« Easter » est le troisième disque de
Patti Smith qui revient déjà de loin … et déjà du funeste « Radio
Ethiopia », successeur indigne du fantastique « Horses ».
« Easter » est un disque accessible, bien que le terme soit à manier
avec précaution dès lors qu’il s’agit de la Smith. Entendez par là qu’il vaut
mieux laisser de côté l’aspect prêchi-prêcha mystique suggéré par le titre du
disque, le morceau du même nom, ou le texte de « Privilege » adapté d’un psaume. Je zappe aussi le côté poétesse pour adulescents toujours
mis en avant (une photo de Rimbaud le jour sa communion dans le livret) parce
que Rimbaud me gave et que j’ai toujours préféré Baudelaire, et surtout parce
que moi ce qui me plaît, c’est le rock, et que quand tu commences à le fourrer
avec des références trop savantes, tu fais des daubes …
Musicalement, « Easter », ça déménage,
c’est rock, urbain, sale et velu. Comme les aisselles de la Patti sur la photo
de pochette, (et comme certaines photos des débuts de PJ Harvey, son évidente
fille naturelle) qui montre clairement la différence entre une femme et un
objet en quadrichromie sur un magazine de mode. Patti Smith n’est pas belle,
elle est juste vivante, et avec son historique Group, elle envoie le bois. Faut
dire qu’elle a pas mal d’amis sur qui compter. Ses ex, Robert Mapplethorpe pour
les photos du livret (celle de la cover est d’une autre pointure new-yorkaise,
Lynn Goldsmith) ou Allen Lanier (du Blue Oyster Cult, dont Patti Smith a très
bien connu plusieurs membres, et pour lequel elle a écrit des textes) ;
mais aussi des amis, comme Tom Verlaine (Televison) crédité aux arrangements
sur un titre, ou un certain Bruce Frederick Springsteen, co-auteur du
légendaire « Because the night ».
« Because the night », un des meilleurs
titres de leurs deux répertoires (pièce essentielle des concerts du Boss),
immense classique des seventies américaines et qui pratiquement à lui seul
justifierait la possession de ce « Easter ». Coup de bol, c’est pas
toujours le cas dans la disco de la Smith, le reste est à l’avenant. Avec
d’autres titres forts de la grand-mère de tous les punks new-yorkais.
« Rock’n’roll Nigga », est un titre enragé contre l’exclusion et peut
aussi passer pour un manifeste féministe, « Till Victory » débute le
disque façon hymne pour stades (« Easter » est un disque
« signifiant » voire intello, mais qui fonctionne superbement au
premier degré musical, assez rare pour être souligné), « Privilege »
sonne musicalement méchant comme du BOC, « We three » est une ballade
déglinguée qui devrait ravir tous les fans de Stones en général et de Keith
Richards en particulier, « 25th floor » c’est juste du classic-rock
américain, ce qui est déjà pas mal, « Space monkey » est un rhythm’n’blues
lourd et moite, … Patti Smith plonge dans le passé pour réhabiliter la culture
indienne (« Ghost dance », prière musicale basée sur une danse
traditionnelle), rajoute juste un de ces titres déclamatoires pas toujours très
heureux dont elle se délecte (ici « High on rebellion », c’est
supportable), et conclut le disque par « Easter », ballade-berceuse
et poésie rimbaldienne mise en musique, ouais, bof …
« Easter » tout comme « Horses »
est un disque charnière, pas tant pour le rock en général (même s’il est très
bon), mais plus encore pour l’image et le rôle de la femme dans cette musique
extrêmement machiste et misogyne. L’influence de Patti Smith, ici débarrassée
d’à peu près tous ses oripeaux arty qui peuvent rebuter, se cantonnant à du
rock en prise avec son temps, sera déterminant pour l’émergence et la
reconnaissance de tous les talents féminins apparus durant la vague punk ...
De la même sur ce blog : Radio Ethiopia
Y’a des noms comme ça, qui forcent le respect. Celui
de Wayne Kramer par exemple. Parti de rien pour aller nulle part, et revenu de
tout.
Wayne Kramer, l’une des deux guitares du MC5. Déjà,
rien que ça, ça suffirait comme carte de visite à des milliards de types qui
veulent se la jouer rocker dur. Mais c’est pratiquement une parenthèse dans la
vie de Wayne Kramer. Le groupe enragé dissous vers 1972 dans une bourrasque de
poudres blanches, Kramer va entamer un périple flirtant avec toutes les
limites. Des trafics divers, des affaires un peu chelous pour commencer, et une
virée au pénitencier. Rendu à la vie civile, une autre formation sponsorisée
par les cartels colombiens, Gang War, avec Johnny Thunders, un autre sacré
client en matière de guitares et d’opiacées. Des projets éphémères avec
notamment des survivants du MC5 ou des amis-concurrents des Stooges …
Evidemment pareil pedigree n’attire pas les majors
du disque, la musique jouée n’a pas trop de « potentiel » marchand,
et tous ces garnements sont un peu plus difficiles à gérer que, au hasard (tu
parles), la dizaine de cacochymes vieillards ayant fait partie de Yes qui
s’entêtent à resservir leur daube à des grabataires sourds et consentants …
Il fallait un malade comme Brett Gurewitz, le boss
du label Epitaph, qui au vu de son catalogue (Bad Religion, Turbonegro, Cramps,
Tricky, Circle Jerks, …) s’y connaît un peu en cas sociaux imprévisibles, pour
signer cette légende à la dérive. Même si Kramer n’a rien de la tête brûlée à
laquelle il serait trop facile de le réduire. C’est un type qu’on respecte,
voire admire, à la manière d’un Keith Richards ou d’un Lemmy (avec lequel,
fatalement, il jouera pour des concerts tribute au MC5), et Kramer est encore
en course pour être le dernier survivant de ce trio de défoncés, pour le moment
c’est celui qui à l’air d’aller le mieux …
Donc, dès que la rumeur d’un retour au studio se
répandit, les volontaires se trouvèrent légion pour venir l’épauler.
Généralement tout un tas de durs à cuir(e) issus de la galaxie Epitaph, avec en
tête les furieux Melvins, mais aussi des gens vus et entendus chez Rancid,
Black Flag, ou dans des groupes de Detroit (Sweat Pea Atkinson, chanteur chez
Was (Not Was), et le plus grand bassiste de tous les temps, James Jamerson des
Funk Brothers himself). Le résultat est à la hauteur de ce casting bariolé. Là
où l’on pourrait s’attendre à exclusivement du rock dur, garage, on est surpris
par la variété sonore proposée.
A côté de titres « pour hommes » qui sont
quand même majoritaires, on trouve des ballades dévastées, comme la fabuleuse
« Junkie romance », très Keith Richards à bout de souffle
(pléonasme), la rythmique funky d’une sorte de free-rock (« Incident on
Stock Island ») comme il y a du free-jazz avec voix parlée, un titre dans
la lignée de certaines dérives scéniques du Five ou des impros de Beefheart et
Zappa. Un morceau qui trouve son pendant dans le dernier titre plus ou moins
caché du Cd (« So long, Hank »). Kramer titille occasionnellement le
hardcore (« Bad seed »), l’énorme ligne de basse de Jamerson emporte
« Pillar of fire » vers les rivages du rock lourd seventies, « Realm
of pirate kings » est très hendrixien avec ses guitares glougloutantes, l’intro
de « Sharkskin suit » devrait parler à tous les fans de Noir Désir
(ou du Gun Club), et l’inaugural « Crack in the universe » s’est
souvent retrouvé sur des compilations « spécialisées » sans que l’on
puisse pour autant le qualifier de hit.
