En cette fin des années 70, Giscard (diamantaire africain et aristo fin de race,
supposé descendant de Louis XV par la chambre de bonne et l’escalier de
service) et Raymond Barre (prétendu ponte de l’économie, amateur de nourriture
grasse et de siestes parlementaires) nous disaient qu’ils voyaient le bout du
tunnel, parce qu’à cette époque-là, m’en parlez pas ma bonne dame, c’était déjà
le delbor...
Dylan lui, qui pour se faire remarquer, avait l’habitude
de ne rien faire comme tout le monde, voyait carrément Dieu. Alors que tout
autour de lui, les dinosaures 60’s et 70’s se couchaient sous l’effet de la
tornade punk, lui, impavide, continuait sa route comme si de rien n’était. Sauf
que tout le monde s’en foutait de Dylan. « Blood on the tracks » au
milieu de la décennie avait laissé espérer, le single rageur et engagé
« Hurricane » aussi, mais bon, fallait se rendre à l’évidence, Dylan
était largué, et comme toute idole qui sent son piédestal vaciller, devait se
poser des questions. Dès lors, le Zim allait entrer dans sa période
« mystique » et tartiner de sa nouvelle foi quelques 33 T, plus
particulièrement « Slow train coming » et le suivant
« Saved » qui allaient embarrasser tout le monde, y compris ses fans
les plus fervents. Le maître à penser de plusieurs générations de musiciens
allait tomber dans le prêchi-prêcha quelque peu béat, loin, très loin de ses
fulgurances littéraires passées.
Dylan live 1979 |
Outre un état d’esprit sur lequel on pourrait
s’interroger (perso je m’en cogne un peu de l’analyse psy et de la théologie,
mais le cas Dylan à cette époque a généré des écrits innombrables), il faut
reconnaître que la maison Dylan ne part pas à vau-l’eau. Il y a une cohérence
dans sa démarche qu’on retrouve dans la musique. Avec « Slow train
coming » Dylan s’approche comme jamais de la musique noire, celle qui
vient des églises, la soul et le gospel. Et il est cohérent jusqu’au bout,
faisant produire ce « Slow train coming » par le légendaire Jerry
Wexler (une foultitude de disques à son actif, dont les meilleurs Aretha
Franklin). Comme Dylan ne fait rien comme personne, il va prendre comme meneur
de revue Mark Knopfler, dernière sensation guitaristique du moment, dont les
deux premiers disques de Dire Straits se vendent comme des petits pains.
Knopfler mettra dans ses bagages son batteur Pick Withers.
Des Anglais plutôt folk, Dylan, de la musique noire, un
producteur de soul … mélange improbable et hautement instable. L’hypothèse de
départ est trop tordue pour que le résultat soit à la hauteur. Déjà, les textes
pour une fois transparents (genre cantiques, prières, foisonnant de déclaration
de foi et d’allusions bibliques) sont loin d’être ses meilleurs, et les
amateurs du verbe hermétique dylanien vont tirer la tronche. La musique est
d’un centrisme désolant, les musiciens moulinent sans conviction une sorte de
rock FM, bien propre, bien lisse, bien emmerdant, mollement rehaussé par des
cuivres rhythm’n’blues et des chœurs soul en roue libre. A
titre d’exemple, comparer « I believe in You », de ce « Slow
train coming » avec « Presence of the Lord » de Clapton et Winwood
dans Blind Faith, et on a une idée de l’abîme dans lequel patauge Dylan. Tiens,
à propos de Clapton et pour boucler la boucle, « Gonna change my
way », sur lequel Knopfler et Dylan plagient quelque peu le riff du
« Cocaine » de JJ Cale, titre repris par … Clapton. Bon, sinon, on
somnole ferme avec ce brouet FM, on ne se réveille que quand arrive le tragique
reggae « Man gave names … », à faire passer Jahnick Noah pour Bob
Marley, et on rigole un bon coup de cette mascarade … Et allez savoir pourquoi,
« Gotta serve somebody » a fait un petit hit.
« Slow train coming » n’est pas ignoble (y’a
suffisamment de pointures au casting pour que la plupart du temps « ça
assure »), il est juste très formaté rock centriste. Disque très important
pour les fans hardcore et les analystes du dimanche, très dispensable pour tous
les autres …
Du même sur ce blog:
Christmas In The Heart
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