The toughest ...
Y’a des noms comme ça, qui forcent le respect. Celui
de Wayne Kramer par exemple. Parti de rien pour aller nulle part, et revenu de
tout.
Wayne Kramer, l’une des deux guitares du MC5. Déjà,
rien que ça, ça suffirait comme carte de visite à des milliards de types qui
veulent se la jouer rocker dur. Mais c’est pratiquement une parenthèse dans la
vie de Wayne Kramer. Le groupe enragé dissous vers 1972 dans une bourrasque de
poudres blanches, Kramer va entamer un périple flirtant avec toutes les
limites. Des trafics divers, des affaires un peu chelous pour commencer, et une
virée au pénitencier. Rendu à la vie civile, une autre formation sponsorisée
par les cartels colombiens, Gang War, avec Johnny Thunders, un autre sacré
client en matière de guitares et d’opiacées. Des projets éphémères avec
notamment des survivants du MC5 ou des amis-concurrents des Stooges …
Evidemment pareil pedigree n’attire pas les majors
du disque, la musique jouée n’a pas trop de « potentiel » marchand,
et tous ces garnements sont un peu plus difficiles à gérer que, au hasard (tu
parles), la dizaine de cacochymes vieillards ayant fait partie de Yes qui
s’entêtent à resservir leur daube à des grabataires sourds et consentants …
Il fallait un malade comme Brett Gurewitz, le boss
du label Epitaph, qui au vu de son catalogue (Bad Religion, Turbonegro, Cramps,
Tricky, Circle Jerks, …) s’y connaît un peu en cas sociaux imprévisibles, pour
signer cette légende à la dérive. Même si Kramer n’a rien de la tête brûlée à
laquelle il serait trop facile de le réduire. C’est un type qu’on respecte,
voire admire, à la manière d’un Keith Richards ou d’un Lemmy (avec lequel,
fatalement, il jouera pour des concerts tribute au MC5), et Kramer est encore
en course pour être le dernier survivant de ce trio de défoncés, pour le moment
c’est celui qui à l’air d’aller le mieux …
Donc, dès que la rumeur d’un retour au studio se
répandit, les volontaires se trouvèrent légion pour venir l’épauler.
Généralement tout un tas de durs à cuir(e) issus de la galaxie Epitaph, avec en
tête les furieux Melvins, mais aussi des gens vus et entendus chez Rancid,
Black Flag, ou dans des groupes de Detroit (Sweat Pea Atkinson, chanteur chez
Was (Not Was), et le plus grand bassiste de tous les temps, James Jamerson des
Funk Brothers himself). Le résultat est à la hauteur de ce casting bariolé. Là
où l’on pourrait s’attendre à exclusivement du rock dur, garage, on est surpris
par la variété sonore proposée.
A côté de titres « pour hommes » qui sont
quand même majoritaires, on trouve des ballades dévastées, comme la fabuleuse
« Junkie romance », très Keith Richards à bout de souffle
(pléonasme), la rythmique funky d’une sorte de free-rock (« Incident on
Stock Island ») comme il y a du free-jazz avec voix parlée, un titre dans
la lignée de certaines dérives scéniques du Five ou des impros de Beefheart et
Zappa. Un morceau qui trouve son pendant dans le dernier titre plus ou moins
caché du Cd (« So long, Hank »). Kramer titille occasionnellement le
hardcore (« Bad seed »), l’énorme ligne de basse de Jamerson emporte
« Pillar of fire » vers les rivages du rock lourd seventies, « Realm
of pirate kings » est très hendrixien avec ses guitares glougloutantes, l’intro
de « Sharkskin suit » devrait parler à tous les fans de Noir Désir
(ou du Gun Club), et l’inaugural « Crack in the universe » s’est
souvent retrouvé sur des compilations « spécialisées » sans que l’on
puisse pour autant le qualifier de hit.
Logiquement, l’impact commercial de « The hard
stuff » sera limité (pour être gentil). C’est pas un disque qui s’adresse
au grand public, c’est un peu réservé à la « famille ». Qui a été
comblée, le disque est excellent et remettait sous les projecteurs une des
légendes encore vivantes d’un des plus séminaux groupes de rock ayant existé …
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