Guided By Voices (GBV pour les intimes), c’est un
faux groupe. Ou pour être plus précis, un conglomérat à géométrie très variable
gravitant autour de Robert Pollard, citoyen américain des mornes plaines de
l’Ohio, leader, âme, et compositeur quasi exclusif des Guided By Voices.
Un gars qui devrait être reconnu comme un des plus
brillants songwriters de son temps. Mais pour ça, il faudrait une seule chose : que les gens écoutent ou achètent ses disques. Mais voilà, Pollard
ne fait pas des disques. Ou plutôt pas des disques dans le sens admis par le commun
des mortels. Car personne, y compris le groupe garage-punk le plus radical, ne
se pointerait chez un label aussi minuscule soit-il avec ce que Guided By
Voices met sur « le marché ». Qualifier ce que publie Guided By
Voices de maquettes est déjà très au-dessus de la réalité.
A côté des disques de GBV, les enregistrements de
Son House ou Robert Johnson, c’est quasiment de la qualité sonore de
« Dark side of the Moon ». On trouve sur « Alien lanes »
(un de ses disques, voire son disque le plus abouti, au dire des spécialistes)
la bagatelle de 28 morceaux (jamais terme n’aura aussi bien porté son nom) pour
40 minutes. Et non, les GBV ne font pas du punk hardcore. Loin de là, très
loin, même.
Guided y Voices dans les 90's. Robert Pollard à droite. |
Pollard est un mélodiste incroyable, capable de
torcher des rengaines que ne désapprouveraient pas les fans des Beatles ou des
Kinks. De les enrober dans des guitares que ne renieraient pas les Lemonheads
ou Dinosaur Jr. D’appliquer à ses titres un traitement lo-fi à rendre jaloux Pavement ou les Minutemen.
Pollard fourmille de bonnes idées (on se perd dans sa discographie pléthorique
et labyrinthique), mais quand tout un chacun transformerait cette idée en
chanson, en titre « normal », lui enregistre cette idée et basta,
terminé, on passe à la suivante. Alors parfois, c’est juste une bribe
mélodique, deux vers d’un couplet, et ça ne dure que 20 secondes. S’il est tout
seul à ce moment-là, ben il fait ça avec la première gratte qui lui tombe sous
la main, électrique, acoustique, peu importe. Si un ou plusieurs de ses potes
traînent par là, ils prennent un instrument et enregistrent avec lui.
Enfin, enregistrer … les mots classiques du
vocabulaire musical ne s’appliquent pas à Guided By Voices. Pour ce disque, le
groupe avait signé avec un label indépendant, Matador. Qui envoya Pollard et sa
bande dans un studio « normal », professionnel, mais certainement pas le
plus high-tech des States. Le Pollard se prêta de mauvaise grâce au jeu, fit
tourner les consoles quelques temps, écouta le résultat, et devant ce résultat
beaucoup trop joli selon lui, retourna illico auprès de son quatre-pistes dans
son garage.
« Alien lanes » est un disque qui demande
de l’imagination. Au moins les deux tiers des titres sont à tomber et on se
demande pourquoi des trucs d’une telle limpidité, d’une telle évidence,
personne ne les avait jamais faits. Et là, il faut imaginer ce que donneraient
ces titres avec un son correct, une intro, des arrangements, des ponts,
d’autres couplets, un refrain, une coda … Parfois, on a des pistes, quelques
titres sont pratiquement « finis », ils durent une paire de minutes,
il y a plusieurs instruments, voire même des overdubs de guitare. Bon,
peut-être aussi que tout ça perdrait tous son charme si c’était fait
« comme il faut ». C’est tout ce côté amateur, enfantin quasiment,
qui fait tout le charme de ce « Alien Lanes ». Totalement indescriptible,
ça fourmille d’idées, de trouvailles, ça défile à toute vitesse, on passe de
riffs sales grungy à du country-rock, de la sunshine pop à du folk acoustique,
d’arpèges délicats à des rythmiques en surchauffe… déstabilisation et balayage
d’idées reçues assurées…
Guided By Voices et Pollard ont bénéficié d’une
réputation aussi flatteuse qu’underground, passant même plus tard par la case
major (Capitol, avec Ocasek comme producteur). Sans résultat, évidemment (et
sûrement aussi sans aucune motivation). On ne demande pas à un maître artisan
chocolatier d’aller bosser chez Nestlé …
PS. On pourrait croire que Pollard est un rustique,
un réfractaire à son temps. Il est très présent et « publieux » sur
Facebook et le site de Guided By Voices et Pollard est d’une exhaustivité
incroyable.
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