Rapide coup d’œil sur les étagères de ma
discothèque : hormis les compiles, mon disque le plus récent de Jerry Lee
Lewis est le « Live au Star Club de Hambourg » de … 1964. Et donc un
trou béant jusqu’à ce « Last man standing » de 2006. Composé de 21
morceaux, 21 collaborations avec tout le gotha des anciens du rock. Et
contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’une réunion
poussive d’anciens combattants, mais bien d’une énorme réussite. Le casting est
stupéfiant, manquent juste Dylan, Chuck Berry et quelques autres de moindre
acabit, c’est dire le niveau.
Tout commence avec « Rock’n’roll » et
Jimmy Page à la gratte. La cathédrale de heavy-rock qui ouvrait le 4ème
Led Zep devient, passée à la moulinette Jerry Lee Lewis, ce que son titre
annonce, un pur morceau de rock’n’roll. Et on voit ensuite défiler des gens
comme Springsteen ou Mick Jagger, que l’on n’avait pas vu à ce niveau depuis
des lustres (« Evening gown » semble rescapé des séances
d’ « Exile on Main Street »)
Suivent des légendes du blues (B.B. King, Buddy Guy,
évidemment Clapton sans lequel un tribute ne se ferait pas), de la country
(Merle Haggard, Kris Kristofferson, Willie Nelson), des collègues de promotion
des années 50 (Little Richard), qui viennent batailler avec le Killer sur des
standards blues, rock’n’roll et country (sur la fin du Cd, manière de rappeler
aux foules que de tous les précurseurs de sa génération, seul Jerry Lee a eu
une carrière country digne d’intérêt).
Quasiment tous les titres mériteraient une citation.
A 71 ans, Jerry Lee Lewis devenait la « révélation » musicale de
l’année. Elle est pas belle la vie ?
Tiens, et il vient de se marier, Jerry Lee … Pour la
septième fois …
Du même sur ce blog :
En matière de musique de djeunes et de rap en
particulier, j’ai comme qui dirait des lacunes …
en gros, j’en suis resté au siècle dernier, totalement décroché à
l’arrivée de tous ces pantins bling-bling les P Diddy, Jay-Z, Kanye West, …
leur pseudo rhythm’n’blues-soul-jazz machin, toute cette daube pour puceaux et
pucelles américains … Même OutKast, paraît-il à sauver du lot, j’ai acheté une
paire de disques qui sont encore sous cellophane … je garde ça pour quand je
serai vieux ou mort, y’a tellement de old blue rock que j’ai vraiment envie
d’écouter. Et un de ces djeunes alors que je lui expliquais tout ça, m’a parlé
de Big Boi, un truc de la mort qui tue, et que j’avais tort de ricaner, parce
que ça devrait me plaire … il m’a forcé à écouter sur son iPhone (vous savez,
ces saloperies de feu Steve Jobs ayant une qualité sonore telle qu’on arrive à
y confondre Zazie et Billie Holiday) une paire de titres. J’ai écouté, rien
entendu, mais la sorte de bouillasse musicale sortant de ce machin avait l’air
pas mal, j’ai acheté le Cd, tout en me disant que si c’était nul son disque,
j’y collerais mon pied au cul à ce petit con …
Big Boi & Janelle Monae
Bon, pour ce coup-ci, il a échappé à la fracture du
coccyx parce que ce Cd, ben il est bien … enfin, vraiment bien je veux dire, et
pas seulement par rapport à des trucs récents. Big Boi, est la moitié d’OutKast (faut suivre, j’en ai causé plus haut) …
donc son « Monsieur Succulent Gauche Pied, fils de Petit
Poussiéreux » (‘tain, peuvent pas appeler leurs disques « Beggars
banquet » comme tout le monde), il commence bien, finit bien. C’est au
milieu que c’est moins bon, mais la balance est largement favorable. Déjà, on
accroche à l’intro, G-Funk ralenti, voix vocoderisée, guitare wah-wah, le premier
vrai titre (« Daddy Fat Sax ») fait penser à du Public Enemy, old
school austère et martiale, pas mal du tout … « Turns me on » qui
suit, c’est bien foutu, soul lente 70’s, flow très années 80 … et très
mélodique. Rien cependant niveau mélodie comparé à « Follow us »,
avec son gimmick à la « Fugee-La » des Fugees, sorti en single et qui
s’est vautré au fin fond des charts, et donc par les temps qui courent une
preuve que c’est un bon titre.
Autre grand titre et merveille du disque, « Be
still » mi nu-soul, mi rap, avec la voix d’or de la nouvelle diva Janelle
Monae, un morceau qui inaugure une fin de disque plutôt intéressante, avec
notamment « Night night », sorte de disco-rap, et « The
train », qui rappelle le rythme sautillant, mélodique et rustique des
oubliés péquenots Arrested Development.
Tout n’est pas transcendant, du mégalo « General
Patton » (son vrai blaze à Big Boi, occasion d’une mauvaise joke avec le
militaire du même nom), à un duo très quelconque avec l’oscarisé Jamie Foxx. A
noter comme d’hab une interminable liste de guests, la plupart m’étant
totalement inconnus (Sleepy Brown, Cutty, Yelawolf, Khujo Goodie, … putain,
mais qui sont ces gens ?), et quelques vieilles gloires comme George
Clinton ne se montrant pas vraiment sous leur meilleur jour.
En résumé, s’il y a dix ans que vous avez pas écouté un
disque de rap, vous pouvez y aller avec celui-là … ou attendre dix ans de plus
…
Au bout de quelques minutes, une question
angoissante surgit : « Quand est-ce qu’ils chantent ? ». La
réponse arrive demi-heure plus tard : jamais. Car « Wired » est
un disque instrumental. Qui plus est un disque instrumental de jazz-rock
(pléonasme). Autant annoncer la couleur, pour moi, le jazz-rock, c’est le fond
du trou musical (à égalité avec le prog, qu’ils croient pas que je vais les
oublier, ces pénibles), toutes ces bandes de crétins moustachus, velus et
techniques faisant de manière redondante la démonstration de leur savoir-faire
(ceux qui pensent au Santana de la même époque n’ont pas tout à fait tort). Ce
qui me chagrine en fait dans cette histoire, c’est d’y retrouver Jeff Beck.
Jeff Beck et Jan Hammer, chauve qui peut !