Logiquement, l’impact commercial de « The hard
stuff » sera limité (pour être gentil). C’est pas un disque qui s’adresse
au grand public, c’est un peu réservé à la « famille ». Qui a été
comblée, le disque est excellent et remettait sous les projecteurs une des
légendes encore vivantes d’un des plus séminaux groupes de rock ayant existé …
Il était attendu ce disque … mais pas plus que
d’autres. En 1964, les Rolling Stones n’étaient qu’un des noms de cette scène
anglaise luxuriante obnubilée par les pionniers du rock’n’roll américain et les
bluesmen de Chicago.
Les Stones n’ont jamais été les « Elus »,
ceux dont le succès était écrit d’avance. La concurrence était rude, Animals,
Pretty Things et Them en tête. Les Beatles étaient déjà hors concours, avaient
déjà sorti des disques, eu des 45T en haut des charts. Et puis le rock, c’était
pas un métier. Peut-être une mode qui durerait avec un peu de chance une
poignée d’années, autant que le skiffle, mais c’était pas
« sérieux », pas « raisonnable », et le centriste Cliff
Richard faisait déjà figure d’ancêtre. Le rock, c’était pour des jeunes un peu
sauvages, un peu rebelles, ça ne durerait pas, et encore moins dans un pays
aussi traditionaliste que l’Angleterre.
On peut rêver mieux comme fonds baptismaux. Sauf que
les Stones, autant par hasard que par géniale anticipation, ont mené leur
barque totalement à contre-courant pour finalement être ceux qui allaient
réussir (si, si, un peu quand même …).
Une bande hétéroclite, ces Rolling Stones. Un
batteur (Charlie Watts) déjà fan de jazz, un bassiste (Bill Wyman) obsédé
sexuel et beaucoup plus vieux que les autres, deux ados (Jagger et Richard) qui
avaient fait connaissance dans les transports en commun parce qu’ils se
trimballaient avec les disques de blues qu’ils venaient d’acheter. Et puis deux
cas à part, un beau gosse (Brian Jones), petite frappe, déjà marié et père de
famille qui tapera dans l’œil du manager (Andrew Loog Oldham) de cette équipe
hésitante, et un moche gosse (Ian Stewart), au physique jugé peu avenant pour
les photographies et qui ne sera que jusqu’à sa mort le « sixième »
Stones.
Hé là, pourquoi parler de photos, on parle de
musique là, non ? Pas seulement, parce que, très vite, les Stones vont
comprendre qu’il y a des choses au moins aussi importantes que les disques, que
l’image, la réputation (ancêtre du buzz), sont également primordiaux. La
pochette de ce 1er 33T est révélatrice. Seul Brian Jones, le beau
gosse, est vêtu avec du blanc, est dans la lumière. C’est lui le leader, le
point vers lequel doivent converger les regards. Mick Jagger est un peu avant
aussi, c’est le chanteur, et Oldham pense que son côté lippu sympa pourrait
également faire son effet… les trois autres sont dans l’ombre, trop communs.
Les Stones du tout début doivent tout à Oldham,
c’est lui qui rédige les notes de pochette du disque, et sur celle-ci la
fameuse sentence : « Les Rolling Stones sont plus qu’un simple groupe
… ils sont une façon de vivre ». Une façon de dire « les enfants, la
révolution est en marche, choisissez votre camp ». les Stones, qui dans la
vraie vie ne le sont pas encore vraiment, seront les bad boys, les voyous de
l’affaire.
Ce premier disque éponyme n’a rien d’exceptionnel,
la concurrence fait au moins aussi bien. Tout au plus peut-on noter au niveau
sonore ce fatras bordélique, ce bourdonnement crasseux qui les fera se
distinguer puis s’émanciper de la meute. Les Stones jouent sale, primitif. Des
reprises chaotiques, brinquebalantes de ces titres qu’ils ont écouté en boucle.
Venant de l’autre côté de l’Atlantique. Les Stones ne sonneront jamais autant
« américain » que sur cet opus inaugural. Leurs idoles sont de la
revue, Muddy Waters, Jimmy Reed, Chuck Berry, Bo Diddley, Rufus Thomas, Bobby
Troup, … Le groupe est en surchauffe, parfois à la peine (flagrant sur « I
need you baby », « I just want ot make love to you », ou
« Walking the dog », les versions originales sont meilleures),
compense ses lacunes en jouant vite (« Route 66 »,
« Carol », ce dernier pour moi le meilleur titre du disque). Brian
Jones bâcle ses tentatives de solo, Mick Jagger braille avec conviction,
soufflant parfois dans un harmonica. Seule composition originale, « Tell
me », signée Jagger-Richard, est une ballade un peu bancale, annonciatrice
de leur bien meilleure « The last time », mais loin de laisser apercevoir
les merveilles que ses auteurs écriront plus tard.
Le succès ne sera guère au rendez-vous, malgré une
flatteuse et très éphémère première place au Top albums anglais. Le groupe et
Oldham s’entêteront, Jagger et Richard s’efforceront d’écrire des titres, les
Stones seront ambitieux en allant tourner aux Etats-Unis alors qu’ils ne sont
même pas plébiscités chez eux. Cette volonté de mener une carrière
« américaine », fera que jusqu’à « Beggars banquet »
(1968), tous leurs disques sortiront sous deux versions différentes, « l’anglaise »
et « l’américaine ». Au pays d’Elvis, ce « The Rolling
Stones » se nommera « England’s newest hit makers », le
« Not fade away » (qui deviendra leur premier hit en Angleterre) de
Buddy Holly remplaçant dans le tracklisting le « I need you baby » de
Bo Diddley.
« What’s going on » inaugure le déclin et
entérine le changement du style Motown. Déclin n’est peut-être pas le terme qui
convient, parce que ce premier disque solo de Marvin Gaye ou plus encore ceux
de Stevie Wonder afficheront des chiffres de vente plus que conséquents. Mais
c’est toute une tradition, toute une culture de la maison de disques de Detroit
qui se trouve remise en cause.
Motown, c’était l’usine à hits des sixties, axée sur
le 45T. Une entreprise dirigée de main de fer par son créateur Berry Gordy.
