Quand il est sorti ce disque, je l’avais trouvé
excellent. Aujourd’hui, dans un moment d’égarement, de désœuvrement, il a fini
sur la platine. Et là, hum, soupe à la grimace…
Même s’il y a des trucs qui n’ont pas changé. Et
surtout la qualité étonnante des trois titres phares : « Time to
pretend », « Electric feel », « Kids ». Trois singles,
comme on disait il y a des décennies lorsque les gens qui faisaient des disques
savaient aussi écrire des chansons. Trois insubmersibles bombes
electro-rock-indie-disco-machin… Le genre de morceaux sur lesquels les traders
qui achetaient à prix d’or et à crédit des dettes immobilières à des types qui
pouvaient pas les rembourser devaient danser, les naseaux blanchis par la coke,
un verre de mojito dans une main, une top model dans l’autre, dans les boîtes
chicos de Manhattan … Et puis la crise des subprimes est venue, et maintenant
les nouveaux traders dansent sur d’autres titres les naseaux blanchis par la
coke, un verre de mojito dans une main, une top model dans l’autre, dans les
boîtes chicos de Manhattan … le cynisme du fric-roi et de ceux qui s’évertuent
à piquer le peu qu’ils ont aux pauvres pour le refiler à ceux qui sont pleins
aux as …
Plutôt voyants ... |
Les MGMT se sont fait salement allumer pour leur
côté désinvolte, hédoniste, branleurs bobos (j’en ai rien à foutre de rien, je
te fais un disque dans l’air du temps, j’en vends des camions, et comme les
traders je m’en vais danser les naseaux blanchis par la coke, un verre de mojito
dans une main, une top model dans l’autre, dans les boîtes chicos de Manhattan
…). Faut dire qu’ils l’avaient cherché… rien que leur nom déjà, MGMT pour
ManaGeMenT, ça empestait les grandes écoles de commerce et toute la méprisable
faune qui les fréquentent. Et puis ils étaient jeunes, beaux gosses bronzés, et
la Columbia mettait le paquet pour soutenir leur carrière. Pas exactement une
naissance artistique sur les mêmes fonds baptismaux que les Ramones …
Avec leur look de surfeurs Comanches fluo sur le
sentier la discothèque branchée, leurs bonnets péruviens commerce
équitable-bobo, les susnommés Andrew VanWyngarden et Ben Goldwasser sortent un
disque dans l’air du temps (tous ces groupes plus ou moins dansants de
Brooklyn, les MGMT sont du Connecticut, c’est pas très loin, juste de l’autre
côté de la Baie de Long Island). Vraisemblablement, si les deux chérubins
avaient été livrés à eux-mêmes, on n’en aurait jamais entendu parler. Une bonne
fée s’est penchée sur leur berceau sonore, et croyez-moi, ça s’entend. La bonne
fée, elle s’appelle Dave Fridman. Le type du son de Mercury Rev et des Flaming
Lips, entre autres. Expérimentateur pop forcené et créateur de gimmicks d’une
putasserie sans nom mais qui te remplissent les oreilles de guimauve dont il
est difficile de se débarrasser.
Là, sur ce « Oracular spectacular », il
s’en donne à cœur-joie. Quand en plus il a des bonnes compos au départ (les
trois citées quelque part plus haut), ça fait mouche. « Time to
pretend », c’est du niveau de Prince (la rondelle « Around the worls
in a day » plus précisément) quand il se prenait pour les Beatles de 67. « Electric
feel », c’est comme les Bee Gees de la B.O. de « Saturday Night Fever
», ça réveille le côté disco ringard qui sommeille chez tout un chacun.
« Kids », c’est en gros le meilleur titre d’ABBA que les Suédois ont
pas écrit.
Ou pas vraiment discrets, comme on veut ... |
C’est ensuite, pour les sept titres restant (ah
ouais, sept, quand même, ça fait beaucoup), que ça se complique. Des machins
informes, inconsistants, écrits avec les pieds, qui essayent de tirer sur
quelques grosses ficelles sonores, tellement grosses que ça en devient gênant.
Derrière ces artefacts branchouilles, rien, que dalle, et tout le génie de
Fridman aux manettes n’y peut rien …
Et là, ressortent de façon exacerbée les machins qui
coincent. La voix du chanteur lead (VanMachin), insupportable quand elle ne
s’appuie pas sur un grand morceau. Voix de tête maniérée avec falsetto à la
Prince (un modèle évident, mais Prince avait d’autres arguments, enfin, quand
il délayait pas son génie dans des saletés innommables). Ces sons qui veulent
tellement coller à l’air du temps qu’ils sonnent une décennie plus tard
totalement ringards et suffisants. Cette manie à vouloir en foutre plein la vue
et les oreilles à grand coups de changements de tempo sur des mélodies tellement
tarabiscotées que t’y comprends plus rien, les (trop) grosses ficelles de
Fridman que l’on a connu sinon plus discret, du moins plus efficace … Un seul
exemple, « 4th Dimension transition » (rien que le titre …), c’est une
sorte de musique indienne (esprit de Ravi Shankar, m’entends-tu ?) sur une
rythmique épileptique, avec le gars qui essaie d’imiter la voix de baryton du Bowie
des mauvais jours … qu’est-ce vous voulez faire d’un machin pareil, à quoi ça peut
bien servir pareille bouillabaisse sonore ?
Malgré une litanie de critiques élogieuses, « Oracular
spectacular » n’a pas vraiment eu le succès que beaucoup prédisaient. MGMT
est devenu assez rapidement un « vrai » groupe avec trois ou quatre types
rajoutés au casting initial. Ils ont sorti une paire de disques en dix ans, dans
une relative indifférence. Et à peu près tout le monde se fout de savoir ce qu’ils
deviennent.
N’empêche, ils auront sorti trois très bons titres. Combien
de sensations du moment peuvent en dire autant ?
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