Comment le type qui envoyait la foudre sur
« Shapes of things » avec les Yardbirds, qui surclassait avec ses
deux disques du Jeff Beck Group les deux premiers Led Zep de
l’« ennemi » Page, qui assénait le déluge de plomb en fusion du BBA
avec la section rythmique la plus aplatissante des USA (Tim Bogert et Carmine Appice), a t-il fini par
s’écouter jouer en 76 au sein de ce band de lourds virtuoses où l’on trouve les
pénibles usual suspects habituels (Jan Hammer, ancien complice de McLaughlin
dans le Mahavishnu Machin par exemple) ? La réponse est dans le caractère
cyclothymique de Beck, caractériel instable toujours en perpétuelle quête de
nouveauté (et de reconnaissance, parce que c’est pas un modeste), adepte des
fuites en avant qui plus souvent que raison finissent droit dans le mur.
Certains, et pas des cas isolés, considèrent que
Jeff Beck est le meilleur guitariste du siècle passé. Dommage qu’il ait perdu
l’essentiel de son temps à utiliser son indéniable virtuosité, dans des daubes
soporifiques dont ce « Wired », adulé par les
« musiciens ». Et que Sir George Martin soit aux manettes de cette
chose n’arrange rien …
Pendant que Beck et ses potes ripolinaient leurs
purges, les murs pisseux du CBGB de New York résonnaient des accords crétins
des faux frères Ramones. Y’a des fois où il faut choisir son camp …
1,
2, 3, 4, Hey Ho, Let’s Go !!! Gabba Gabba Hey !!! Du même, un chef-d'oeuvre : Beck-Ola
« Be bop
a Lula »… C’est écrit en grosses lettres flashy et racoleuses sur
la pochette. De toutes façons, pour attirer le chaland, y’a pas trop le choix,
c’est le seul titre vraiment passé à la postérité de Gene Vincent et un des
plus grands classiques du rock des années cinquante. Lorsque Gene Vincent et
ses Blue Caps avaient le vent en poupe, et étaient soutenus par une major,
Capitol …
Gene Vincent Paris 1967
Sauf que là, cette compile est faite de titres
enregistrés au milieu des années 60, alors que Gene Vincent erre de petits
labels en studios minables avec qui veut bien jouer avec lui, pantin manipulé
par quelques escrocs de troisième zone. Gene Vincent, ingérable tête de lard, a
fusillé sa carrière depuis longtemps déjà. Ne lui reste que sa voix, pas encore
trop abîmée par ses excès, la meilleure voix blanche des « pionniers ».
Alors, certes, il y a bien « Be bop a lula »
sur ce disque, mais pas la version originale, une réenregistrée avec section de
cuivres et rythme accéléré. De toutes façons déjà présente sur le Cd français
de chez Musidisc « Mr Gene Vincent », comme d’ailleurs les deux tiers
des titres de cette compilation. Celle-ci est parue sur un label interlope,
Castle Pulse (rien à voir avec Castle Music, spécialisé lui dans les rééditions
de qualité), qui semble avoir mieux traité
le son que Musidisc, mais se montre aussi chiche en précisions sur les
lieux et musiciens qui ont participé aux séances.
Au milieu de choses incongrues de la part de Gene Vincent
(du rhythm’n’blues, de la soul, de la variété bas de gamme), on peut quand même
trouver une paire de quasi-classiques tardifs (« Love is a bird »,
« Say Mama » et surtout le phénoménal « Bird doggin’ »), ou
des choses « exotiques » pour lui mais bien faites, comme le très
Tamla-Motown « Hurtin’ for you » ou la country en cinémascope de
« I’m a lonesome fugitive » …
Bon, sinon, pour avoir une bonne compile de Gene Vincent,
il faut aller voir ailleurs, parmi la multitude de celles sorties chez Capitol
…
Du même sur ce blog : Bluejean Bop !
Joan Baez, on l’a tellement confondue avec son
engagement militant, elle a été de tellement de combats plus ou moins perdus
d’avance (et elle continue encore à plus de 70 ans à s’investir dans tout un
tas de causes généralement bonnes), qu’on a oublié que c’était une chanteuse.
Une chanteuse folk.
Pas la première, pas la plus célèbre (pour ces deux
aspects, voir plutôt du côté d’Odetta), mais certainement la plus emblématique,
en tout cas de la période cruciale lors de laquelle tout s’est mis en place,
les années soixante. Une décennie pour elle commencée par des enregistrements
secs, austères et brûlants, et conclue, enceinte jusqu’aux yeux, par une
prestation qui file le frisson au festival de Woodstock.
Parce que Joan Baez, c’est une sacrée chanteuse. Une
voix de cristal comme on en entend peu en général, et dans le
« rock » en particulier. Que ce soit dans le murmure ou le chant à
pleine voix, Joan Baez impressionne, et plus encore par le feeling irréel qu’elle
dégage que par sa technique irréprochable.
Un exemple ? Pas besoin de chercher loin. Il
suffit de prendre le premier titre de ce Cd, enregistré comme son nom l’indique
en public dans une austérité absolue (Joan Baez, sa guitare acoustique, et le
public droit dans les yeux, c’est tout). Ce titre, « Baby, I’m gonna leave
you » tout le monde ( ? ) le connaît par Led Zeppelin sur son premier
disque. Bon, faut oublier l’interprétation de Plant (pourtant pas n’importe qui
derrière un micro), et surtout pas la comparer à celle de ce disque, le verdict
serait sans appel. Victoire par KO au bout de trois mesures pour l’Américaine.
Qui n’a qu’un seul point faible, elle n’est pas une
grande compositrice, ne signant que quelques titres (et pas toujours) sur ses
albums, et là, en 1962, n’ayant encore rien mis dans son répertoire de Bob
Dylan, dont elle reste sur la durée la meilleure interprète (qui avait dit
Hugues Aufray ? bon, tu sors …), sans parler d’autres aspects de leur
relation qui tiennent du domaine privé … Alors il n’y a sur ce disque que des
reprises, des chants traditionnels pour la plupart (qui a dit que c’était un
disque de scout ? tu dégages aussi …), venant du patrimoine musical
américain en majorité, certes, mais piochant aussi chez les Anglais (le final
« Matty Groves »), chez la mère nourricière Afrique via le gospel (« Kumbaya »,
repris étonnamment en chœur par le public pour un résultat grandiose), voire
chez les Brésiliens (« Ate Amanha », chanté en portugais). Mieux,
alors que Joan Baez a pourtant déjà sorti deux disques, aucun des titres de ce
« In Concert » n’y figurait. Choisis évidemment pour leurs textes, ou
alors pour rendre hommage aux figures tutélaires du folk américain
(« Pretty Boy Floyd » écrit par Woody Guthrie, et repris par Pete
Seeger, à qui la version de Joan Baez est dédiée).
