OTIS REDDING - OTIS BLUE (1965)


Respect ...

Avec ce disque, les choses sont simples. Au chant, Otis Redding, le plus grand chanteur des années 60. Derrière lui, le meilleur backing band du siècle dernier (et suivants), Booker T & the MG’s. Et accessoirement, « Otis blue » est le meilleur disque d’Otis Redding.
Vous me croyez pas ? Faut que j’explique ? Bon, vite fait alors, z’avez qu’à écouter le disque … Comment, vous l’avez pas ? Shame on you !
Otis Redding, d’abord. Qui fait même pas partie du Club des 27, puisqu’il est mort à 26 ans. Et qui n’a enregistré des disques que les quatre dernières années de sa courte vie. Aussi peu de temps en activité, et une telle réputation, cherchez pas, y’a que Buddy Holly et Hendrix dans ce club-là. Otis Redding a révolutionné la façon d’aborder la soul music. En ne cherchant pas la version vocale parfaite, mais la plus viscérale. Otis, c’est pas le chant le plus pur, c’est le chant le plus expressif, usant et abusant de brusques sautes de tonalités et d’un tremolo instantanément reconnaissable. Un chanteur explosif, encore meilleur sur scène qu’en studio, où il dynamite ses classiques, ou ceux des autres.
Les MG’s. Déjà à la base un truc hors normes. Deux noirs et deux blancs à une époque où les groupes interraciaux étaient aussi rares que des lueurs d’humanité dans le regard de Bachar el-Assad. Booker T Jones à l’orgue, Al Jackson à la batterie, et les deux visages pâles Donald « Duck » Dunn à la basse et Steve Cropper à la guitare. Le groupe de studio attitré des artistes Stax-Atlantic, des forçats de la session, mais pas seulement. Entre 63 et 72, des centaines de titres sur lesquels ils jouent, une dizaine d’albums instrumentaux sous leur nom, plus les tournées derrière les fameuses revues Stax. Sur « Otis blue », ils bénéficient de l’apport  d’un inconnu qui ne le restera pas et qui commence à faire ses gammes aux claviers (Isaac Hayes) et d’une section de cuivres.
Donald Dunn, Booker T Jones, Steve Cropper, Al Jackson. : Booker T. & the MG's 
« Otis blue ». Trois énormes classiques de Redding et des sixties en général, « Respect », « Shake », « I’ve been loving you too long ». « Respect », ce sera un encore plus gros hit par Aretha Franklin trois ans plus tard. La diva chouchroutée en donnera une version plus radiophonique. Ici, c’est la version originale, écrite par Otis lui-même, plus brute de décoffrage, plus vivante aussi. « Shake », une reprise de Sam Cooke (l’idole de Redding) c’est un rhythm’n’blues syncopé et furieux. « I’ve been loving you too long », c’est la plus belle ballade soul du monde. Frissons garantis. Et les sept autres titres, c’est pas du remplissage, ils auraient fait la joie de beaucoup à l’époque, et ne comparons même pas avec les pénibles brailleries d’aujourd’hui. Une majorité de reprises (Otis ne signe ou co-signe que trois titres). Deux autres de Sam Cooke, son posthume et plus gros hit « A change is gonna come », débarrassé ici des encombrants violons qui parasitaient la version originale, et également « Wonderful world » avec un gros travail sur la batterie et les cuivres. Une reprise du « My girl » des Temptations, relativement différente de l’originale, les deux sont monumentales. Plus sujette à discussion est la version d’Otis de « Satisfaction » de … qui vous savez, ou alors putain, qu’est-ce qu’on vous a appris à l’école ? Ce titre est l’hymne définitif avec son riff très chargé en fuzz qui a ouvert la voie à tout le rock garage des 60’s. Joué « proprement » par Cropper, et avec l’adjonction d’une section de cuivres comme ici (pour l'anecdote les cuivres étaient prévus sur la version des Stones qui finalement n'en ont pas voulu), c’est radicalement différent, très orienté rhythm’n’blues. Techniquement la version d’Otis est évidemment parfaite, qu’il me soit permis de quand même préférer d’assez loin l’originale. A côté de pareille avalanche de merveilles, les titres restants ont eu du mal à se frayer un chemin vers la gloire. Ils n’en démontrent pas moins le génie vocal de Redding et la mise en place fabuleuse des MG’s. Que ce soit sur du strict blues (« Rock me baby » signée B.B. King) que feraient bien d’écouter ceux qui ne jurent que par Mayall ou Fleetwood Mac, ils verraient la différence entre les bons élèves appliqués et les maîtres (avec un solo de Steve Cropper efficace, et non pas démonstratif par exemple). Que ce soit sur le rhythm’n’blues (« Down in the valley »), ou la ballade soul (« You don’t miss your water », siamoise de « I’ve been loving you too long », c’est dire le niveau). S’il fallait à tout prix déceler dans cette demi-heure magique un maillon faible, mon choix se porterait sur l’introductif « Ole man trouble », pourtant un indéboulonnable dans la kyrielle de compilations consacrées à Otis Redding.
Putain d’avion …

