux, à différentes époques plus tard). Dans un grand nuage de poudre
blanche, un personnage-concept est créé, le Thin White Duke (aristocrate
décadent, blasé et aryen, selon les définitions, fluctuantes, qu’en donnera un
Bowie pas au mieux mentalement), et la musique qui servira de toile de fond à
son « retour » (contresens cocaïné, comment peut-il revenir, alors
qu’il n’avait jamais été là ?) est orchestrée.
Artistiquement, Bowie ne sait plus où il en est.
Subsistent des relents funky du précédent 33T « Young Americans » ,
et nouveauté, apparaît l’influence robotique des précurseurs synthétiques
allemands, surtout Kraftwerk et Neu ! que Bowie écoute en boucle. Mais Bowie, et ce n'est pas la première ou la dernière fois quand il se lance dans l'exploration musicale, finira par retomber on ne sait trop comment (il a avoué plus tard n'avoir aucun souvenir de l'enregistrement de ce disque, ne sachant même plus dans quel studio avaient eu lieu les séances) sur ses pattes. Il étire démesurément les séquences musicales, et au final, le 33T ne comptera que
six titres.
D’entrée « Station to station » ou
l’improbable rencontre entre des accords métalliques genre Blue Oyster Cult et
le funk du précédent « Young Americans ». « Young
Americans » dont semble échappé « Golden years ». Deux magnifiques ballades
(« Word on a wing » et « Wild is the wind », cette dernière
en hommage à Nina Simone qui avait également repris ce titre de Dimitri
Tiomkin), le discoïde « TVC 15 » et le froidement métallique « Stay »
complètent le track-listing.
« Station to station » est un des disques
les plus variés de Bowie. Il me semble que c’est aussi le seul de toute sa
discographie dont tous les titres figureront à un moment ou un autre dans son
répertoire live, preuve de son importance dans la carrière du Thin White Duke,
et il annonce par bien des aspects sa future « trilogie berlinoise »
(« Low », « Heroes », « Lodger »).
A sa sortie, le disque sera très diversement
accueilli par les médias spécialisés, et la réaction globale sera assez
mitigée. Il a été sans cesse réévalué depuis, et lors de sa récente réédition
en version ultra-expanded l’année dernière, la tendance serait plutôt
maintenant à le considérer comme un de ses disques majeurs. Pour moi, il est
tout bonnement dans sa poignée d’incontournables.
La pochette, comme celle de « Low » est
tirée du film de Roeg.
Du même sur ce blog :The Man Who Sold The World
Franchement, pour de dernier jour de l'année, quitte à faire un Bowie tu aurais pu nous sortir "Earthling"...
RépondreSupprimerBon, encore bon réveillon à tous et à l'année prochaine (c'est-à-dire à demain) !
Je l'ai pas "earthling" ... c'est son disque electro-drum'n'bass, c'est ça ? Il est tombé bien bas , le pauvre bowie, même s'il paraît que c'est un des moins mauvais de ses pires ...
RépondreSupprimerOui c'est ça, c'est son album jungle, qui a plutôt bonne presse en effet...
RépondreSupprimer