Chanteuse d’exception, d’une justesse totale tant
sur le fond que sur la forme (juste quelques bribes
« castafioresques » sur « Black is the color … »), Joan
Baez est lentement mais sûrement en route pour devenir l’icône engagée des
années 60. Le succès un peu inattendu de ce disque donnera lieu à une suite
l’année suivante, aussi magnifique, l’effet de surprise en moins, mais une
paire de titres de Dylan en plus …
Blue Note 22665, il y a écrit sur la pochette … C’est
donc avec une certaine circonspection, pour ne pas dire une circonspection
certaine que j’ai appuyé sur « Play ». Il paraît que « Palo
Congo » c’est pas du jazz … Ou pas vraiment.
Lui, c’est Sabu (Martinez), un temps percussionniste
de Dizzy Gillespie, ce qui ne me dit rien (qui vaille). Il est ici entouré par
quelques potes eux aussi joueurs de congas. Et le fil conducteur de ce disque
est aussi simple qu’un scénario destiné à Steven Seagal : sur une base
percussive, retourner aux racines africaines de la musique noire américaine. Back to Africa donc. Avec escale aux Caraïbes. Sans que cela ressemble pour autant trop aux
machins affreux-cubains…
Ici, c’est beaucoup plus rythmé, avec des chœurs
calqués sur ceux du gospel qui se répondent sur des mélopées lancinantes, le
tout dans un espèce de patois espagnol … un résultat assez proche souvent des
musiques « ethniques » africaines. Ce « Palo Congo » a été
quelquefois présenté comme le disque fondateur de la « fusion » … why
not, même si la fusion c’est comme le rock’n’roll, on ne compte plus ceux qui
prétendent l’avoir inventé.
S’il n’y avait que des congas, ce disque filerait
mal un mal de tête carabiné. Heureusement, un des participants est aussi un
virtuose d’une guitare primitive … à trois cordes, ce qui limite tout de même
les effets de manche. Suffisant cependant pour rompre l’uniformité des titres,
ce qui fait qu’on s’approche parfois de rythmes de transes vaudous, que de
jolies mélodies arrivent à se dessiner (« El Cumbanchero »), ou qu’on
n’est quelquefois pas très loin des chansons ensoleillées de Kid Creole
(« Rhapsodia del Maravilloso »).
En ce qui me concerne, avis mitigé plutôt favorable.
Des érudits font remonter l’origine du rap aux Last Poets
dans les années 70, voire aux talking blues du début du siècle dernier. Bon, on
va pas pinailler, c’est pas Wikipedia ici. Pour moi, c’est à New York au tout
début des années 80 que tout a commencé et que s’est révélée au monde entier
cette nouvelle forme d’expression musicale.
Culture de la rue, associant graphistes, danseurs,
producteurs, musiciens et chanteurs, le rap, tel qu’on le connaît aujourd’hui
vient de là. Et ses premières stars furent Flash, Melle Mel et les Furious
Five. Avec trois de bouts de ficelle (un radiocassette, le sens de la rime et
du rythme), toute une génération de laissés-pour-compte par toutes les
chapelles et courants musicaux va prendre la parole. Le son de la misère, des
ghettos noirs, ceux décrits par Marvin Gaye dans son « Inner City
blues » va exploser à la face du monde et se répandre comme une traînée de
poudre. Le rap, c’est le blues de la fin du XXème siècle, le genre le plus
proche d’une classe sociale et de ses aspirations et préoccupations…
Tout ce qu’a développé depuis le rap est tout entier
en germe dans ce « Greatest Hits » : les samples, les boucles
rythmiques avec basses en avant, le phrasé si étonnant à l’époque (on ne disait
pas encore le flow), les revendications militantes, politiques et sociales …
Ce « Greatest Hits » est une plongée dans
le passé où l’on retrouve avec plaisir les premiers hits (« The
Message », 1er morceau de rap dans les charts US) d’un genre
musical appelé à devenir le plus populaire et le plus important de la fin du
XXème siècle, au prix cependant de contorsions, renoncements, asservissements
et avilissements lui ayant fait perdre à peu près toute sa substance
originelle.
Là, avec Grandmaster Flash et ses potes, on est dans
un truc austère, sec, tranchant, terriblement urbain, encore influencé par les
autres genres de musique noire (le funk, la soul, le blues, le disco). Le
« rap old school », tel qu’il est défini dans les manuels commence
avec ces pionniers, pour se terminer à la fin de la décennie avec l’apogée de
Public Enemy.
Compilation pour grabataires mais compilation
essentielle …
The Fall c’est, un, un groupe de Manchester parmi
les premiers à avoir mis la ville sur la carte du rock, avant Joy Division, et
bien avant les Smiths, Madchester et Oasis ; deux, la chose de Mark E.
Smith, acariatre leader tyrannique et ronchon, à faire passer Lou Reed pour
Frankie Vincent ; trois, le groupe préféré de tout un tas de musiciens
anglais et du célébrissime DJ John Peel.
Même s’il ne s’agit pas d’une formation so british
comme ont pu l’être les Kinks ou les Smiths, The Fall ne bénéficiera que d’une
certaine notoriété dans son pays. La faute à son leader, peu adepte du cirque
médiatique et « ingérable » en interview, ce qui l’écartera des
faveurs de la presse dite musicale et donc d’un large public, la faute aussi à
une instabilité chronique dans le groupe, Smith virant et embauchant à des
cadences effrénées ses accompagnateurs, la faute aussi à une production
pléthorique qui aborde quantité de genres musicaux, la faute surtout à des
disques faits à la va-vite dans lesquels on ne prend pas la peine d’élaguer le
superflu et de travailler l’essentiel … en gros un joyeux bordel dans lequel on
est prié de faire son tri …
The Fall live 1985
De la bonne quarantaine de disques parus à ce jour,
reviennent souvent quelques-uns des années 80, correspondant aux premières
années du groupe et surtout à une période pendant laquelle Smith était quelque
peu « stabilisé » par son mariage avec l’Américaine Brix, elle aussi
guitariste, chanteuse et co-auteur d’un paquet de titres. Et ce « This
nation’s saving grace » fait partie de la poignée des disques de The Fall
à faire à peu près l’unanimité des fans …
Et effectivement, c’est un peu le foutoir … Même si
une ligne musicale semble dominer, celle d’une new wave ténébreuse et martiale,
servie par une brutalité et une sécheresse sonores peu communes. C’est clair,
The Fall ne vise pas les charts. L’anecdote (ou la légende ?) prétend que
Smith, mécontent de la production de John Leckie, pourtant une pointure (il a
commencé à Abbey Road, et s’est retrouvé plus tard aux manettes derrière
Radiohead ou Mumuse), aurait exigé que le disque soit pressé à partir d’un
enregistrement sur K7 des bandes master, ce qui lui donnerait cet aspect froid
et métallique …
Alors, on brasse pas de l’air à la batterie, on
assure une rythmique stricte, les guitares se contentent de mouliner des
accords en boucle, très peu d’arrangements, et la voix de Mark E. Smith qui
s’efforce d’aller aussi loin dans l’inexpressivité que Lou Reed, l’une de ses
idoles. Rajoutez pour les bilingues, les textes acides qui flinguent tout
ce(ux) que Smith n’aime pas (en gros, le reste de la planète), et on comprend
vite que l’on est en face d’un disque « difficile ».
