Il devait s’emmerder ferme Jack White. Comme s’il en
avait pas assez avec son label, son usine de pressage de vinyle, ses magasins,
son studio d’enregistrement, tout ça estampillé Third Man… Quoi que, on peut le
comprendre. Quand tu vis dans la musique en permanence, le seul truc qui peut
te manquer, c’est d’en faire toi-même. Il avait que l’embarras du choix, faire
un nouveau disque solo, rappeler son ex Meg et remonter les White Stripes,
passer un coup de fil à Alison Mosshart pour remettre les Dead Weathers en
route, monter un nouveau super groupe ce qui doit pas être très compliqué avec
son carnet d’adresses. Ou repartir avec son pote Brendan Benson pour une
nouvelle aventure des Raconteurs. Why not ?
Faut dire que les Raconteurs, ils avaient sorti un
premier disque qui avait cartonné (« Broken boy soldiers »), porté
par un single imparable (« Steady as she goes »), le reste de la
rondelle alternant bons et excellents titres. Peut-être un peu trop faciles sur
la suite, les types s’étaient vautrés avec son successeur dont j’ai même oublié
le titre. Et plus de dix ans après, les Raconteurs remettent le couvert.
Pourquoi pas, y’a pas d’esbrouffe, y’a White et Benson aux vocaux, guitares,
écriture et production, plus la rythmique Lawrence-Keeler, soit la formation
originale, pas d’arnaque. Et le pote Fertita qui traînait par là se rajoute au
casting.
Et les lascars nous sortent avec « Help us
stranger » ce à quoi tout le monde s’attendait, en gros le dernier bon
disque des années 70. Ce qui ne rajeunit personne et ne méritera certes pas
l’Award de l’originalité … bon d’un autre côté, qu’est-ce qu’on aurait dit
s’ils s’étaient lancés dans un revival ambient …
« Help us stranger » est un disque
sérieux, bien écrit, bien produit (le son kolossal de batterie, ces guitares
qui viennent la ramener sur le devant du mix, de la belle ouvrage…). Mais qui
transpire par tous ses pores le son du rock seventies à grosses guitares, en
gros l’axe Zeppelin, Free, Humble Pie. Et désolé, outre les rondelles des
suscités, je pourrai en citer des tonnes qui me « parlent » plus que
cet « Help us stranger ».
Pourtant, ça commence bien et fort avec « Bored
and razed », sa longue intro qui monte en volume et en puissance, pour
finir par un classic rock bien lourd. Une démonstration en un peu plus de 3
minutes, on reste tout le temps dans le format titre court (12 pour quarante
minutes), pensés pour le vinyle, avec des tempos qui se ralentissent pour la
fin de chaque face.
Et il y a de bonnes choses, faut pas cracher dans la
soupe servie par White et consorts. Des machins comme « Only child »
(ballade heavy), « Somedays » (le Dylan qui knockait on the heaven’s
door version Guns n’Fuckin’ Roses), « Sunday driver » (le bon vieux
hard bourrin qui dépote), ou un « Thoughts and prayers » pour conclure,
qui semble tenter de reconstruire un escalier pour le paradis …
Et à côté de ça, des choses anecdotiques qui sonnent
bien, comme si un bon son pouvait se substituer à une bonne chanson. Et
quelques écueils sur lesquels l’embarcation des Raconteurs vient parfois se
fracasser. « Live a lie » imite trop bien Nirvana pour ne pas être
gênant, « What’s yours is mine » mélange phrasé limite rap et
guitares zeppeliniennes comme si ça ne suffisait pas avec RATM. Une ânerie de
hardcore bourrin (« Don’t bother me ») précède un pénible
« Shine the light on me » qui prouve qu’à trop revisiter les 70’s, on
finit par tomber dans les cases prog et opéra-rock, et ce titre à mi-chemin
entre les horreurs de Yes et les bêtises du Townsend de « Tommy » ou
« Quadrophenia » est la grosse verrue de cette rondelle.
Finalement, ce qui m’accroche le plus, c’est quand
les Raconteurs s’écartent des sentiers bien balisés dans lesquels ils évoluent.
Ça n’arrive qu’une fois (on n’a pas à faire à un disque expérimental, vous
l’avez compris), ça s’appelle « Now that you’re gone » et c’est doté
d’une mélodie et d’arrangements plutôt (très) originaux. Faut s’y faire, ça
dénote avec tout le reste, mais moi je suis preneur.
Sinon, y’a pas de lézard, les types ont la
quarantaine bien sonnée, y’a des lustres qu’ils sont dans le circuit, ils
savent jouer, écrire, produire, le tout en respectant de « saines
valeurs » (même si évidemment c’est aussi un coup de fric, ça se voit pas trop)
et de « saines références » (tout ce qui faisait du boucan au début
des seventies). Faut pas cracher dans la soupe, on est d’accord, des disques de
cette qualité il en sort pas quinze par mois…
Mais vu le pedigree des usual suspects, on aurait
espéré un peu mieux. Next time ?
Des mêmes sur ce blog :
Broken Boy Soldiers
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