U2 - THE JOSHUA TREE (1987)

 

Zabriskie Point ...

Quand commence la seconde moitié des années 80, U2 écrase toute forme de concurrence en Europe. Les quatre potes Irlandais sont devenus le groupe rock phare du Vieux Continent. Avec une musique pleine d’hymnes aux guitares carillonnantes, un chant tout en lyrisme (pompier disent les détracteurs, détracteurs qui n’ont pas toujours tort), et une production toute batterie en avant qui les fait instantanément reconnaitre au bout de trois mesures. Pour leur défense, on peut aussi dire qu’ils ont tenté (et réussi si l’on s’en tient au strict résultat commercial), un virage assez risqué en allant se faire produire par le Canadien Daniel Lanois et surtout Brian Eno, maltraiteur de sons en chef (leur quand même assez décousu « The unforgettable fire »).

The Edge, Larry Mullen, Adam Clayton, Bono : U2 1987

Avec « The Joshua Tree », les U2 ne changent pas une équipe qui gagne, mais décident de placer la barre beaucoup plus haut, l’objectif après l’Europe étant de conquérir le marché américain, soit devenir the next big thing around the world. Mission accomplie. Et fait assez rare pour être souligné, sans se compromettre éhontément dans le « commercial », et sans rien renier de ce qui avait fait U2 depuis ses débuts. Alors oui, « The Joshua tree » est un disque américain, en tout cas le disque le plus américain de toute la discographie de U2.

Ça commence avec la pochette. Toujours signée Anton Corbjin, en totale rupture avec leurs précédentes. Très arty, à l’opposé du gosse (le même) en gros plan (« Boy », « War »), de la photo passe-partout des quatre (« October »), du vieux château so british envahi par le lierre (« The unforgettable fire »). La photo de « The Joshua tree » a été prise en Californie, dans la désertique Death Valley, et précisément au Zabriskie Point, son endroit le plus célèbre et touristique (et pas seulement à cause du film d’Antonioni). Le joshua tree est un végétal qui pousse dans le coin, à mi-chemin entre l’arbuste et le cactus. Celui qui est au verso de la pochette est devenu un quasi-lieu de pèlerinage (il a fini par crever de soif, et un gros finaud l’a abattu à la tronçonneuse, gros émoi du U2 fan-club).

Joshua Tree Tour 1987

« The Joshua tree », avant même de l’écouter, il suffit de regarder la tracklisting pour voir à quel point ce disque se veut américain. Tous les titres de chansons pourraient être des titres ou des répliques de western. Et ces titres sont agencés dans un ordre particulier derrière lequel il y a une histoire. Si tous les titres ont été produits par Eno et Lanois, certains mixages de morceaux ont été réalisées par leur historique metteur en sons, Steve Lillywhite. Une fois son boulot terminé, une soirée familiale a été organisée avec les U2. A laquelle participait Kirsty MacColl, chanteuse anglaise (cf son succesful duo avec Shane McGowan des Pogues « Fairytale of New York »), à la ville Mme Lillywhite. Elle est autorisée à écouter les bandes, et classe les onze titres du disque en fonction de ses goûts personnels, du meilleur au moins bon. Quand ils voient cette liste, les U2 (et leur management, maison de disques, …) décident de la conserver telle quelle pour l’ordre des titres du disque. Force est de reconnaître que dame MacColl avait des goûts personnels raccord avec ceux du public, puisque les trois premiers titres ont été les trois plus gros succès du groupe lorsqu’ils sont sortis en single.