Même si quelques titres donnent l’impression de
copier-coller, le couple Smith sait trouver quelques bonnes idées à la base des
meilleurs titres, tels « Bombast » (comme du Joy Division qui
reprendrait PIL, ou le contraire), « L.A. » (peut-être un hommage aux
Stooges, autre groupe chéri de Smith, mais ça sonne comme le Gun Club, ce qui
est loin d’être un reproche), « Rollin’ Dany » (en bonus, un
rockabilly saugrenu à la Cramps), « Gut of the quantifier » (martial
et sautillant comme du Talking Heads ou du Gang of Four)… et puis aussi
quelques morceaux qui marquent leur territoire, qui s’incrustent plus
facilement dans la mémoire… Le simplet « Paint work », bluette pop,
comptine totalement barrée, répétitive jusqu’à l’écœurement et parasitée par
des discussions, le lancinant « What you need », le très Cramps
(limite plagiat) « Vixen », le post-rock gothique de
« Barmy ». Et surtout, le titre le plus connu du disque, « I am
Damo Suzuki », hommage à Can et à leur chanteur japonais, sur lequel The
Fall essaye d’imiter le style (ça fait vraiment illusion au début, c’est moins
évident ensuite) très particulier du meilleur groupe expérimental des trente
derniers siècles …
Une anecdote pour finir. The Fall partage avec The
Cure bien des similitudes. Parfois assez proches musicalement, apparus à peu
près en même temps, groupes de fait d’une seule personne qui s’appelle Smith,
citant tous les deux Camus (The Fall baptisé ainsi d’après le roman « La Chute », le premier
titre de Cure « Killing an Arab » d’après « L’Etranger ») …
Et bien, logiquement, Mark E. Smith n’aime pas Robert Smith … Et vice-versa …
J’étais tranquille, j’étais peinard, chez moi, en
train de chercher un gimmick pour mon prochain com, quand j’ai vu le Grand
Véhicule se garer en face la porte. Un type est entré. Je l’ai toisé d’un œil
torve :
- Eh, Dieu, te gêne pas, fais comme chez toi, entre
sans frapper …
- Comment tu m’as reconnu, Lester ?
- Facile, Très-Haut, tu es coiffé comme Clapton à
l’époque de Cream, et puis tu fumes le Havane.
- Je vois que j’ai affaire à un connaisseur. Et
dis-moi, qu’est-ce que tu fous, là ?
- Ben, Votre Grandeur, j’essaye de trouver un plan
pour ma 574ème chronique de Muddy Waters.
- T’en as pas marre de te faire chier avec cette
musique de grabataires ? Pense à tes jeunes lecteurs de cinquante ans,
parle d’un disque pour eux, d’un disque électronique …
- Mais j’y comprends rien moi, à la musique
électronique, Tout Puissant. Vous voulez que je parle de David Guetta ?
- Et pourquoi pas des Boards of Canada, tant que tu
y es ? La musique électronique, y’a rien à comprendre. Tiens, écoute ça,
par exemple.
Par je ne sais quel prodige, du bruit se fit
entendre…
- Euh, Mon Seigneur, c’est à la bonne vitesse,
là ?
Dieu haussa les épaules.
- Et c’est qui, Votre Sainteté ?
- Les Fuck Buttons, ignare.
- Gloups, les Fuck quoi, Votre Altesse ?
- Les Fuck Buttons de Bristol. Tu connais Bristol au
moins ?
- Oui, Majesté, bristol, c’est du papier pour les
faire-part ou les invitations …
Dieu se regarda et donc, leva les yeux au ciel.
- Pfff … mais non, Bristol, la ville de Portishead
et Massive Attack. Tu les connais eux, au moins ?
- Affirmatif, Mon Prince, les tristos qui font du
dub au ralenti …
- N’importe quoi, enfin, passons … Les Fuck Buttons
sont la dernière sensation de Bristol. Ce disque, c’est leur second, produit
par Andy Weatherhall et …
- ‘Scuzez moi, Grand Timonier, mais Weatherhall,
c’est un grabataire aussi, il remixait les Rita Mitsouko y’a vingt ans.
- Tu veux que je déclenche sur toi ma colère
forcément divine ? Ferme-là et laisse moi t’expliquer … Les Fuck Buttons,
c’est deux gars qui font de la musique électronique, l’un influencé par le
post-rock de Mogwai, l’autre par la drone music, « Metal Music
Machine » de Lou Reed, ce genre de choses …
Les Fuck Buttons en train de faire tapisserie ...
- Putain, ça craint tout ça, Votre Eminence …
- Espèce de chochotte, tu n’y comprends rien, c’est
de l’avant-garde, c’est forcément bien … et tais-toi quand je parle. Donc
« Tarot sport » jette un pont entre ces genres novateurs et est
construit comme une longue odyssée sonore, avec tous les titres enchaînés et de
longues séquences de transition entre eux. Note que la plupart des morceaux
(exclusivement instrumentaux, aucune voix, même trafiquée, n’est décelable),
durent pratiquement tous dix minutes, ce qui permet d’installer les ambiances
hypnotiques et répétitives nécessaires. Et qu’on retrouve dans ces titres des
choses qui renvoient à la plupart des courants de la musique électronique des
vingt dernières années. Il y a de la house, du big beat, de la drum’n’bass, de
la trance, de la jungle, plein de choses pour réveiller plein de souvenirs chez
les connaisseurs. Note qu’on n’est pas dans l’ambient, ça bastonne au niveau
des BPM, y’a des morceaux où on s’approche des 150. Et puis, c’est un disque
qui fonctionne d’autant mieux qu’on l’écoute très fort. Tu suis ?
- Oui, mon Général. Un peu comme avec Ted Nugent,
plus on monte le son, plus c’est bon …
- Mon Moi ! Mais que me suis-je fait pour
mériter pareil obscurantisme …
- Non, je charrie, Votre Honneur, c’est pas si
mauvais que ça en a l’air. Tiens, D’ailleurs y’a des morceaux qui ressemblent à
Air. Enfin, Air repris par les Prodigy ou Orbital …
- Tu vois, quand tu veux, tu peux dire des choses à
peu près sensées. Donc tu vas laisser tes vieux croûtons habituels, et tu vas
dire du bien de ce disque des Fuck Buttons dans ton misérable blog … Et on
discute pas, c’est un ordre …
- Comme il vous plaira, Sire … Mais euh, Votre Altesse,
vous croyez que ça va intéresser quelqu’un les Fuck Buttons ?