Avec une organisation quasi militaire. En haut, Berry Gordy, le Boss. A l’étage
inférieur, les auteurs (Holland/Dozier/Holland, Smokey Robinson, …) et les
musiciens (les Funk Brothers, fantastique groupe de studio qui joue sur tous
les titres des 60’s). Viennent ensuite les stars, les figures de proue
médiatiques du label (avec à leur tête Diana Ross, Gladys Knight, Little Stevie
Wonder, …). Enfin, au bas de l’échelle, toute cette fourmilière d’employés
attendant que le bon vouloir du maître leur confie une session de studio ou un
titre à chanter. Marvin Gaye a commencé tout en bas, préparer le café, aller
chercher des pizzas, ce genre de choses… De temps en temps, quand les Funk Bros
étaient en tournée, il faisait des sessions à la batterie. Puis quelques chœurs
sur les disques des autres. Puis on lui a refilé des morceaux que personne
voulait chanter et dont il a fait des hits. Jusqu’à devenir au fil des années
une des figures qui comptent dans le label. Et surtout un des rares à faire de
la soul stricto senso, et à souvent chanter en duo avec Tammi Terrell. Un amour
platonique unissait les deux, et elle s’effondrera dans ses bras sur scène,
victime d’une tumeur foudroyante au cerveau, dont elle ne tardera pas à mourir.
Marvin Gaye ne s’en remettra pas, abandonnant plus ou moins sa carrière.
Quand il veut revenir, il frappe un grand coup,
entamant un bras de fer avec Berry Gordy pour pouvoir gérer seul sa carrière.
Pas simple, la femme de Marvin, Anna, de dix-sept ans son aînée, est la sœur de
Berry Gordy. Bonjour l’ambiance dans les repas de famille …
Marvin Gaye obtiendra gain de cause, il enregistrera
ce qu’il veut, et ses disques continueront de paraître sur Motown. Lui qui
jusqu’à présent était le chanteur soul, celui des bleus à l’âme et des peines
de cœur, va effectuer par ses textes un virage radical. La Motown dans les
sixties, c’était un peu le pays des Bisounours, les chansons « gentilles »,
alors que la communauté black américaine commençait à s’embraser (les émeutes
de Watts, Angela Davis, Luther King, Malcolm X, James « say it loud, I’m
black and I’m proud » Brown, …). Et là, coup sur coup, parce que la
concurrence artistique et « politique » des autres labels la poussait
au cul, Edwin Starr avec « War » et les Temptations avec « Ball
of confusion » allaient remettre la Motown sur les rails de la
revendication sociale … C’est dans ce contexte que paraît « What’s going
on », qui sera le disque le plus résolument politique de Marvin Gaye.
Rien qu’à voir la pochette, on est frappé par ce
regard hautain qui se fout de l’objectif du photographe, ce sourire un peu
narquois, cette photo prise sous la pluie. A l’opposé des visuels traditionnels
du genre. Sur chaque face du 33T original, tous les titres sont enchaînés, et
construits autour de phrases musicales très proches. Une impression de n’avoir à
faire qu’à des variations d’un même thème, impression renforcée par la voix de
Marvin Gaye, qui se cantonne à un registre soyeux, léger, quasi murmuré … on
est presque dans le concept album. Et puis, Marvin Gaye ne fait pas dans
l’elliptique. De l’interrogation sur « l’état du monde »
(« What’s going on »), de son rapport avec le mystique et la religion,
(« Wholy holy », « God is love », Gaye est le fils d’un
pasteur très strict qui l’assassinera le jour de ses 45 ans), de l’évocation de
la guerre (« What’s happening brother », Marvin a son frère au
Vietnam), de celle des ghettos noirs (« Inner City blues »), du monde
que l’on laissera à nos enfants (« Save the children »), et même
d’écologie, un mot très rarement utilisé à l’époque (« Mercy mercy
me »). Sans oublier les poudres blanches qui sur la durée seront ses plus
fidèles compagnes (« Flyin’ high »).
La musique, cette soul langoureuse et mid-tempo,
soulignée par des cordes, des cuivres (mais toujours légèrement, on n’est pas
chez Earth, Wind & Fire), s’orientant parfois vers des sonorités jazzy ou
bluesy, va marquer son époque, orienter le son et générer les succès de toute
une frange de la soul (Curtis Mayfield, Isaac Hayes, le Philly sound, …). Ce
disque est un choc, tant pour l’esprit que pour l’oreille. Les hits seront là
et bien là, trois titres classés en haut des charts (l’insurpassable « What’s
going on », « Inner city blues », « Mercy mercy me »),
l’album sera également un carton commercial, une influence durable (la réponse
sarcastique de l’autre génie black du moment Sly Stone avec « There’s a
riot goin’ on »), et régulièrement cité dans le Top Ten des meilleurs
disques jamais publiès tous genres confondus …
Du même dans ce blog : How Sweet It Is To Be
Loved By You Let's Get It On
Ice Cube fait partie de cette poignée de rappeurs
qui inspirent vraiment le respect. Faut dire qu’avant de se lancer en solo, il
faisait partie des NWA, et çà, au début des années 90, c’était pas rien comme
pedigree. Et évidemment, avoir fait partie de ce collectif de furieux qui ont
tracé et défini tout le rap de la décennie, entraîne quelques solides inimitiés
et préjugés. Avec le restant des NWA, logique, mais aussi avec l’opinion
publique tant la réputation sulfureuse du posse de Compton servait de
passeport.
Ice Cube, grande gueule toujours ouverte même quand
il fallait pas, s’est vu taxer très vite de misogynie, machisme, racisme et
antisémitisme. Et là où d’autres en ont rajouté dans la surenchère, lui a
toujours cherché à se justifier, à ouvrir le débat, entamer la discussion, avec
ses armes à lui, ses disques. Il n’en reste pas moins qu’Ice Cube reste un
personnage assez ambigu, de par les rapports qu’il a entretenu avec un
islamisme sinon radical du moins militant (la controversée Nation of Islam), ou
encore avec le show-business (un monde qu’il dénonce, mais il a tourné dans un
paquet de nanars hollywoodiens, après ses excellents débuts dans « Boys ‘n
the hood » de John Singleton). Par contre, au niveau strictement
artistique, y’a pas photo. C’est un des tout grands du rap …
Et « The predator » est avec « AmeriKKKa’s
most wanted » considéré aujourd’hui comme ce que le rondouillet rappeur a sorti
de meilleur. On y sent un Ice Cube très impliqué (il participe à la production,
avec notamment DJ Muggs de Cypress Hill). « The Predator » est un
disque sombre, avec beaucoup de rythmiques austères et martiales. C’est un
disque typique de cette époque de l’âge d’or du rap « old
school », axé sur des samples venant pour une immense majorité de la soul
et du funk des années 60 et 70. Trois 45T « Wicked », « Check yo
self », « It was a good day » aideront le disque à obtenir un
succès conséquent. Sur quelques morceaux des guitares rageuses pointent le bout
de leurs riffs, tendant des passerelles vers un rapprochement rap-heavy metal
(l’autre Ice (T) fait déjà ça avec Body Count, et Ice Cube enregistrera plus
tard avec les neo-metalleux de Korn).
« The Predator » est un des derniers
éclats d’Ice Cube (le rap est le genre musical qui consomme le plus vite ses
stars, tenir une poignée d’années au sommet est déjà un exploit) qui va,
sentant le vent de l’oubli qui commence à souffler sur lui, se tourner de plus
en plus vers le cinéma.
Le 7ème art n’y gagnera pas grand-chose,
le rap va perdre une de ses figures de proue les plus intéressantes. Ice Cube
continue de loin en loin de sortir des disques qui n’émeuvent plus guère les
foules.
Du même sur ce blog : AmeriKKKa's Most Wanted
Que voilà un disque qui a priori fait plaisir. Le premier
de Bowie depuis dix ans (l’oubliable « Reality »). Un Bowie, dont
hormis une chronique nécrologique (depuis des années, le Net bruissait de
rumeurs de fin prochaine, rumeurs se répandant encore plus vite que les
supposées métastases qui étaient censées l’emporter sous peu), je n’attendais
rien de bon, discographiquement parlant. Et donc ce disque est une bonne
nouvelle inattendue.
Mais à la réflexion, que peut-on attendre d’un type de
soixante-six ans, qui semblait avoir mis un terme à sa carrière depuis que son
cœur avait failli lâcher ? Qu’attendre en 2013 d’un gars qui n’a pas sorti
un bon disque depuis, allez, « Scary monsters » en 1980 ? Et que
des fans énamourés ne viennent pas me dire que Tin Machine était un concept
intéressant, qu’il y avait des choses à sauver dans « Tonight », ou
que ses disques « électro » traduisaient une remarquable ouverture
d’esprit caractéristique de ce grand artiste vers des sons nouveaux qui …
bla-bla bla, bla-bla-bla, … De la daube, toutes ces rondelles, qui merci à
tous, se sont très bien vendues (beaucoup mieux que ses vrais bons disques) et
l’ont mis, lui, sa jolie jeune femme et sa famille, à l’abri du besoin …
Parce que, je vais vous dire, Bowie, j’ai un peu écouté
(vite fait, des centaines de fois chacun) pas mal de ses skeuds, et il a été
fabuleux dans les rugissantes seventies quand il avait deux ou trois disques
d’avance sur toute la concurrence, quand « Ziggy Stardust » annonçait
le punk, quand « Young Americans » annonçait le disco, « Station
to station » la cold wave, « Low », « Heroes » et
« Lodger » l’avènement de l’ambient et de la musique faite par des
machines, et « Pin Ups »
toutes les nostalgia à venir. Tout ça en moins de dix ans, avec au moins deux
douzaines de titres officiels par an, dont la moitié dignes de figurer sur un
Best of. Et Bowie a fait comme les autres, a décliné, est peu à peu descendu de
son inaccessible Olympe. Dans les années 80, il a fait du fric avec de mauvais
disques, se contentant de coller à l’époque, ayant perdu toutes ses longueurs
d’avance sur la meute. La décennie suivante, on l’a vu courir après tous ces
djeunes et leurs drôles de machines qui inventaient chaque année une tendance
électronique nouvelle alors que lui essayait de copier celle de l’année
d’avant. Un Bowie artistiquement has-been, se contentant de son vieux
répertoire pour allumer l’étincelle dans les yeux du public lors de ses
concerts …
Bowie est un malin. Le premier de cette génération de
dinosaures grisonnants à avoir compris tout l’intérêt qu’il y avait dans
l’internet (Bowienet, son site perso, a été créé en 1998), et maîtrisant cet
outil de communication mieux que quiconque. Alors que tous les autres
s’acharnent à créer un buzz par définition éphémère, silence radio total de
Bowie depuis des années. Et puis, comme ça, sans prévenir, sans que le moindre
fouille-merde numérique ait vu venir quoi que ce soit, il sort le 8 Janvier, jour de son anniversaire, un
clip d’une nouvelle chanson et annonce la parution d’un nouvel album sous les
deux mois. Onde de choc médiatique, tout le monde y va de son couplet sur la
merveille à venir du dernier des géants du rock. Et arrive « The next
day », qui s’écoule instantanément comme des petits pains. De la belle ouvrage, plan marketing génial …
Bowie a toujours été un vampire, se délectant du sang de
prédécesseurs et précurseurs inconnus ou oubliés pour créer sa propre musique
et renaître artistiquement à chaque fois, Phénix musical sans équivalent.
Maintenant, malgré son âge avancé, au lieu de s’inspirer des autres, il veut
prouver qu’il bande encore, et se livre à un grand numéro d’auto-fellation contorsionniste en recrachant au final (il avale pas, c’est so vulgaire) ses
propres idées. Ça commence avec la pochette, caviardage de celle de
« Heroes », la réunion en studio de vieux potes (Tony Visconti, Earl
Slick, Gail Ann Dorsey, …) obligés par contrat de garder le secret le plus
absolu jusqu’à la sortie du disque. Bowie, lui, comme dans le sketch des
Guignols il parle pas à toi, et a juste fait savoir qu’il ne défendrait pas ce
disque sur scène. Ne parlons même pas d’envie, le pourrait-il d’ailleurs ?
Il suffit de voir les rares photos récentes de lui pour s’apercevoir qu’il est
encore plus maquillé que du temps de la pochette de « Aladdin Sane »,
mais maintenant juste pour avoir apparence humaine. C’est pas Dorian Gray,
juste un sexagénaire bien abîmé par ses excès passés … La voix, on s’en rend
vite compte, a morflé. Certes Bowie est resté un grand interprète, chante bien
et juste, mais se cantonne dans un registre medium, évitant les descentes dans
les graves, et s’interdisant toute montée dans les aigus.
Passe encore, mais le plus grave, c’est qu’il n’a pas été
foutu de composer en une décennie de quoi remplir dignement un disque. Les
titres à sauver, maintenant que le vinyle devient so branché, rempliraient tout
juste un maxi 45T, c’est dire l’ampleur des dégâts.
« The next day » commence pourtant plutôt pas
mal. La chanson-titre, intéressant pop-rock, renvoie instantanément au son de
« Scary monsters », et peut passer pour un exercice de style amusant.
Les deux singles éclaireurs « Where are we now » et « The stars
(are out tonight) », bénéficiant de clips chiadés renvoient pour le
premier à ses antiques ballades crépusculaires (« Word on a wing »,
ce genre), le second à ses années 80 (son film de vampires « The
hunger », sa musique indigente période « Never let me down »).
Sans les images, ces morceaux sont tout à fait anodins.
Le tour du proprio est vite fait. A sauver de cette
auto-parodie, des choses comme « Valentine’s day » furieusement
réminiscent « Aladdin Sane – Diamond dogs » avec son solo de guitare
calqué sur celui de « Panic in Detroit ». Ou l’amusant « Dancing
out in space » (clin d’oeil à une époque où il dansait dans les rues avec
Mick Jagger), titre reposant sur une rythmique Motown revisitée electro façon
Kraftwerk meets Aphex Twin.