21 commentaires:

  1. Extraordinaire en effet!
    T'es un peu raidos quand tu compares Cropper avec Fleetwood Mac (et donc Peter Green). Les Mac c'étaient du blues à guitares (2 et même 3) et basta. Otis c'est de la soul, privilégiant le rythme avec de l'orgue et guitare/sax se partageant les soli. Pas tout à fait la même démarche, donc les moyens utilisés diffèrent.
    J'ai bien compris ton aversion pour la "démonstration", mais dans les 60's le public blanc était dingue de ces soli à rallonge sur lesquels il délirait dans un état plus ou moins...second..

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je parle du seul titre blues de ce disque ...
      http://www.youtube.com/watch?v=80c6cK21ANc

      Supprimer
  2. Otis, c'est de la musique d'ascenseur ? Pffff, en être réduit à ces jeux de mots foireux dans la longue "séquence" qui s'annonce, entre "songwriters" cacochymes et chevelus en panta moule-burnes...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est pas possible Francesco, des fois t'es vraiment une buse!...
      Tiens j'ai un truc pour toi, au Deblocnot', il est question de défilés de lingerie au stade de France avec une rouquine pas forcément carmélite...Y parait même qu'elle est accompagnée par une fanfare...

      Supprimer
    2. Ah ah ah, excellent ! On y vient tous ! Mais y'a une coquille dans ce texte ("à son âge ça reste une belle femme sans chirurgie esthétique")... :)

      Supprimer
    3. Je crois que je l'avais déjà posté, mais c'est le moment où jamais de lui en remettre un coup :
      http://www.youtube.com/watch?v=L2f1WwhRYFA

      Supprimer
    4. Farmer, Stupeflip, c'est très nul tout çà, surtout Stupeflip ... on dirait du Gainsbourg qui sort de rehab ...

      Supprimer
    5. Stupeflip, c'est génial. Les morceaux pourris c'est fait exprès pour faire chier. Et encore, des trucs comme 'Le petit blouson en Daim" ou "Gaëlle" ça m'éclate totalement, au premier degré. Mais c'est avant tout du hip-hop complètement barré, et là, rien à dire, c'est fantastique.

      Supprimer
  3. Ah ouais tiens, il irait bien à côté de Sam Cooke at Harlem Square Club.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Si tu veux du Redding en public, c'est "Live in Europe" ou "Monterey Pop Festival" (à l'origine une face du 33T Otis, et l'autre Hendrix, chacun dans un de ses meilleurs concerts...)
      D'ailleurs, vais aller voir comment c'est réédité ce truc, y'a peut-être les deux concerts en entier maintenant ...

      Supprimer
    2. Ah les gougnafiers, c'est même pas réédité du tout le concert d'Otis ...

      Supprimer
    3. L'industrie du disque est plus intéressée par ressortir quinze mille éditions des même albums, toujours les mêmes...

