THE POLICE - SYNCHRONICITY (1983)

Sting & The Police ...
Police était né, avait vécu et prospéré sur un malentendu. En gros, celui du punk et de la new wave. Le groupe ne faisait partie d’aucun de ces deux genres. La preuve : il vendait des disques par camions alors que les « vrais » (au hasard le Clash et Cure) se contentaient de « succès d’estime » comme on dit pudiquement.
Police, c’est en 1983, un attelage de trois techniciens (au sens prog du terme, des types capables de t’en foutre plein les oreilles très vainement) qui se détestent cordialement. Avec en trame de fond de cette discorde les obligatoires histoires de pognon, traduites dans les communiqués de presse par les évidentes « divergences musicales ». En gros, Sting qui écrit quasiment tout, et surtout tous les hits, s’en fout plein les poches, beaucoup plus que les deux autres. Et puis Sting, qui s’est vu un peu trop vite qualifié de génie mélodiste, a fini par le croire, qu’il était un génie. Il prend le melon, se rêve superstar bien au-delà du format qu’il trouve étriqué et réducteur de la musique de jeunes. Il rêve de jazz, et de concepts « intelligents » et « concernés », comme ses contemporains, Geldof, Bono, Kerr, …
Summers, Sting & Copeland
« Synchronicity » est le dernier disque du trio The Police. En fait plutôt un disque solo de Sting maquillé comme une bagnole volée pour faire croire qu’il est encore question d’un groupe. Rondelle vaguement conceptuelle (la synchronicité est une théorie prise de casque du philosophe Jung, dont l’ancien instit Sting a lu les bouquins, à la manière d’un Lennon s’entichant après les Beatles du cri primal de Janov), réalisée avec le concours d’avocats (Copeland et Summers auront droit à un seul et unique titre chacun), de conseillers fiscaux (on enregistre aux studios Air dans les Caraïbes pour échapper aux impôts anglais, toujours avec le producteur attitré Hugh Pagdham), et de tous ces parasites en costard-cravate qui commencent à sérieusement pourrir par le fric le milieu musical en ce début des 80’s.
« Synchronicity » donc. Last et bizarrement vu les conflits et tiraillements but not least. Pas une merveille non plus, très loin des deux premiers, pas plus moche que « Zenyatta … » et meilleur que « Ghost in the machine ». Malgré un début de rondelle assez calamiteux. La première face du vinyle, ce qui n’est quand même pas rien. Succession de titres … euh étranges pour être gentils. Le premier éponyme faisait se relever tout le monde, persuadé que le phono était en vitesse 45T. Tonalité hyperrapide et suraigüe aggravée par des intonations lyriques voire pompières. « Walking in your footsteps » ou quand la musique pop s’intéresse au darwinisme. Ce qui à l’époque pouvait passer pour une preuve de culture, voire d’intelligence fait aujourd’hui très prétentieux. Par charité, on ne dira rien du très con « O my God ». Ensuite les deux morceaux « diplomatiques » laissés à Summers (« Mother » braillé façon post punk et totalement hors propos par rapport à tout le reste) et Copeland (« Miss Gradenko », insignifiant, comme si le batteur essayait d’imiter l’écriture de Sting). « Synchronicity II » qui terminait cette face vinyle sonne comme du U2 des mauvais jours (ou de toujours, diront les mauvais esprits).
Les mêmes dans le désordre. Sauras-tu les retrouver ?
Le final du disque est heureusement bien meilleur. « Every breath you take » est un hit colossal, le titre très travaillé qui surclasse tous les autres. C’est évidemment une scie qui a ses détracteurs, mais des scies de ce genre, beaucoup seraient prêts à bouffer les varices de leur grand-mère pour en écrire ne serait-ce qu’une dans leur vie. « King of Pain » à l’écriture sophistiquée (au piano ?) est également excellente. Le soufflé retombe un peu avec la mélodie terne et le refrain un brin trop emphatique de « Wrapped around your finger ». Sur le 33T, le dernier titre était « Tea in the Sahara » (basse dub, seule allusion au reggae de ce disque, on est loin des « Regatta de Blancs »), lent, calme, méditatif, contemplatif, limite new age. Une belle composition qui contient en filigrane bon nombre de recettes de la carrière solo de Sting. La major A&M a cru bon d’ajouter sur les rééditions Cd « Murder by numbers » qui aurait gagné à rester dans ses tiroirs.
Le résultat global est logiquement assez moyen, mais relevé par une production first class (les mecs ont les moyens, ça s’entend). A noter que la technique très largement au-dessus de la moyenne des trois policemen leur permet des sons, des arrangements, des petits grigris dans les coins inaccessibles au commun des mortels. Car Police est un trio, le genre de configuration qui ne laisse rien passer et ne supporte pas la médiocrité. Sting sait faire ronfler sa basse en avant, Summers se contente la plupart du temps de striures avant-gardistes de guitare (les collaborations avec le génie perturbé de la six-cordes Robert Fripp sont à venir), et Copeland sait mélanger les influences du jazz rock de son ancien Curved Air avec une frappe sèche et rapide. A noter que tous les trois utilisent avec plus ou moins de bonheur mais jamais de façon honteuse tout ce qu’ils ont trouvé dans le studio susceptible de faire de la musique (piano, synthés , …)
Le succès de « Synchronicity » sera énorme, un des disques de chevet des bobos de l’époque, à côté du « Brothers in arms » de Dire Straits. La nouvelle de la dissolution du groupe quelque mois après sa parution fera la une des JT, laissant le champ libre à Sting pour sa vilaine carrière solo …

Les vrais fans de Police se repasseront encore une fois « Oulandos … » et « Regatta … »


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3 commentaires:

  1. J'avais oublié que "Tea in Sahara" était dans ce disque (elle est belle) comme j'avais oublié que "Every breath" s'y trouvait aussi ! Je pensais que c'était sur son premier album solo. Et pourtant, j'l'ai écouté celui-là, à l'époque...

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    1. "Le rêve des tortues bleues", moi aussi je l'ai pas mal écouté. J'ai bien aimé au départ, de moins en moins avec le temps. Y'a une éternité qu'il a pas tourné sur le lecteur ...

      Il est de bon ton de beaucoup baver sur Police (d'ailleurs je m'en prive pas), mais ils ont quand même aligné une ribambelle de titres hyper-connus. Un best of de Police, ça tient quand même la route, niveau hits mondiaux ...

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    2. Ah mais moi je ne bave pas, monsieur ! Même si la voix irrite, même si les chorus de gratte se comptent sur les doigts d'un manchot, Police a eu le triple mérite de faire une musique que les autres ne faisaient pas, et de la faire (techniquement) bien, et de manière rentable, puisque oui, le nombre de tubes... Ils n'ont pas à rougir de leur quelques années de carrière.

      Ca me rappelle parfois Joe Jackson. Des gars sur-cultivés musicalement, pas trop défoncés, qui en pleine vague punk veulent faire une musique de prolo. Sauf que le naturel revient au galop assez vite (orientation jazzy, world...).

      Et j'ai un best-of de Police !!! Et oui ça s'écoute encore. Pas celui de Queen, quelle horreur, 3 titres sur 18, le reste est insupportable...

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