Les titres restants, une bonne dizaine tout de même, sans
compter les trois « bonus » de la DeLuxe Edition (DeLuxe pour trois
titres, faut pas déconner, à une époque ce label DeLuxe voulait dire que l’on
doublait voire triplait la durée du disque initial), faudra beaucoup de pouvoir
de persuasion au fan-club pour me convaincre qu’ils présentent le moindre
intérêt. Et comme y’a vraiment pas grand-chose à sauver, Bowie et Visconti qui
sont pas tombés de la dernière pluie, ont mis la batterie et les
claviers-synthés très en avant, pour masquer un assortiment de rengaines
fadasses, d’arrangements centristes, de mélodies bancales, enrobés d’effets
sonores BCBG. Et qui toutes renvoient à des choses déjà entendues chez lui, et
pas celles qu’il a faites de mieux. Le funeste « Never let me down »
est souvent évoqué, des sonorités très « Lodger » (pas de bol, c’est
le moins bon de la trilogie berlinoise) apparaissent ici où là, on n’évite pas
la chanson pompeuse à la Scott Walker « You feel so lonely … »,
assortie de chœurs à la « Rock’n’roll suicide » …
« The next day » a rempli à merveille son
office, faire parler de son auteur alors qu’il n’a plus rien à dire (ni à
prouver d’ailleurs). Peut-être pour préparer le terrain à d’autres sorties de
disques (des rééditions, des inédits, des machins remastérisés, remixés ou que
sais-je encore, …). On se retrouve avec l’équivalent du tapage médiatique qui
avait entouré la sortie du dernier disque des Stones (« A bigger
band » en 2005), lui aussi présenté comme un retour à ce que les Stones
avaient fait de meilleur, et dont je mets quiconque au défi de me citer un seul
titre… Et rendez-vous dans un lustre pour discuter des chansons de ce « Next
day » qui auront marqué leur époque … j’ai bien peur que le compte soit
vite fait …
Non, on ne jette pas les disques de Bowie à la poubelle.
Il y a des choses qui ne se font pas … Mais c’est pas l’envie qui manque …
Du même sur ce blog : The Man Who Sold The World
Et pourtant il y a un gros
poisson derrière la caméra. Stanley Donen, seulement vingt-sept ans au moment
où il commence le tournage, mais déjà chorégraphe superstar de la MGM et
réalisateur pour cette firme de deux comédies musicales au succès gigantesque,
« Un jour à New York », et surtout la référence absolue du genre
« Chantons sous la pluie ».
Et déjà, à l’époque, on peut
constater que l’industrie cinématographique hollywoodienne ne jetait pas les
dollars par les fenêtres, car tout Donen qu’il était, il se verra allouer un
budget quasi misérable pour son nouveau film. Tiré d’un bouquin, déjà
extrapolation d’un épisode de la mythologie romaine (l’enlèvement des Sabines),
et originellement nommé comme lui « The sobbin’ women ». So
what ? Des femmes qui chialent ? Cherchez autre chose comme titre a
dit la production. Titre suivant proposé : « A bride for seven
brothers », qui aurait certainement fait l’affaire chez Marc Dorcel, mais
là, nouveau refus. Le suivant sera le bon, « Seven brides for seven
brothers », évidemment traduit stupidement en français … et pourquoi
sept ? ben voyons, les sept nains, les sept femmes de Barbe-Bleue, tout
çà, le scénariste avait pas trop envie de se compliquer la tâche. Donen va se
retrouver en plus avec un cahier des charges compliqué. Il devra tourner en
Cinémascope (premier film dans ce format pour la MGM), lui qui n’est pas un
technicien de la caméra, et pour assurer le coup, retourner les scènes au
format « normal ». Deux films pour le prix d’un en sorte, c’est la
version en scope (et en stéréo) qui sera diffusée …
L’histoire se passe en 1850
dans l’Oregon et ses majestueux paysages naturels … en carton massif. Tout a
été tourné en studio et ça se voit très très beaucoup (scène gag involontaire
du film : une ouverture hors champ de cages aux oiseaux dans un cadre
bucolique, et les pauvres piafs qui vont se crasher dans le décor de fond, on
le distingue parfaitement …). Pire, Donen n’a que deux acteurs de comédies
musicales confirmés, Howard Keel et Jane Powell, qui auront les rôles
principaux. Le reste du casting, c’est pas une blague, sera pris parmi les gens
sous contrat avec la MGM et qui ne sont pas en train de tourner un autre film.
Il en manque encore, mais qu’à cela ne tienne, des danseurs venus du classique
tout ce qu’il y a de sérieux et des acrobates de cirque complèteront le
casting. Il en manque toujours ? Et bien quand tous les autres
multiplieront les acrobaties, ceux qui ne savent pas danser resteront assis et
taperont la mesure pendant que ceux qui savent danseront …
Forcément, tout ça finit par
laisser des traces à l’écran. Le genre en lui-même implique un scénario cousu
de fil blanc, faut pas trop chercher à s’intéresser à l’intrigue, c’est
obligatoirement une happy end. Point de départ : sept frères roux (pourquoi
roux ? on sait pas) et célibataires vivent dans une ferme perdue, et le
film nous narre leurs tribulations pour trouver épouse. Jeu des acteurs sommaire
assorti de force grimaces expressives, gags et répliques ultra-téléphonés, même
Christian Clavier aurait eu l’air bon dans ce truc, c’est dire … mais la
comédie musicale est un genre très codifié qui se doit de proposer un spectacle
populaire et familial, et ce film a rempli parfaitement son rôle, gros succès
en salle (cinquième meilleure fréquentation aux Etats-Unis en 1955), et les
producteurs doubleront leur mise …
Aujourd’hui, c’est le type même
de film qui a sévèrement morflé. C’est naïf, criard, furieusement kitsch, un
vestige d’un autre temps et surtout d’une époque où le public n’avait pas les
mêmes goûts et les mêmes attentes qu’aujourd’hui face à un film. D’autant plus
que « Les sept femmes … » est largement surestimé. Ses chansons n’ont
pas traversé le temps, l’intrigue est d’une niaiserie confondante, et les
faiblesses du casting font qu’on n’a pas droit à de grands numéros sophistiqués
de danse. A une exception près, Donen a mis le paquet sur une scène, dite
« de la grange », qui a nécessité trois jours de tournage plan par
plan, et où, tirant profit de l’hétérogénéité de ses acteurs, on passe de
quadrilles enlevés, à des numéros assez spectaculaires de danse classique ou
d’acrobatie.
Pour le reste, il n’y a pas
vraiment de quoi se relever la nuit …
Quelque peu oublié aujourd’hui, Stephen Stills était
au début des années 70 un des grands noms du rock ayant tour à tour fait partie
de Buffalo Springfield, Kooper – Bloomfield – Stills, Crosby Stills Nash (&
Young). Peut-être un petit problème d’ego, ce n’était pas forcément lui la star
dans tous ces groupes. Et donc à la première occase, en l’occurrence
l’implosion d’un CSN & Y en pleine gloire, Stills monte un projet mahousse,
un brin mégalo, un (what else) super-groupe.
Alors que la plupart de ces conglomérats de people
se limitaient généralement à un trio hyper technique (prototype : Cream),
Stills va mettre sur pied une équipe très étoffée, en s’adjoignant six
compagnons d’armes. Evidemment, lire le casting de la formation de Stills
aujourd’hui, à moins d’être un passionné de ces vieux sons pour grabataires,
n’est pas très parlant. Mais à l’époque, des gens comme Chris Hillman (Byrds
puis Flying Burrito Bros), Al Perkins (accompagnateur de Gram Parsons), Samuels
et Taylor (la section rythmique de CSN & Y), Joe Lala ou Paul Harris
(musiciens de sessions très cotés) avaient été de tous les bons coups
californiens et bénéficiaient d’une notoriété certaine.
