Pour quasiment tout le monde, Madness se résume à un
titre, « One step beyond ». Rabâché, et même encore de nos jours,
jusqu’à l’écœurement. Symbole du ska dit festif, avec en filigrane la vision de
ces horribles multitudes de groupes du genre qui squattent les après-midi de
festivals provinciaux, aussi vite chiants que les fuckin’ bandas du Sud-Ouest …
Madness, c’est pas que « One step
beyond ». Le groupe, après quelques années de mise en sommeil s’est
reformé quasiment dans son line-up original et demeure une institution. En
Angleterre uniquement. Parce que Madness est un groupe typiquement anglais,
autant qu’avait pu l’être à la même époque de leurs débuts le trépassé Ian Dury
et ses Blockheads. Madness viennent d’un quartier populaire de Londres (Camden
Town), et ont savamment entretenu cet aspect cockney-potache-loufoque inné chez
eux.
Madness, c’est en 79 la tête d’affiche commerciale
du ska, ceux qui ont fait exploser la reconnaissance commerciale du mouvement
(« One step … » donc, leur second 45T). Laissant aux Specials le
meilleur disque du genre, mais entamant pour leur part à coups de singles
malins la conquête régulière des charts. Au bout de deux ans, le ska revival
aura fait long feu, faute de combattants (l’essentiel des groupes de la
mouvance, y compris les Specials, ont disparu), et la mode est passée à autre chose
(les gothiques, la synth-pop, le post-tout-ce-qu’on-veut, …). Madness vont
perdurer, en gros une décennie, grâce à un virage pop. Sans se
« vendre ». Le groupe a eu la chance de compter en son sein trois,
voire quatre auteurs capables de pondre des rengaines putes juste ce qu’il
faut pour avoir du succès, mais sacrément efficaces.
Ce « Complete Madness » est paru en 1982,
soit trois ans et trois disques après leurs débuts. Ce qui est un timing
rapide, mais il faut battre le fer etc …, n’est-ce pas Messieurs les comptables
de chez Warner ? Pas de bol, mais personne pouvait savoir, juste avant
leur meilleur disque « The rise and fall ». Pas malin non plus, le
tracklisting, qui mêle les titres sans tenir compte de la chronologie, et vu
que Madness est un groupe qui a évolué dans le bon sens du terme, c’est
vraiment pas une bonne idée. Démago, le sous-titre d’origine « 16 hit
tracks » (judicieusement supprimé des rééditions) est bien évidemment plus
qu’optimiste par rapport à la réalité, d’ailleurs certains titres sont même pas
sortis en single.
On trouve donc du ska. Plus exactement ce qu’on
appelait du ska en Angleterre et par extension ailleurs dans le monde civilisé,
à savoir des choses s’inspirant certes du ska jamaïcain fin 60’s – début 70’s,
mais couplé à du reggae, du dub, du toasting, de l’accélération du tempo liée à
l’énergie plus ou moins punk de l’époque, le tout dans un format concis (3
minutes maxi). Sont donc de la revue outre l’incontournable « One step
beyond », des choses comme « Baggy trousers », « Night boat
to Cairo », « The Prince », « Madness », ce qui permet
de noter que les Madness sont vraiment des fans ultimes d’une des grandes
figures du ska jamaïcain, Prince Buster, puisqu’un titre lui est dédié (« The
Prince ») et qu’ils en reprennent deux autres ( « Madness », qui
leur donnera leur nom de scène, et « One step beyond », ben oui,
c’est pas d’eux).
Ensuite, c’est un peu tout, et aussi n’importe quoi.
Du plus ou moins second degré (« The return of the Las Palmas 7 »,
improbable hybride instrumental entre merengue et calypso), de l’humour macabre
(« Cardiac arrest », un des titres les plus enjoués, parle d’un type
en train de claquer d’un infarctus), de la pochade fainéante (« In the
city » est extrapolé à partir d’un jingle de pub qu’ils avaient écrit pour
une bagnole japonaise), de l’hommage certainement sincère à un méconnu poète et
musicien anglais d’origine nigériane Labbi Siffre à travers la reprise de son
« It must be love » (bonne cover, truffée d’arrangements intéressants
de classique et de big band jazz). Cette compile montre aussi la lucidité de
gars qui se sentent enfermés dans un style qu’ils pressentent éphémères et qui
se retournent vers les bases de la musique anglaise, la pop de qualité. Même si
le propos est parfois encore un peu gauche quand ils créent eux-mêmes
(« Embarassment », « Shut up »), les choses sont bien
meilleures quand ils « s’inspirent » pour pas dire plus (ils sont
honnêtes les gars de Madness, ils le reconnaissent dans les courtes mais
intéressantes notes du livret) de choses existantes. Ainsi le meilleur titre du
disque, « My girl » doit beaucoup au « Watching the
detectives » d’Elvis Costello et « Grey day » au schéma
rythmique du « Bogus man » de Roxy Music.
On l’aura compris, cette compile d’époque n’a qu’un
intérêt somme toute limité, présentant un bon point de vue de leurs premières
années, qui sans être à renier ou à rejeter, ne sont pas forcément leurs
meilleures. Leurs masterpieces sont encore à venir, même si leur discographie
des années 80 est à envisager avec circonspection, beaucoup de choses étant
sacrifiées à l’air sonore du temps pour pérenniser un succès qui ne se
démentira pas chez leurs compatriotes …
Des mêmes sur ce blog :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire