ELVIS PRESLEY - FROM ELVIS IN MEMPHIS (1969)

Retour aux sources ...

1968. Elvis est cuit, fini … Tourne trois films par an qui n’intéressent plus personne. Faut dire que si Elvis est pour toujours le King, c’est certainement plus du rock’n’roll. Le rock’n’roll n’a pas attendu son fondateur pour évoluer, et Elvis a dans les sixties raté … tout en fait, tous les courants et les modes qui se sont succédés.
Un miracle a cependant lieu. Elvis retrouve ses premiers accompagnateurs (Scotty Moore et D.J. Fontana) lors d’un show télé, l’énergie et le répertoire de ses débuts, et le disque en partie issu de ces retrouvailles (« NBC TV Special ») va réconcilier et reconquérir et critique et public. Et là, peut-être pour la première et dernière fois de sa vie, Elvis va ruer dans les brancards de l’escroc qui lui sert de manager, l’inamovible Colonel Parker. En gros, Elvis en a marre de chanter des niaiseries qu’il déteste, et il compte bien reprendre les choses en main et chanter des choses qu’il aime. Une seule solution : retourner là où pour lui tout a commencé, à Nashville, Tennessee. Et Elvis, contre tous les avis de son entourage, part enregistrer à Memphis.
Presley & Chips Moman
Petit problème : Sam Philips n’est plus là, et Nashville depuis le milieu des années 60 est devenu un haut lieu de la soul, siège d’un des plus importants labels du genre, Stax (Otis Redding, Booker T. & The MG's, Eddie Floyd, Sam & Dave, Isaac Hayes, ...) et d'un autre  dont la réputation commence à grandir (Hi Records , avec à son catalogue notamment Al Green et Ann Peebles). La country et le blues des années 50 ont quasiment disparu, balayés par le rock au sens le plus large. Mais bon, quand Elvis est en ville, tout ce que celle-ci compte de musiciens de studio répond présent. Le producteur Chips Moman, plutôt spécialisé dans la soul réunit une équipe pléthorique comprenant force cuivres et choristes. Dans ce même genre de configuration orchestrale, Elvis sombrera quelques années plus tard sur les scènes de Las Vegas. Là, à Memphis, grâce au travail remarquable de Moman et un choix judicieux de morceaux, ça fonctionne. Bien. Très bien même.
Parce que le King a envie d’en découdre, est concerné. Et chante des choses qu’il aime, parfois de vieux standards qu’il rêvait d’interpréter depuis des années. Et puis aussi, parce qu’à la base, Presley est un grand chanteur, et là, il se concentre quasi exclusivement sur des ballades, des tempos lents ou médians, et c’est là qu’il est le meilleur. De toute sa carrière, il me semble qu’il n’a jamais aussi bien chanté. Et fait des merveilles avec un répertoire sur lequel on ne l’attendait pas forcément. Il y a dans ce « From Elvis in Memphis » (à rapprocher, évidemment d’un disque très similaire dans l’esprit, le fabuleux « Dusty in Memphis » de l’anglaise Dusty Springfield), de la soul (« Only the strong survive », géant), du rhythm’n’blues (« Wearin’ that loved on look »), une grosse part de country (« It keeps right … », « I’ll hold you in my heart » enregistrée en une seule prise, ça s’entend, y’a du flottement instrumental, compensé par du feeling à la tonne), des ballades terminales (« Long black limousine »), même du blues (« Power of my love ») et de la pop très orchestrée mais très digeste (« Gentle of my mind », la fauleuse « Any day now » signée Burt Bacharach).
Elvis Presley 1969
Certains titres me convainquent moins, la roucoulade un peu trop lyrique de « After loving you », et le traitement quasi pompier de « True love travels … », mais sur cette dernière, j’aimerais bien entendre la seule piste vocale de l’Elvis qui doit valoir son pesant de beurre de cacahuète. Une relative faiblesse sur ces deux titres largement compensée par le final, le magique « In the ghetto ». Un des titres les plus atypiques du King, qui par définition, n’a jamais vraiment fait dans le social. Là, il chante la misère des quartiers pauvres, ce morceau fait de l’ombre à tous les autres, et tant sur le fond que la forme, n’est pas très éloigné du « Inner City blues » de Marvin Gaye.
La réédition Cd de 2000 a la bonne idée d’ajouter aux douze titres originaux six bonus-tracks issus des mêmes sessions dont deux singles faramineux, « Kentucky rain » et « Suspicious minds », un des derniers numéro un de Presley …
Cette reprise en main de sa carrière et de son destin sera sans suite. Qui sera une longue descente dans les enfers de la guimauve, des amphétamines, et des strass de Vegas. Ne restera plus qu’une voix, à peu près intacte jusqu’à la fin, qui aura du mal à retrouver un répertoire digne de ses possiblités …

Du même sur ce blog :
Loving You 


5 commentaires:

  1. Dead Elvis (Death in Vegas, 1997)...

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    1. J'ai déjà lu ça quelque part ... mais je l'ai pas encore écouté ...

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  2. Merveilleux disque que voilà, Elvis qui groove comme jamais, fantastique. Les sessions avec l'équipe Stax et de l'American studio un peu plus tard dans les 70's valent aussi leur pesant de sandwichs au beurre de cacahuètes.

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    1. Je crois que "Elvis in Memphis" a de nouveau été réédité (double Cd, une quarantaine de morceaux) avec tous les titres finalisés à Memphis à cette époque-là ...

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    2. Possible, j'en suis encore aux vinyls. Mais les sessions Stax sont de 73 et figurent en partie sur les albums Raised on rock et Good times.
      Un lien qui détaille tout ça mieux que moi : http://staxrecords.free.fr/presley.htm

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