« Manassas » sera un double vinyle, et
entend bien marquer son temps. Il y réussira, définissant les bases d’un rock
américain « West Coast », qui culminera quelques années plus tard
avec le succès (hold-up ?) des Eagles. On trouve dans cette musique un
retour aux sources (touches de country, bluegrass, blues, rock’n’roll …),
enrobé de guitares souvent furieuses (Stills est un excellent guitariste),
porté par de superbes harmonies vocales. Stills montre qu’il est en outre un
superbe compositeur tout-terrain (il signe seul pratiquement tous les titres),
avec les magnifiques mélodies pop de
« Both of us » et « It doesn’t matter ». Et comme il a traîné
suffisamment de temps avec Neil Young, ça laisse des traces, l’écriture est parfois similaire (« Hide it so
deep », « Colorado »).
Chaque face du vinyle original avait un titre (titre
de la dernière : « Rock and roll is here to stay », quand je
vous parlais de Neil Young …) et une couleur sonore plus ou moins homogène, et
le disque se terminait par un hommage (« Blues man ») aux premiers
héros du rock tombés guitare à la main : Jimi Hendrix (pote de jam de
Stills), Al Wilson de Canned Heat et Duane Allman.
Et même si aujourd’hui, on peut trouver à la longue dans « Manassas » quelques redites et quelques longueurs datées, il n’en
constitue pas moins la pièce maîtresse de l’œuvre de Stills et un des disques
de référence du rock californien des années 70. Si le terme avait existé à l’époque,
on dirait que c’est un grand disque d’americana.
Le « groupe » fera paraître un an plus
tard une suite (« Manassas down the road ») sans trop de conviction,
avant que trop d’egos au mètre carré conduisent à l’éclatement logique, chacun
s’en retournant avec plus ou moins de bonheur vaquer à ses projets solo …
Une compilation française, oui Monsieur … et comme
tout ce qui touche au rock au sens large dans ce pays, un truc étrange et assez
mal foutu … Sorti à une époque, où des épiciers du disque, auto-proclamés
« agitateurs culturels » avaient monté un label, originalement nommé
FNAC Music, sortant des compilations de vieux trucs dont plus personne voulait,
distribuant également quelques labels
indés français, tout ça pour surfer sur la vague d’un support Cd en pleine
croissance.
Et parmi tous ces machins antiques un peu
ringardisés à l’époque, Johnny Cash. Totalement out, l’Homme en Noir, au début
des années 90. Pas encore pacsé avec Rick Rubin, Cash enregistrait au jour le
jour des disques chez qui voulait bien le signer. C’est sans doute sans trop de
difficultés et à bon prix que la FNAC a récupéré les autorisations sur son
fonds de catalogue. Et sorti trois compilations « At his mighty
best » de vingt titres chacune.
Mighty best si on veut. Des titres piochés certes
dans sa bonne période des débuts chez Sun de 58 à 64 (mais Cash sortait aussi
en même temps des disques chez Columbia à partir de 1960), jetés sur des
rondelles brillantes en dépit de tout ordre chronologique ou de toute
thématique, avec un livret qui assure tout juste l’essentiel des informations
légales. Alors on se retrouve avec quelques morceaux connus et puis d’autres
titres beaucoup plus anecdotiques, même si les ingrédients de base sont
là : la structure rythmique quasi inamovible, la voix de baryton à
tendance sépulcrale, l’atmosphère austère et dépouillée typique de l’époque
Sun. Au fil des ans, l’accompagnement s’étoffe un peu, des chœurs sont présents
(Les Tennessee Riders ou la Carter Family).
Le matériau essentiel de cette compilation est de la
good old country, sous forte influence Hank Williams (de toutes façons, de tous
ceux de l’écurie Sun, Cash est celui qui a le moins donné dans le rock’n’roll).
L’ensemble des vingt titres est correct, rien de rare ou d’inédit tant les
compilations ou rééditions avec bonus des disques de l’Homme en Noir sont
innombrables. Meilleurs titres du lot : les plus ou
moins « classiques » « Rock island line », « I love
you because », « I could never be ashamed of you », « Next
in line », « It’s just about time ».
Le label Fnac Music n’ayant duré que quelques
années, ces Cds n’ont jamais été réédités, mais se trouvent encore d’occase
pour quelques euros (ça vaut pas plus) sur les sites spécialisés.
Du même sur ce blog :
Ah que voilà une victime idéale … Mick Hucknall, le
rouquemoute préféré des ménagères anglaises ménopausées. Mick Hucknall, le type
aux roucoulades lacrymales à faire passer Lionel Richie pour un death
metalleux. Mick Hucknall, le plus sérieux concurrent de Robbie Williams pour le
nombre de groupies baisées, ça se chiffre paraît-il en milliers …
Tiens d’ailleurs, marrant le parallèle. Williams a
commencé à faire partie d’un boys band assez horrible, avant de faire des
disques solo parfois, j’ai bien dit parfois, écoutables et sympathiques. Mick Hucknall, c’est l’inverse. Aujourd’hui au stade ultime de la ballade pourrie,
il avait pourtant assez bien commencé.
Très années 80, les Simplement Rouge
Simply Red était à ses débuts au milieu des tristes
années 80 un groupe de blue-eyed soul très convenable. Enfin blue-eyed n’est
pas exactement le terme qui convient, il y avait deux blacks dans le groupe. Et
même si c’est Hucknall qui est sur le recto de la pochette, les autres ont
droit aussi à leur portrait façon poulbot au verso. Et tous participent à l’écriture
des titres originaux de l’album.
Simply Red, comme son nom ne l’indique plus
aujourd’hui, a commencé dans la mouvance du Red Wedge et de tous les plus ou
moins marxistes plus ou moins chantant (Billy Bragg, Paul Weller, Jimmy
Sommerville, … les anti-Thatcher ratissaient tous les genres musicaux). Même si
côté textes c’est pas des œuvres de Marx mises en musique, on décèle dans ce
disque quelques allusions « sociales », quelques messages
« engagés ».
Bon, au niveau sonore, ce disque a pris un coup de vieux.
Si l’on ne trouve pas les funestes synthés analogiques 80’s sempiternellement
mis en avant dans les productions d’époque, n’en restent pas moins quelques
tics de la période, comme la basse slappée très en avant de « No
direction » ou la rigidité de certains rythmes qui se veulent dansants
(« Red box »). Disque de soul blanchie, disque hommage aussi,
l’influence de quelques figures du genre étant plus que perceptible sur des
titres comme « Jericho »
(Stevie Wonder), « Holding back the years » (Marvin Gaye),
« Look at you now » (Earth Wind & Fire, pas une bonne idée,
celle-là). Et puis, faut le reconnaître, Hucknall chante bien, proprement, fait
très correctement son boulot derrière le micro.
Avec le recul, on perçoit bien la faiblesse de quelques
morceaux, qui passaient mieux dans le contexte de l’époque, et on remarque que
deux des titres les plus connus (« Heaven » et « Money’s
… ») sont des reprises, respectivement des Talking Heads et des méconnus
Valentine Bros, traduisant bien quelques lacunes au sein de cet équipage plutôt
pléthorique (ils sont six dans le groupe) à assumer seul la composition.
