Quand elle passe à la télé, Chimène Badi porte un
tee-shirt Led Zeppelin. Qu’en pensent Jimmy Page et Robert Plant ? Quand
elle chante ( ? ), Carla Sarkozy reprend « Highway to hell ». Qu’en
pensent Bon Scott et son petit Nicolas de mari ? Et le rapport avec Kelley
Stoltz ?
Il n’y en a aucun … quoique … lui, il s’habille
comme un Clapton qui aurait pas trouvé la boutique Armani, et il a autrefois
repris un disque entier de Echo & the Bunnymen. Assez bizarrement, il est
signé chez Castle Face Records, plutôt spécialiste des groupes revivalistes
tendance sixties heavy psychédélique. Et ça, on peut pas vraiment dire que ce
soit son truc, au Stoltz. Avec « Que aura », il a signé un des
meilleurs disques des années 80 … sorti trente ans trop tard.
Kelley Stoltz |
Y’a deux trucs, qui mieux que le carbone 14,
permettent de reconnaître le « fameux son » des 80’s : les grosses
batteries en avant (Steve Lillywhite chez U2 ou Simple Minds, Springsteen dans
« Born in the USA », et les autres ont suivi …), et ces synthés
stupides dont absolument tout le monde tartinait ses disques. Stoltz, s’il a
laissé de côté les kicks pachydermiques, par contre, les synthés vintage, il
s’en donne à cœur joie. Mais comme on a affaire à un type cultivé et qui traîne
depuis plus de vingt ans dans l’indie rock, il les emploie plutôt à bon
escient. Enfin, pas toujours, témoins « Feather falling » et
« Same pattern », où ses pianos électroniques sont beaucoup trop en
avant. Et pas de bol, c’est « Same pattern » que le label a choisi
pour promouvoir la rondelle … ça risque d’en rebuter plus d’un, et comme a
priori y’a pas des milliards de types qui attendaient cette rondelle, tout ça
sent le bac à soldes.
Ce qui est con, parce que « Que aura » est
un bon disque, voire mieux. Figurez-vous que ce clampin, il a pas fait comme la
plupart de ses congénères, il a pas mis onze morceaux sur son disque, il a mis
onze chansons. Et ça change tout, tellement on a perdu l’habitude d’entendre
une intro, des couplets, un refrain, un pont, une mélodie, un solo au bon endroit
au bon moment, toutes sortes de choses qu’avant plein de gens savaient faire et
dont les générations plus ou moins actuelles semblent avoir perdu à jamais la
recette (Radiohead – ou Kanye West -
quelqu’un ?)
Kelley Stoltz, lucidement, la joue low profile, même
si on sent le type déterminé à rien lâcher. Il fait son truc, dans son coin, et
on le sent pas vraiment très concerné par tout ce qui est charts et chiffres de
vente… Et pourtant, celui qui achètera sa galette regrettera pas d’avoir lâché
quelques euros Macron-Merkel. Stoltz est un guitar hero inconnu, mais que ses
potes vont chercher quand il y a une partie de gratte à jouer (il a d’ailleurs
fait une tournée avec les Echo & the Bunnymen devenus vieux, ce qui pour
lui doit être la panacée). Et en plus de la guitare, il joue aussi de tout le
reste (basse, batterie, synthés), fait ses disques tout seul dans son studio
perso et les produit … Just like Macca, Prince, Stevie Wonder, Rundgren … le
genre d’exercice qui ne pardonne pas.
Parce qu’on ne peut pas être un virtuose de tout ce qu’on touche. Ici, ce sont
les parties de batterie qui sont plutôt simples, voire simplettes, très
certainement clickées. Pour le reste, le type se débrouille plutôt bien. Et si
le son est bien celui des 80’s, c’est pas du côté de Jeanne Mas ou Début de
Soirée qu’il faut aller les similitudes.
Va bientôt falloir rajouter des doigts et des mains ... |
Un exemple : la ballade brumeuse et arpégée
« Get over » me fait penser à celles que miaulait l’immense Chrissie
Hynde dans ses Pretenders. Un autre ? La mélodie parfaite et la facilité
nonchalante de « No pepper for the dustman » devraient battre le
rappel des fans d’Edwyn Collins (Edwyn Qui ? pff, laissez tomber, en plus
il est moitié mort le pauvre …). Encore ? « Tranquilo », ballade
pop mid-tempo, avec sa basse bien ronde et bien élastique, qui permet également
de se rendre compte que si on risque pas de confondre Kelley Stoltz avec Otis
Redding, il n’en demeure pas moins qu’il a une voix assurée et une présence
intéressante au chant.
Et le reste de « Que aura » est à
l’avenant, présentant derrière une base sonore commune, des variantes bien
sympa. On a droit a du rock FM mid tempo (« Empty kicks »), qui fait
clignoter le nom du vieil artisan de la chose Chris Rea, on trouve du classic rock
qui louche qui vers la power pop (l’inaugural « I’m here for now »), un
autre morceau réchauffe la mixture sonore brumeuse gothique des disparus et oubliés
Lords of the New Church (« Looking for a spark » est dans la lignée d’un
« Live for today »). Les titres restants, peut-être moins marquants, oscillent
entre rock indie (« For you » et son riff alerte), et arpèges vaporeuses
(« Possessor », titre le plus faible selon moi, gâché par une voix forcée
dans les aigus).
Ce qui surnage comme impression de cette rondelle, c’est
une certaine décontraction nonchalante, le type se la pète pas, prend manifestement
plaisir à jouer ses titres, et espère en donner à ses auditeurs. Du rock peinard,
envisagé façon laid back, la même démarche qu’avaient en leur temps des types comme
JJ Cale ou Tony Joe White … Et je vais vous dire, même les fuckin synthés 80’s,
ils ont rarement sonné aussi bien …
Kelley Stoltz est un type cool qui sort un bon disque.
Que demande le peuple ?
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