- C’est l’avenir de la musique.
- Ah bon, si vous le dites, Excellence … Inch’Allah.
En me jetant un dernier regard courroucé et
méprisant, Dieu me quitta …
A près de soixante dix balais, il aurait pu se contenter
de sa petite réputation auprès du « grand public » et de sa grosse
cote auprès des autres musicos. Le musician’s musician par excellence. Il
aurait pu continuer à sortir des disques tous les deux-trois ans, qui certes ne
valaient pas ceux de ses débuts à la fin des 60’s, mais qui bon an mal an,
ravissaient son public clairsemé.
Ce « Locked down », rien qu’à voir la
pochette, on sent qu’il s’est passé un truc. Pas au niveau de la coiffure, Dr
John s’est toujours coiffé avec un poulpe. Non, non, l’indication cruciale,
elle est en bas à droite, c’est le logo du label, Nonesuch. Le label des
aujourd’hui très bankables Black Keys. Dont le guitariste Dan Auerbach a
produit et co-écrit tous les titres de ce « Locked down ». Que les
fans du duo à la mode ne se jettent pas sur ce disque, le bon docteur ne s’est
pas fait phagocyter par le Black Keys sound. Dr John, c’est pas le genre à se
laisser impressionner par le premier type à la coule venu. Pensez, on la fait
pas à un gars qui ouvrait pour les Stones au début des seventies. Dr John fait
du Dr John, avec du piano (son instrument de prédilection sous toutes ses
formes) omniprésent, tout juste peut-on noter de temps en temps quelque guitare
d’Auerbach qui dépasse du fouillis sonore habituel … Parce que McRebennack (son
vrai nom), c’est le spécialiste de l’épais potage sonore, bien épais et
consistant, d’où surnagent des bouts de blues, de jazz, de soul, de
rhythm’n’blues, des fanfares cajun, du groove à la tonne, une incompréhensible
voix nonchalante, … et tout ça mélangé, malaxé, trituré dans absolument tous
les morceaux. Le New Orleans groove dans toute sa splendeur par un des ses
meilleurs démiurges … On est ici en terrain connu.
Sauf que la confrontation-collaboration avec
Auerbach a peut-être obligé Dr John à sortir de sa routine, à écouter et
partager avec un autre, alors qu’il avait depuis longtemps l’habitude de n’en
faire qu’à sa tête. Rarement sa voix aura été aussi claire et précise, lui qui
d’habitude se contentait de marmonner et grommeler sur sa musique. Sans que
pour autant on puisse le confondre avec Florent Pagny.
En fait, le seul moment de flottement à l’écoute de
ce disque, c’est pendant l’intro de « Locked down », le titre. Une
similitude rythmique très troublante avec … le Magma de73. Le reste est, comme
d’habitude, indescriptible, humide, sale, moite, un joyeux foutoir groovy et
festif. On jurerait entendre le ronronnement des antiques amplis à lampes tant
on est loin du son actuel ripoliné et ultra-compressé.
De temps en temps, on perçoit une tentative de prise
de pouvoir par Auerbach, quand la rythmique se rigidifie un peu
(« Revolution »), ou « You lie » avec sa guitare aux riffs
très Black Keys, avant que les cuivres ne viennent faire tanguer et swinguer ce
boucan … Et puis, on sent que les deux ont du s’amuser, en écrivant pour
recréer des choses que l’on n’avait plus l’habitude d’entendre. Une paire de
titres très blackxploitation (« Gateway », « Eleggua »),
qui voient passer les ombres de Richard Roundtree, Ron O’Neal, Shaft, Superfly,
Curtis Mayfield et Isaac Hayes. On a droit aussi en filigrane sur quelques
morceaux à des chœurs féminins traités façon hippie enjoué, des choses qui
rappellent « Jesus-Christ superstar », « Hair », ce genre
de comédies musicales désuètes fleurant patchouli et baba-coolisme. Marrant,
parce qu’effet madeleine proustienne garanti.
Il faut attendre les deux derniers titres pour avoir
les choses les plus classiques, celles dont on peut désosser le plus facilement la mécanique. C’est très fin
années 60, l’un dominé par un Rhodes, l’autre par un B3, et ça évoque
furieusement ce que faisait Dylan à cette époque-là, c’est dire si c’est du
très bon …
Résultat, on se retrouve, un peu con parce qu’on
l’avait pas vu (re)venir, avec un bon disque de Dr John sur les bras. Qui ne
vaut pas « Gris-gris » ou « Gumbo », mais n’en est pas si
loin que çà …
Du même sur ce blog : Gris-Gris In The Right Place The Very Best Of Dr John
Ray Charles, c’est le Genius. Et si plein d’autres
contemporains, dotés d’un talent certain et d’un ego démesuré (James Brown,
Sinatra, Elvis, Miles Davis, Coltrane, …), ne lui ont pas contesté ce titre,
c’est peut-être bien que Charles le méritait.
En une décennie magique (en gros de 1955 à 1965), il
allait faire la synthèse de tous les genres de musique populaire existants et
jeter les bases de nouveaux. Venu du gospel et du jazz, il va s’approprier le
rock’n’roll naissant, le blues, la country et graver la définition du rythm’n’blues et de la soul, laissant à
chaque fois au passage quelques classiques imputrescibles.
Dresser la liste de ceux qui l’ont repris ou qu’il a
directement influencés est totalement impossible tant cette liste est
démesurée. Tous ceux qui se sont inspirés ou servis de la musique noire pour
créer la leur lui doivent quelque chose. Et des morceaux géniaux de Ray Charles
(je ne suis pas un grand connaisseur du bonhomme), il doit y en avoir de quoi
remplir des coffrets de plusieurs Cds.
Le problème de ce « Ultimate Hits
Collection » en deux Cds et trois douzaines de titres, c’est qu’il s’agit
d’une « compile de supermarché » (c’est là que je l’ai achetée
d’ailleurs il y a bien longtemps quand je voulais les versions originales de tous ces morceaux que je connaissais
repris par d’autres. Et même si c’est édité par Rhino, gage de qualité sonore,
de travail sérieux et de notes de livret intéressantes). Une jolie ( ? )
photo consensuelle, un intitulé ronflant, et au final les 2/3 du second Cd qui,
comment dire, … ne sont pas géniaux. Des titres des années 70 et 80 avec de
grandes orchestrations, des cascades de violons, des roucoulades d’armées de
choristes, des morceaux avec Willie Nelson, Chaka Khan, Quincy Jones, … eux
aussi pas dans leurs meilleures périodes.