      Supprimer
  4. C'est pas sympa pour Lester de parler de la Mylène du Déblocnot... (quand j'y pense.... la fermière au Déblocnot... tout fout l'camp, pourquoi pas Balavoine pendant qu'on y est...) surtout quand on cause du Otis.
    A la rubrique live d'Otis, y'a les prestations au Whisky a gogo, part I et II, mais c'est bidouillé. Que j'ai avec le Live in Europe, mais l'un comme l'autre, ce n'est pas la joie je trouve, mal enregistré, et le groupe de scène n'est pas le même que le groupe de studio (les MG's). Un peu répétitif aussi, une ballade, un scud, une ballade, un scud... couplet refrain, et à 2'15, on entame les "hey hey, shake, shake" avec le riff de cuivre qui tourne en boucle. Je crois que Otis Redding, en live, était plus impressionnant à voir, qu'à écouter sur disque 40 ans après (au contraire d'un Hendrix, toujours aussi passionnant en live).

    Assez d'accord avec la remarque de Loco, on ne peut pas vraiment comparer un blues joué par des musiciens soul de studio, et par des bluesmen, encore moins s'ils sont blancs, anglais et hippie !!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Y'a eu pire, au Déblocnot ... J'y ai même lu du bien de Yes ... A côté de ça, la fausse rousse c'est Bessie Smith ...

      Le "live in Europe" (y'en a peut-être plusieurs, celui que j'ai c'est Otis en costard rouge sur fond noir, c'est bien le MG's qui l'accompagne... Répétitif si on veut, c'est pas Status Quo quand même ...

      Tous les disques live sont (plus ou moins et plutôt plus que moins)bidouillés. Sauf "Wild world" (enregistrement et gravure simultanée du master) de Joe Jackson, mais le public était obligé de se taire, on l'entend jamais, et ça sonne comme un album studio, ce qui au final est assez con, surtout que tous les titres étaient des inédits ...

      Supprimer
    2. C'est Big World. Je le sais car vu à l'époque pour la tournée Big World Tour...1986 quand même!...

      Supprimer
    3. bien sûr que les disques live sont plus ou moins bidouillés (sauf un certain "fait au Japon"...) mais dans le cas de Otis Redding, ça va plus loin, puisqu'ils sont posthumes, et il fallait fabriquer un "live" à partir de bandes qui n'étaient pas destinées à la commercialisation. A part James Brown et son premier "Apollo", le disque "live" n'était pas encore à la mode. En plus, les moyens mis en oeuvre pour enregistrer live des groupes de soul, noirs, en 1966, étaient plutôt modestes...

      le Joe Jackson, très bien !!! Et non, pas con je trouve, il voulait jouer ses chansons, nouvelles, devant un public, et donc dans une salle de spectacle et non un studio. Mais comme ce n'était pas non plus un concert, il demande au public de se taire.... Inédit, original... Ca me rappelle la démarche de Douglas Fairbanks, qui sur le tournage de ses films, invitait le public, comme au cirque !!!

      Supprimer
    4. Oui, oui peter... Big world ... en plus j'ai tous les Joe Jackson jusqu'au début des 90's ...
      Jamais vu sur scène ... il avait pas bonne réputation, génial et sympa un soir, froid, hautain et prétentieux le lendemain ...

      Supprimer
    5. Hum, le "Fait in Japan", reprenant des extraits de trois concerts, c'est une compile, comme tous les autres ...

      Supprimer
    6. Me souviens qu'il déconnait pas mal, arrivant sur scène avec un gros coussin sur le bide sous ses fringues. Mon seul regret c'était l’absence de son bassiste attitré, Graham Maby, pour moi un des meilleurs que j'ai jamais entendu! Avant qu'il vire au jazz prétentieux, le son de J Jackson c'était le groove faramineux du bassiste!!

      Supprimer
  5. Joe Jackson, vu en concert pour Night and day II. Olympia. Un peu froid et carré au début, pendant une heure. En fait, pendant que France Inter retransmettait le concert en direct... Puis il nous a dit : ça y est, la radio est partie, on est entre nous, donc on y va, on commence vraiment à s'amuser !!Son dernier passage à l'Olympia était fameux (avec une percusionniste incroyable), filmé pour Arte pour Internet, on peut revoir le concert gratos pendant un an !!

    PS : Une compile d'extraits live ce n'est pas du bidouillage !!!

    RépondreSupprimer