Te souviens-tu ...
Parce que Hüsker Dü ça veut à près dire ça dans une
de ces langues nordiques (norvégien ?) avec plein de trémas et de o barrés
… Hüsker Dü est un de ces groupes maudits, parce qu’à peu près oublié, par les
livres d’Histoire. Pourtant il est reconnu que ses enfants musicaux (par les
intéressés eux-mêmes) qui sont par ordre d’apparition les Pixies, Nirvana, et
tous les suiveurs-successeurs de ces deux-là ce qui fait quand même pas mal de
monde, doivent beaucoup à Hüsker Dü…
La « carrière » de Hüsker Dü est contenue
dans les années 80 (discographiquement de 82 à 87, huit disques dont deux
doubles en 6 ans, copieux …) et leurs contemporains, alors qu’ils commençaient
à être connus, aimaient à les englober dans cette litanie de losers magnifiques
de cette décade « maudite », comme au hasard, les Replacements. Avec
lesquels ils partageaient une proximité géographique certaine (Saint Paul pour
Hüsker Dü, Minneapolis pour les Replacements, les deux villes principales du
Minnesota, de part et d’autre du Mississippi).
Norton, Hart & Mould : Hüsker Dü |
Hüsker Dü, c’est un trio. Bob Mould, guitariste en
apprentissage de calvitie et d’embonpoint (tiens, comme Black Francis des
futurs Pixies), Greg Norton, bassiste taiseux dont le seul point notable est
d’arborer une grotesque moustache très Second Empire, et Grant Hart, batteur chevelu
et défoncé notoire. Mould et Hart se partagent à parts à peu près égales
compositions et chant, et sur la fin de leur parcours, on verra leurs
différences (Mould plutôt rentre-dedans, Hart beaucoup plus mélodique). Sur ce
« Zen Arcade », ils ont écrit chacun à peu près un tiers des titres
et cosigné les autres.
A ses débuts, le groupe est influencé par la scène
punk hardcore locale, et par les « célébrités » nationales du genre
comme Black Flag et les Dead Kennedys. C’est d’ailleurs sur SST le label formé par
Greg Ginn guitariste de Black Flag, que paraîtront quelques-uns de leurs disques,
dont ce « Zen Arcade ». Pour situer leur « gloire » et les
moyens qui vont avec, les 23 titres de ce double vinyle seront enregistrés en
quelques dizaines d’heures de studio pour un budget de quelques centaines de
dollars. Tout est capté live en studio, auto-produit, autant dire qu’on est pas
dans la fioriture sonore. L’objectif optimiste du groupe était d’en presser (et
d’en vendre) entre trois et cinq mille copies. En vinyle évidemment, d’où un
découpage sonore rattaché aux quatre faces. Les deux premières plutôt (très)
rêches, la troisième plus mélodique, et la quatrième disons, … expérimentale. Parenthèse :
plutôt qu’au niveau dynamique et qualité sonore, c’est avec ce genre de disques
que le Cd montre ses limites par rapport au vinyle, ici tout s’enchaîne sans
pause physique ou temporelle (plus besoin de se lever pour changer le disque ou
le retourner) … Autant dire que pour s’enquiller les soixante-dix minutes de
« Zen Arcade », faut laisser de côté tout ce qui a trait à la hi-fi
de luxe. « Zen Arcade » est un disque qui se mérite … et se subit.
Des lustres plus tard, des revues ayant pignon international sur rue en feront
un des disques majeurs de la décennie, Rolling Stone (il me semble) le citant
même comme un des cent disques les plus essentiels du rock … Mouais …
Pour les puristes (intégristes ?) « Zen
Arcade » est la quintessence, la substantifique moelle de Hüsker Dü.
Perso, je préfère ceux qui suivent, avec mention particulière pour leur dernier
(un autre double vinyle « Warehouse : Songs ans Stories ») que
les fan(atique)s du groupe détestent (paru sur une major, commercial, Mould et
Hart se parlent quasiment plus, …).
Parce « Zen Arcade » est d’une sauvagerie austère (l’enregistrement en direct guitare-basse-batterie sans overdubs). Beaucoup de titres arrivent juste à deux minutes, et sont généralement des brûlots de punk hardcore (un tempo frénétique, une guitare tronçonneuse, et des vocaux glapis dont s’inspirera très fortement Black Francis aux débuts des Pixies). Dans cette rubrique on remarquera particulièrement « What’s going on » (rien à voir avec Marvin Gaye), « Beyond the treshold », « Indecision time » (à faire passer le Nirvana de « In Utero » pour du Pink Floyd), ou la doublette introductive « Something I Learned today » / « Broken home, broken heart », le dragster sonore « Masochism world » ... On trouve aussi l’ébauche des fameux quiet-loud qui feront la fortune (et la malheur) de Kurt Cobain, même si chez Hüsker Dü on serait plutôt dans le loud-encore plus loud. Témoins « The biggest lie » ou l’instrumental « Dreams reocurring ». Tous ces titres concentrés sur ce qui était le premier vinyle.
Sur la seconde partie de « Zen Arcade »,
on voit émerger (bien planquées cependant sous la gangue bruitiste) les
mélodies et les chansons. Et à ce titre « Somewhere » ou « Pink
turn to blue » pourraient être qualifiés de titres radiophoniques (le
tempo se ralentit, on distingue nettement couplets et refrains, y’a même des
harmonies vocales). Et puis, y’a même le batteur qui a trouvé quelque part un
vieux piano pas très bien accordé et qui nous joue à un doigt une paire de courts
instrumentaux, qui on s’en doute, ne vont pas attirer les connaisseurs de
Chopin. On peut aussi rattacher à cette partie l’avant-dernier titre, le punk
mélodique de « Turn on the news » dont Offspring (pour ne citer que
les plus connus des copieurs) fera son fonds de carrière en le dupliquant à l’infini.
Deux titres sont plutôt à part. « The tooth
fairy and the princess » est une sorte de déclamation sur fonds de trafics
sonores à la « Revolution n°9 » de Lennon. Heureusement, il dure
moins longtemps. On peut pas en dire de « Reoccuring dreams » qui clôture
le disque pendant quatorze minutes. Basé sur une relecture instrumentale du
précédent « Dreams reocurring », il en recycle la structure rythmique
pendant que Mould se livre à un concerto de feedback. On touche là quasi au
supplice chinois sonore …
Ah, et j’ai oublié, « Zen Arcade » est
censé être un concept album narrant les pérégrinations d’un quidam dans ce
monde qu’il ne comprend pas et qui n’est pas fait pour lui. Comme les paroles
des morceaux sont plutôt de l’école Ramones (cinquante mots maxi), c’est moins
plombant au niveau littéraire que d’autres pensums du même genre (de « Tommy »
aux funestes rondelles prog …).
Je ne préconise pas une écoute quotidienne de « Zen
Arcade », mais le disque méritait vraiment de sortir de l’obscurité pour
laquelle il semblait être destiné …