La faute aux clopes et au bourbon qui ont amoché la
voix de Charles. A l’héroïne qu’il a consommé en quantités industrielles et
qui, comme chez tous les autres, a fini par lui bouffer la créativité et
l’inspiration. Ray Charles, comme tous les autres artistes noirs de sa
génération, a été copieusement détroussé au début de sa carrière par
l’ « industrie musicale ». Et parce qu’il faut payer les
croquettes du chien et l’eau de la piscine, comme tous les autres, il a fini
par faire de l’ « alimentaire » … même si sa soupe à lui est
quand même meilleure que celle de beaucoup d’autres …
Parce qu’on a tendance à l’oublier, Il est à la base de
tout. Enfin, du rock’n’roll au moins. Que ce soit dans le blues, la country, le
folk, on le retrouve dans un paquet de titres antédiluviens. Et sans parler de
la soul ... ils ou elles ont toutes commencé dans les églises … La source
d’inspiration, la quête de rédemption, toutes ces choses…
Même si à un moment, y’a eu comme un bug … Robert Johnson
au Crossroad, « Helter Skelter » et Manson, « Sympathy for the Devil » et Altamont, Black Sabbath
et le satanisme de pacotille, et tout ce qui a suivi…
Tout ça pour dire que plus encore que les gonzesses et
les bagnoles, c’est la religion qui a été au cœur de la musique plus ou moins
populaire depuis cent ans … Tout ça aussi pour meubler, parce que Louis
Armstrong et son jazz à trompette, j’y entrave que dalle … Mais lui aussi a
touché au « sacré » …
Quand un populaire trompettiste de jazz s’attaque au
chant religieux, cela donne le forcément biblique « Louis and the Good
Book » (le « good book », c’est l’Ancien Testament). Soutenu par
une (superbe) chorale, rajoutant quelques touches de trompette, Armstrong a
visiblement pris grand plaisir à poser sa voix si particulière sur cet
enregistrement, à la bonne humeur et à la ferveur communicatives… euh, non, pas
communicative la ferveur, faut pas déconner non plus …
Bien sûr, il est vivement conseillé d’apprécier a
priori ce que l’on nommait autrefois avec une forte connotation raciste le
« negro spiritual » pour profiter pleinement de ce Cd exclusivement
consacré au genre.
A noter une copieuse section bonus (par rapport au
vinyle original) d’une piètre qualité sonore et musicalement inférieure
également (2 sermons putain de pénibles à la fin) mais qui ravira les amateurs
d’Armstrong et du genre.
Voilà voilà … j’ai lu je sais plus où que si on doit
avoir qu’un seul disque de spirituals, c’est celui-là. Ça tombe bien, je compte
m’arrêter là …
On ne dira jamais assez l’importance de Patti Smith
dans le monde machiste du rock. La première à avoir imposé une vision féminine.
Jusque là, des chanteuses, parfois d’exception et difficiles à
« gérer » (Joan Baez, Janis Joplin), le plus souvent des poupées de
cire ou de son (les girl groups), manipulées par Spector, Gordy, Fowley, … A
l’extrême marge, des activistes blacklistées (Buffy Sainte-Marie et son folk
indigène, Angela Davis et son engagement politique et social, même si elle n’a
pas fait de disques, elle a été très influente), rejetées par une culture
blanche de rednecks.
Patti Smith, avec sa formation littéraire, est venue
habiter New York pour côtoyer ses idoles Bob Dylan et le Velvet Underground à
la fin des sixties. Des piges pour des mags musicaux, des textes pour le Blue
Oyster Cult, des « performances » théâtralisées dans le Village où
elle déclame ses poèmes rimbaldiens. Et puis, « Horses », l’année
d’avant ce « Radio Ethiopia », est un des quatre ou cinq disques
essentiels et indispensables des années 70. Pour plein de bonnes raisons.
Ce « Radio Ethiopia » paru en 1976 sous
l’intitulé du Patti Smith Group est loin de le valoir. Pour là aussi plein de
bonnes raisons. Et la plus évidente, c’est qu’on n’y trouve rien du niveau de
« Gloria », « Redondo Beach », « Break it up » …
Juste des morceaux qui se voudraient bruitistes (façon second Velvet
Underground) et ne sont finalement que bruyants, ou pire, braillards. La
production de Jack Douglas n’arrive pas à la cheville du travail de John Cale
sur « Horses ».
En fait « Radio Ethiopia » sonne comme une
performance musicale théâtralisée et non pas comme un disque de rock. Parce que
de rock, il n’en est pas question dans « Radio Ethiopia »
Patti Smith, référence majeure de toute la future
vague punk new-yorkaise, et de toutes les artistes féminines qui feront par la
suite de la musique en général et du rock en particulier, sombre corps et biens
dans ses poèmes plus parlés que chantés et la musique dissonante qui les
accompagne.
« Radio Ethiopia » est un copier-coller
bâclé de « Horses ». Il faudra attendre que Patti Smith revienne au
rock et aux chansons avec « Easter » pour la retrouver à nouveau au
sommet.
De la même sur ce blog : Radio Ethiopia
L’histoire est devenue célèbre, c’est celle de quelques
amis écossais qui enregistrent en quelques heures un disque dans le cadre de
travaux pratiques d’une école de marketing musical. Un disque pressé (en
vinyle) à mille exemplaires. Qui fera l’objet d’un buzz colossal lorsque le
suivant, « If you’re feeling sinister » rencontrera le succès. Et
sera dès lors bien évidemment réédité …
Hey, t'as vu ? On est sur le blog de Lester ...
Et pour une fois, les rumeurs étaient dans le vrai. Ce
« Tigermilk » de 1996 renoue avec des ambiances, des sons, une
simplicité que l’on croyait à jamais disparues de la perfide Albion, noyée sous
les mille-feuilles de guitares saturées des frères Gallagher. « The state
I’m in » qui inaugure, renvoie dès son intro au troubadour neurasthénique
Nick Drake, et quand les instruments se mettent en place, surgissent les
lointains échos sixties des mélodies de Donovan, Cat Stevens, Fairport Convention
… Du folk 60’s donc, mais macéré dans trois décennies d’évolution musicale. Le
tout porté par la belle voix grave et voilée de Stuart Murdoch, leader et âme
du groupe … La mélodie et la tristesse sont chez Belle & Sebastian au cœur
de tous les morceaux, mais par un de ces hasards que seul un réel talent peut
provoquer, le résultat est tout à l’opposé d’un disque sinistre. Ces morceaux
comme en apesanteur, se voient nimbés parfois de cordes, de synthés discrets et
légers, … Voire même de trompettes comme les Pale Fountains les utilisaient
dans les 80’s. Parfois, c’est la structure rythmique qui est discrètement
originale, « I could be dreaming » débute comme un ska épaulé par de
petits riffs de guitare très Mick Jones (le bon, celui des Clash).
