Les Disposable Heroes of Hiphoprisy, comme leur nom
le laisse deviner font du rap. Comme beaucoup en ce début des années 90. Ils
ont dès le départ une particularité géographique. Ils viennent de la Bay Area
de San Francisco, plutôt un repaire de trashers (Metallica et tous leurs
suiveurs), alors que le rap, né à New York, commence à peine à atteindre la
Californie, mais plutôt du côté de Los Angeles (Ice T, NWA).
Mais plusieurs choses vont d’entrée les distinguer
d’un troupeau de posses au sein duquel la concurrence est rude. D’abord ils ne
sont que deux (et demi, le guitariste plutôt jazz Charlie Hunter, qui fera une
carrière solo méconnue mais longue comme le bras les accompagne sur une grosse
moitié des titres), le rappeur-auteur-programmeur-arrangeur (ça fait beaucoup,
on y reviendra) Michael Franti, et le batteur-bruiteur Rono Tse. Et puis, ils
se démarquent de pas mal de choses entendues jusque là.
Michael Franti & Rono Tse, héros jetables ? |
Par le propos d’abord. Franti n’est pas un
inquisiteur à grande gueule (le rap militant et engagé à la Public Enemy, pour
situer), n’a pas non plus une mentalité de caïd de cage d’escalier (le
gangsta-rap). C’est un type qui a une vision, un discours (merci aux lyrics
reproduits dans le livret). Qui pose un œil intelligent et avisé sur des
problèmes qui dépassent le strict cadre du pov’ neg’ méprisé auquel les plus
« concernés » du rap s’en tenaient jusque-là. Franti est capable de
mettre en parallèle une Europe qui semble se (re)construire en cette fin des
années 80 et des Etats-Unis repliés sur eux-mêmes laissant s’exacerber
déliquescence sociale et libéralisme à tout-va. Franti n’est bien sûr pas dupe
du militarisme à tout crin de l’administration Bush père, et va même jusqu’à
avancer un manifeste écologiste (« Everyday life has become … »)
assez unique à l’époque chez les rappeurs. Franti rejette toute forme de slogan
simpliste, préférant mettre des arguments en avant, expliquer, analyser,
approfondir son propos. Conséquence, on se retrouve avec des titres là aussi
d’une durée inédite dans le rap (« The winter of the long hot
summer » taquine les huit minutes, trois autres morceaux dépassent
largement les six minutes). Les « inspirateurs » et
« conspirateurs » ainsi nommés et remerciés dans le livret font se
voisiner les prévisibles et attendus Malcolm X, Angela Davis, Gil Scott-Heron,
Public Enemy, KRS-One voire Linton Kwesi Johnson (rare malgré tout que des
anglais soient cités par des rappeurs US) avec les beaucoup plus surprenants au
générique d’un disque de rap Jello Biafra (leader du punk band historique de
San Francisco Dead Kennedys et activiste social notoire, dont l’hymne
« California über alles » est repris et samplé sur ce
« Hypocrisy … »), Vernon Reid (guitariste « fusionnel » du
groupe de hard-rock Living Colour, groupe présentant la particularité de n’être
composé que de Noirs), le Besancenot anglais Billy Bragg, les rockers hardcore
de Fugazi et les électroniciens de Meatbeat Manifesto … Un éclectisme inédit
pour un rappeur …
Michael Franti |
La musique (les plus rétifs au genre parleront
plutôt de « fond sonore ») se démarque aussi pas mal de ce que l’on a
coutume d’entendre. L’influence de Public Enemy est là aussi évidente, mais la
lourdeur menaçante remplace les agressions soniques de Terminator X et du Bomb
Squad. Beaucoup d’arrangements (la guitare, somme toute discrète, beaucoup plus
les claviers et pianos de toutes sortes) tirent souvent vers le jazz (MC Solaar
a du beaucoup écouter « Water Pistol Man », la ressemblance est
troublante). Et puis les Disposable Heroes ne rechignent pas à se laisser aller
à faire l’éloge de la lenteur, les rythmiques de certains titres sont même très
très lentes (corollaire, le flow de Franti l’est aussi, on pense souvent à Gil
Scott-Heron), on n’est guère éloigné du trip-hop, de Massive (Attack) en
particulier.
« Hypocrisy … » est en tout cas un disque
de rap très original, pas pour autant « facile » ou à conseiller à
ceux qui n’aiment pas çà. Bien boosté par le single « Television, the drug
of the nation » (un des rares titres « évidents », tant par le
propos que par la musique), le disque sera un bon succès. Pas tant que cela
dans la sphère strictement rap, mais les textes de Michael Franti seront
entendus bien au-delà de la « communauté ». Bono engagera
personnellement les Disposable Heroes pour quelques dates en ouverture d’une
tournée de U2. Ce sera un peu le baiser de la mort pour le duo. Michael Franti,
trop « visible », tentera l’aventure plus ou moins solitaire avec le
vrai-faux groupe Spearhead, après que le Cd successeur de cet excellent
« Hypocrisy … » soit passé totalement inaperçu.
Aujourd’hui, les Disposable Heroes, Franti, Tse,
Spearhead semblent bien oubliés. Etre en avance sur son temps et ne pas jouer avec
les grosses ficelles ne paye pas …
'tain tu les a trouvé où ceux-là ? Pas mal, pas mal. Sur le troisième extrait le gars on dirait quand même carrément Chuck D. Bon, y a pire comme inspiration.
RépondreSupprimerIls ont eu leur quart d'heure de gloire avant que Snoop vienne rafler la mise rap west coast ...
SupprimerIl est là le skeud :
http://musicmp3spb.org/artist/disposable_heroes_of_hiphoprisy.html
et le mode d'emploi du site là :
http://lgangbangs.blogspot.fr/2013/09/the-beatles-beatles-again-1970.html