Par ordre d’apparition, d’abord « Where the streets have no name », qui pose la trame de tout ce qui va suivre. Des nappes discrètes de synthés, une note de guitare répétée, puis la rythmique se met en place et « lance » le titre ; il faut attendre 1’45 pour entendre la voix de Bono. Même si c’est la plus longue intro du disque, toutes les autres sont minutieusement usinées, installant une atmosphère avant que le riff ou la mélodie s’installent. « The Joshua tree » est un disque très travaillé, où tout a été pesé, mesuré (idem pour toutes les fins de titres, aucun shunt brutal ou fading). Et ça fonctionne. La comparaison qui me vient à l’esprit pour le côté ultra chiadé, c’est « Dark side of the moon » du Floyd. Bon, « The Joshua tree » n’atteindra pas les mêmes scores intersidéraux de vente, mais il s’en dépotera quand même une grosse vingtaine de millions dans le monde, ce qui le situe largement dans le Top 50 des disques les plus vendus de tous les temps.


Second titre et second hit « I still haven’t found what I’m looking for » fait évidemment partie des classiques de U2, en forme d’hymne qui pour une fois reste sobre et permet de mesurer à quel point Bono est devenu un très grand chanteur.

Bono est encore à la manœuvre et éclabousse « With or without you » de sa présence vocale. Une ballade de format tout ce qu’il y a de classique avec son crescendo, et même si elle ne vaut pas « One » sur « Achtung baby », reste un des incontournables du groupe.

Bon, et une fois qu’on a passé les trois classiques, il reste quoi de bon dans « The Joshua tree » ? Ben m’sieur, à peu près tout le reste.

Perso, j’aurais tendance à zapper « In God’s country » énième single paru, parce que c’est le titre qui renvoie le plus à ce qui avait fait le succès et la trademark sonore des Irlandais. Ce titre aurait pu figurer sur n’importe lequel de leurs disques précédents, il n’est pas indigne, mais à mon sens en deçà de tous les autres.

Dans le même registre (qui assurent la transition avec le passé), mais avec la touche d’originalité qui fait la différence « Exit » (morceau mené une fois n’est pas coutume par la basse avant l’explosion tachycardique), et le lyrique « Red hill mining town » (dans la lignée « War » - « Unforgettable fire »).

J’ai une tendresse particulière pour « Bullet the blue sky », avec son gros riff de guitare saturée, son tempo lourd, sa batterie en avant, pour un rendu très post-punk, pas très éloigné dans l’esprit de ce que faisait Nick Cave du temps des Birthday Party.


« « Running to stand still » est le titre le plus américain de ce disque très américain. Intro au dobro, ballade country crépusculaire et mutante, hantée par les yodels de Bono et son final avec harmonica en avant.  Un harmonica qu’on retrouve sur « Trip through your wires », couplée à un gros son de batterie très Lillywhite style, et une mélodie qui il me semble bien sera décalquée sur l’un de leurs hits à venir, « Angel of Harlem » (sur le disque suivant, le foutraque « Rattle and hum »).

« One tree hill » est une ballade en hommage à Greg Carroll (à qui le disque est dédié), un Australien membre de leur staff de tournée et qui a fait une Duane Allman. C’est une chanson au rythme triste (le contraire eût été malvenu), mais qui évite le piège du lamento larmoyant.

Le dernier titre de la rondelle (« Mothers of the disappeared ») est le titre politique du disque. Il fait référence à toutes ces femmes argentines, qui après le coup d’Etat de Videla qui avait fait disparaître (emprisonnés ou pire) leurs enfants, maris, parents, tournaient tous les jours en rond sans un mot sur la Plaza de Mayo à Buenos Aires (toute manifestation ou revendication étant évidemment interdite). Cette dignité révoltée et silencieuse avait fortement marqué le groupe lors d’une tournée en Amérique du Sud et ils en ont tiré une chanson, longue ballade triste. Ce titre dans l’esprit de « Sunday bloody Sunday » est une incursion de U2 dans la « politique ». Pour le meilleur et pour le pire, Bono n’en sortira pas intact et va dans les années suivantes se prendre pour un chef d’Etat et aller discutailler d’égal à égal avec les grands de ce monde. Pas sûr que ce soit ni sa place ni son rôle …

N'empêche quel grand disque que ce « Joshua tree » …


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