JOHNNY CASH - AMERICAN IV : THE MAN COMES AROUND (2002)


The Last Waltz ...

Dernier volet (par la force des choses, Johnny Cash est mort l’année suivante) de la collaboration de l’Homme en Noir avec le producteur Rick Rubin (aux manettes sur la majorité des disques de Slayer ou Red Hot Chili Peppers). Un disque pas tout à fait « normal » qu’il faut quand même replacer dans son contexte.

Pas toujours de bonnes fréquentations, Johnny Cash ...
« The man comes around » marque le point final de quasiment un demi-siècle d’enregistrements de Cash. Qui a tout connu dans sa vie. Après avoir fait partie du « Million Dollar Quartet » chez Sun Records, label où il côtoyait à la fin des années 50 Elvis Presley, Jerry Lee Lewis, Roy Orbison ou Carl Perkins, être revenu très vite à la stricte country, gagné son surnom de « Man in Black » dans les années 60 grâce à la sempiternelle couleur de ses tenues vestimentaires, s’être construit une réputation (plus légendaire que réelle d’ailleurs) de « bad boy » par quelques titres provocants et une série de concerts dans des établissements pénitentiaires, il va entamer ensuite pendant vingt ans une longue traversée du désert. Sans toutefois risquer de mourir de soif, ses penchants pour la bouteille et toutes sortes de drogues lui faisant à plusieurs reprises frôler la mort. Son silence assez assourdissant lors de la mutation de la country des 70’s par ceux que l’on a appelé les « Outlaws » (Nelson, Jennings, Kristofferson, …), alors que beaucoup l’auraient imaginé prendre fait et cause pour ces « jeunes », son implication assez inconsistante dans la vie politique américaine (il a roulé autant pour les Démocrates que pour les Républicains), quelques déclarations imbéciles à l’emporte-pièce pour flatter son public de rednecks, avaient fini par faire de Johnny Cash une institution poussiéreuse, un ringard dont il n’y a ni humainement ni artistiquement plus rien à attendre. Débarqué dans les années 80 par ses maisons de disques successives, il finira par échouer au début de la décennie suivante sur Def American, le label de Rick Rubin.

Rubin qui fera avec les disques de Cash l’antithèse de ce pourquoi il était célèbre. Le deal artistique est simple : il faut que les disques de Cash sonnent le plus brut, le plus basique, le plus acoustique possible, à l’opposé de la foire à la ferraille sonore dont Rubin était le porte-drapeau. Le résultat d’ensemble sera globalement très bon, mais de là à qualifier ces enregistrements de cruciaux tant pour l’époque que pour leurs auteurs, il y a un pas que je ne franchirais pas, même s’il faut reconnaître qu’ils représentent une qualité que bien peu maintiennent après des décennies de carrière. Ils auront en tout cas contribué à restaurer et rénover la légende de Johnny Cash, à tel point que le biopic qui lui a été consacré (« Walk the line ») aura un immense succès (normal, il a tout pour participer au « rêve américain », la réalité étant bien souvent plus sombre que ce que laisse entendre le film …).

Johnny Cash 2003 : le vieil homme est amer ...
A l’époque de ce « American IV », Cash est physiquement au bout du rouleau. Son hygiène de vie apocalyptique laisse maintenant son corps aux prises avec maladies nerveuses dégénératives, graves affections pulmonaires et diabète. Ses jours sont comptés et il le sait. Du coup, cet album, peut être intrinsèquement le moins bon de la série par ses choix artistiques, va acquérir une résonance particulière. Le principe est le même que pour les précédents, essentiellement des reprises en version dépouillée. Et autant précédemment, voir Cash se frotter aux répertoires de Nick Cave ou Bonnie « Prince » Billy était dans la logique des choses, voir ici apparaître des auteurs comme Sting, Trent Reznor, les Beatles, Depeche Mode, Simon et Garfunkel ou encore les Eagles, mêlés à quelques standards de la country la plus traditionnelle peut surprendre. En fait, la plupart des titres ont été choisis pour leurs textes, en rapport avec la maladie, la souffrance ou la mort.