Mais c’est surtout la référence évidente aux Smiths,
archétype du groupe typiquement anglais, sur de nombreux titres
(« Expectations », « You’re just a baby », « I don’t
love anymore » …) qui marquera les esprits. La recette de cette pop triste
et mélancolique, que l’on croyait disparue avec le split du groupe de Marr et
Morrissey, réapparaît conjointement chez Belle & Sebastian et leurs cousins
sonores de Tindersticks.
Toute une frange de la presse musicale anglaise, relayée
par ici par le fan-club des Smiths (Les Inrocks) va être intarissable de
superlatifs et lancer la carrière de ces deux groupes.
Aujourd’hui, le soufflé est quelque peu retombé, on parle
davantage de Belle & Sebastian comme de l’ancien groupe de la belle Isobel
Campbell (présente mais bien discrète sur ce « Tigermilk »). Reste
tout de même ce premier disque, un des debut-albums les plus réussis et les
plus marquants des années 90.
A une exception près … Il y a un titre absolument
horrible au milieu du Cd (« Electronic Renaissance ») qu’on jurerait
échappé de chez les new waveux Orchestral Manœuvres In the Dark et dont on se
demande ce qu’il vient faire là …
Un couple de Montreal, Québec, sur un label indépendant,
qui sort des disques dans les années 2000 … ça vous fait penser à
personne ? J’en vois qui sont abonnés aux Inrocks et qui hurlent
« Arcade Fire ! ». Perdu, je parlais d’un bon groupe … Celui
dont au sujet desquels il est question là présentement est The Besnard Lakes.
Les qui ?
Les Besnard Lakes, groupe formé autour de Jace Lasek, un
rat de studio d’enregistrement (le sien, spécialisé dans le rock indie plutôt
undergroung), et sa moitié Olga Goreas. Tous deux multi-instrumentistes et
chanteurs, compositeurs et of course producteurs de ce « … are the Black
Horse ». Black Horse ? ça vous fait aussi penser à un autre
canadien ? Neil Young ? Gagné … enfin presque, Neil Young surtout à
son époque guitares distordues de la fin des années 80, circa
« Freedom – Ragged glory – Weld ». Parce que les Besnard Lakes
(un vrai groupe, au-delà du couple leader) prennent un malin plaisir à étirer
leurs morceaux, tartinées de guitares lancinantes qui rappelleront aussi les
furieux freaks d’Hawkwind, les Warlocks, voire le shoegazing.
Mais les guitares ne sont qu’un accessoire comme tant
d’autres, voir la liste impressionnante des instruments présents sur ce disque,
on ne risque pas de confondre Besnard Lakes avec le Brian Jonestown Massacre.
Il y a sur ce « … Black Horse » des mélodies à la pelle, bien en
avant, et tout le monde chante ou fait les chœurs, mettant en place des
harmonies vocales évoquant les Beach Boys tristes de « Surf’s up ».
Rajoutez à cela des titres résolument
optimistes (« Disaster », « Devastation », …) et les
textes barrés-flippants qui vont avec, et vous obtenez un disque qui empeste la
descente d’acide, la fin de trip noirâtre …
Evidemment, du glauque’n’roll de ce genre, beaucoup s’y
sont essayé. Peu ont cependant réussi à en tirer quelque chose de majestueux.
Les Besnard Lakes y sont parvenus, et ce disque est pour moi une des meilleures
rondelles des dix dernières années. L’album suivant (« … are the roaring
night »), empêtré dans une sophistication progressive et pompière
(pléonasme), ne sera malheureusement pas du même niveau …
On va pas refaire l’histoire, la réécrire … Encore moins
faire une bio ou une nécro. Je bosse pas aux Pompes Funèbres du rock… Il est
des destins qui s’écrivent tout seuls, sans que qui ce soit ait à les forcer.
Et celui d’Amy Winehouse était tellement prévisible, qu’il n’y aura finalement
que tous les Pujadas de JT qui ont pu feindre la surprise ou l’incompréhension
quand elle a clamsé.
Pour moi, Amy Winehouse, ça restera un putain de bon
disque qui à lui seul a relevé le niveau des années zéro. Un disque pour les
vieux, tous ces grabataires qui savent que Wilson Pickett ou Marvin Gaye ne
sont pas des rugbymen. Un disque de vieille soul américaine. Et là où ça
prenait une tournure surréaliste, c’est qu’il était fait par une jeune Anglaise
de vingt-trois ans. Tatouée avec un mauvais goût de docker, coiffée comme
Aretha « Lady Soul » Franklin ou Dusty « In Memphis »
Springfield, fringuée comme une pute roumaine de bord d’autoroute…
Et pourtant ça n’avait pas très bien commencé. J’avais
entendu une pub à la radio, avec un type qui baragouinait un truc du genre :
« Avec Amy Winehouse, la nouvelle révélation soul, revivez la légende
Tamla ». Derrière, en fond sonore, des extraits de « Rehab », 45T
éclaireur de ce « Back to black ». Tamla de la soul ? C’est
nouveau, il me semblait plutôt que c’était Stax ou Atlantic. Comme quoi les
directeurs marketing des maisons de disques sont même pas foutus de promouvoir
correctement des artistes exceptionnelles comme Amy Winehouse. Parce que moi,
ce que j’entendais, c’était des « no, no, no » gospel et cette voix
grave et soyeuse, naturelle. On sentait pas la technique d’une Castafiore
braillarde comme chez toutes ces fuckin’ québecquoises dont on nous gave depuis cent ans …
Le flash … quelques jours après, le Cd est sorti et a tourné plus que de raison
dans le lecteur.
Un Cd sur lequel il n’y a pas grand-chose à jeter, à
l’opposé d’un single malin entouré de sinistres daubes. Un truc cohérent, avec
une couleur et une unité de son homogène. Dus à un assemblage hétéroclite,
celui d’un jeune producteur tendance Mark Ronson, et de vieux de la vieille,
les Dap Kings, musiciens de studio du label revivaliste soul américain Daptone
Records qui végétaient dans l’anonymat comme backing-band de Sharon Jones, leur star
inconnue … Emmené par des simples ô combien évidents, « Rehab »,
« You know I’m no good », « Back to black », « Love is a
losing game », qui arrivèrent à concilier tendances, courants et chapelles a
priori antagonistes, surfant sur un retro-futurisme-revivalisme-machin (de
toutes façons, depuis en gros le milieu des seventies, tout n’est que rabâchage
permanent), Amy Winehouse récolta un succès aussi bienvenu que quelque peu
démesuré, comme le music-business et le buzz savent si bien les générer, dès
lors qu’ils sentent entre leurs pattes quelque personnage hors-normes. On s’aperçut
même qu’elle avait sorti un disque auparavant (« Frank », que j’ai
pas réussi à écouter jusqu’à la fin mais qui m’a tout l’air épouvantable). Le
reste s’écrira à la une des tabloïds, la toxique diva se révélant totalement
destroy et nettement plus punk que tous les Blink Chose et Sum Bidule réunis.