D’ailleurs, au fil des albums suivants (à succès voire gros succès), le rouquin
sera de plus en plus mis en avant, devenant finalement Simply Red à lui tout
seul.
« Money’s too tight » (tournerie post
disco qui fait bien son âge maintenant) et « Holding back the years »
(slow pour clubs chicos) cartonneront all around the world, mais le jazzy « Sad
old red » ou le « Picture book » et sa lente rythmique dub sont les
meilleurs titres restés dans l’ombre de ce disque. Qui reste loin de ses
inspirateurs soul des années 60 et 70, mais est encore écoutable de nos jours.
Finalement, l’exécution du sieur Hucknall n’aura pas
lieu pour ce disque …
Les Ramones, c’est un peu les Dalton du punk. Sauf
que contrairement aux faire-valoir de Lucky Luke, les Ramones ne sont pas
frères et pas aussi cons que ce qu’ils ont l’air.
Même si dans le trio fondateur (Dee-Dee, Johnny et
Joey), ils sont quand même un peu cinglés à le base, en tout cas pas dans la
« norme », que ce soit dans leurs goûts musicaux ou dans leur façon
de s’habiller. Rassemblés par ce qu’ils détestent (le style west-coast, les
hippies, le prog), plutôt que par ce qu’ils aiment (seuls les Beatles font
l’unanimité, leur nom vient d’un pseudo – Paul Ramon – que McCartney utilisait
lors de l’épisode Hambourg de la saga des futurs Fab Four), ils vont instaurer
un look (cheveux longs, lunettes noires, Perfecto, tee-shirt, jeans troués,
Converse) recopié jusqu’à l’écœurement depuis par tous ceux qui se sont
cherchés une crédibilité « rock ».
Ces trois-là n’auraient certainement jamais fait parler d’eux
s’ils n’avaient pas croisé la route du quatrième larron, Tommy, un ingénieur du
son, qui deviendra le batteur, le producteur et un peu la tête pensante du groupe. Pas envie
et pas les moyens techniques de rivaliser avec Genesis ? Et bien, les
Ramones vont faire dans la simplicité, dans le dénuement. Intro, couplet,
refrain, deux minutes (voire moins) chrono, avec en point de mire l’évidence
des ritournelles sixties en général, et celles produites par Spector en
particulier. Les Ramones n’ont pas lu Tolkien ou Huxley ? Pour les textes
(une centaine de mots, des fois moins), ils parleront de leur quotidien, de
sniffer de la colle, de glander, de se sentir un peu paumé, de pas savoir comment s’y
prendre pour draguer les filles. Contrairement aux punks anglais, les Ramones
n’ont pas vraiment de message social ou politique (de ce côté-là il vaut mieux, Johnny
et Dee-Dee ont plus tard confirmé par quelques déclarations
« malheureuses » qu’ils étaient de gros réacs).
Les Ramones vont se retrouver avec une crédibilité
en béton, parce qu’ils sont « vrais », ce ne sont pas des fils de
bonne famille (ils viennent du quartier populaire du Queens) qui jouent les
prolos, ils ont tâté de la petite délinquance, du gnouf, de l’hôpital psy, ne
font pas de la musique pour se payer une villa sur les collines de L.A.
Les Ramones sont new-yorkais, et tous les endroits,
tous les rades minables où ils vont être parmi les premiers de tous ceux qui
deviendront la « vague punk » à se produire, feront dès lors partie
de la légende urbaine et musicale de la ville (le CBGB, le Max’s Kansas City,
…).
Ramones Live CBGB 1976
Les Ramones seront bizarrement signés sur une major (Sire) et
vont sortir dès 1976 ce premier disque éponyme. Un disque au moins aussi
important que le 1er Velvet, pour les vocations qu’il va engendrer
de part et d’autre de l’Atlantique. Ignorés par les « musiciens »,
méprisés par la presse (par ici, ce disque avait été descendu en flammes par
Philippe Manœuvre), les Ramones vont devenir au même titre que les New York
Dolls ou les Heartbreakers de Johnny Thunders les références incontournables de
la vague punk anglaise de 77.
S’il ne fallait retenir qu’un seul disque des
Ramones (bien que jusqu’à et y compris « Pleasant dreams » ils soient
tous indispensables), ce serait forcément celui-là. Le plus primaire, le plus
j’menfoutiste … Celui qui contient le plus de leurs hymnes minimalistes
définitifs (« Blitzkrieg bop », « Beat on the brat »,
« I wanna be your boyfriend », « Now I wana sniff some glue », «
Let’s dance », « Today your love, tomorrow the world », … en fait tous les
quatorze titres méritent la citation). Des titres rapides, à la limite de leurs
capacités, basés sur des accords simplistes, des mélodies de quatre notes, …
« Ramones » est une profession de foi, un manifeste. Indépassable,
car contrairement à tous ceux qui enregistrent des disques, les Ramones ont
placé la barre le plus bas possible. La preuve ? Dans la réédition Cd de
2001, on a droit en bonus à quelques démos et maquettes des titres. Et là,
surprise, ces démos et maquettes sont beaucoup plus en place, beaucoup plus
« finis » (enfin, tout est relatif, on parle des Ramones) que les
titres officiels. Délibérément, sciemment, les Ramones ont choisi de sortir le
disque le plus « mauvais » possible. Vous avez dit punk ?
Rares sont ceux qui ont quitté un groupe relativement
connu, ont changé assez radicalement leur style musical, et rencontré un succès
supérieur. Même si Van Morrison n’a jamais été un gros vendeur …
Irlandais, chanteur au tempérament et au gosier de feu
des Them, performance incandescente sur « Gloria », un des près
fameux titres des sixties (et qui près de cinquante ans après les faits, est
toujours une planche de salut en concert pour les groupes avec un répertoire
personnel un peu mou du genou), Van Morrison envoie bouler ses potes, quitte le
London pas encore tout à fait swingin’ pour New York. Là, un premier hit
« Brown eyed girl », des séances qui n’aboutissent à rien (les bandes
sortiront des décennies plus tard). Van Morrison va jouer son va-tout, faire une
croix sur tout plan de carrière, tourner le dos au rock et au rhythm’n’blues,
et enregistrer avec les moyens du bord et un groupe de jazzeux de studio
« Astral weeks », que l’on retrouve vers le haut de toutes les listes
des meilleurs disques de tous les temps. Perso, « Astral weeks »,
avec son joli hermétisme musical dont se délectent les gens prétendus de bon
goût me gave assez vite, ça m’accroche pas trop.
« Moondance », on y vient, est le disque
suivant. Qui reprend peu ou prou les mêmes recettes, mais avec des musiciens
différents, des titres plus concis et une production de Van the Man himself.
