The Voice
Joan Baez, on l’a tellement confondue avec son
engagement militant, elle a été de tellement de combats plus ou moins perdus
d’avance (et elle continue encore à plus de 70 ans à s’investir dans tout un
tas de causes généralement bonnes), qu’on a oublié que c’était une chanteuse.
Une chanteuse folk.
Pas la première, pas la plus célèbre (pour ces deux
aspects, voir plutôt du côté d’Odetta), mais certainement la plus emblématique,
en tout cas de la période cruciale lors de laquelle tout s’est mis en place,
les années soixante. Une décennie pour elle commencée par des enregistrements
secs, austères et brûlants, et conclue, enceinte jusqu’aux yeux, par une
prestation qui file le frisson au festival de Woodstock.
Parce que Joan Baez, c’est une sacrée chanteuse. Une
voix de cristal comme on en entend peu en général, et dans le
« rock » en particulier. Que ce soit dans le murmure ou le chant à
pleine voix, Joan Baez impressionne, et plus encore par le feeling irréel qu’elle
dégage que par sa technique irréprochable.
Un exemple ? Pas besoin de chercher loin. Il
suffit de prendre le premier titre de ce Cd, enregistré comme son nom l’indique
en public dans une austérité absolue (Joan Baez, sa guitare acoustique, et le
public droit dans les yeux, c’est tout). Ce titre, « Baby, I’m gonna leave
you » tout le monde ( ? ) le connaît par Led Zeppelin sur son premier
disque. Bon, faut oublier l’interprétation de Plant (pourtant pas n’importe qui
derrière un micro), et surtout pas la comparer à celle de ce disque, le verdict
serait sans appel. Victoire par KO au bout de trois mesures pour l’Américaine.
Qui n’a qu’un seul point faible, elle n’est pas une
grande compositrice, ne signant que quelques titres (et pas toujours) sur ses
albums, et là, en 1962, n’ayant encore rien mis dans son répertoire de Bob
Dylan, dont elle reste sur la durée la meilleure interprète (qui avait dit
Hugues Aufray ? bon, tu sors …), sans parler d’autres aspects de leur
relation qui tiennent du domaine privé … Alors il n’y a sur ce disque que des
reprises, des chants traditionnels pour la plupart (qui a dit que c’était un
disque de scout ? tu dégages aussi …), venant du patrimoine musical
américain en majorité, certes, mais piochant aussi chez les Anglais (le final
« Matty Groves »), chez la mère nourricière Afrique via le gospel (« Kumbaya »,
repris étonnamment en chœur par le public pour un résultat grandiose), voire
chez les Brésiliens (« Ate Amanha », chanté en portugais). Mieux,
alors que Joan Baez a pourtant déjà sorti deux disques, aucun des titres de ce
« In Concert » n’y figurait. Choisis évidemment pour leurs textes, ou
alors pour rendre hommage aux figures tutélaires du folk américain
(« Pretty Boy Floyd » écrit par Woody Guthrie, et repris par Pete
Seeger, à qui la version de Joan Baez est dédiée).
Chanteuse d’exception, d’une justesse totale tant
sur le fond que sur la forme (juste quelques bribes
« castafioresques » sur « Black is the color … »), Joan
Baez est lentement mais sûrement en route pour devenir l’icône engagée des
années 60. Le succès un peu inattendu de ce disque donnera lieu à une suite
l’année suivante, aussi magnifique, l’effet de surprise en moins, mais une
paire de titres de Dylan en plus …
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