Certains lui prédisaient une carrière à la Aretha
Franklin, elle choisira une courte vie à la Janis Joplin … Reste ce « Back
to black » miraculeux qu’on ne se lasse pas d’écouter …
Ceux qui les ont vus live depuis bientôt trente cinq
ans vous en parleront avec des trémolos dans la voix. Ceux qui n’ont qu’écouté
leurs disques ne comprendront rien à cet engouement. Les Fleshtones, c’est le
groupe de scène par excellence, qui passe sa vie sur la route à prêcher la
bonne parole rock-rhythm’n’blues dans de petites salles devant leurs éternels
fidèles.
Les Fleshtones ont commencé dans le New York qui
rocke de la fin des 70’s, mais ne seront jamais vraiment rattachés à la scène
punk-CBGB, dont ils n’ont d’ailleurs retenu que l’énergie live. Ils commencent
sur les mythiques petits labels habituels (ROIR, Red Star), leur réputation
grandit, et Miles Copeland, frère de Stewart, batteur blond peroxydé, les signe
au tournant des 80’s, sur son label IRS Records, un des « gros »
indépendants des années 80. Au passage, il est assez réjouissant de constater
que ce sont les thunes rapportées par Police (Miles Copeland gravite dans le
management du groupe), qui serviront à financer les premiers pas de gens comme
R.E.M., Go-Go’s, Wall of Voodoo, Concrete Blonde …
Ce « Roman Gods » est souvent considéré
comme le meilleur en studio des Fleshtones, et correspond au casting majeur du
groupe, les deux leaders Peter Zaremba (chant, harmonica) et Keith Streng
(guitare), le batteur Bill Millhizer, les frangins Spaeth aux cuivres, le
producteur Richard Mazda (spécialiste du rock et du son garage) … C’est à peu
près la seule époque où les Fleshtones auront quelques moyens pour enregistrer
un disque.
Ce « Roman Gods » à la pochette cheap
(inspirée d’une du Butterfield Blues Band on dirait, et une compile de Mitch
Ryder lui ressemblera étrangement 10 ans plus tard) n’était pas à l’époque pour
les fans de Dire Straits. Amateurs de muzak d’ascenseur ou de supermarché (un
ange passe, avec l’intégrale de Coldplay dans son iPod), circulez, c’est pas
pour vous.
Comme si tout s’était arrêté depuis quinze ans, les
Fleshtones sortaient en 1982 un super disque comme on en faisait en 1967. Des
choses à base de rock garage (l’instrumental d’ouverture « The
dreg », leur vision à eux de la surf music je suppose), d’antique
rhythm’n’blues (pas un hasard si la seule reprise du disque est le « Ride
your pony » de Naomi Neville popularisé par Lee Dorsey, l’antique figure
du genre à la Nouvelle-Orléans), de compositions qui sans être transcendantes
traduisent bien l’énergie dont on toujours fait preuve les Fleshtones. Un titre
à toute blinde (« R.I.G.H.T.S. ») permet d’avoir une idée de ce que
peut être un concert du groupe.
D’autres de leurs contemporains, et dans des genres
parfois pas très éloignés, ne feront certes pas fortune, mais acquerront une
très grosse renommée (Cramps et Gun Club notamment). Les Fleshtones n’auront
aucune reconnaissance commerciale, et même pas d’estime … Et pourtant, ils le
mériteraient au moins autant que les autres …
Mais bon, plutôt que de traquer leurs disques (pas
facile, une production assez labyrinthique dispatchée sur quantité de petits
labels), s’ils passent dans une petit rade près de chez vous, c’est là qu’il
faut aller …
Plus anglais et plus grandes gueules qu’eux, difficile de
trouver mieux. Tellement ancrés dans le patrimoine musical de l’île qu’ils sont
vite devenus une caricature, d’eux-mêmes d’abord, et du rock à guitares de la
seconde moitié des années 90 ensuite.
Oasis, la chose des frères Gallagher. Enfin, surtout de
l’aîné, Noel, roadie-guitare des peu inspirés Inspiral Carpets, lui-même
guitariste moyen, gras et lourd, mais habile compositeur, qui, quand il aura
bien vu et compris ce qui agite le rock’n’roll circus, montera son propre
groupe. Avec son cadet, Liam, encore plus tête brûlée que lui, mais grand
chanteur, et quelques faire-valoir interchangeables.
Vous êtes sûr que vous en faites un peu trop, les gars ?
Ayant parfaitement compris que faire parler de soi, c’est
au moins aussi bien que de sortir de bons disques, les Gallagher vont pousser
le bouchon de la communication plutôt
loin. Avant même d’écouter leurs disques, on savait qu’ils étaient de
Manchester, supporters hooliganesques de
Manchester City, prolos et fiers de l’être, électeurs du Parti Travailliste. Toute
une esthétique savamment entretenue qui en fera le prototype des lads (en gros
les mauvais garçons) provinciaux. Les Gallagher sont ambitieux, ils veulent
faire d’Oasis le plus « grand » groupe du monde, et ils y arriveront.
En s’inspirant de choses qui ont déjà fait leurs preuves, les Beatles de 66-67 et
les Stones de 68-69.
Après une première livraison époustouflante au succès phénoménal (« Definitely
maybe »), une guerre médiatique Blur – Oasis savamment (?) entretenue par
les frères Gallagher, la pression sur le groupe était énorme. « … Morning
glory » était un des disques les plus attendus (au tournant) des années
90.
Le résultat sera à la hauteur de toutes les espérances.
Deux énormes hits (« Roll with it », « Wonderwall »),
pratiquement tout le reste au même niveau (juste 2 ou 3 titres plus faibles).
Avec ce Cd, les Oasis avaient tout pour devenir les maîtres du rock mondial. La
suite n’a malheureusement que peu souvent à voir avec la musique : de la
cocaïne à la tonne, des disputes et des bagarres fratricides, l’incapacité à
faire leur « boulot » (combien de concerts annulés rien qu’en France,
avant la débandade finale ?), tout cela allait entraîner un lent mais sûr
déclin. Aggravé par des concessions stupides à leur formule de départ, Noel
voudra chanter quelques titres (il chante comme une casserole), et Liam
composera ce qu’il croit dur comme fer être de bons titres (de grosses daubes
en fait). Ils auraient dû s’en tenir à ce qui a fait leur succès.
En 1995, avec « … Morning glory », les Oasis
étaient tout en haut, intouchables de talent au-dessus de la mêlée. Dès le
disque suivant, le déclin artistique commencerait. La messe était dite …