Moins mignon et plus direct en somme… La poésie onirique de « Astral
weeks » se voit traversée par un souffle lyrique qui emporte tout, le
jazz, le blues, la soul, le rhythm’n’blues, le rock … Autant pour moi
« Astral … » est un disque froid, « éteint », autant
« Moondance » est un brasier dans lequel Morrison se consume et nous
consume … sans faire rugir guitares et Marshall, sans gueuler comme au temps
des Them … pas de technique, pas de physique, du feeling …
Pour moi, il n’y a rien qui arrive à la cheville de
« Moondance » dans l’œuvre de Morrison, et pas grand-chose chez la
concurrence. Il y a tout dans « Moondance ». La voix qui arrive dès
la première seconde du premier titre « And it stoned me ». Une voix
facile, toute en retenue et nuances, avec en filigrane une puissance
phénoménale en réserve. Les compositions, toutes signées du seul Morrison. De
l’écriture dans une sorte d’état d’apesanteur ou d’état de grâce, comme on
veut. On passe des ballades éternelles (« Crazy love », la perfection
faite chanson, « Brand new day », le « Whiter shade of
pale » de Van Morrison, le côté pompier de Procol Harum en moins) aux
vapeurs jazzy de « Moondance » le titre, aux parfums baroques de
« Everyone », au rhythm’n’blues de « Caravan » sur lequel
Van Morrison lâche les watts vocaux au refrain. Il se dégage du disque une
impression de calme, de majesté, de fausse simplicité (ça fourmille de
trouvailles et d’arrangements).
« Moondance » est totalement anti-commercial,
ne se rattache ni ne suit aucune mode (un seul titre « léger »,
enjoué et sautillant, « Glad tidings »). On y trouve par contre toute
la ferveur religieuse et mystique de cette terre d’Irlande qu’a quittée
Morrison, sur « Come running » et ses intonations gospel, et surtout
sur le sommet de ce disque (et même de la carrière de Morrison ») qu’est
le fantastique « Into the mystic », le genre de titre qui rend
obsolète tous les machins celtiques enregistrés par tous ces bardes à la petite
semaine qui nous les brisent avec leurs binious, leurs renards et leurs
belettes …
Tout à fait logiquement, l’audience de ce disque sera
famélique, Van Morrison, à l’humeur ronchonne légendaire, n’étant de plus guère
enclin à participer à un cirque promotionnel quelconque. Il reste aujourd’hui
un des derniers dinosaures en activité, même si sa production a fortement
baissé en qualité et originalité depuis le milieu des années 70. Et sans jamais
rien qui atteigne le niveau d’exception de ce « Moondance » …
Avec ce disque, les choses sont simples. Au chant,
Otis Redding, le plus grand chanteur des années 60. Derrière lui, le meilleur
backing band du siècle dernier (et suivants), Booker T & the MG’s. Et
accessoirement, « Otis blue » est le meilleur disque d’Otis Redding.
Vous me croyez pas ? Faut que j’explique ?
Bon, vite fait alors, z’avez qu’à écouter le disque … Comment, vous l’avez
pas ? Shame on you !
Otis
Redding, d’abord. Qui
fait même pas partie du Club des 27, puisqu’il est mort à 26 ans. Et qui n’a
enregistré des disques que les quatre dernières années de sa courte vie. Aussi peu de
temps en activité, et une telle réputation, cherchez pas, y’a que Buddy Holly
et Hendrix dans ce club-là. Otis Redding a révolutionné la façon d’aborder la
soul music. En ne cherchant pas la version vocale parfaite, mais la plus
viscérale. Otis, c’est pas le chant le plus pur, c’est le chant le plus
expressif, usant et abusant de brusques sautes de tonalités et d’un tremolo
instantanément reconnaissable. Un chanteur explosif, encore meilleur sur scène
qu’en studio, où il dynamite ses classiques, ou ceux des autres.
Les MG’s. Déjà à la base un truc hors normes. Deux
noirs et deux blancs à une époque où les groupes interraciaux étaient aussi
rares que des lueurs d’humanité dans le regard de Bachar el-Assad. Booker T
Jones à l’orgue, Al Jackson à la batterie, et les deux visages pâles Donald « Duck »
Dunn à la basse et Steve Cropper à la guitare. Le groupe de studio attitré des
artistes Stax-Atlantic, des forçats de la session, mais pas seulement. Entre 63
et 72, des centaines de titres sur lesquels ils jouent, une dizaine d’albums
instrumentaux sous leur nom, plus les tournées derrière les fameuses revues
Stax. Sur « Otis blue », ils bénéficient de l’apport d’un inconnu qui ne le restera pas et qui commence à faire ses gammes aux
claviers (Isaac Hayes) et d’une section de cuivres.
Donald Dunn, Booker T Jones, Steve Cropper, Al Jackson. : Booker T. & the MG's
« Otis blue ». Trois énormes classiques de
Redding et des sixties en général, « Respect », « Shake »,
« I’ve been loving you too long ». « Respect », ce sera un
encore plus gros hit par Aretha Franklin trois ans plus tard. La diva
chouchroutée en donnera une version plus radiophonique. Ici, c’est la version
originale, écrite par Otis lui-même, plus brute de décoffrage, plus vivante
aussi. « Shake », une reprise de Sam Cooke (l’idole de Redding) c’est
un rhythm’n’blues syncopé et furieux. « I’ve been loving you too
long », c’est la plus belle ballade soul du monde. Frissons garantis. Et
les sept autres titres, c’est pas du remplissage, ils auraient fait la joie de
beaucoup à l’époque, et ne comparons même pas avec les pénibles brailleries
d’aujourd’hui. Une majorité de reprises (Otis ne signe ou co-signe que trois
titres). Deux autres de Sam Cooke, son posthume et plus gros hit « A
change is gonna come », débarrassé ici des encombrants violons qui
parasitaient la version originale, et également « Wonderful world »
avec un gros travail sur la batterie et les cuivres. Une reprise du « My
girl » des Temptations, relativement différente de l’originale, les deux
sont monumentales. Plus sujette à discussion est la version d’Otis de
« Satisfaction » de … qui vous savez, ou alors putain, qu’est-ce
qu’on vous a appris à l’école ? Ce titre est l’hymne définitif avec son
riff très chargé en fuzz qui a ouvert la voie à tout le rock garage des 60’s.
Joué « proprement » par Cropper, et avec l’adjonction d’une section
de cuivres comme ici (pour l'anecdote les cuivres étaient prévus sur la version des Stones qui finalement n'en ont pas voulu), c’est radicalement différent, très orienté
rhythm’n’blues. Techniquement la version d’Otis est évidemment parfaite, qu’il
me soit permis de quand même préférer d’assez loin l’originale. A côté de
pareille avalanche de merveilles, les titres restants ont eu du mal à se frayer
un chemin vers la gloire. Ils n’en démontrent pas moins le génie vocal de
Redding et la mise en place fabuleuse des MG’s. Que ce soit sur du strict blues
(« Rock me baby » signée B.B. King) que feraient bien d’écouter ceux
qui ne jurent que par Mayall ou Fleetwood Mac, ils verraient la différence
entre les bons élèves appliqués et les maîtres (avec un solo de Steve Cropper
efficace, et non pas démonstratif par exemple). Que ce soit sur le
rhythm’n’blues (« Down in the valley »), ou la ballade soul
(« You don’t miss your water », siamoise de « I’ve been loving
you too long », c’est dire le niveau). S’il fallait à tout prix déceler
dans cette demi-heure magique un maillon faible, mon choix se porterait sur l’introductif
« Ole man trouble », pourtant un indéboulonnable dans la kyrielle de
compilations consacrées à Otis Redding.