Cash est trop éprouvé lui-même pour sublimer quoi que ce soit, et on sait que malgré un état de santé plus que précaire, il s’est acharné à vouloir mener ce projet à terme. Un bon paquet de titres sont ratés ou sans intérêt (la plupart des vieilles scies country, les titres de Sting, Eagles ou Beatles …), à peu près autant sont corrects sans être transcendants. Et puis, il y a quatre morceaux, hors-normes et exceptionnels. « The man comes around », dernier titre écrit par Johnny Cash et qui ouvre le disque, est une sorte d’épitaphe, un bilan désabusé. Un morceau à mettre en parallèle avec celui qui clôt le disque ce « We’ll meet again » prémonitoire et poignant. Rien cependant à côté de la version du « Personal Jesus » de Depeche Mode, où l’on voit Cash se dresser avec tout ce qui lui reste de force face à Dieu mais aussi face à tous ses démons à lui. Le titre de Martin Gore était déjà exceptionnel dans sa version originale sur le Cd « Violator », Johnny Cash le transcende.

Et puis, il y a « Hurt », repris à Nine Inch Nails (ou Trent Reznor, c’est selon). Le morceau le plus émouvant que je connaisse, dans lequel un  Johnny Cash, miné par la maladie, à bout de souffle, nous donne une version agonisante dans tous les sens du terme. Et là, y’a rien qui parasite, pas un malin travail de producteur, c’est pas joué ou surjoué, on entend juste un vieil homme mourant chanter sa souffrance physique. Que quiconque n’est pas ému par ce titre s’en aille écouter les Black Eyes Peas, il ne mérite pas mieux …


Du même sur ce blog :
At His Mighty Best Vol 3



12 commentaires:

  1. Moi j'ai Big Irons de Marty Robbins qui clôt le CD. Il fait parti de tout un tas de disque emprunté à un client Anglais.
    C'est qui les Black Eyes Peas?..

    RépondreSupprimer
  2. Je ne me prononcerais pas sur le reste de l'album, que je ne connais pas, mais Hurt, déjà magnifique sur The Downward Spiral, atteint des sommets d'émotion nue interprétée par l'homme en noir.

    RépondreSupprimer
  3. Tu joues à Cash-Cash ? Si c'était Tabatha encore...
    Je crois que je préfère encore le reggae...

    RépondreSupprimer
  4. Non, la Red je ne peux pas te laisser dire ça. Johnny Cash bordel, Johnny Cash !

    (j'ai rien contre Tabatha hein... 'gnifique, souvenez-vous !)

    RépondreSupprimer
  5. Big Iron, je l'ai pas, il est en bonus que sur certaines éditions ou rééditions ... Je connais pas du tout, et Marty Robbins, juste de nom ...

    Tabatha, elle doit être aussi fripée que Johnny maintenant ...
    Pfff, irrécupérable le technoïde marseillais ... Merci, Del, je me suis moins seul (pour une fois) ...

    RépondreSupprimer
  6. Et si il est vrai qu'il a traversé une longue traversée du désert artistique, ses deux albums live At San Quentin & At Folsom sont indispensables. Tu entends Red ? INDISPENSABLE.

    Je viens de remarquer "Le vieil homme est amer...". T'as pas honte ?:)

    (Tabatha elle n'a que 38 ans... Au moins on lui sera gré de n'avoir jamais essayé de faire de la chanson...)

    RépondreSupprimer
  7. Je sais, je sais, je m'attaque à du lourd là... Bon, je suis pas mûr pour les Black Eyed Peas mais la country-folk, ce dépouillement sonore (jamais rien d'autre qu'un piano ou une guitare... Ah si, un violon parfois...), j'y arrive pas...

    RépondreSupprimer
  8. Et alors quoi, Plastikman c'est pas dépouillé à mort aussi ?;)

    RépondreSupprimer
  9. Oui mais j'aime pas trop Plastikman et puis les sons électroniques sont plus variés que celui d'une guitare (sèche) qui sonnera toujours comme... une guitare (pareil pour les autres instruments acoustiques)...

    RépondreSupprimer
  10. Plastikman ... je préfère rien dire ...

    RépondreSupprimer
  11. Masi c'est qu'il argument le bougre ! Tu m'écouteras Folsom Prison Blues en boucle (ce qui n'est pas bien difficile) !

    Pas Plastic Bertrand, hein Lester...

    RépondreSupprimer
  12. C'est fait, en une seule boucle :)

    RépondreSupprimer